
Pourquoi Mark Carney n'était-il pas à Washington ?
Tous les principaux alliés de l'Ukraine étaient à la Maison-Blanche lundi afin d'appuyer le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans ses discussions avec l'administration Trump sur l'avenir de l'Ukraine.
La France. La Grande-Bretagne. L'Allemagne. L'Italie. L'Union européenne. L'OTAN. Ils étaient tous à la table, à distribuer les compliments à Donald Trump dans l'espoir de l'amadouer (c'est ainsi qu'on négocie avec ce président).
Il y avait un grand absent : le Canada.
Mark Carney aurait-il dû être à Washington lui aussi, aux côtés des leaders européens ?
J'ai contacté quatre experts en relations internationales et en science politique pour en discuter.
Trois d'entre eux estiment que Mark Carney aurait dû être à cette réunion à Washington d'une importance cruciale pour l'avenir de l'Ukraine.
« Ç'aurait été dans l'intérêt du Canada d'être présent, de signifier que le Canada sera un acteur sérieux dans ce dossier, qu'on est prêt à protéger le continent européen », dit Justin Massie, professeur en science politique à l'UQAM et codirecteur du Réseau d'analyse stratégique.
PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE
Le premier ministre Mark Carney, à Ottawa lundi
« Symboliquement, si on voulait envoyer un message fort, M. Carney aurait dû être là », dit Patrick Leblond, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa et expert du commerce international.
« C'est sûr que le Canada aurait dû être là », résume Dominique Arel, professeur en science politique et titulaire de la Chaire d'études ukrainiennes à l'Université d'Ottawa.
Le professeur Frédéric Mérand inscrit sa dissidence : il ne se formalise pas de l'absence de Mark Carney à la Maison-Blanche.
« Le Canada se retrouve dans une situation à laquelle il est habitué, celui du joueur marginal qui est écarté », dit M. Mérand, directeur du département de science politique de l'Université de Montréal. « Cette unité européenne était impressionnante. C'était important pour Zelensky de ne pas se faire refaire le coup de février, qu'il arrive bien entouré. L'important, c'était le groupe, pas un pays en particulier. Je ne vois pas la valeur ajoutée qu'aurait amenée le Canada. »
Pourquoi Mark Carney n'était-il pas à la Maison-Blanche ?
Officiellement, parce que la rencontre de lundi à la Maison-Blanche était « seulement pour les leaders européens », a indiqué par courriel le cabinet du premier ministre Carney. Ce dernier a réitéré son soutien à l'Ukraine et a participé à une réunion virtuelle avec les alliés de l'Ukraine le week-end dernier.
Il est effectivement possible que les Européens aient voulu discuter seulement entre eux avec Donald Trump.
C'est d'ailleurs la lecture du professeur Frédéric Mérand.
Lundi, les leaders européens et l'administration Trump ont discuté des conditions pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Si on trouve un jour une entente avec la Russie, l'Occident devra assurer la sécurité à long terme et la reconstruction de l'Ukraine. Ça prendra des soldats, de l'équipement militaire et beaucoup de milliards de dollars. Qui s'en chargera ? Les États-Unis (on l'espère) et l'Europe. Le Canada contribuera, mais à plus petite échelle.
Personne ne s'attend à ce que le Canada joue un rôle majeur. Dans ce contexte, l'absence du Canada ne me choque pas.
Frédéric Mérand, directeur du département de science politique de l'Université de Montréal
Mais tout le monde n'achète pas l'explication du gouvernement Carney.
Oui, cette rencontre à Washington s'est organisée rapidement après le désastreux sommet Trump-Poutine en Alaska vendredi, où l'administration Trump a reculé et adopté certaines positions de la Russie (l'Ukraine céderait notamment à la Russie des territoires qu'elle contrôle actuellement).
Oui, c'était impératif que les quatre grandes puissances européennes (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie) fassent front commun.
Mais les professeurs Patrick Leblond et Justin Massie estiment que les Européens et l'Ukraine auraient accueilli favorablement la présence du Canada, un pays membre du G7.
Tout le monde convient que les Européens sont très préoccupés par la guerre en Ukraine. Parce qu'elle se déroule dans leur cour arrière, que la Russie a des frontières avec l'Europe et que c'est l'un des premiers conflits majeurs en sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mais le Canada a aussi un fort intérêt à défendre les pays démocratiques et l'état de droit en Europe, dont il veut se rapprocher sur le plan économique et militaire.
Depuis le début du conflit en 2022, le Canada a été l'un des alliés les plus indéfectibles de l'Ukraine. En comptant tous les types d'aide (financière, militaire, humanitaire), le Canada a promis 12 milliards d'euros à l'Ukraine, selon l'Institut de Kyiv. C'est plus d'argent que la France ou l'Italie.
En pourcentage de son PIB, le Canada est le donateur le plus généreux du G7.
Si la guerre se termine, Mark Carney a promis de contribuer militairement à une force de paix en Ukraine, en envoyant possiblement des soldats pour assurer le maintien de la paix. L'Allemagne et l'Italie ne se sont pas avancés aussi loin.
Mais dans une rencontre internationale déterminante pour l'avenir de l'Ukraine, le Canada brille par son absence.
En soi, ce n'est pas la fin du monde. Mais c'est surprenant.
Ça l'est peut-être un peu moins si on se considère l'éléphant dans la pièce en matière de relations canado-américaines : la guerre tarifaire de l'administration Trump.
L'Europe et les États-Unis ont signé le mois dernier un accord commercial limitant les droits de douane américains à 15 % sur les produits européens.
Le Canada, dont l'économie est dépendante de celle des États-Unis, n'est pas parvenu à un accord commercial avec Washington.
Les Européens voulaient-ils être seuls avec Donald Trump ? Le premier ministre Carney avait-il le goût d'aller à la Maison-Blanche discuter de l'Ukraine avec cette perpétuelle épée de Damoclès au-dessus de la tête qu'est la guerre tarifaire ? Tout ce beau monde a-t-il jugé qu'il valait mieux de tenir le Canada à l'écart cette fois-ci ? Votre hypothèse est aussi bonne que la mienne.
Peu importe, le résultat est le même : quand ça compte, on a la désagréable impression que le Canada est absent ou relégué à l'arrière-scène, que son opinion n'est pas importante.
« Si le Canada avait une certaine force militaire, il serait là, dit le professeur Dominique Arel. Mais on est loin du compte. »
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