logo
Pourquoi une élue veut en finir avec la prison pour les petites amendes

Pourquoi une élue veut en finir avec la prison pour les petites amendes

24 Heures12 hours ago
Jessica Jaccoud (PS/VD) propose de supprimer les peines de substitution pour les amendes de moins de 5000 francs. À droite, on dénonce une prime à la délinquance. Publié aujourd'hui à 09h31
Les prisons, surtout dans les cantons de Vaud et de Genève, sont surchargées. Une idée émerge pour les désengorger.
Michael Trost / Tamedia AG
En bref:
Prendre le bus sans ticket peut mener tout droit à la prison. Imaginons un cas fictif. Martin est en retard pour son travail. Il oublie de prendre son billet de transport. Pas de chance, les contrôleurs sont de sortie et Martin se fait coller. Le problème, c'est qu'il n'a pas assez d'argent sur son compte bancaire pour payer l'amende. Il effectuera une peine de substitution – c'est-à-dire plusieurs jours en prison – pour rembourser sa dette.
Pour Jessica Jaccoud (PS/VD), une telle situation est absurde. «Le rôle de la prison est de sanctionner les délits et les crimes les plus graves. Pas la pauvreté!» La conseillère nationale a donc déposé, le mois dernier, une motion exigeant que les contraventions jusqu'à 5000 francs ne puissent plus être transformées en peines privatives de liberté de substitution.
Pourquoi 5000 francs? Car c'est la limite à partir de laquelle une inscription est faite dans le casier judiciaire. «On peut alors parler d'infractions suffisamment graves pour que leurs auteurs aillent en prison en cas de non-paiement. C'est une forme de compromis.» Désengorger les prisons
En plus d'être sociale, la proposition permettrait de désengorger les prisons et de faire économiser des sous à la communauté, estime l'élue socialiste, avocate de profession. «En 2023, 42% des exécutions de peines concernaient des peines de substitution d'une amende, comme décision principale. On parle, par exemple, d'une contravention pour excès de vitesse. Mais aussi, et surtout, pour avoir resquillé dans les transports publics (voir ci-dessous) . Or, les prisons sont surchargées.»
Une situation particulièrement tendue à Genève , où le taux d'occupation des établissements atteint 115%, et dans le canton de Vaud (112%).
Actuellement, une simple amende de bus, en cas d'incapacité à la régler, peut se transformer en peine de prison.
Lucien FORTUNATI
Côté économies, le calcul est vite fait. «On fait un jour de prison par 100 francs d'amende, rappelle Jessica Jaccoud. Or, un jour de prison coûte en moyenne 200 francs aux collectivités publiques. Pour une contravention de 500 francs, il faudra donc faire cinq jours de prison. Mais ça coûterait deux fois plus cher, soit 1000 francs, à la société. Et là, on ne prend pas en compte les frais de procédure des ministères publics.»
Pour toutes ces raisons, la députée propose de sanctionner les resquilleurs par voie de poursuite, et non par voie pénale. Une solution également avancée comme piste de réflexion par le Conseil fédéral, dans une réponse à une autre intervention de Jessica Jaccoud sur le sujet. Mais il faudra avant tout convaincre le camp bourgeois. Pour l'instant, c'est plutôt le scepticisme, voire l'hostilité, qui règne dans ses rangs. «Prime à la délinquance»
«La mesure pourrait être un mauvais incitatif, juge Vincent Maitre (Le Centre/GE). Sans peine de substitution, la première infraction serait «gratuite». Une sorte de prime à la délinquance. Il suffirait de ne pas payer.» Lui aussi avocat, il reconnaît toutefois que faire de la prison ferme pour une amende de moins de 5000 francs n'est peut-être pas la sanction la plus proportionnée. «Une peine de substitution sous forme de travail d'intérêt général serait probablement plus adéquate et plus utile.»
Philippe Nantermod (PLR/VS) s'oppose aussi à la motion socialiste. «Les personnes qui ne peuvent pas s'acquitter de leurs amendes sont endettées et ne peuvent pas être saisies. Si elles ne font pas de prison, elles ne seront tout simplement pas sanctionnées, car elles ne peuvent rien payer.» Quant à la question des travaux d'intérêt général, il laisse la porte ouverte: «Mais il est probablement plus compliqué de convertir l'amende en travail d'intérêt général qu'en peine privative de liberté.»
Du côté des entreprises de transports publics, la proposition semble ne pas convaincre non plus. «La voie pénale est la seule qui offre un levier à l'égard de contrevenants indifférents au respect des conditions tarifaires et des injonctions de paiement, juge François Mutter, porte-parole des Transports publics genevois. Les autres voies administratives, comme les arrangements de paiement ou les travaux d'intérêt général, sont inopérantes dans ces cas. D'autant plus qu'elles génèrent des frais supplémentaires à charge de notre entreprise.»
Jessica Jaccoud est malgré tout déterminée à mener son combat jusqu'au bout. «Envoyer les contrevenants insolvables en prison n'est pas une solution. Cela ne fait qu' aggraver leur situation , déjà souvent précaire. De plus, les chiffres et les études le démontrent, cela n'a aucun effet dissuasif sur les auteurs.» Au parlement de trancher. Des dizaines de milliers d'amendes à Lausanne et à Genève
Trouver des statistiques sur les peines de substitution en fonction du type de contraventions est une mission quasi impossible. L'Office fédéral de la statistique n'a pas de données aussi détaillées. Il nous a seulement précisé que plus de 3800 personnes en ont exécuté une en 2023. Et que la durée médiane qu'elles ont passée derrière les barreaux était de quatre jours.
Les amendes pour fraude des transports publics étant avancées comme l'une des principales raisons des peines de substitution par Jessica Jaccoud, nous nous sommes tournés vers l'Alliance SwissPass. Elle nous renvoie aux différentes entreprises de transport, le contrôle et l'encaissement des amendes étant de leur ressort. Or ces dernières ne sont pas toujours loquaces. Les CFF nous redirigent vers… l'Alliance SwissPass. Les Transports publics lausannois ne donnent pas d'informations sur les procédures de dénonciations. Ils informent seulement avoir établi plus de 47'000 constats en 2024, les oublis d'abonnement constituant 23% des cas.
Les Transports publics genevois sont plus prolixes. Chaque année, ils établissent environ 45'000 constats, oublis d'abonnement exceptés. Parmi eux, 10'000 font l'objet d'actions de recouvrement. Les arrangements à l'amiable sont privilégiés. La moitié des cas font toutefois l'objet de dénonciations pénales. Il s'agit principalement de multirécidivistes ou de personnes communiquant de fausses données lors des contrôles. Tous ne finiront pas forcément en prison, les TPG tentant encore de trouver des alternatives.
Ces amendes qui mènent en prison Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Trois détenus de la prison de Sion ont tenté de s'évader par le toit
Trois détenus de la prison de Sion ont tenté de s'évader par le toit

24 Heures

time2 hours ago

  • 24 Heures

Trois détenus de la prison de Sion ont tenté de s'évader par le toit

La police a été alertée par le personnel, alors que trois détenus se trouvaient sur le toit de l'établissement. Deux d'entre eux, blessés, ont été transportés à l'hôpital. Publié aujourd'hui à 19h55 Mis à jour il y a 1 minute Vers 8 h 20, dans des circonstances qui restent à établir, trois détenus sont parvenus à monter sur le toit de l'établissement, dans le but de tenter une évasion (image d'archives). KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT Trois détenus de la prison de Sion ont tenté de s'évader dimanche matin. La centrale d'engagement de la police cantonale a été alertée par le personnel de la prison, alors que les trois individus étaient parvenus à monter sur le toit de l'établissement, indique la police valaisanne dans un communiqué. Immédiatement, un important dispositif policier a été déployé. L'intervention a duré près de trois heures et demie. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Les trois détenus, qui se trouvaient en détention provisoire depuis plusieurs mois, ont été interpellés. Deux d'entre eux ont été blessés au cours de leur action et ont été conduits à l'Hôpital de Sion par ambulance. La police valaisanne indique que la population n'a, à aucun moment, été mise en danger. Le Ministère public a ouvert une instruction afin de clarifier les circonstances de la tentative d'évasion. Évasions de prisons Newsletter «La semaine valaisanne» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton du Valais, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Alain Soral est recherché en France pour «apologie du terrorisme»
Alain Soral est recherché en France pour «apologie du terrorisme»

24 Heures

time3 hours ago

  • 24 Heures

Alain Soral est recherché en France pour «apologie du terrorisme»

Selon BFMTV, l'idéologue d'extrême droite, installé à Lausanne, est soupçonné d'avoir participé à la diffusion de messages pro-iraniens. Publié aujourd'hui à 18h55 Alain Soral à son arrivée pour son procès en appel à Lausanne en 2023. Le Tribunal fédéral a finalement confirmé sa condamnation pour des propos homophobes tenus contre une journaliste de la «Tribune de Genève». AFP En bref: En France, les plaintes s'accumulent contre Alain Bonnet, dit Soral. Multirécidiviste, l'idéologue de la droite extrême, qui vit en Suisse, dans la région lausannoise, est accusé cette fois-ci de «provocation au terrorisme » et d'«apologie du terrorisme», selon un article de BFMTV publié début juillet sur son site internet. Il serait soupçonné d'avoir participé à la diffusion de messages pro-iraniens sur une chaîne de l'application Telegram. Des propos émis depuis le compte «Axe de la résistance» à la suite du massacre du 7 octobre 2023 commandité en Israël par le Hamas. Le point de départ de cette nouvelle affaire est l'enquête ouverte par le Parquet de Paris fin 2023 contre une activiste iranienne basée à Lyon, accusée d'avoir agi sur les réseaux sociaux pour le compte du régime des mollahs. Toujours selon BFMTV, l'universitaire est incarcérée depuis mars 2025 à la prison de Fresnes. Ce dossier serait l'une des réponses de l'État français à la détention pour espionnage en Iran de deux de ses ressortissants, Cécile Kohler et Jacques Paris. Apologie du terrorisme C'est lors des investigations sur cette propagandiste que le lien a été fait avec Alain Soral, ajoute le journal «Libération» . Plus précisément avec «Égalité et réconciliation», la plateforme internet du polémiste, qui aurait hébergé une émission radio «Axe de la résistance», une déclinaison de la chaîne Telegram administrée par la suspecte. Les membres de l'équipe d'Alain Soral y auraient relayé le discours des Gardiens de la Révolution iraniens, dénonçant «l'entité sioniste» et soutenant «la résistance palestinienne». Soupçonnés de complicité, plusieurs d'entre eux ont été entendus. Le domicile français d'Alain Soral a été perquisitionné. Sur le fond, rien de nouveau. L'auteur de «Comprendre l'empire» est déjà suspecté de sympathiser avec les idées du régime chiite. Par ailleurs, il a souvent développé l'idée d'un supposé complot juif mondial, Israël étant considéré comme l'incarnation étatique de cette réalité qu'il dénonce. En France, il a déjà été condamné pour «haine raciale» pour des déclarations sur les juifs. En juin dernier, à l'issue d'un énième procès, la justice hexagonale a requis un an d'emprisonnement et 4000 euros d'amende pour d'autres attaques jugées antisémites proférées en 2020. Fuir en Suisse L'écrivain n'était pas présent à l'audience cet été. Toujours selon la presse française, il ne répond pas non plus aux sollicitations des autorités hexagonales pour notamment le bien de cette enquête antiterroriste. Les médias l'accusent de s'être installé en Suisse en 2019 pour fuir la justice. L'intéressé ne s'en est d'ailleurs jamais caché. Le Franco-Suisse a déjà publiquement expliqué qu'il a déménagé à Lausanne pour profiter de la protection helvétique: la Confédération n'extrade pas ses ressortissants. Cependant, Paris a la possibilité de recourir à l'entraide judiciaire. Pour cela, une demande devrait être adressée à Berne. Contacté, l'Office fédéral de la justice ne fait aucun commentaire sur des cas particuliers. Selon nos informations, le Ministère public de la Confédération n'a pas ouvert d'enquête pour «provocation au terrorisme». Le Parquet vaudois non plus. En Suisse, Alain Soral a déjà été condamné pour des propos homophobes contre une journaliste de la «Tribune de Genève». Une autre procédure est en cours pour des propos antisémites. Alain Soral conteste Me Renaud de L'Aigle est l'avocat du polémiste en France. Il nous répond que son client «conteste fermement toute provocation au terrorisme». Il ajoute que l'article de BFMTV «serait issu d'une violation du secret de l'instruction». Selon lui, le média ne justifie «d'aucune provocation au terrorisme de la part de [s]on client. Il en est ainsi réduit à évoquer la participation de M. Soral à une liste aux élections européennes de 2009 – qui date donc de seize ans – pour laquelle il a été question d'un financement du gouvernement iranien, ce qui a été démenti.» Alain Soral en Suisse Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Dominique Botti est journaliste à la rubrique vaudoise de 24 Heures, spécialisé dans les enquêtes de terrain, les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Un cycliste chute et perd la vie à Val-d'Illiez
Un cycliste chute et perd la vie à Val-d'Illiez

24 Heures

time4 hours ago

  • 24 Heures

Un cycliste chute et perd la vie à Val-d'Illiez

Un homme de 35 ans a perdu le contrôle de son vélo alors qu'il circulait sur la route des Crosets. Il a lourdement chuté et n'a pas survécu à ses blessures. Publié aujourd'hui à 17h32 Mis à jour il y a 9 minutes Un cycliste, âgé de 35 ans, est décédé après avoir chuté de son vélo à Val-d'Illiez. (image d'illustration) Police cantonale valaisanne Un cycliste a perdu la vie dans un accident de la circulation samedi à Val-d'Illiez. Peu avant 15 h 30, alors qu'il circulait sur la route des Crosets, en direction de Val-d'Illiez, il a, pour une raison encore indéterminée, perdu le contrôle de son vélo et a violemment chuté, indique la police valaisanne dans un communiqué . Les secours ont été immédiatement dépêchés sur les lieux de l'accident. Ils n'ont pu que constater le décès du cycliste, un ressortissant allemand de 35 ans. La route des Crosets a été fermée à la circulation durant toute l'intervention. D'autres actus en Valais Newsletter «La semaine valaisanne» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton du Valais, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Mathilde Schott est journaliste au sein de la cellule numérique de Tamedia. Elle a obtenu son Master à l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel en 2024. Elle a auparavant travaillé pour Keystone-ATS, la RTS, Blick et le Quotidien Jurassien. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store