
Marquage du stationnement dans Villeray
Montréal recule sur son projet-pilote de marquage au sol des espaces de stationnement dans le quartier Villeray. L'initiative, qui avait pour but de mettre au pas les automobilistes mal garés dans les rues résidentielles, s'est finalement heurtée à un nombre considérable de plaintes.
« On a eu une cinquantaine de plaintes à l'automne de citoyens mécontents de ce marquage. Je pense qu'on n'a peut-être pas assez bien communiqué l'information aux citoyens avant de se lancer », avoue en entrevue le directeur général de l'Agence de mobilité durable (AMD), Laurent Chevrot.
Au grand dam de certains citoyens, deux types de marquage avaient été installés l'été dernier sur une dizaine de rues et 1200 places de stationnement dans le quadrilatère délimité par les axes Christophe-Colomb, Villeray, Saint-Gérard et de Liège.
Il y avait d'abord les marques en forme de T, délimitant les places individuelles, et les marques en L, situées à la fin de chaque zone interdite. Ce sont les marques en T qui seront finalement retirées.
Les citoyens trouvaient que les délimitations étaient trop grandes, ce qui ne permettait pas de stationner assez de véhicules. Ça générait de la frustration et on n'a pas vu réellement d'impact sur la capacité ou l'occupation de la rue.
Laurent Chevrot, directeur général de l'AMD
Les marques en L seront néanmoins conservées, des impacts positifs ayant été observés sur le plan de la sécurité routière. « Ça a permis de réduire de 27 % le taux d'infraction, juste en donnant un repère aux gens sur la chaussée, ce qui est quand même considérable », note le gestionnaire.
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
Les marques en L, délimitant les zones de stationnement, seront conservées.
« Ça nous ouvre quand même des perspectives pour le futur. On veut donner des indicateurs additionnels aux gens pour leur permettre de respecter la réglementation, mais en communiquant mieux en amont nos objectifs », ajoute-t-il.
Bonne chose, mais…
Résidant de la rue Foucher, Jacques Bérubé salue l'ouverture de la Ville, mais constate que le problème n'est pas entièrement réglé.
En plus de la perte d'espaces, le marquage qui demeurera n'est toujours pas aligné avec les affiches indiquant les zones réservées aux voitures avec vignette, ce qui ne facilite pas le respect de la signalisation.
Ça crée de la confusion puisque ce n'est pas au même niveau que les pancartes de stationnement déjà en place, donc tu ne sais pas si tu vas avoir une contravention. Et quand tu n'es pas sûr et que tu te prends 120 $, c'est choquant.
Jacques Bérubé, résidant du quartier Villeray
Laurent Chevrot, lui, rétorque que « plusieurs interventions ont déjà été faites pour déplacer des panneaux ou des marques au sol de quelques centimètres ». « S'il en reste encore, on ajustera le tir, c'est certain », dit-il.
Le projet « a été mal conçu à l'origine », avance quant à lui M. Bérubé, qui est un résidant de longue date. « Quand tu es assis dans ta voiture, tu ne les vois pas nécessairement, ces marques-là. Ce n'est pas très intuitif et ça mêle beaucoup de gens après. »
Quelques leçons à tirer
Outre la communication à améliorer auprès de la population, M. Chevrot affirme que son groupe a tiré plusieurs leçons de l'expérience.
« En ce qui concerne les marques en L, on va continuer d'étudier si ça pourrait créer des impacts positifs dans d'autres circonstances, ailleurs sur l'île. On se laisse la possibilité de le faire ailleurs si un arrondissement nous interpelle, mais ce n'est pas un objectif immédiat pour l'instant », affirme-t-il.
L'avenir des marques en T est quant à lui nettement plus incertain. « Si on devait en refaire, on devrait sérieusement réfléchir à la manière dont on les fait », poursuit Laurent Chevrot, qui souligne que l'espace entre chaque place marquée pourrait par exemple être réduit de 6 à 5,5 mètres.
Au total, le projet a coûté 36 000 $ à la Ville de Montréal, ce qui inclut les coûts internes, le contrat de marquage, le retrait de celui-ci et les communications publiques.
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Ottawa et Québec comptent protéger les emplois dans les secteurs touchés
Le premier ministre Mark Carney a reconnu que certains secteurs de l'économie canadienne, notamment le bois d'œuvre, l'acier, l'aluminium et les automobiles, sont « fortement touchés par les droits de douane américains ». Ottawa et Québec comptent protéger les emplois dans les secteurs touchés Alors que la nouvelle salve tarifaire du président américain Donald Trump est entrée en vigueur, Ottawa et Québec assurent qu'ils agiront pour protéger les emplois à risque dans les secteurs touchés par les droits de douane. Mathieu Paquette La Presse Canadienne Ce qu'il faut savoir À partir du 1 er août 2025, les droits de douane sur les exportations canadiennes passeront de 25 % à 35 % ; août 2025, les droits de douane sur les exportations canadiennes passeront de 25 % à 35 % ; Les produits conformes à l'Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) demeurent exemptés de droits de douane ; Le premier ministre canadien, Mark Carney, « déçu par cette mesure », a assuré que le gouvernement « prendra des mesures pour protéger les emplois canadiens ». Les droits de douane imposés par les États-Unis sur les produits canadiens qui ne sont pas couverts par l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) ont été portés à 35 % vendredi, puisque Washington et Ottawa n'ont pas réussi à conclure de pacte commercial avant la date butoir fixée par M. Trump. 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Durant les quatre premiers mois de 2024, les douaniers américains ont saisi « moins de 700 grammes » de fentanyl à la frontière canadienne, selon leurs statistiques. Or, aux autres frontières américaines (Mexique, Porto Rico, maritimes et aéroports), ils en ont saisi un peu plus de deux tonnes métriques et demie, soit 2540 kilos. Le fentanyl en provenance du Canada représentait alors 1,57 % du total des entrées saisies des deux côtés de la frontière. Bâtir un « Canada fort » Dans sa déclaration, Mark Carney a fait savoir que les négociations commerciales avec les États-Unis se poursuivent, mais que son gouvernement se concentre davantage sur ce qu'il peut contrôler. « Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires travaillent ensemble pour réduire les obstacles au commerce afin de bâtir une seule économie canadienne », a-t-il réitéré. 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Élection partielle dans Arthabaska–L'Érable
« Le fait que plusieurs profils de cette trempe aient levé la main est déjà, en soi, une petite victoire pour notre démocratie, particulièrement dans cette période de turbulence », écrit notre collaborateur. Alors que plusieurs profitent de leurs vacances d'été pour décrocher, d'autres font le choix opposé : s'engager en politique. C'est le cas lors de cette partielle dans la circonscription d'Arthabaska–L'Érable qui se conclura le 11 août afin de combler le siège laissé vacant par Eric Lefebvre, élu au fédéral. Se porter candidat, c'est accepter de se mettre en vitrine : faire du porte-à-porte, répondre aux questions, absorber les critiques et parfois les attaques. Faire des sacrifices familiaux et personnels. Dans bien des cas, cela implique aussi de mettre sa carrière professionnelle sur pause, parfois sans garantie de pouvoir la reprendre en cas de défaite. C'est un risque réel, que peu de gens mesurent. Pensons à Alex Boissonneault, animateur et journaliste bien connu dans la région de Québec, qui a dû renoncer à ses contrats pour respecter son devoir de réserve. Si les projecteurs s'éteignent pour lui après le 11 août, ils ne se rallumeront sûrement pas là où ils brillaient. Aujourd'hui, plusieurs hésitent à se lancer en politique. Trop de sacrifices personnels et professionnels. Et trop d'agressivité, trop de cynisme, en retour. Pourtant, si ceux qui veulent sincèrement servir la communauté renoncent à se présenter, qui prendra la relève ? Quand l'exemple ne vient pas d'en haut Il faut aussi le dire : choisir de tenir une élection en pleine période estivale, alors que de nombreux citoyens sont en vacances ou moins disponibles, n'aide en rien le processus démocratique. C'est le premier ministre François Legault qui a fixé la date du scrutin au 11 août. Ce choix, à saveur hautement stratégique, vise à minimiser les risques et à tenter de passer sous le radar. Mais si on veut vraiment réconcilier les citoyens avec la politique, il faudrait que le ton change dès le sommet de la pyramide. Que les dirigeants donnent l'exemple, en plaçant l'intérêt démocratique avant les calculs partisans. PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE Pancarte du candidat caquiste Keven Brasseur Une course de grande qualité Malgré tout, au-delà des partis politiques et de la partisanerie inévitable, il faut saluer la qualité des candidatures pour cette partielle. Des hommes et des femmes aux parcours variés, porteurs d'expériences de vie et d'expertises réelles. Peu importe nos convictions politiques, on ne peut que reconnaître la valeur humaine et professionnelle des personnes qui se présentent. Bien sûr, il n'y aura qu'un seul gagnant. Mais le fait que plusieurs profils de cette trempe aient levé la main est déjà, en soi, une petite victoire pour notre démocratie, particulièrement dans cette période de turbulence. Derrière les pancartes, de vrais visages Parmi les candidats et candidates officiellement en lice figurent : Alex Boissonneault (PQ) : animateur, journaliste et communicateur reconnu : animateur, journaliste et communicateur reconnu Chantale Marchand (PLQ) : ex-directrice générale d'une fondation dans le secteur de la santé œuvrant auprès des aînés de la région ex-directrice générale d'une fondation dans le secteur de la santé œuvrant auprès des aînés de la région Éric Duhaime (PCQ) : chef de parti, en campagne très active sur le terrain : chef de parti, en campagne très active sur le terrain Keven Brasseur (CAQ) : comptable professionnel agréé et ancien président de la Chambre de commerce et d'industrie des Bois-Francs et de l'Érable : comptable professionnel agréé et ancien président de la Chambre de commerce et d'industrie des Bois-Francs et de l'Érable Pascale Fortin (QS) : infirmière de formation, citoyenne engagée sur les enjeux sociaux et environnementaux D'autres partis sont aussi représentés, dont Climat Québec, Équipe autonomiste et Union nationale, et deux indépendants sont également en lice. Derrière chaque affiche, il y a un parcours, des convictions, souvent un profond attachement à la région. On peut être en désaccord avec leurs idées. Mais on ne peut pas leur enlever le mérite d'avoir levé la main. Je me souviens… Je me permets ici une parenthèse personnelle. J'ai moi-même fait ce saut dans le passé à six occasions dans cette région. Une fois au provincial (2003), deux fois au municipal (2009 et 2013) et trois fois au fédéral (2015, 2019 et 2021). J'ai vécu l'euphorie de la victoire éclatante, le stress d'une longue soirée qui se solde par un gain à l'arraché, mais aussi la déception de la défaite. J'ai subi des attaques parfois légitimes, des insinuations gratuites, des commentaires racistes. Des fois en ligne, mais aussi quelques fois en personne. Mais j'ai surtout vécu des moments humains exceptionnels, des rencontres qui ont changé ma façon de voir les choses et les gens. Des amitiés qui se sont formées et une compréhension plus en profondeur des enjeux de société. Au final, beaucoup plus de positif que de négatif, ce qui m'a permis de donner du sens à mon engagement politique, à mon engagement citoyen. Des pistes pour faire évoluer le ton En réfléchissant sur ce texte, je me suis posé la question suivante : pourrions-nous aller plus loin afin de soutenir nos élus locaux ? Afin de rehausser les échanges. Tenter de contenir les attaques non justifiées, identifier les fausses informations ou les raccourcis intellectuels utilisés par certains. Offrir un contact direct et humain aux électeurs. Des idées qui pourraient être testées lors d'une prochaine élection partielle ou, pourquoi pas, lors de la prochaine élection générale. J'en propose quatre : Un code d'éthique , signé par les candidats, interdisant les attaques personnelles et la propagande d'informations non validées. , signé par les candidats, interdisant les attaques personnelles et la propagande d'informations non validées. Une plateforme neutre de dialogue en ligne , administrée par le Directeur général des élections (DGE) ou un organisme régional, permettant aux électeurs de poser des questions et d'obtenir des réponses directes des candidats, sans filtre ni polémique. , administrée par le Directeur général des élections (DGE) ou un organisme régional, permettant aux électeurs de poser des questions et d'obtenir des réponses directes des candidats, sans filtre ni polémique. Une journée « portes ouvertes démocratiques » , où tous les candidats se retrouvent au même moment dans un lieu public (parc, bibliothèque, centre communautaire) pour échanger avec la population dans une ambiance constructive. , où tous les candidats se retrouvent au même moment dans un lieu public (parc, bibliothèque, centre communautaire) pour échanger avec la population dans une ambiance constructive. Une fiche explicative simplifiée jointe à un des documents du DGE livrés par la poste, sur son site web, dans ses publications officielles sur les réseaux sociaux et accessible par code QR afin d'en apprendre plus sur les candidats, leurs grandes idées, le résumé de leur parcours. D'ici là, pourquoi ne pas prendre un instant pour reconnaître le courage de celles et ceux qui osent s'engager ? Parce qu'à la fin, la démocratie ne repose pas que sur les partis. Elle repose sur des personnes et, surtout, sur notre capacité collective à les écouter, à leur poser des questions, mais aussi à les respecter. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


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2 hours ago
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Une grande dame
Cette chronique a été publiée le mardi 27 avril 2010, en page A7. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque. Je venais juste de descendre de vélo, la nouvelle s'est frayé un chemin à travers ma fatigue. Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Madame Kayler est morte. Ben voyons, elle n'était pas malade. Elle est morte dans son sommeil. J'ai eu un grand sourire. Quand quelqu'un meurt dans son sommeil, quelqu'un de vieux bien sûr, elle avait 81 ans, je l'entends comme une bonne nouvelle. Comme une chaude journée en février, volée à l'hiver, comme un doigt d'honneur à la mort. Sa fille Isabelle, médecin à Sherbrooke, m'a raconté. Maman est venue nous voir comme elle le faisait régulièrement, en autobus. Elle est arrivée de Montréal le samedi, je suis allée la reconduire au terminus lundi matin, elle avait une semaine chargée, une conférence à préparer, d'autres trucs. Mardi, ma sœur Marie-France qui est à Montréal l'a appelée, pas de réponse. Elle s'est dit bof, le téléphone est peut-être en dérangement. Maman n'était pas malade, enfin rien de préoccupant. Le mercredi, pas de réponse non plus. Ma sœur y est allée, elle l'a trouvée dans son lit, paisible, les couvertures remontées jusqu'au menton. Morte dans son sommeil. C'est drôle, me raconte sa fille, ce dernier samedi elle s'était acheté une cuisinière à vitrocéramique, me disant tu te rends compte, Isabelle, j'aurai connu ça : la vitrocéramique ! Elle ne cuisinait pas, elle « se faisait à manger », comme elle aimait à le préciser. Quand je suis arrivé à La Presse, elle y était déjà depuis 10 ans. Je ne l'ai pas baptisée vieille chose culinaire pour rien. J'ai été brièvement son boss aux pages féminines – eh oui, j'ai été boss des pages féminines, vous souriez ? Elle aussi, ça l'a fait sourire, mais plus tard, après, pendant que ça a duré, elle ne m'a pas trouvé très drôle, elle vous dirait que j'ai été le plus nul de tous les boss qu'elle a connus, et elle en a connu des incroyablement nuls. Vous avez été le pire, aimait-elle se souvenir avec ce sourire très doux qui est aussi celui du crocodile. Elle pouvait être très crocodile, Mme Kayler. On se rappelle la critique, son incroyable notoriété – les restaurateurs appelaient à La Presse le lundi pour savoir de quel resto elle parlerait dans sa chronique du samedi, si jamais c'était le leur, ils se dépêchaient d'engager du personnel pour répondre à la demande. Tout le monde témoigne aujourd'hui de sa rigueur, si bien que les plus jeunes qui ne l'ont pas lue s'imaginent une dame autoritaire et tranchante. Tout au contraire. Toutes les nuances. Parfois même précautionneuse. Chère vieille chose culinaire, quand vous commenciez à parler longuement du décor, cela n'annonçait rien de bon aux cuisines, et quand vous ajoutiez que les toilettes étaient irréprochables, alors là… je ne suis jamais allé dîner dans un resto dont vous avez dit que les toilettes étaient irréprochables. Je me rappelle aussi comme elle en avait assez à la fin de la critique ponctuelle, comme elle était allumée par des projets plus vastes, par les grands courants dans l'alimentation, par sa Fondation pour aider des étudiants de l'ITHQ, etc. Peu de temps après qu'elle eut quitté La Presse, dans une salle d'attente, j'étais tombé sur son portrait pleine page dans une revue d'hôtellerie, belle, mais belle, je n'en étais pas revenu. Je l'avais appelée : mère Kayler, je vous l'ai souvent dit, il me fait plaisir de vous le redire : vous êtes magnifique. À 40 ans, c'était Anouk Aimée dans Lola. Un port, une classe, un charme, j'allais dire fou, mais non : sage. Et qui décourageait la vulgarité ou au contraire l'excitait, c'est selon. Vous devinez mon parti, je lui débitais des horreurs qu'elle recevait comme un hommage, c'en était un évidemment. Des fois, elle commentait ma chronique avec un étonnement un rien douloureux : « Vous écrivez n'importe quoi, hein ? Et ça marche, c'est bien cela le pire : ça marche. Si je faisais la même chose, je me ferais virer ! » Vous ne pourriez pas faire la même chose. Vous êtes une dame. Et empêchement majeur : une grande dame. Je reviens à sa beauté de vieille qui a atteint à l'extraordinaire dans les 15 dernières années de sa vie, ses rides, ses plis de chaque côté de la bouche, ce grain de beauté sous le menton, ses poches sous les yeux, et ce charme inoxydable, cette classe intacte, ce port incroyable… elle était la réponse à la commune et obscène entreprise de ravalement qui peuple cette époque de tant de pétasses septuagénaires. Je vais garder deux souvenirs de Françoise, sa beauté de vieille, et le fou rire que nous avons eu la dernière fois que nous nous sommes parlé. Déjà deux ans, je l'avais rapporté à l'époque, elle m'informait qu'elle avait maintenant un blogue, un blogue ! Mais enfin, Françoise, et ça marche ? Pas vraiment ! Vous dites quoi dedans ? Je viens d'y annoncer que 2008 sera l'Année internationale de la pomme de terre ! Fouille-moi pourquoi j'ai ri aux larmes. Pensez-y, Françoise, l'Année internationale de la pomme de terre, la Journée de la femme, la semaine des caisses Desjardins, quelle époque extraordinaire nous aurons vécue. Allez, je vous embrasse une dernière fois. Je me demande même si ce n'est pas la première.