
Trump fêtera comme un roi
À la suite du Sénat, la Chambre des représentants a approuvé à son tour jeudi, par 218 voix contre 214, ce texte de 940 pages regroupant les grandes priorités du 47e président. Le vote est survenu après des tractations qui se sont déroulées durant la nuit de mercredi à jeudi et qui se sont soldées par la reddition d'une dizaine de républicains récalcitrants sous la pression du locataire de la Maison-Blanche.
La mesure renouvellera de façon permanente les baisses d'impôts massives promulguées par Donald Trump en 2017, des cadeaux fiscaux totalisant 3800 milliards de dollars qui profiteront surtout aux Américains les plus fortunés. D'autres allégements fiscaux pour les moins nantis totalisant 700 milliards de dollars prendront fin deux ans après leur entrée en vigueur, notamment l'élimination de l'impôt sur les pourboires.
Adoptée par une seule voix mardi au Sénat, la législation prévoit par ailleurs une augmentation des budgets alloués au Pentagone et au service de l'Immigration (ICE) chargé de la détention et de l'expulsion des migrants en situation irrégulière aux États-Unis.
PHOTO J. SCOTT APPLEWHITE, ASSOCIATED PRESS
Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson
« Si vous êtes pour une frontière sûre, des collectivités plus sûres et une armée forte, ce projet de loi est fait pour vous », a déclaré le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, en vantant les mérites du texte législatif avant le vote final. « Si vous êtes pour une responsabilité fiscale de bon sens et une réduction du déficit, ce projet de loi est fait pour vous. »
Si vous êtes pour des impôts plus justes et plus bas, pour des salaires plus élevés, pour de l'essence et des produits alimentaires abordables et pour restaurer la dignité du travail, ce projet de loi est fait pour vous.
Mike Johnson, président de la Chambre des représentants
Aux yeux de bien des experts, la déclaration de Mike Johnson semblait venir d'un univers où la réalité n'a pas de prise. « L'escroquerie à l'égard du peuple américain consiste à dire que la croissance économique va payer ces réductions d'impôts. C'est tout simplement faux », a commenté Justin Wolfers, professeur d'économie à l'Université du Michigan, sur MSNBC.
Pour les démocrates, elle représentait un affront aux électeurs dont les républicains devront rendre compte à l'occasion des élections de mi-mandat, en novembre 2026.
Coupes majeures
Car une partie importante des baisses d'impôts consenties par les républicains du Congrès seront financées au moyen de coupes majeures dans les programmes d'assurance maladie Medicaid pour les personnes à faible revenu et d'aide nutritionnelle pour les personnes les plus démunies, y compris les enfants qui comptent sur les repas gratuits à l'école.
Les crédits d'impôt par l'administration Biden visant à soutenir l'essor des énergies solaire et éolienne seront par ailleurs éliminés.
PHOTO UMIT BEKTAS, REUTERS
Le chef de la Chambre des représentants, Mike Johnson, entouré de ses confrères républicains à la suite de la signature du projet de loi
Mais les coupes dans les programmes sociaux et environnementaux ne suffiront pas. Le vaste projet de loi budgétaire voulu par Donald Trump créera un déficit budgétaire d'au moins 3300 milliards de dollars sur dix ans, selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), organisme indépendant. Le CBO prédit en outre que 11,8 millions d'Américains perdront leur assurance maladie en raison de la législation. Ce nombre comprend de nombreux électeurs de la classe ouvrière qui ont voté pour Donald Trump.
À ce total, il faut ajouter environ 5 millions d'Américains qui pourraient perdre leur couverture santé en raison de changements prévus à l'Obamacare, loi phare de Barack Obama.
« Des gens vont mourir »
Selon les démocrates, ce projet de loi baptisé One Big Beautiful Bill par Donald Trump coûtera des vies.
« Je me lève aujourd'hui pour m'opposer fermement à l'abomination dégoûtante [d'un projet de loi] qui étripe Medicaid, arrache la nourriture de la bouche des enfants, des personnes âgées et des anciens combattants et récompense les milliardaires en leur accordant des allégements fiscaux massifs », a déclaré Hakeem Jeffries, chef des démocrates à la Chambre, au début d'un discours d'une durée record.
« Des gens vont mourir. Des dizaines de milliers. Peut-être année, après année, après année, à la suite de l'assaut républicain contre les soins de santé du peuple américain. Je suis triste. Je n'aurais jamais pensé me retrouver un jour sur le parquet de la Chambre des représentants pour dire qu'il s'agit d'une scène de crime. Et les démocrates de la Chambre ne veulent pas en faire partie. »
PHOTO ALEX WROBLEWSKI, AGENCE FRANCE-PRESSE
Le chef des démocrates à la Chambre, Hakeem Jeffries, s'adressant aux journalistes à sa sortie
Hakeem Jeffries a justifié son discours, le plus long de l'histoire de la Chambre – 8 heures et 45 minutes –, en invoquant la nécessité d'empêcher les républicains d'adopter leur projet de loi à la faveur de la nuit. Pour finir, il a évoqué l'échéance électorale de 2026, qui pourrait permettre aux démocrates de ravir aux républicains leur majorité à la Chambre et peut-être même au Sénat.
Je sais que certaines personnes sont préoccupées par ce qui se passe en Amérique. Mais comprenez ce que notre voyage nous apprend… Vous aurez l'occasion de mettre fin à ce cauchemar national.
Hakeem Jeffries, chef des démocrates à la Chambre
L'ampleur des déficits engendrés par le projet de loi a troublé les républicains les plus conservateurs, élus après avoir promis de ramener la rigueur budgétaire à Washington. L'énormité des coupes au programme Medicaid – 1000 milliards de dollars en dix ans – a inquiété les républicains les plus modérés, qui craignent l'impact de ces coupes sur leurs électeurs ou leurs chances d'être réélus.
Or, à deux exceptions près, ils ont fini par s'écraser devant le président.
« Qu'attendent les républicains ? », a demandé Donald Trump sur Truth Social, un peu après minuit. « Qu'essayez-vous de prouver ? [Le mouvement] MAGA n'est pas heureux et cela vous coûte des voix. »
Quelques minutes plus tard, le président a ajouté : « POUR LES RÉPUBLICAINS, CE DEVRAIT ÊTRE UN OUI FACILE. RIDICULE !!! »
Donald Trump n'aura pas seulement fait la preuve de son ascendant sur les républicains du Congrès. Il a aussi prouvé que sa voix compte beaucoup plus que celle d'Elon Musk, qui avait promis de faire campagne à l'occasion des élections de mi-mandat contre les élus qui allaient voter pour le projet de loi ou de lancer un nouveau parti.
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