
Cisjordanie : le village chrétien de Taybeh appelle à l'aide après des attaques de colons israéliens
Pierbattista Pizzaballa.
Il s'est joint à d'autres responsables ecclésiastiques et diplomates. Tous arpentent, comme dans une procession religieuse; les rues de Taybeh, petit village chrétien du centre de la
Cisjordanie occupée,
attaqué depuis des semaines par des
colons israéliens,
selon des habitants.
Invités par la mairie et des prêtres locaux, les dignitaires en costumes ou en soutanes rencontrent un fermier expliquant que des colons l'empêchent d'aller nourrir ses volailles, et plus loin, ils viennent observer les traces d'un important départ de feu venu lécher les abords d'une église byzantine.
« Il est de plus en plus évident chaque jour qu'aucune loi n'est respectée (en Cisjordanie)», commente Pierbattista Pizzaballa.
« Les autorités israéliennes ont un rôle à jouer pour réaliser les enquêtes nécessaires pour trouver les coupables et les condamner », ajoute le Consul général de France à Jérusalem,
Nicolas Kassianides
, qu'un habitant remercie d'être venu lors de la précédente récolte d'olives, comme le font des étrangers et des Israéliens pour dissuader d'éventuelles attaques.
Quant au représentant de l'Union européenne dans les Territoires, Alexandre Stutzmann, il rappelle les
sanctions imposées à certains colons
et certaines de leurs organisations. « Solidarité », « écoute », « soutien » : chacun des dirigeants a son petit mot pour les habitants.
Dans tout le
territoire palestinien, occupé par Israël depuis 1967
, les Nations unies documentent des violences régulières commises par des colons -certains du près d'un demi-million d'Israéliens installés dans des
colonies, illégales au regard du droit international
.
« Du 1er au 7 juillet, le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU a recensé au moins 27
attaques de colons israéliens
contre des Palestiniens », indique un rapport du 10 juillet. Dans des villages voisins, sur la dernière quinzaine, trois personnes ont été tuées et des puits ont été détruits par des colons, selon les autorités palestiniennes.
Et ici à Taybeh, l'incendie le 7 juillet de l'église Saint-Georges, dont les fondements remontent au Ve siècle, a choqué.
« Nous souffrons de provocations au quotidien », pose le père Bachar Basiel, en décrivant les terres endommagées par des troupeaux étrangers, ou les visites agressives de jeunes Israéliens près des maisons. « Combien de temps ces attaques vont-elles durer ? », demande-t-il.
En marge de la visite officielle, sur les portables, on fait défiler photos et vidéos témoignant des attaques et des dégradations.
Beaucoup sont incrédules, ils s'interrogent à voix haute : comment a-t-on pu en arriver là dans ce village qui est réputé pour ses allées coquettes et sa fête de la bière annuelle, mais pas pour ses groupes armés ou ses altercations avec l'armée israélienne. « Nous voulons la paix », répètent les anciens à l'écart de la parade des notables.
Mais personne ne se fait trop d'illusions. Maire de la commune pendant huit ans, Daoud Khoury a interrogé les hôtes à leur arrivée : «A mon avis, la réponse c'est qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose », dit-il avant de rappeler que la situation dégradée a une conséquence très concrète, l'émigration des familles.
À Taybeh, « les gens (…) ont besoin d'un toit et d'un travail, c'est la réponse que j'attendais des patriarches : essayer de créer des emplois, essayer de construire des maisons », ajoute-t-il, sans se laisser abattre. À plus de 70 ans, et comme la plupart des habitants âgés du village, il n'a pas l'intention de le quitter mais il se désespère de l'impuissance générale face à la colonisation.
« C'est quelque chose qui dure depuis un certain temps, mais qui prend de l'ampleur actuellement, et ils (les colons) sont déchaînés ». En filigrane, pointe encore une autre question, celle que peu d'habitants osent formuler, celle de leur disparition possible, dit-il.
Depuis un coin du cimetière particulièrement fleuri -lui aussi touché par un départ de feu attribué aux colons- Qassam Mouaddi, qui habite également le village, contemple l'horizon en pointant les dernières installations des colons. Un peu excédé par les salamalecs de la journée, ce jeune journaliste a le sentiment d'être dans une impasse.
« Le message que nous recevons (de la communauté internationale), c'est que nous ne comptons pas », dit-il, « et que si nous continuons à exister dans les 50 prochaines années ou non, cela ne changera rien sur la scène mondiale ».
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Le Figaro
7 hours ago
- Le Figaro
Washington exige d'Israël une enquête après la mort d'un Américain en Cisjordanie
Les États-Unis ont exigé d'Israël mardi 16 juillet une enquête «approfondie» après le décès la semaine dernière d'un Américano-Palestinien, battu à mort par des colons israéliens en Cisjordanie occupée selon l'Autorité palestinienne. «J'ai demandé à Israël de mener une enquête approfondie sur le meurtre de Saif Musalat, un citoyen américain qui rendait visite à sa famille à Sinjil lorsqu'il a été battu à mort», a écrit l'ambassadeur des États-Unis à Jérusalem, Mike Huckabee, sur le réseau X. «Il faut que les responsables de cet acte criminel et terroriste rendent des comptes. Saif n'avait que 20 ans», a-t-il ajouté dans une rare manifestation publique de pressions des États-Unis sur leur allié israélien. Saif al-Din Musalat habitait en Floride, où il était né, et s'était rendu début juin en Cisjordanie «pour passer du temps avec ses proches», selon sa famille. Le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne a annoncé vendredi dernier qu'il était mort «après avoir été violemment battu, sur l'ensemble du corps, par des colons» dans le village de Sinjil, au nord de Ramallah. Le département d'État avait confirmé samedi qu'un citoyen américain était décédé en Cisjordanie, et renvoyé toute question relative à une enquête vers «le gouvernement israélien». Publicité «Une blessure par balle à la poitrine» Les autorités palestiniennes ont annoncé qu'un deuxième Palestinien de 23 ans, Mohammed Rizq Hussein al-Shalabi, était mort au cours de ces mêmes affrontements «des suites d'une blessure par balle à la poitrine». Les violences ont flambé en Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023. Hakeem Jeffries, chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, a également exigé une enquête de la part d'Israël, tout en appelant l'administration Trump à se montrer plus ferme à l'égard des violences en Cisjordanie. «L'administration Trump ne peut pas continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe en Cisjordanie si elle est vraiment déterminée à trouver une paix juste et durable entre Israël et le peuple palestinien», a-t-il affirmé mardi dans un communiqué. La précédente administration américaine sous Joe Biden a condamné l'action des colons israéliens, sanctionnant plusieurs d'entre eux, mais le président Donald Trump a levé ces mesures dès le premier jour de son retour à la Maison Blanche. Figure de la droite chrétienne conservatrice, l'ambassadeur américain Mike Huckabee est proche des milieux israéliens pro colonisation.


Le Parisien
14 hours ago
- Le Parisien
Cisjordanie : le village chrétien de Taybeh appelle à l'aide après des attaques de colons israéliens
« La seule loi, c'est celle de la force », commente le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa. Il s'est joint à d'autres responsables ecclésiastiques et diplomates. Tous arpentent, comme dans une procession religieuse; les rues de Taybeh, petit village chrétien du centre de la Cisjordanie occupée, attaqué depuis des semaines par des colons israéliens, selon des habitants. Invités par la mairie et des prêtres locaux, les dignitaires en costumes ou en soutanes rencontrent un fermier expliquant que des colons l'empêchent d'aller nourrir ses volailles, et plus loin, ils viennent observer les traces d'un important départ de feu venu lécher les abords d'une église byzantine. « Il est de plus en plus évident chaque jour qu'aucune loi n'est respectée (en Cisjordanie)», commente Pierbattista Pizzaballa. « Les autorités israéliennes ont un rôle à jouer pour réaliser les enquêtes nécessaires pour trouver les coupables et les condamner », ajoute le Consul général de France à Jérusalem, Nicolas Kassianides , qu'un habitant remercie d'être venu lors de la précédente récolte d'olives, comme le font des étrangers et des Israéliens pour dissuader d'éventuelles attaques. Quant au représentant de l'Union européenne dans les Territoires, Alexandre Stutzmann, il rappelle les sanctions imposées à certains colons et certaines de leurs organisations. « Solidarité », « écoute », « soutien » : chacun des dirigeants a son petit mot pour les habitants. Dans tout le territoire palestinien, occupé par Israël depuis 1967 , les Nations unies documentent des violences régulières commises par des colons -certains du près d'un demi-million d'Israéliens installés dans des colonies, illégales au regard du droit international . « Du 1er au 7 juillet, le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU a recensé au moins 27 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens », indique un rapport du 10 juillet. Dans des villages voisins, sur la dernière quinzaine, trois personnes ont été tuées et des puits ont été détruits par des colons, selon les autorités palestiniennes. Et ici à Taybeh, l'incendie le 7 juillet de l'église Saint-Georges, dont les fondements remontent au Ve siècle, a choqué. « Nous souffrons de provocations au quotidien », pose le père Bachar Basiel, en décrivant les terres endommagées par des troupeaux étrangers, ou les visites agressives de jeunes Israéliens près des maisons. « Combien de temps ces attaques vont-elles durer ? », demande-t-il. En marge de la visite officielle, sur les portables, on fait défiler photos et vidéos témoignant des attaques et des dégradations. Beaucoup sont incrédules, ils s'interrogent à voix haute : comment a-t-on pu en arriver là dans ce village qui est réputé pour ses allées coquettes et sa fête de la bière annuelle, mais pas pour ses groupes armés ou ses altercations avec l'armée israélienne. « Nous voulons la paix », répètent les anciens à l'écart de la parade des notables. Mais personne ne se fait trop d'illusions. Maire de la commune pendant huit ans, Daoud Khoury a interrogé les hôtes à leur arrivée : «A mon avis, la réponse c'est qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose », dit-il avant de rappeler que la situation dégradée a une conséquence très concrète, l'émigration des familles. À Taybeh, « les gens (…) ont besoin d'un toit et d'un travail, c'est la réponse que j'attendais des patriarches : essayer de créer des emplois, essayer de construire des maisons », ajoute-t-il, sans se laisser abattre. À plus de 70 ans, et comme la plupart des habitants âgés du village, il n'a pas l'intention de le quitter mais il se désespère de l'impuissance générale face à la colonisation. « C'est quelque chose qui dure depuis un certain temps, mais qui prend de l'ampleur actuellement, et ils (les colons) sont déchaînés ». En filigrane, pointe encore une autre question, celle que peu d'habitants osent formuler, celle de leur disparition possible, dit-il. Depuis un coin du cimetière particulièrement fleuri -lui aussi touché par un départ de feu attribué aux colons- Qassam Mouaddi, qui habite également le village, contemple l'horizon en pointant les dernières installations des colons. Un peu excédé par les salamalecs de la journée, ce jeune journaliste a le sentiment d'être dans une impasse. « Le message que nous recevons (de la communauté internationale), c'est que nous ne comptons pas », dit-il, « et que si nous continuons à exister dans les 50 prochaines années ou non, cela ne changera rien sur la scène mondiale ».


Le Parisien
15 hours ago
- Le Parisien
« L'UE s'honorerait à suivre les orientations que nous avons proposées » : la France veut des sanctions européennes contre les colons israéliens extrémistes
La France est favorable à des sanctions européennes contre les colons israéliens extrémistes de Cisjordanie , a confirmé ce mardi 15 juillet à Bruxelles le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot . « Je crois que l'UE s'honorerait à suivre les orientations que nous avons proposées de sanctionner les individus responsables de la colonisation, extrémistes et violents », a-t-il affirmé devant la presse, avant le début d'une réunion avec ses homologues de l'UE à Bruxelles. Une proposition de sanctions à l'encontre des colons extrémistes, coupables de violences contre les Palestiniens de Cisjordanie, est sur la table des Vingt-Sept depuis des mois. Une très large majorité d'États membres y est favorable, dont la France, mais l'adoption de ces sanctions, qui requiert l'unanimité, se heurte jusqu'à présent au veto de la Hongrie, selon des diplomates. La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a également soumis aux pays de l'UE une liste d'options possibles de sanctions contre Israël , comprenant une suspension de l'accord d'association UE-Israël, un embargo total sur les ventes d'armes ou une interdiction d'importation de marchandises en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie. Sur ce point, Jean-Noël Barrot s'est dit favorable à ce que l'UE « cesse toute forme de soutien financier direct et indirect à la colonisation ». Le ministre français a également « exigé » qu'Israël lève son « blocus financier » et paie les deux milliards d'euros qu'il doit verser à l'Autorité palestinienne. Le gouvernement israélien doit mettre « fin à la colonisation de la Cisjordanie et en particulier au projet funeste dit projet E1 qui, avec 3 400 logements, menace de couper en deux la Cisjordanie et de porter un coup fatal à la solution à deux États », a-t-il affirmé. Les 27 doivent discuter mardi des mesures présentées par Kaja Kallas, mais il est peu probable, selon plusieurs diplomates européens, qu'une décision soit prise, tant les divisions entre les États membres restent profondes. Ces options présentées par Kaja Kallas ont été décidées après qu'un rapport de la Commission européenne a établi qu'Israël ne respectait pas l'article 2 de l'accord d'association UE-Israël, prévoyant le respect des droits humains.