
Culture audiovisuelle
Le producteur Orlando Arriagada rappelle l'importance pour le milieu de la production télévisuelle de l'application de la loi C-11 le plus rapidement possible
Orlando Arriagada
Président et producteur, Pimiento Médias
Quand j'allume la télévision et que je tombe sur une série québécoise, j'entends mon accent, je vois mes paysages, je reconnais mes références.
Ces images et ces histoires ne sont pas qu'un divertissement, elles sont notre miroir collectif.
Mais ce miroir rétrécit. Peu à peu, il est remplacé par des productions venues d'ailleurs, portées par les grandes plateformes internationales. Si rien n'est fait, ce sont leurs récits, leurs valeurs et leurs images qui finiront par façonner notre imaginaire.
Notre cinéma, notre télévision, nos séries et nos documentaires ne font pas seulement partie de la culture, mais ils sont un moteur économique important. Chaque tournage mobilise des dizaines, parfois des centaines de personnes : acteurs, réalisateurs, maquilleurs, costumiers, décorateurs, preneurs de son, monteurs, chauffeurs, traiteurs, hôteliers, restaurateurs, loueurs de camions et de matériel. Au Québec, les industries culturelles génèrent environ 17 milliards de dollars par année, autant que la foresterie et presque autant que l'agroalimentaire. À l'échelle canadienne, elles rapportent plus que l'agriculture ou l'hébergement-restauration. Chaque dollar investi rapporte plusieurs fois sa mise dans nos villes et nos régions.
Lorsque des équipes de tournage s'installent quelque part, ce sont des hôtels qui se remplissent, des restaurants qui fonctionnent à plein régime, des commerces locaux qui accueillent de nouveaux clients. Chaque production est aussi une école à ciel ouvert pour les jeunes talents, qui apprennent au contact des meilleurs et se préparent à prendre la relève.
Protéger notre culture audiovisuelle, c'est donc protéger une activité qui crée de l'emploi, forme la relève, améliore notre savoir-faire et exporte notre image dans le monde.
Pendant que nous hésitons, les géants de la diffusion en continu avancent, comme Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, YouTube. Ils occupent nos écrans, dictent nos habitudes de visionnement et contrôlent les algorithmes qui décident de ce que nous voyons. Ils gagnent beaucoup d'argent ici, mais investissent peu dans notre cinéma et notre télévision.
Une loi à mettre en application
La loi C-11 doit obliger ces plateformes à contribuer au financement et à la visibilité de notre culture audiovisuelle. Mais sa mise en application tarde, freinée par des contestations judiciaires et des manœuvres visant à en repousser l'échéance. Pourtant, ce que je souhaite existe déjà ailleurs en France, en Espagne, en Australie, en Corée du Sud, où les plateformes financent massivement les productions locales. Et ça fonctionne !
Je crains aussi que nous perdions nos talents qui portent notre vision à l'international. Notre système de formation et de soutien a permis l'émergence de créateurs et créatrices qui, par leur succès, sont devenus de véritables ambassadeurs de notre vision du monde. Je pense à Denis Villeneuve, Théodore Pellerin, mais aussi à Jessica Lee Gagné, directrice de la photographie reconnue pour Escape at Dannemora et Severance, ou encore à Karine Vanasse, remarquée dans Pan Am, Revenge et plusieurs films. Ces artistes et artisans ne sont pas seulement des visages connus : ils ouvrent la voie à d'autres, inspirent la relève et exportent notre manière unique de raconter des histoires.
PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE
Denis Villeneuve en juillet 2024
Sans un système solide pour les former et les soutenir, cette présence à l'international pourrait disparaître, avec tout ce qu'elle apporte à notre rayonnement et à notre économie créative.
Le Québec a le talent, les infrastructures, la diversité culturelle et la créativité. Nous avons des écoles réputées, des studios modernes, des équipes techniques reconnues dans le monde entier. Mais nous tardons à agir, et ce retard nous coûte cher.
Si nous restons inactifs, nos productions perdront encore de la place à l'écran, non pas par manque de qualité, mais par manque de visibilité. Nos jeunes talents iront ailleurs. Nos histoires voyageront moins et notre image à l'international s'effacera.
En résumé, en agissant maintenant, nous pourrions doubler nos exportations audiovisuelles, créer des milliers d'emplois qualifiés, faire connaître nos créateurs partout dans le monde et stimuler des secteurs comme le tourisme, la restauration, le transport et la technologie.
Je souhaite que le gouvernement applique le plus rapidement possible la loi C-11, mette en œuvre un plan stratégique clair, investisse dans la formation, la création et la promotion internationale, renforce nos télévisions publiques et développe des partenariats avec l'Europe, l'Amérique latine et l'Afrique.
Protéger notre culture audiovisuelle, ce n'est pas défendre un petit milieu fermé. C'est défendre notre économie, préparer la relève et affirmer notre identité. Nous avons tout pour réussir, sauf le courage politique d'agir. Chaque jour où nous attendons, nous perdons un peu de notre voix. Et une voix, quand on la laisse s'éteindre, elle est beaucoup plus difficile à retrouver.
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