Place au « Sinal », le duel final en Grand Chelem entre Jannik Sinner et Carlos Alcaraz
Une partie du monde qui avait tant souffert pour Jannik Sinner, passé trois fois d'affilée à un point du Graal terrien avant d'être battu par un Martien espagnol après 5 h 29' d'un match légendaire bouclé au super tie-break, se demandait combien de temps il faudrait au longiligne italien pour se remettre d'un tel K.-O. La réponse est vite arrivée : très peu, après quelques barbecues et quelques matches de ping-pong en famille dans le Tyrol. Les grands fauves sont ainsi bâtis que les plus terribles des désillusions les rendent encore plus forts. Sinon ils ne seraient pas des grands fauves.
Sinner, qui a compartimenté dans un autre coin du cerveau tous les miasmes véhiculés par son contrôle positif rapidement résolu par les autorités (trois mois de suspension), met les oeillères quand se voile le court terme. S'il sourit bien moins que Carlos Alcaraz, et qu'il n'ira sans doute jamais à Ibiza entre deux tournois du Grand Chelem, il assume cette froideur baignée dans la rigueur. « Après Roland-Garros, je me suis entraîné dur, peut-être encore plus qu'avant. Et c'est ce que je ferai après (la finale de Wimbledon) quoi qu'il se passe. » Moins fun, tu ne peux pas. Plus efficace, ce n'est guère possible. À 23 ans et 318 jours, il est le plus jeune joueur de l'ère Open à atteindre quatre finales d'affilée en Majeur.
Après le « Fedal », place au « Sinal »
Où l'attend donc ce nouveau défi rapproché contre Alcaraz, pour un rendez-vous déjà configuré en affiche royale, à l'aube d'une rivalité de « Big 2 » new-look après les bombances du Big 3. Depuis les Federer-Nadal déjà si vite surannés de 2006, 2007, 2008 de Roland à Wimbledon, cet Alcaraz-Sinner est la première finale à l'identique de l'ocre à l'herbe. Le « Sinal » a succédé au « Fedal ».
Après les retraites de Federer et Nadal, la gestion compliquée par Djokovic de ce corps sacré qui lui a tant donné avant de lui faire quelques misères ou la mise au diapason des malheureux coincés entre le marteau et l'enclume (Alexander Zverev, Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas), et avant l'avènement de garnements encore plus puissants et plus brillants, deux maillots jaunes se sont nettement échappés en tête du peloton. Ils découragent la concurrence et se regardent droit dans les yeux dès lors qu'ils se retrouvent pour se lancer à la conquête du record de titres dans les tournois du Grand Chelem qui ne leur échappent plus depuis l'US Open 2023.
« Il n'y a qu'Alcaraz pour prendre Sinner de vitesse, et il n'y a que Sinner pour prendre Alcaraz de vitesse »
Gilles Cervara, entraîneur de Daniil Medvedev
« Il n'y a qu'Alcaraz pour prendre Sinner de vitesse, et il n'y a que Sinner pour prendre Alcaraz de vitesse, raconte Gilles Cervara, l'entraîneur de Medvedev, pour résumer le choc des titans. Ce que j'avais dit à Daniil pour essayer de battre Alcaraz, et que Sinner fait très bien, c'est que dès qu'il y a une brèche dans l'échange, ou un coup plus exploitable, il faut y aller, quitte à rater. Car si tu n'y vas pas, eh bien derrière de toute manière, et sur n'importe quelle balle, Alcaraz peut te crucifier en un coup... »
Et c'est la même analyse en renversant les rôles. Face à Sinner, qui pousse à la limite à chaque coup, il faut frapper chaque balle parfaitement pour rester en vie dans le point. Il devient de plus en plus difficile pour les autres de résoudre l'énigme. Depuis sa défaite face à David Goffin à Miami tandis qu'on craignait pour lui une espèce de relâchement, l'Espagnol n'a lâché qu'une fois en trente-quatre matches, tandis que Sinner n'a perdu que neuf fois depuis le début de la saison 2024. Mais cinq fois de suite face à... Alcaraz.
On tient là sans doute LA clé du match, même s'il est sans doute hardi de parler de complexe italien. L'Espagnol, avec ses arabesques et sa palette de coups venimeux, a le facteur X qui sait faire fondre l'iceberg aux schémas monolithiques. Face au cyborg, jamais il ne cédera au moindre moment d'égarement qui noircit çà et là ses prestations enchanteresses. Matérialisée par son ratio XXL (35 victoires en 38 matches sur gazon) et ses deux trophées dans le Temple, sa classe verte, sur une surface encore plus adaptée aux showmen créatifs, est de nature à lui offrir un ascendant dans un match où il faudra d'abord s'appliquer à taper très fort au service. Il n'a jamais connu la défaite en cinq finales de Grand Chelem. Même s'il s'en est fallu d'un souffle à Paris...
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