logo
« Ça permet d'évaluer ce qui était subjectif à l'époque » : la révolution des watts, cette donnée qui a envahi le peloton du Tour de France

« Ça permet d'évaluer ce qui était subjectif à l'époque » : la révolution des watts, cette donnée qui a envahi le peloton du Tour de France

L'Équipe17-07-2025
En course, en conférence de presse, sur les réseaux, les watts tiennent une place centrale dans la vie du Tour. Éclairage sur cette donnée de puissance qui fait la loi dans le peloton.
C'est Kévin Vauquelin, après le chrono de Caen, le 9 juillet, qui raconte : « Dès qu'il y avait du public, je voyais mes watts qui montaient. » C'est Warren Barguil qui, pour témoigner de la vitesse dans la côte de la Rançonnière, sur la route de Vire (jeudi dernier), disait avoir réalisé « pas loin d'un record de watts ». C'est Matteo Jorgenson qui, le matin de l'étape du Puy de Sancy (lundi), prédit « un festival de watts ». C'est, enfin, Jonathan Vaughters, manager d'EF Education-EasyPost, qui raconte avoir réalisé une analyse comparative entre Ben Healy et Quinn Simmons lors de leur échappée sur les routes d'Auvergne : « Ben a produit 75 watts de moins sur la durée de l'étape, c'est remarquable, ça montre à quel point il est aérodynamique. »
Ce n'est pas la première fois que le milieu du vélo s'empare d'un terme scientifique, mais la place prise par les watts dans le quotidien et dans les discours du peloton est sans équivalent. Ils sont partout. Dans chaque calcul de position, de matériel, de textile. Sur les comptes Strava ou Instagram des coureurs, à l'image de Wout Van Aert, qui avait posté une capture de son record sur dix minutes lors du Tour d'Italie (518 W). Et aussi sur les réseaux sociaux de certains observateurs du cyclisme qui, ce jeudi, à l'issue de la montée vers Hautacam et comme pour chaque étape de montagne depuis plusieurs années, vont tenter d'estimer la puissance développée par les favoris du classement général, et en tirer des conclusions sur la « normalité » de leurs performances.
« Ca permet d'évaluer ce qui était subjectif à l'époque, quand les coureurs écoutaient leurs sensations »
Maxime Robin, directeur de la performance chez TotalEnergies
Les watts ont bouleversé la manière d'analyser les performances. Les km/h ne comptent plus, et les minutes ne sont qu'un indicateur d'écart. « Les watts, c'est l'expression la plus factuelle de la dépense énergétique et de la performance athlétique d'un coureur, car elle n'est pas impactée par l'environnement, la météo, la vitesse du vent, comme peuvent l'être les km/h », décrit Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance de Decathlon-AG2R La Mondiale. « Ça permet d'évaluer ce qui était subjectif à l'époque, quand les coureurs écoutaient leurs sensations, disaient juste d'une course qu'elle était facile ou difficile, explique Maxime Robin, son homologue chez TotalEnergies. Maintenant, avec les capteurs, on peut mesurer les efforts faits. »
Apparus dans les années 1990, les watts ont gagné toutes les strates du peloton entre 2010 et 2012, quand les premiers capteurs fiables sont arrivés sur le marché. Placés sur le pédalier, ils en mesurent la déformation à chaque coup de pédale, et peuvent ainsi déterminer la force exprimée par le coureur. Multipliée par la cadence (le nombre de coups de pédale), cela donne une valeur de puissance, qui s'exprime donc en watts et s'affiche en temps réel sur les compteurs des coureurs.
En course, l'usage varie selon les individus. Si Barguil avait regardé combien il avait poussé à la Rançonnière, d'autres y prêtent moins d'attention. « Je préfère courir avec mes sensations », témoigne Matteo Vercher (TotalEnergies). « Quand il faut vraiment gérer un effort, j'essaie de regarder, dit Alex Baudin (EF Education-EasyPost). Mais on n'a pas toujours le temps quand on est à fond. En revanche, j'aime bien analyser après, avec les segments Strava, en comparant avec les autres. Et on s'en sert beaucoup à l'entraînement. »
C'est même là, aux yeux des coureurs et de leur encadrement, que les watts comptent le plus. « Avec cette donnée, éclaire Maxime Robin, on évalue le profil des coureurs ainsi que les courses selon leurs exigences en termes de puissance, et ensuite on planifie les séances. » Si le peloton des années 2010 a pu tiquer à l'apparition des watts, désormais, même les moins scientifiques des coureurs ont totalement adopté les données de puissance. Tous connaissent sur le bout des doigts leurs records de watts sur des durées variées, et savent aussi les besoins des différents niveaux de compétitions.
« Le niveau World Tour, c'est 1500-1700 watts sur une à cinq secondes pour un sprinteur, indique Jean-Baptiste Quiclet. Un puncheur, ça va être à peu près 1 000 watts sur trente secondes. Un puncheur-grimpeur, ça peut être plus de 500 watts sur trois minutes... » « On se connaît tous très bien, mais on sait aussi que les données varient avec la fatigue, précise Baudin, excellent dans l'échappée qui a permis à son leader, Healy, de s'emparer du maillot jaune, lundi. On ne peut pas produire les mêmes puissances après le dixième jour de course, et je l'ai senti dans l'échappée, il y avait de la fatigue dans les jambes. »
« C'est parce que chaque coureur connaît ses seuils qu'on a souvent des scénarios de course où le peloton avance à allure régulière, sans qu'il ne se passe grand-chose jusqu'à la dernière heure »
Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance de Decathlon-AG2R La Mondiale
Raison pour laquelle « le concept en vogue », selon Quiclet, est de déterminer les records de puissance en prenant en compte différents niveaux de fatigue. « On a été obligés de définir ça parce qu'on s'est rendu compte que beaucoup de coureurs étaient d'un niveau proche quand ils sont frais, alors qu'il n'y en a qu'un seul qui gagne. Ça signifie qu'il y a une interaction avec l'énergie dépensée en amont. En fait, chaque coureur n'a pas un seul profil de puissance, mais des profils de puissance selon l'énergie dépensée au long de la course. Donc un record sur cinq minutes après 2000 kilojoules dépensés, après 3 000 kilojoules, etc. »
Tant de données, ça fera frissonner de dégoût les plus anciens, comme Bernard Hinault, qui déteste l'idée que les capteurs puissent remplacer le sens tactique et le panache. Il est indéniable que les watts influent sur les comportements en course. « C'est parce que chaque coureur connaît ses seuils qu'on a souvent des scénarios de course où le peloton avance à allure régulière, sans qu'il ne se passe grand-chose jusqu'à la dernière heure, note Quiclet. Puis soudain, quand beaucoup ont brûlé l'énergie disponible, les meilleurs accélèrent et ça explose de partout. » Mais ce début de Tour animé montre aussi que le cyclisme moderne n'est pas corseté. Comme si leur fine connaissance de leur potentiel en watts montrait aux coureurs, en miroir de leurs limites, ce dont ils sont capables.
À lire aussi
Bourlart : «La bagarre des coqs ne m'intéresse pas»
Pogacar, la frayeur avant les hauteurs
Le Ventoux ouvert à tous et à toutes
Le bal des punks
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Tour de France femmes : le parcours et le profil de l'étape 3 entre La Gacilly et Angers
Tour de France femmes : le parcours et le profil de l'étape 3 entre La Gacilly et Angers

Le Parisien

time32 minutes ago

  • Le Parisien

Tour de France femmes : le parcours et le profil de l'étape 3 entre La Gacilly et Angers

La troisième étape du Tour de France femmes sera la deuxième plus longue de cette édition avec 163,5 kilomètres. Le départ sera donné pour la première fois à La Gacilly, ville marquée par l'histoire du cyclisme : le Tour de l'Avenir 2023 et le Tour de Bretagne 2024 y ont notamment fait étape. Cette étape sera plutôt calme et sans difficulté puisque le tracé est plat avec seulement une petite côte une fois arrivée en Ille-et-Vilaine. Les Angevins devront donc assister à un final disputé par les sprinteuses. Le commentaire de Marion Rousse : « Le Tour de l'Avenir 2023 et celui de Bretagne 2024 ont fait étape à La Gacilly. Ce départ devant les halles s'inscrira donc dans une suite logique et méritée. Un peu plus loin, à Châteaubriant, qui possède un club formateur renommé et un vélodrome opérationnel, surgira le souvenir de départs d'étapes du Tour, en 1983 et 2004. Et au débouché de routes champêtres sans grande difficulté, le public angevin assistera sans doute à un sprint massif. »

Tour de France femmes : à quelle heure et sur quelle chaîne TV voir la 3e étape de La Gacilly à Angers ?
Tour de France femmes : à quelle heure et sur quelle chaîne TV voir la 3e étape de La Gacilly à Angers ?

Le Parisien

time32 minutes ago

  • Le Parisien

Tour de France femmes : à quelle heure et sur quelle chaîne TV voir la 3e étape de La Gacilly à Angers ?

Première arrivée au sprint en ligne de mire pour le peloton du Tour de France femmes . Après deux étapes accidentées, les coureuses pourront baisser le rythme sur un parcours ne comptant qu'une ascension répertoriée. Le reste du parcours de 163,5 km, entre La Gacilly et Angers, est pratiquement plat. Après avoir chipé le maillot jaune à Marianne Vos grâce aux bonifications lors de la 2e étape , Kim Le Court devrait garder la tunique, à moins que la Néerlandaise ne fasse le sprint pour gratter une bonification. La 3e étape entre La Gacilly et Angers sera à suivre à partir de 15h35 (départ fictif) ce samedi 26 juillet sur France 2 et 15h15 sur Eurosport 1 ainsi qu'en direct commenté sur notre site .

Fayza Lamari, mère de Kylian Mbappé et présidente de la holding familiale propriétaire de Caen  : « L'ambiance est redevenue saine »
Fayza Lamari, mère de Kylian Mbappé et présidente de la holding familiale propriétaire de Caen  : « L'ambiance est redevenue saine »

L'Équipe

time32 minutes ago

  • L'Équipe

Fayza Lamari, mère de Kylian Mbappé et présidente de la holding familiale propriétaire de Caen : « L'ambiance est redevenue saine »

Fayza Lamari figure au coeur du projet au Stade Malherbe de Caen. Présidente de la holding familiale qui a acquis le club il y a un an, la mère de Kylian Mbappé se veut confiante en l'avenir, malgré la relégation en National. Présidente de la holding familiale qui a acquis le Stade Malherbe, Fayza Lamari, la mère de Kylian Mbappé, est au coeur du projet, dont elle fait figure d'instigatrice. « Malgré la descente et un train de vie que le SM Caen a nécessairement dû revoir à la baisse, un budget significatif a été maintenu (environ 12 M€), notamment pour poursuivre le renouveau structurel du club, confie-t-elle. Une part importante de cet effort est destinée au centre de formation, qui reste un pilier essentiel de l'avenir du SM Caen. Nous sommes dans une phase de fondation : les bases sont posées, même si tout ne peut pas se transformer en une seule saison. » « Aujourd'hui, l'actionnaire souhaite avant tout que s'expriment celles et ceux qui font vivre le club au quotidien, poursuit-elle. L'ambiance est redevenue très saine, et il y a une vraie volonté de renouer avec le public, en particulier normand - un lien qui, dans la précipitation de la reprise et des enjeux de la première saison, n'a peut-être pas été suffisamment mis au coeur du projet. » Comme Ziad Hammoud, le président du club qu'elle a choisi avec son fils, elle considère que les nouveaux actionnaires et son équipe vont devoir davantage communiquer afin d'expliquer leur action au public. Mais que fait vraiment Mbappé à Caen ?

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store