
Le Canada grossit, l'espoir maigrit
Le Canada prend du poids non pas par excès de choix, mais par manque d'options saines et abordables – un vide que l'industrie pharmaceutique semble désormais combler.
C'est confirmé : depuis la pandémie, les Canadiens sont plus gros. Ce n'est pas une surprise, mais une nouvelle étude du Journal de l'Association médicale canadienne (JAMC) vient mettre des chiffres sur ce que plusieurs soupçonnaient déjà. Avant 2020, l'obésité progressait lentement au pays. Mais depuis avril 2020, le rythme s'est accéléré. Aujourd'hui, un adulte sur trois vit avec l'obésité. Un sur trois.
Le « nouveau » Guide alimentaire canadien a été publié en 2019 – il y a six ans. Depuis, jamais les Canadiens n'ont été aussi gros. Soit le guide n'était pas à l'épreuve d'une pandémie, soit peu l'ont vraiment suivi.
Bref, cette donnée (un sur trois) est lourde de conséquences, car l'obésité augmente les risques de diabète de type 2, de maladies cardiaques et de certains cancers.
Alors que le nombre de cas augmente, on doit élargir la discussion : oui, les soins médicaux sont essentiels, mais l'accès à une alimentation saine et abordable est tout aussi fondamental.
Ce qui suscite aussi l'inquiétude, c'est que cette hausse touche particulièrement les femmes et les jeunes adultes – deux groupes qui étaient auparavant moins affectés. Le confinement, le stress, la perte de repères et une plus grande sédentarité ont de toute évidence laissé des traces. Et surtout, notre façon de manger a changé : plus d'aliments ultratransformés, plus de grignotage, moins de repas équilibrés.
À tout cela s'est ajoutée la flambée des prix en 2022, causée en partie par l'invasion russe de l'Ukraine. L'inflation a mis à rude épreuve le budget des ménages. Résultat : beaucoup de gens ont dû faire des choix alimentaires moins sains, tout simplement parce que les produits plus nutritifs sont devenus inabordables pour plusieurs familles.
Dans ce contexte, le traditionnel message « bougez plus, mangez mieux » ne suffit plus. Il faut créer un environnement qui facilite les bons choix, pas seulement culpabiliser les gens.
Pour les entreprises alimentaires, la situation est délicate. D'un côté, elles essaient de proposer des produits plus sains. De l'autre, plusieurs marques populaires commencent à perdre de leur éclat. Le cas de Kellanova (anciennement Kellogg) le montre bien : des produits comme Pringles, Cheez-It, Pop-Tarts ou Eggo ne pourront pas survivre encore longtemps sans revoir leurs recettes.
Les Canadiens veulent des ingrédients simples, de la transparence et un minimum de crédibilité nutritionnelle – même pour les collations.
Kraft Heinz semble vouloir suivre cette tendance en séparant certaines divisions, pour mieux valoriser les marques qui fonctionnent encore et se départir de celles qui peinent à s'adapter. Le virage santé n'est plus une option : c'est une condition pour rester dans la course.
PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
L'approche marketing de l'industrie agroalimentaire doit être repensée, car l'approche des consommateurs a changé.
Mais au-delà des produits eux-mêmes, c'est l'approche marketing de l'industrie agroalimentaire qui doit être repensée. Pendant des décennies, les marques ont misé sur l'achat impulsif : couleurs vives, placements stratégiques, slogans accrocheurs et effet de nouveauté. Ce modèle montre aujourd'hui ses limites. L'étude du JAMC le suggère : la consommation émotionnelle et non planifiée a contribué à la montée de l'obésité.
Désormais, les Canadiens souhaitent reprendre le contrôle, planifier leurs repas, comprendre ce qu'ils mangent. Les entreprises devront donc passer d'un marketing fondé sur l'impulsion à un marketing fondé sur l'intention – et c'est un changement majeur.
Pendant ce temps, l'industrie pharmaceutique entre en scène. En 2023, environ 1 million de Canadiens utilisaient déjà des médicaments comme l'Ozempic – conçus pour traiter le diabète, mais désormais largement prescrits pour la perte de poids. Et la tendance s'accélère : on estime que près de 2 millions de Canadiens pourraient être sous traitement avec un médicament de type GLP-1 (régulation de la glycémie et de l'appétit) d'ici 2030. Ces traitements sont coûteux : plus de 660 millions de dollars ont déjà été couverts par les régimes publics pour l'Ozempic seulement. Cela montre à quel point la médecine prend maintenant le relais là où notre système alimentaire échoue.
En somme, ce n'est pas qu'un enjeu de santé publique. C'est un signal clair : notre façon de produire, de transformer, de promouvoir et de vendre les aliments doit changer. Sinon, ce ne sont pas les supermarchés qui s'adapteront, mais les pharmaciens – à nos frais.
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