
Pourquoi les largages aériens à Gaza, auxquels la France va se joindre, sont aussi dangereux qu'insuffisants
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Au-delà de la quantité d'aide infime qu'ils apportent au vu de la famine en cours, ces opérations représentent également un vrai danger pour les populations civiles. De quoi faire dire à certains qu'il ne s'agit que d'une « opération de communication » d'Israël face à la pression internationale.
Dans le détail, la Jordanie et les Émirats arabes unis indiquent avoir largué 25 tonnes d'aide humanitaire sur Gaza dimanche 27 juillet, puis 17 tonnes le lendemain. La France a de son côté annoncé qu'elle organisera « à partir de vendredi 1er août […] 4 vols emportant 10 tonnes de vivres chacun. » L'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore la Belgique vont également se joindre au mouvement.
Une aide très insuffisante
Mais que représentent concrètement ces opérations ? Bien peu, en réalité. En comparaison, un seul camion humanitaire transporte autour de 20 tonnes de denrées humanitaires. Or, l'ONU affirme qu'il faudrait chaque jour 500 à 600 camions (au moins) de nourriture, de médicaments et de produits d'hygiène pour subvenir aux besoins urgents à Gaza. Calcul simple : le largage français de ce vendredi représentera donc… 0,3 % des besoins de la population gazaouie.
Et ce, pour une seule journée. En effet, le Programme alimentaire mondial estime qu'il faudrait acheminer 62 000 tonnes de denrées alimentaires par mois à Gaza pour subvenir aux besoins de base de la population (sans compter les médicaments et autres produits d'hygiène). Or, ces largages aériens sont pour l'instant très ponctuels, quand la population gazaouie a besoin d'un approvisionnement constant et d'un accompagnement médical, notamment pour les personnes en situation de malnutrition.
Le rapport spécialisé IPC (cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire) publié mardi 29 juillet, qui alertait sur le « pire scénario de famine en cours » à Gaza, a abouti à une conclusion claire : les largages aériens « ne seront pas suffisants pour inverser la catastrophe humanitaire ».
Un vrai danger pour les populations civiles
Insuffisants, donc, mais également dangereux. Car si ces largages aériens sont vivement critiqués, c'est aussi car ils sont très risqués. Et tout d'abord par le principe même de parachuter des colis de plusieurs tonnes sur un territoire très densément peuplé. Rappelons que l'espace sûr de la bande de Gaza s'est réduit à 12 % du territoire. Le moindre dysfonctionnement d'un parachute et c'est le risque d'un accident mortel.
C'est ce qui s'était par exemple passé le 8 mars 2024, dans le camp de réfugiés d'Al-Chati, à l'ouest de la ville de Gaza. Le parachute d'un des colis envoyés par voie aérienne ne s'est pas ouvert, et « la cargaison est tombée comme une roquette sur le toit d'une des maisons », racontait alors à l'AFP un témoin ayant assisté à la scène. Résultat : 5 morts et 10 blessés, dont certains gravement.
Même si les colis parachutés parviennent à rejoindre la terre ferme sans accident, le calvaire est loin d'être terminé. « Imaginez le mouvement de foule qui se produit à la vue des parachutages, puisque tout le monde a besoin de se nourrir. Les gens se précipitent sur les palettes, donc ça entraîne des situations chaotiques, et ce n'est certainement pas toujours les plus vulnérables qui vont avoir accès tout de suite à l'alimentation », explique à franceinfo Aymeric Elluin, d'Amnesty International France.
Même constat pour Youssef, un journaliste palestinien à Gaza qui raconte, toujours à nos confrères, l'ambiance de « fin du monde » qui règne dans ces distributions aériennes. « Dans les largages, il y avait du sucre, de la farine, des boîtes de conserve. Et il y a eu 11 blessés aussi. Il y avait des tirs, des gens qui ont attaqué. Si tu prends un sac de farine, il y a des gens qui viennent te braquer, t'agresser. Il n'y a pas de loi. C'est la farine mélangée avec du sang ».
« Certains en profitent pour s'emparer du butin et le revendre à des prix astronomiques », complète auprès de 20 Minutes Pierre Motin, responsable plaidoyer de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine, dénonçant une « déshumanisation volontaire ».
« Un écran de fumée » du gouvernement israélien
Pour lui, il s'agit d'une « mascarade » orchestrée par le gouvernement israélien. Là se cache le danger peut-être principal de cette opération : laisser penser qu'Israël fait un pas en avant, alors que la situation est toujours aussi dramatique… et que l'immense majorité des camions d'aide humanitaire sont toujours bloqués à l'entrée de Gaza. « C'est une sorte d'écran de fumée, une opération de communication mis en place par les autorités israéliennes », résume ainsi Jean-François Corty, président de Médecins du monde, auprès de 20 Minutes.
Un constat largement partagé. Jean-Guy Vataux, chef de mission de Médecins Sans Frontières pour la Palestine et Jérusalem, dénonce pour sa part une « initiative ridicule » et « cynique » auprès de franceinfo: « Dire que ce qui manquait pour amener de la nourriture à Gaza, ce serait des avions, c'est un mensonge. Il faut une décision politique que le gouvernement [de Benyamin Netanyahu] n'a pas toujours pas prise. »
« Une famine provoquée par l'homme ne peut être résolue que par la volonté politique », insiste de son côté Philippe Lazzarini, le directeur de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). « Levez le blocus, ouvrez les portes, et garantissez la sécurité des déplacements et un accès digne aux personnes dans le besoin », plaide-t-il son compte X.
Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, semble en partie conscient de toutes ces limites. « La voie aérienne est utile, mais elle n'est pas suffisante », a-t-il déclaré mardi sur BFMTV, affirmant qu'il est « indispensable que les autorités israéliennes consentent enfin à rouvrir les accès terrestres à la bande de Gaza de manière suffisamment significative pour alléger les souffrances atroces des populations civiles sur place ». Des paroles qui ne sont pour l'instant suivies d'aucune évolution réelle.
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