logo
«L'affaire Epstein, bombe à déflagration pour le mandat Trump ?»

«L'affaire Epstein, bombe à déflagration pour le mandat Trump ?»

Le Figaro21-07-2025
FIGAROVOX/HUMEUR - Le président américain fait face à une fronde d'une partie de sa base électorale persuadée que l'«establishment» lui cache la vérité dans l'affaire Epstein. Pour la première fois, Trump ne semble pas savoir quelle stratégie adopter pour y faire face, explique l'enseignante Ophélie Roque.
Ophélie Roque est professeur de français en banlieue parisienne. Elle a notamment publié Antisèches d'une prof. Pour survivre à l'Éducation nationale (Les Presses de la cité, 2025).
À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié
L'affaire Epstein, on a en tous entendu parler, on sait vaguement de quoi il s'agit (sa mort «suspecte» selon certains, son île de débauche où de jeunes femmes – quand ce n'était tout simplement pas de très jeunes filles – passaient d'un bras libidineux à un autre. Bref, un petit parfum de Salo « made in US ») mais, en France, l'affaire suscite peu d'émoi. Tout au plus un haussement de sourcil mais le plus souvent la crainte (légitime) d'aborder sur les rives du complotisme. Personne n'oublie qu'un conglomérat d'agités du bocal (les fameux QAnon) reste persuadé que les puissants de ce monde sont à la recherche d'une jeunesse éternelle en utilisant la magie de l'adénochrome. Cette substance hautement improbable serait prélevée sur des enfants apeurés et torturés. Dis comme ça, il est vrai que l'on a envie de pudiquement refermer la porte et de se préoccuper de sujets plus hexagonaux. Et pourtant ce serait un tort, l'affaire a de ceci d'important qu'elle compte aux États-Unis et qu'elle finira donc (à un moment ou à un autre) par compter pour nous.
Publicité
Lors de la campagne de 2024, Trump (et Musk) ont beaucoup promis : promis de faire justice, promis de livrer la liste des «bad guys», promis de délivrer le monde d'un potentiel complot des puissants. Alors face à cette tiédeur nouvelle à l'idée de dévoiler les noms une partie de la base s'interroge. Et si Trump n'était pas le justicier tant attendu par les White Trash ?
Selon un sondage Reuters/Ipsos, 69 % des Américains estiment que des informations sur l'affaire Epstein sont dissimulées. Ophélie Roque
La mort en 2019 de Jeffrey Epstein, retrouvé pendu dans sa cellule, a remis une pièce (comme si besoin était !) dans la machine à sous des complots. Les gens se contentent rarement de la vérité, ils veulent toujours qu'un mystère soit caché sous la platitude de l'évidence. Dans le fond, c'est triste, cela montre que l'Homme s'ennuie mais passons. Bref, puisqu'ils veulent y croire, faisons l'effort (un temps) de croire avec eux : la mort d'Epstein serait un assassinat orchestré par le «deep state» qui souhaite – plus que jamais – protéger ses élites impliquées dans un réseau aussi bien sataniste que pédo-criminel. Patatras, le rapport publié en juillet par le département de la Justice (tenu par Pam Bondi, une proche de Trump) a douché tous les espoirs. Rien. Nada. Que tchi. Aucune liste de clients et circulez il n'y a rien à voir ! Pas étonnant qu'une partie de la base MAGA n'en revienne pas. On leur vole leur vérité, l'élite – à nouveau – se retourne contre elle. Il y a de quoi sortir les fourches et les piques pour moins que ça.
À lire aussi «Je n'aime pas ça» : critiqué par ses fans sur l'affaire Epstein, Trump assure que «tout le monde se fout» du criminel
Du point de vue français, on s'interroge. Qu'est-ce qui peut bien tenir la presse américaine en émoi dans cet imbroglio politique digne d'un Labiche sous acide ? C'est qu'on oublie que les États-Unis traversent une crise de confiance envers les institutions bien plus amplifiée que chez nous. Selon un sondage Reuters/Ipsos, 69 % des Américains estiment que des informations sur l'affaire Epstein sont dissimulées. Quant au gourou détrôné Elon Musk, il s'amuse à souffler sur les braises. Les tweets complotistes s'accumulent et il nargue l'ancien compère. La politique a de ceci qu'elle reste cruelle, peu importe le masque bouffon porté par les acteurs.
Et non seulement Donald Trump est lâché par Musk mais son revirement est également pointé du doigt par des personnalités médiatiques d'habitude en phase avec lui. Alex Jones ou Tucker Carlson n'hésitent plus à dénoncer un scandale, on tenterait de jeter bébé avec l'eau du bain ! Mieux que cela, Carlson ose et, dans un podcast paru le 14 juillet 2025, avertit le gouvernement qu'il «joue avec le feu» et risque d'alimenter un «véritable extrémisme». Ces deux noms ne nous disent peut-être rien mais ils sont suivis par des millions de personnes Outre-Atlantique.
À force de jouer avec les allumettes, il est possible que Donald Trump n'ait enflammé sa propre présidence. Ophélie Roque
Si tout ceci remue autant c'est que l'affaire Epstein est le «vaisseau mère» des théories du complot. Toucher à cette pièce signifie ébranler toutes les autres et Trump commence seulement à le comprendre. Pour la première fois depuis son retour à la Maison-Blanche, le président fait face à une fronde interne assez significative. Lors d'un rassemblement en Floride, des militants trumpistes ont même hué des représentants de l'administration. Le fait restait inédit. C'est désormais chose faite. Trump s'est construit une image de chevalier de la transparence se dressant contre les multiples perfidies d'un establishment accusé de cacher la vérité. C'est comme si leur héros décampait face au dragon. Il y a de quoi être déçu. En reculant maintenant, il prend le risque d'avoir la cuirasse un tantinet éclaboussée par cette sordide histoire. Surtout que son passé amical avec le financier est bien documenté. Peu tendre avec le président, le Wall Street Journal s'amuse d'ailleurs à relancer la polémique ce 17 juillet en évoquant un message de 2003 signé Trump dans un livre d'or pour les 50 ans d'Epstein… petit mot accompagné d'un dessin suggestif ! Le président menace de poursuivre le journal en justice et dénonce un «article diffamatoire» mais le mal est là et il perdure.
Publicité
Face à cette fronde, le président oscille entre les stratégies. Il a d'abord tenté de minimiser, affirmant que «plus personne ne se soucie d'Epstein» et qualifiant d'«idiots ceux qui font le jeu des démocrates» avant de rétropédaler et d'annoncer deux jours plus tard que la ministre de la Justice pourrait publier «tout ce qui est crédible» sur l'affaire. Las, cette concession semble un peu maigre pour des «croyants» chauffés à blanc. La foule gronde et menace. Pour l'instant, tout ceci entame assez peu sa présidence mais qui sait ? À force de jouer avec les allumettes, il est possible que Donald Trump n'ait enflammé sa propre présidence.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

« Camouflet total » : sur l'allongement de la rétention des étrangers jugés dangereux, les Sages censurent Retailleau
« Camouflet total » : sur l'allongement de la rétention des étrangers jugés dangereux, les Sages censurent Retailleau

Le Parisien

timean hour ago

  • Le Parisien

« Camouflet total » : sur l'allongement de la rétention des étrangers jugés dangereux, les Sages censurent Retailleau

C'était une mesure chère au ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Et un marqueur politique. Le Conseil constitutionnel a annoncé jeudi, censurer la loi visant à élargir aux étrangers « condamnés pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive » l'allongement de la durée de maintien en centre de rétention administrative de 90 à 210 jours. Le Conseil rappelle qu'il « incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public (…) et, d'autre part, l'exercice de cette liberté et de n'y porter que des atteintes adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs qu'il poursuit ». L'allongement de la rétention prévue par la loi s'applique « y compris pour des infractions qui ne sont pas d'une particulière gravité », et sans que l'administration ait à établir que le comportement d'un étranger qui a exécuté sa peine « continue de constituer une menace actuelle et d'une particulière gravité pour l'ordre public ». L'élargissement aux personnes pouvant être maintenues en rétention « pour une durée particulièrement longue, n'est pas proportionné à l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière poursuivi », juge encore le Conseil constitutionnel. Coup dur politique « Le camouflet pour le ministre de l'Intérieur est total », a réagi le député Place publique Sacha Houlié, ex-Marcheur, au diapason de la gauche qui dénonçait la « dérive sécuritaire » portée par la proposition de loi. « Le texte a été assez… retaillé », raille de son côté un marcheur. « J'ai le sentiment qu'il y a une voie pour une nouvelle écriture constitutionnelle du texte. Il faut en tout cas le tenter car on ne peut pas rester sans réponse (…). Le statu quo n'est pas permis », confie le député (EPR) Mathieu Lefèvre.

Censure partielle de la loi Duplomb : la gauche salue une victoire, le RN crie au scandale
Censure partielle de la loi Duplomb : la gauche salue une victoire, le RN crie au scandale

Le Figaro

timean hour ago

  • Le Figaro

Censure partielle de la loi Duplomb : la gauche salue une victoire, le RN crie au scandale

Le Conseil constitutionnel a censuré la mesure de la loi Duplomb visant à réintroduire sous conditions un pesticide interdit, l'estimant contraire à la Charte de l'environnement. «VICTOIRE pour la santé humaine et environnementale !», a communiqué le Parti socialiste ce jeudi sur X après la censure de la réintroduction de l'acétamipride par le Conseil constitutionnel. Le parti à la rose s'est félicité de son recours déposé auprès des Sages de la rue Montpensier ayant permis le désaveu partiel de la loi Duplomb, qui a fait face à une forte contestation populaire durant de mois de juillet. Olivier Faure a d'ailleurs exprimé son «soulagement» avant de lui aussi saluer «une victoire pour l'écologie, la santé, la démocratie». «Quelque chose s'est levé qui ne doit pas faiblir pour les prochains combats», a écrit le premier secrétaire du PS sur X. Ce dernier faisait sans doute allusion à la «mobilisation populaire extraordinaire» signalée par le chef de file de La France Insoumise Manuel Bompard qui appelle à poursuivre cette démarche «jusqu'au retrait de la loi et à la censure d'un gouvernement plus que jamais dangereux pour l'environnement et la santé», a-t-il écrit sur X mercredi. Même son de cloche chez l'eurodéputé Manon Aubry qui a célébré une mobilisation «inédite» avant d'elle aussi appelé au retrait de la loi et à la censure du gouvernement. Publicité De nombreux scientifiques et associations et même l'Ordre des médecins s'est posé contre cette loi avançant des risques de troubles majeurs pour la santé. La Ligue contre le cancer a ainsi salué la décision du Conseil constitutionnel jeudi tout en rappelant que le texte donnait «aussi et surtout un blanc-seing à de futures dérogations pour d'autres néonicotinoïdes». «Ingérence des juges constitutionnels» Arnaud Rousseau, président de la FNSEA a quant à lui indiqué prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel indiquant que l'ensemble de la loi avait été validée à l'exception des articles 2 et 8. Selon lui, cette décision «marque l'abandon pur et simple de certaines filières de l'agriculture française, alors même que notre dépendance aux importations s'accentue au détriment de nos exigences sociales et environnementales». «Nous avons entendu les citoyens, dans les débats rudes et, nous le déplorons, souvent violents», a ajouté le syndicaliste agricole. Le chef de file des députés LR, Laurent Wauquiez, a lui dénoncé «le niveau d'ingérence des juges constitutionnels» qui «devient un vrai problème pour notre démocratie», après la censure de la réintroduction du pesticide l'acétamipride, interdit depuis 2018 en France. «Difficile encore une fois de trouver normal que le Conseil constitutionnel décide à la place des élus d'interdire ce qui était autorisé il y a 5 ans», a écrit Laurent Wauquiez sur X. Côté Rassemblement National, qui a également soutenu la loi Duplomb, le député Laurent Jacobelli a dénoncé un acte «scandaleux» avait d'ajouter que le Conseil constitutionnel avait porté «un coup de grâce à nos agriculteurs et piétine la volonté populaire». Emmanuel Macron, lui, «a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel» et «promulguera» le texte «tel (qu'il) résulte de cette décision dans les meilleurs délais», a indiqué jeudi l'Élysée.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store