
Interview de Martial Courtet: «Enseigner le français qu'à l'école secondaire me semble inconcevable»
Martial Courtet lors de notre interview dans son bureau à Delémont.
Pino Covino
Des débats animés sur l'enseignement du français à l'école primaire agitent actuellement la Suisse alémanique. À 48 ans, Martial Courtet, ancien professeur du secondaire, siège au gouvernement jurassien depuis une décennie. Il est à la tête du Département jurassien de la formation, de la culture et des sports (DFCS) . Il préside également la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).
À Zoug, le parlement a récemment transmis au gouvernement un postulat qui demande de supprimer l'enseignement précoce du français à l'école. Qu'en pensez-vous, monsieur Courtet?
Ce qui est important, c'est ce que les directeurs cantonaux de l'éducation décident. Nous venons d'avoir une réunion de la Conférence des directeurs de l'instruction publique à Berne. jusqu'à présent, aucun canton de Suisse alémanique ne semble réellement prêt à sacrifier le français précoce.
La tendance est pourtant évidente: douze des 19 cantons suisses alémaniques souhaitent abolir ou ont déjà aboli l'enseignement précoce du français.
Aucun canton ne l'a fait au cours des dernières années. Mais il y a un risque que l'on détruise un bon compromis suisse. Nous devons l'empêcher. N'oublions pas: aujourd'hui, les cantons alémaniques ont la possibilité d'enseigner d'abord l'anglais en cinquième année, puis le français en septième année. En revanche, tous les cantons romands enseignent l'allemand avant l'anglais. La Suisse alémanique dispose donc de nombreuses libertés en matière d'enseignement des langues.
Selon vous, existe-t-il une ligne rouge à ne pas franchir?
Je n'aime pas le mot «ligne rouge» car il sonne comme une menace. Mais que le français ne soit enseigné qu'au secondaire, c'est impensable pour moi. Je ne crois pas que cela suffise pour apprendre une langue nationale. De plus, il y a un autre problème.
Lequel?
On parle toujours d'une possible surcharge des élèves du primaire. Je vois plutôt le danger que l'école secondaire soit surchargée. Pendant cette période, il se passe tellement de choses chez les élèves: ils entrent dans la puberté, doivent choisir un apprentissage ou le gymnase. Si on leur impose une nouvelle langue à ce moment-là, on n'arrivera pas à atteindre les objectifs. Je dis cela en tant qu'ancien enseignant du secondaire.
Que se passera-t-il si, malgré tout, les cantons ne commencent l'enseignement du français qu'au niveau secondaire?
Si cela devait arriver, la Confédération devrait intervenir car les objectifs pédagogiques ne pourraient être atteints. Mais je crois et j'espère qu'on n'en arrivera pas là – par considération pour la cohésion nationale et pour la crédibilité de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP).
Quel est l'objectif de l'enseignement précoce de l'allemand et du français?
C'est très simple: apprendre la langue le mieux possible. Je le vois avec mes enfants, qui ont 5, 7, 9 et 11 ans. À la maison, à table, ils insèrent des mots allemands et anglais. C'est quelque chose que je n'ai jamais fait. Plus on est jeune, plus on apprend facilement une langue.
C'est formidable que cela fonctionne pour eux. Cependant, une étude révèle que la moitié des élèves ne parvient même pas à comprendre des textes basiques à la fin de l'école primaire.
Ces résultats ne sont pas bons. Nous devons les améliorer, mais au sein du système existant. J'ai l'impression que nous sommes trop souvent encore pris dans ce vieux schéma (prioritairement apprentissage du vocabulaire et de la grammaire) et qu'il faut plutôt, à notre époque de l'intelligence artificielle, privilégier l'oral, l'immersion et la mobilité.
«Je l'avoue: à l'armée, il m'arrivait de parler anglais avec mes camarades suisses alémaniques», déclare Martial Courtet.
Pino Covino
Votre canton a enregistré parmi les pires résultats de Suisse romande.
Oui, nous devons faire des progrès en allemand dans le Jura et c'est pourquoi, entre autres, nous avons décidé d'augmenter le nombre d'heures en apprentissage oral d'allemand et d'anglais il y a quelques mois.
Quel est votre niveau d'allemand?
Il n'est pas très bon, malheureusement. Je l'avoue: à l'armée, je parlais aussi parfois anglais avec mes camarades alémaniques. Dans le Jura, l'allemand est historiquement chargé. Quand j'étais à l'école, il y avait encore des affiches «Le Jura parle français». L'allemand était la langue des opposants à l'indépendance du canton. Heureusement, cette mentalité change. Nous sommes par exemple désormais pionniers dans la maturité bilingue intercantonale avec Bâle-Campagne.
Vous parlez d'échanges linguistiques?
Oui, nous avons aussi un échange linguistique intensif avec le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures et je n'en reçois que des retours positifs. Je l'ai mis en place avec mon homologue Alfred Stricker, alors directeur de l'éducation d'Appenzell Rhodes-Extérieures. L'Appenzell et le Jura ont beaucoup plus en commun qu'on ne le pense.
Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat.
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