
Le gaspillage qui paralyse nos soins à domicile
Le gaspillage qui paralyse nos soins à domicile
Voici l'histoire d'un ergothérapeute qui a parfois l'impression de travailler dans la maison des fous des 12 travaux d'Astérix tellement la bureaucratie des CLSC est aberrante.
Il perd une grande partie de ses semaines à faire des démarches inutilement compliquées, au lieu de se consacrer pleinement aux soins à domicile.
Par exemple, ça peut lui prendre une dizaine d'heures pour obtenir un ambulateur – une sorte de marchette avec des freins –, alors qu'il ne lui faut qu'une dizaine de minutes pour obtenir le même équipement pour une personne couverte par la SAAQ ou la CNESST.
Qu'est-ce qui prend autant de temps ? Il faut remplir de longs formulaires, visiter le patient à plusieurs reprises… Lorsque celui-ci est prestataire de l'aide sociale, c'est encore plus compliqué. L'ergo doit faire d'autres démarches fastidieuses pour que l'aide sociale rembourse une partie de l'ambulateur qui vaut environ 300 $.
Un programme gouvernemental en rembourse une autre partie. Mais on s'entend qu'à la fin, c'est le même contribuable qui paie la facture. Et cette facture est gonflée à cause du temps perdu par l'ergothérapeute.
Au bout du compte, ses services professionnels et son kilométrage coûteront peut-être trois ou quatre fois plus cher à l'État que la valeur de l'équipement lui-même.
Du vrai beau gaspillage ! Et après on se demande pourquoi on paie beaucoup d'impôt et qu'on a du mal à obtenir des services !
« Je vous confirme que c'est long et qu'il y aurait moyen de rendre ça plus simple », dit Marie-France Jobin, directrice du développement et de la qualité de l'exercice à l'Ordre des ergothérapeutes du Québec.
Ça fait des années que ce programme existe. Des travaux d'optimisation sont en cours. Mais ce n'est pas simple non plus, car il faut modifier des règlements qui sont eux-mêmes compliqués.
Bref, la complexité est enrobée d'une autre couche de complexité.
Si seulement cette histoire d'ambulateur était un cas à part. Pas du tout ! Les soins à domicile sont paralysés par la bureaucratie.
Selon les estimations de Santé Québec, certains professionnels (ergothérapeutes, physiothérapeutes) consacrent le plus clair de leur temps à des activités non cliniques : déplacements, coordination, documentation et installation d'équipements.
Au bout du compte, ils passent seulement de 25 à 35 % de leur semaine auprès des patients. C'est extrêmement préoccupant.
D'autant plus que 18 000 Québécois se languissent en attendant un premier soin à domicile, presque deux fois plus qu'au début de 2019.
Et récemment, des bénéficiaires se sont fait couper des heures de services, alors que Santé Québec est en quête d'économies de 1,5 milliard de dollars.
PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
La ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés, Sonia Bélanger
Le cabinet de la ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés, Sonia Bélanger, assure qu'il n'y a eu aucune directive ministérielle visant à réduire les heures des soins à domicile. Au contraire, les budgets ont été augmentés.
Mais le tableau de bord du réseau de la santé démontre que le nombre cumulatif d'heures en soutien à domicile a légèrement baissé (-1,2 %) depuis un an.
Il faut toutefois reconnaître que la Coalition avenir Québec n'a pas lésiné sur les soins à domicile. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2018, la CAQ y a injecté 2,6 milliards additionnels, une hausse de 40 %. Et le nombre d'heures de services a bondi de 78 %.
Mais en réduisant le gaspillage, on pourrait en offrir beaucoup plus.
Le gouvernement en est conscient. Il vient de lancer le projet VSAD+ (Valorisation du soutien à domicile) pour réduire les tâches non essentielles et libérer du temps clinique. Après 140 journées sur le terrain et la consultation de 325 intervenants, on voit déjà des améliorations.
Prenez les travailleuses sociales. Au lieu de faire une évaluation annuelle systématiquement, dans tous leurs dossiers, on leur demande de le faire seulement lorsque l'exercice est cliniquement pertinent. Cette directive a permis une réduction des évaluations exhaustives de 15 à 20 % dans plusieurs territoires. Le temps gagné a pu être réalloué à des interventions plus utiles.
On pourrait aller tellement plus loin.
Si on confiait davantage de tâches à des techniciens ou d'autres personnes-ressources, on libérerait l'horaire des ergos et des physios. Pas besoin d'un professionnel pour installer une barre dans la salle de bain ! D'autres intervenants peuvent très bien le faire, avec un guide d'aide.
Si on reconnaissait les ergos et les physios à la hauteur de leurs compétences, on déchargerait les médecins qui sont souvent appelés en renfort pour rien.
Pourquoi exiger une attestation médicale afin que la RAMQ rembourse les frais d'un chien d'assistance ?
Si les CLSC organisaient les tournées à domicile avec des outils technologiques efficaces, on limiterait le va-et-vient mal planifié, on maximiserait les visites et on réduirait le remboursement du kilométrage pour l'utilisation du véhicule.
En octobre prochain, la ministre Sonia Bélanger doit présenter sa politique nationale sur les soins à domicile. Ce plan sera critique pour l'ensemble du réseau de la santé. On pourrait libérer bien des lits d'hôpital en offrant des soins à domicile appropriés.
Espérons que ce plan ne sera pas coincé par la machine bureaucratique.
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