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La guerre des langues repart sur l'enseignement du français en Suisse alémanique

La guerre des langues repart sur l'enseignement du français en Suisse alémanique

24 Heures27-07-2025
Dans douze cantons alémaniques sur 19, l'apprentissage de la langue de Molière en primaire est menacé. Le rôle du PLR est pointé du doigt. Publié aujourd'hui à 16h03
Un élève du primaire lors d'un cours de français en Suisse alémanique.
TAMEDIA AG
En bref:
Parler d'enseignement en plein cœur des vacances scolaires peut paraître étonnant. Mais le faire juste avant le 1er Août prend tout son sens. Car c'est une question de cohésion nationale qui agite le pays. L'affaire touche à l'enseignement du français outre-Sarine. Un compromis avait été trouvé en 2004, mais la hache de guerre a été déterrée.
Ainsi, dans douze cantons alémaniques sur 19, des propositions sont pendantes pour supprimer l'enseignement de la langue de Molière au primaire. Si la plupart n'en sont encore qu'au stade du Lé gislatif , deux cantons les ont déjà mises en œuvre: Appenzell Rhodes-Intérieures et Uri.
Si d'autres devaient suivre, c'est tout le concordat intercantonal qui volerait en éclats. Ce dernier prévoit en effet que deux langues étrangères doivent être introduites en primaire, dont une langue nationale. Et si la nouvelle donne est à même d'inquiéter les Romands, c'est qu'aujourd'hui déjà, l'anglais est préféré au français comme première langue enseignée (voir ci-dessous) . «Le PLR a joué avec des allumettes dans la grange»
Cette inquiétude est partagée par Christophe Darbellay. Le conseiller d'État valaisan est en effet le président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP). Depuis l'émergence de ces velléités contre ce que les Alémaniques appellent le «français précoce», il ne cesse de rappeler l'importance d'un tel enseignement pour la cohésion nationale.
Contacté, il développe: «Cette situation est l'un des effets de la globalisation, qui entraîne une perte d'identité. C'est dans ce genre de situation qu'il faut se souvenir de ce qu'est notre pays: apprendre les langues nationales, c'est bien plus qu'une question pédagogique, c'est un fondement de notre Willensnation », explique le Valaisan.
Christophe Darbellay est aussi sévère à l'égard du PLR, qui – sous l'impulsion de son président, Thierry Burkart – s'est engagé contre l'enseignement des langues étrangères au primaire. «Il a joué avec des allumettes dans la grange, lâche-t-il. Après un long débat, les cantons se sont mis d'accord sur un compromis voici vingt ans. Thierry Burkart a décidé de le torpiller en instrumentalisant l'école à des fins électorales. Si mes collègues PLR romands sont exemplaires, et résistent à ce discours, ce dernier est en train de s'immiscer dans les cantons alémaniques, même ceux qui sont proches de la Suisse romande.»
Christophe Darbellay, conseiller d'État valaisan et président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l'Instruction publique.
Florian Cella / Tamedia
L'assemblée du PLR a en effet adopté le 22 juin 2024 un papier de position sur l'enseignement intitulé: «L'école obligatoire est à bout de souffle: retour à sa mission initiale» . Un des points exige qu'à l'école primaire, la priorité soit donnée à l'apprentissage de la première langue. Les autres devant être enseignées plus tard.
Directement pointé du doigt, comment réagit Thierry Burkart? Nous avons posé la question au service de communication du PLR. Ce dernier réfute toute pression du président sur l'adoption de ce papier de position réalisé par un groupe de travail dont l'Argovien ne faisait pas partie. Il rappelle aussi que le document a été validé par les membres du PLR par 249 voix contre 4, et 7 abstentions.
Sur le fond, le PLR maintient ses arguments pour retarder l'enseignement des langues étrangères. Son discours recoupe celui en provenance des cantons qui doutent du français précoce. L'idée est de se concentrer sur les connaissances de base à l'école obligatoire, afin de les consolider. Ces dernières se sont dégradées ces dernières années, comme l'a encore montré récemment une étude de la CDIP .
Le PLR rappelle aussi qu'en 2019, un rapport de l'Institut du plurilinguisme à Fribourg arrivait à la conclusion que le français précoce ne présentait pas d'avantage mesurable. Ainsi, selon ses auteurs, les enfants qui commencent le français dès la 3e année scolaire (5e HarmoS), et qui ont donc davantage de leçons, ne le maîtrisent pas mieux à la fin de leur scolarité que ceux qui le commencent deux ans plus tard.
Le parti ne voit pas non plus d'attaque à la cohésion nationale, étant donné qu'on parle de l'enseignement des langues étrangères en général, et non pas simplement du français. D'ailleurs, l'assemblée du PLR a expressément prévu que les cantons dits «ponts», à savoir bilingues ou trilingues, puissent tenir compte de leur situation spécifique dans la mise en œuvre de cette revendication. Ainsi, si une seule langue étrangère doit être maintenue à l'école obligatoire, alors il doit s'agir d'une langue nationale. Et de rappeler que le PLR demande également dans ce papier de position l'examen d'un renforcement des échanges linguistiques afin de favoriser la cohésion nationale. L'anglais comme langue de communication en Suisse?
En Suisse romande, le PLR est à la tête de l'Instruction publique dans trois cantons: Vaud, Genève et Neuchâtel. Nous avons demandé aux responsables des deux premiers ce qu'ils pensaient de ces menaces contre l'enseignement du français à l'école obligatoire, et sur le rôle joué par leur parti.
Du côté de Genève, Anne Hiltpold «n'a pas de commentaire à faire», nous répond son service de presse.
Frédéric Borloz, chef du Département de l'enseignement et de la formation professionnelle du canton de Vaud.
Yvain Genevay / Tamedia
Le Vaudois Frédéric Borloz, lui, est plus prolixe. Et il le dit clairement: il faut s'inquiéter de cette situation. «Apprendre une autre langue nationale, c'est une nécessité en Suisse au nom de la cohésion nationale. Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faut reculer. Bien au contraire, on doit chercher à s'améliorer. C'est la responsabilité de nos cantons de trouver des solutions pour améliorer l'enseignement de l'allemand en Suisse romande, et du français en Suisse alémanique. Il faut être innovant, créatif et assumer un certain volontarisme.»
Frédéric Borloz n'hésite pas non plus à se mettre en porte à faux avec son parti. «Il faut être réaliste. Retarder le début de l'apprentissage d'une langue nationale, le reporter au minimum de deux ans, donc démarrer au secondaire I, ce sera forcément affaiblir cette langue. Car les grilles horaires en 9e, 10e et 11e (ndlr: HarmoS) sont trop chargées pour que l'on puisse augmenter significativement la dotation dans la langue nationale à apprendre. À la fin, les compétences de nos jeunes dans l'autre langue nationale diminueront, et l'anglais s'imposera toujours davantage. La Suisse, ce n'est pas favoriser la communication entre Confédérés en anglais. Ce n'est en tout cas pas le pays que je souhaiterais pour les dix ou vingt prochaines années.» Elisabeth Baume-Schneider, prête à intervenir pour le français
À quelques semaines de la rentrée scolaire, et alors que le fossé semble s'élargir entre les différentes visions de l'enseignement – le PLR n'est de loin pas la seule force politique à demander de revoir l'enseignement des langues – la Confédération devrait-elle hausser le ton? Christophe Darbellay en est convaincu. Pour lui, il serait temps que la conseillère fédérale chargée du dossier, Elisabeth Baume-Schneider, sonne la fin de la récréation, comme Alain Berset l'avait fait voilà dix ans.
Elisabeth Baume Schneider, conseillère fédérale chargée de l'Intérieur.
Franziska Rothenbühler
Questionnée à ce sujet lors de la session de juin par Martin Candinas (Le Centre/GR), la conseillère fédérale s'est dite prête à bouger . «Actuellement, certains cantons remettent en question l'ordre dans lequel on apprend le français et l'anglais, mais pas seulement: surtout, ils pensent à les introduire à l'école secondaire. Concernant cet élément, le Conseil fédéral estime qu'il doit intervenir.» Bien que l'école soit une compétence des cantons, l'article 62 de la Constitution précise en effet que «si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire […], la Confédération légifère dans la mesure nécessaire.»
Saisissant la balle au bond, Martin Candinas a alors déposé une interpellation pour savoir «comment et quand la Confédération doit intervenir». Et preuve que cette question de l'enseignement des langues dépasse largement la querelle pédagogique, son intervention parlementaire a été cosignée par 48 élus issus de tous les partis et de toutes les régions linguistiques. L'anglais l'emporte déjà sur le français
Le «concordat sur les langues» est un accord conclu en 2004 entre les différents cantons pour harmoniser l'enseignement des langues étrangères. Appelé HarmoS en Suisse romande et Lehrplan 21, il exige notamment l'enseignement de deux langues étrangères à l'école obligatoire.
Selon cet accord, une de ces langues doit être une langue nationale (allemand, français, italien ou romanche), la seconde peut être l'anglais ou une autre langue nationale. La première est souvent enseignée dès la 3e (5e HarmoS), la seconde peu après, en général la 5e (7e HarmoS).
En Suisse romande, l'allemand est partout la première langue enseignée à l'école. De l'autre côté de la Sarine, la réciproque est minoritaire. Seuls les cantons bilingues de Berne, de Fribourg, du Valais, ainsi que les cantons limitrophes de la Romandie, comme Soleure, Bâle-Campagne et Bâle-Ville, font de même. Dans le reste des cantons alémaniques, la langue de Shakespeare est enseignée avant le français. Les profs alémaniques ne veulent plus du français en primaire
Dans cette situation déjà tendue autour de l'apprentissage des langues, c'est un sondage réalisé en Suisse alémanique qui n'a rien de rassurant. Deux tiers des enseignants seraient opposés au maintien de deux langues étrangères à l'école primaire. Et si une seule devait être gardée, l'anglais serait préféré au français.
Ces résultats publiés fin juin sont le fruit d'une enquête menée par Starke Schule beider Basel (SSbB) , une association bâloise active sur les dossiers pédagogiques et qui se décrit elle-même comme «critique» vis-à-vis du concordat intercantonal.
Le sondage a été lancé après la publication de l'étude de la Conférence des directeurs cantonaux de l'Instruction publique , qui montrait les lacunes des élèves dans plusieurs domaines, dont les langues étrangères. Près de 900 habitants des cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne y ont participé. Mais ce qui le rend pertinent, c'est qu'il y a plus de 80% d'enseignants dans le lot.
On peut retenir trois principales informations:
Déjà, une nette majorité (66,3%) se prononce en faveur d'une réduction du nombre de langues étrangères enseignées au primaire. Les enseignants pointent du doigt la surcharge de travail, pour des résultats peu convaincants et qui seraient obtenus au détriment de l'allemand ou des mathématiques.
Si une seule langue étrangère était encore enseignée dans les écoles primaires, 53,1% souhaiteraient que ce soit l'anglais, contre 34,5% le français; 12,4% n'ont pas de préférence. L'anglais est plus accessible et motive davantage les élèves à le parler, est-il précisé, notamment en raison de sa présence dans les médias et de son usage quotidien.
Enfin, à la question de savoir «Quand faut-il commencer la première langue étrangère?», seuls 30,1% répondent en 3e année (5e HarmoS). Avec 37,6%, c'est la 5e année (7e HarmoS) qui est préférée comme point de départ.
«En raison du très grand nombre de participants, l'enquête peut être considérée comme significative», précise l'association. Et le fait qu'elle ait été réalisée à Bâle, un canton proche géographiquement et culturellement de l'espace francophone, n'a rien de rassurant pour les partisans de l'enseignement du français en primaire.
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Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes. Plus d'infos
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