
Meurtre de Melina Frattolin
(Ticonderoga (État de New York) et Montréal) La beauté des lieux tranche avec la tragédie qui s'y est déroulée. C'est dans un étang recouvert de nénuphars en fleurs, dans un bois lumineux des Adirondacks, qu'une petite Montréalaise de 9 ans, Melina Frattolin, a été retrouvée sans vie dimanche après-midi.
Son père, Luciano Frattolin, 45 ans, a plaidé non coupable lundi matin à deux accusations : celle de son meurtre au deuxième degré et celle d'avoir dissimulé son cadavre sous une bûche dans un cours d'eau.
La police n'a pas cru le récit qu'il avait d'abord raconté : celui d'un enlèvement à une sortie d'autoroute près de Lake George, une station touristique située à 260 km au sud de Montréal.
PHOTO FOURNIE PAR LA POLICE DE L'ÉTAT DE NEW YORK
Melina Frattolin
« Tout le monde est sous le choc et la situation cause un stress immense au sein de notre famille », a confié un proche de la victime, lors d'un court entretien téléphonique avec La Presse. Il a demandé de ne pas être nommé par égard pour le reste de la famille maternelle.
Le drame a aussi semé l'émoi dans la communauté de Ticonderoga, une ville fondée en 1764 où se côtoient des bâtiments patrimoniaux, des chalets et des centres commerciaux linéaires.
Aux abords du lac Eagle, lundi, un simple bouquet de fleurs avait été déposé sur la rambarde près de la route qui longeait la scène de crime.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Deane White
« Pourquoi a-t-il fait ça ? Comment peut-on faire cela à qui que ce soit, encore moins à un enfant ? Il n'y a rien de plus triste qui puisse arriver », a indiqué, en pleurant, Deane White alors qu'elle visitait une pépinière d'amaryllis qui donne sur le lac.
« Je suis bouleversé. J'aurais aimé pouvoir aider cette petite fille », a ajouté Jim Shultz, propriétaire de la pépinière et directeur d'école à la retraite. « Je vis ici depuis 25 ans et nous sommes une petite communauté tranquille. Nous sommes des gens décents. C'est très choquant. »
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Jim Shultz
Versions contradictoires
L'affaire débute samedi soir à 21 h 58 lorsque Luciano Frattolin compose le 911 pour signaler la disparition de sa fille. En vacances seul avec elle aux États-Unis, il raconte s'être arrêté pour uriner à la sortie 22 de l'Interstate 87 et qu'à son retour à la voiture, elle avait disparu. Au même moment, il raconte qu'une camionnette blanche « suspecte » quittait les lieux.
« Cette version s'est révélée fausse », a déclaré le capitaine Robert McConnell, de la police de l'État de New York, lors d'une conférence de presse qui s'est déroulée à son quartier général de Latham, près de la capitale Albany.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Le capitaine Robert McConnell, de la police de l'État de New York
Rapidement, une alerte Amber est déclenchée. Mais les enquêteurs se mettent à douter qu'il s'agisse d'un enlèvement. Car lors d'une déclaration subséquente, Luciano Frattolin indique plutôt que deux hommes avaient forcé la petite fille à monter à bord de la camionnette.
L'enquête a démontré que le père et sa fille ont visité le Connecticut et New York. Sur ce qu'elle croyait être le chemin du retour, la fillette a parlé à sa mère au téléphone vers 18 h 30. Elle ne semblait pas être l'objet d'une quelconque menace, selon Robert McConnell, qui est à la tête du bureau des enquêtes criminelles du département local « Troop G ».
« L'enquête a permis de déterminer que, quelque temps après l'appel téléphonique avec la mère et avant son appel au 911, il aurait assassiné Melina et laissé son corps dans une zone isolée où elle a été découverte par la suite », a-t-il expliqué.
PHOTO PATRICK TINE, FOURNIE PAR LE TIMES UNION
Luciano Frattolin au palais de justice de Ticonderoga, lundi matin
« Ce genre de chose n'arrive jamais »
Luciano Frattolin a comparu au palais de justice de Ticonderoga lundi matin. Il sera de retour devant le tribunal vendredi après-midi.
Au garage voisin, Randy West s'est dit choqué par le mensonge « cliché » des « kidnappeurs dans une camionnette blanche ».
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Le mécanicien Randy West
« J'espère qu'ils vont l'emprisonner à vie. Je me sens très mal pour sa famille. C'est vraiment dommage. »
« Ça me rend presque malade d'y penser », a ajouté son collègue, le jeune mécanicien Carter Thatcher. « C'est tellement une petite ville ici, ce genre de chose n'arrive jamais. »
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Carter Thatcher
Le livreur de pizza Mark Garrabrant s'est réveillé dimanche matin au son de l'alerte Amber qui avait été déclenchée par les autorités après l'appel au 911 de Luciano Frattolin. Puis, il a vu le branle-bas de combat déployé pour tenter de la retrouver : drones, chiens pisteurs et bateaux.
« C'est tragique », a-t-il soupiré.
« Elle s'est fait voler sa vie », a ajouté sa fille de 19 ans, Rilee.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
Rilee Garrabrant
La fillette a été retrouvée morte à 13 h 50 dimanche dans l'eau peu profonde d'un étang du lac Eagle près d'un sentier pédestre. Lors du passage de La Presse, en après-midi, les policiers retiraient le cordon policier qui ceinturait la scène.
Les citoyens de Ticonderoga ont décidé d'organiser une veillée à la chandelle à la mémoire de Melina ce mardi soir.
« C'est certainement une enquête difficile et une enquête crève-cœur », a souligné le commandant capitaine Robert McConnell. « Bien qu'ils soient très rares, ces évènements sont tragiques. »
Séparé depuis 2019
Une autopsie a été réalisée pour déterminer les causes de la mort de Melina.
Luciano Frattolin, qui détient la double citoyenneté italienne et éthiopienne, allait au Canada à raison de quelques mois par année. C'est à Montréal qu'il rendait visite à sa fille, où elle vivait avec sa mère. Le couple était séparé depuis 2019, selon les autorités policières américaines.
D'après la police de l'État de New York, l'homme n'avait pas de dossier criminel aux États-Unis ou au Canada. Il n'était pas connu des autorités pour violence conjugale.
Luciano Frattolin possédait un visa l'autorisant à être au Canada. Il est entré légalement aux États-Unis le 11 juillet.
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE
La police de l'État de New York a indiqué que l'enquête pour homicide était toujours en cours.
« La lumière de sa vie »
Luciano Frattolin est un entrepreneur qui possède l'entreprise de café Gambella, dont le siège social est à Montréal. Sur le site de l'entreprise, mis hors ligne lundi, on pouvait notamment lire que Melina était « la lumière de sa vie et son inspiration… pour à peu près tout ! ».
M. Frattolin est né en 1980 à Gambella, en Éthiopie, d'une mère éthiopienne et d'un père italien, selon la biographie qui était disponible sur le site.
Il y fait référence à un « évènement malheureux » en février 2019, l'année de sa séparation selon les policiers, « qui a gravement affecté son bien-être » et pour lequel « le chemin de la guérison a été long et ardu ».
La police de l'État de New York a indiqué que l'enquête pour homicide était toujours en cours. « C'est très difficile, c'est très émouvant, mais à ce stade, la meilleure chose que l'on puisse faire est de rendre justice à la famille », a dit Robert McConnell.
Avec la collaboration de Karim Benessaieh et de Thomas Emmanuel Côté, La Presse
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