
Comportements déplacés d'adultes
C'était un soir avant les grandes chaleurs d'août. Mon amoureuse m'a proposé une sortie inattendue.
« Veux-tu qu'on aille pêcher ensemble demain matin ? »
Mais bien sûr ! Seule contrainte : pas trop loin de la maison. J'ai écumé les forums de discussion pour trouver le meilleur endroit sur l'île de Montréal. Mon choix s'est arrêté sur une pointe du parc des Rapides, à LaSalle. « Tu peux facilement y prendre 30 dorés en deux heures », promettait un pêcheur.
J'ai installé un moulinet tout neuf sur la canne de ma blonde. J'ai rempli le coffre de leurres. Des petits, des gros, des rigides, des mous, des cuillères, ainsi qu'une petite grenouille qui, selon mon collègue Yves Boisvert, affole les achigans. Puis j'ai paqueté la voiture.
Le coffre à pêche.
Les cannes.
Les bottes.
Les salopettes.
La puise.
La grosse glacière, pour nos 30 dorés.
Je suis même allé acheter des vers de plus au dépanneur. Imaginez ma tronche triomphante en arrivant au parc. Je dégageais la confiance de Connor McDavid avant un match contre les Sabres de Buffalo.
Tut, tut, tut, m'a arrêté un préposé du parc.
« Où allez-vous comme ça ?
– À la pointe là-bas.
– Ah non. Ça vous prend une veste de flottaison. C'est la règle. En plus, la police est juste à côté… »
Toute ma préparation venait de tomber à l'eau. Nous nous sommes rabattus sur une petite baie calme, de l'autre côté du parc. Une douzaine d'enfants s'y trouvaient. À l'œil, je dirais qu'ils avaient de 8 à 11 ans. J'étais habillé en salopettes de pêche. Eux, en culottes courtes. Notre coffre débordait. Ils n'avaient qu'un leurre chacun. Nous n'avons rien pogné. Ils ont sorti deux gros achigans. Vous auriez dû voir leurs sourires. Ils auraient été à leur place dans un roman de Marcel Pagnol.
Ce qui m'a frappé ?
Il n'y avait aucun adulte autour d'eux. Seul un ado, moniteur au camp de jour, les supervisait.
Que ce soit au parc, dans la cour, à la plage ou dans la ruelle, les jeunes adorent le jeu libre. Les bienfaits sont nombreux. Ça stimule l'imagination. La créativité. Le partage. La collaboration. Ça développe l'autonomie. Ça permet de réduire le stress et l'anxiété. Allez voir les vidéos des Creek Crawlers, sur Instagram. Sept garçons et une fille ont fait d'un boisé leur terrain de jeu pour l'été. Chaque jour, ils s'inventent de nouveaux défis. Cuuuuuuuuuuuute à l'os.
Les enfants sont capables de s'amuser entre eux. Alors pourquoi, dans le sport, insiste-t-on autant pour les organiser ? Pourquoi les adultes prennent-ils autant de place dans le jeu des enfants ?
Entendons-nous, la présence des adultes est nécessaire. Les enfants n'apprennent pas à patiner tout seuls. Ils ne peuvent pas conduire de Sainte-Julie à Chambly. Mais force est de constater qu'il y a de plus en plus d'adultes qui gâchent le plaisir de jouer des plus jeunes.
Quand j'étais ado, il y avait deux ou trois parents crinqués par ville. Tout le monde les connaissait. Maintenant, il peut y en avoir deux ou trois… par match. Je l'ai constaté sur le terrain, en suivant mes enfants au hockey, au baseball, au soccer et à la crosse. J'ai vu des adultes crier contre des arbitres. Des pères grimper sur la baie vitrée. J'ai perdu le compte de toutes les fois où la police est débarquée à l'aréna.
Je pensais avoir tout vu.
Mais non, insistent les dirigeants de fédération à qui j'ai parlé ces derniers jours. Depuis la pandémie, c'est pire que jamais. Et il est vrai que chaque semaine, mes collègues et moi recevons des tuyaux pour des histoires déplorables.
Tenez, la semaine dernière, à Montréal, un entraîneur de soccer a frappé un adversaire adolescent après une partie. Plus tôt cet été, au baseball, un directeur régional a suggéré de présenter une partie à huis clos, sans les parents. À Sept-Îles, un tournoi junior de dek hockey a pris fin prématurément après des comportements violents, notamment de la part de parents et de spectateurs.
« On ne devrait pas avoir besoin de prévoir de la sécurité pour des compétitions pour enfants », s'indigne la directrice de SPORTSQUÉBEC, Isabelle Ducharme.
À Charlesbourg, les organisateurs d'un tournoi de soccer ont disqualifié une équipe d'enfants de moins de 11 ans, pour punir le dérapage des parents. Le journaliste Mikaël Lalancette, qui a rapporté l'histoire dans Le Soleil, ajoutait que dans une édition précédente du même tournoi, « des jeunes filles ont été apostrophées par des parents adverses en raison de leurs traits supposément plus masculins. Ils ont carrément demandé à ces filles de 9 ou 10 ans de baisser leurs culottes pour prouver leur sexe ». C'est honteux.
Lisez l'article du Soleil
Pensez-vous vraiment que lorsqu'on humilie une fillette de 9 ans en lui demandant de baisser son pantalon, ça lui donne le sourire ? Que lorsqu'un homme saute sur le terrain pour pourchasser l'arbitre, son fils de 11 ans est fier de lui ? Que lorsqu'une mère descend des gradins pour engueuler une bénévole pour le faux départ de sa fille, la jeune nageuse bombe le torse ? Bien sûr que non. Ils sont mortifiés par la honte.
PHOTO FRÉDÉRIC MATTE, ARCHIVES LE SOLEIL
À Charlesbourg, les organisateurs d'un tournoi de soccer ont disqualifié une équipe d'enfants de moins de 11 ans pour punir le dérapage des parents.
En parallèle, il y a le phénomène des parents hélicoptères, qui tournent toujours autour de leur enfant. Une personne à la tête d'une grosse fédération m'a raconté qu'une mère voulait la convaincre de changer la date des championnats provinciaux, car sa fille ne pouvait pas y assister. Le directeur général de Sport'Aide, Sylvain Croteau, a indiqué au Soleil que des parents ont menti à propos de blessures subies par leurs enfants pour leur permettre de participer aux Jeux du Québec. « C'est de la négligence, carrément », déplorait-il.
Il y a des parents qui, au lieu d'accompagner leur enfant dans l'épreuve, la victoire ou la défaite, finissent par la vivre eux-mêmes. Ils souhaitent tellement protéger leur enfant qu'ils vivent la situation à sa place.
Francis Ménard, directeur général de la Fédération de natation du Québec
Petit rappel amical : les chances qu'un hockeyeur québécois d'âge atome atteigne la Ligue nationale de hockey sont de 1 sur 2500. Imaginez maintenant les ratios au baseball, au volleyball, au tennis, à la natation ou à la course.
Alors, à quoi servent les adultes dans le sport mineur ? À les initier. À les inscrire. À les équiper. À les transporter. À les encourager. À les suivre dans leur passion. À les développer, si vous êtes entraîneur.
Surtout, à créer un environnement stimulant, qui leur donnera le goût de se réinscrire l'été suivant. Ça devrait être le premier objectif de toute personne impliquée dans le sport organisé.
Après, laissons-les jouer.

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