
8000 euros de retraite à rembourser : une ex-infirmière hospitalière dans l'impasse
Dans la région de Dijon, en Bourgogne-Franche-Comté, Patricia Grand vit avec le sentiment amer de s'être fait avoir. Et faute de trouver une solution qui pourrait la satisfaire, cette infirmière de 54 ans a décidé de médiatiser son affaire. La raison de son courroux ? Une lettre de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) qui lui réclame le remboursement de 7996,32 euros de «trop-versé» au titre de sa retraite d'infirmière hospitalière. Un métier qu'elle a exercé avec passion pendant plus de 20 ans à l'hôpital jusqu'au jour où elle a décidé de quitter la fonction publique pour exercer dans le privé. «J'ai travaillé 21 ans en pédiatrie, mais le système ne me convenait plus», explique-t-elle pudiquement, confiant être passée non loin d'un grave burn-out. En 2014, à 43 ans, sa décision est donc prise de démissionner, et de reprendre son indépendance et toucher en plus la pension de retraite à laquelle elle pense avoir droit. «Une question de santé mentale», assure-t-elle aujourd'hui.
Mais tout ne se passe pas comme prévu : après une première simulation réalisée avec le CHU de Dijon où elle est salariée, elle apprend que sa retraite ne s'élèvera qu'à 650 euros par mois environ contre 980 euros, comme il lui avait été préalablement indiqué. «Ils m'ont demandé si je souhaitais toujours partir, j'ai dit 'oui' et il a été décidé que je travaillerai jusqu'au 31 décembre pour avoir une année complète», poursuit l'infirmière. À l'époque, elle est en arrêt maladie à la suite d'une opération de l'épaule et ne voit aucun inconvénient à ne quitter son poste qu'à partir du 1er janvier 2015. Et surtout, dès lors qu'elle affiche plus de 15 ans de service - 21 ans dans son cas - et qu'elle a trois enfants - ce qui est aussi son cas - elle a tout à fait le droit de prendre sa retraite pour aller travailler ailleurs. Ce qu'elle fait dès le 5 janvier 2015, date à laquelle elle commence à travailler comme infirmière au Centre d'études et de recherches pour l'intensification du traitement du diabète (CERITD), dans une antenne détachée à Besançon.
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Un changement de loi au cœur de l'affaire
Mais c'était sans savoir qu'un changement de loi l'empêcherait de profiter pleinement de l'opportunité de cumuler sa pension de retraitée de la fonction publique et son nouveau salaire. Le jour de son départ officiel du CHU, des changements opérés dans le cumul-emploi-retraite s'appliquent en effet aux assurés qui perçoivent leur première pension à compter du 1er janvier 2015. Dans ce cadre, la reprise d'une activité dans un autre régime ne permettra plus d'acquérir de nouveaux droits à la retraite, ni de percevoir une retraite si les revenus annuels liés à la nouvelle activité dépassent les 10.000 euros. En somme, si un salarié décide de liquider ses droits à la retraite au mois de février 2015 et qu'il projette de reprendre une activité, il cotisera désormais à fonds perdu. Une modification administrative qu'ignorait complètement Patricia Grand, alors âgée de 44 ans avec trois enfants à charge. Pendant des années pourtant, entre 2015 et 2023, elle n'en saura rien et continuera sa vie en toute bonne foi. Jusqu'à fin 2023.
«En octobre 2023, j'ai reçu un courrier de la CNRACL m'expliquant que je n'avais pas le droit de cumuler emploi et retraite, et que je devais rembourser le trop-perçu», témoigne Patricia Grand. À moins qu'elle ne justifie d'avoir travaillé pendant le Covid : «ce qui est mon cas, donc j'ai envoyé tous les justificatifs». Un an s'écoule avant qu'elle ne soit rattrapée par la patrouille. «Le 15 octobre 2024, je reçois un nouveau courrier de la CNRACL qui m'informe que mes revenus déclarés par mes nouveaux employeurs dépassent le plafond autorisé et que je dois rembourser les 7996,32 euros», poursuit l'infirmière, bien décidée à se mobiliser. «Pour une journée travaillée, je perds tout. Pour moi, c'est l'effondrement», explique-t-elle, confiant avoir écrit jusqu'au président de la République, qui lui a répondu. Le dernier courrier date du 10 juillet, et indique - sous la plume du chef de cabinet d'Emmanuel Macron - «que la Présidence de la République n'est pas habilitée à se substituer aux autorités compétentes».
À lire aussi Jean-Pierre Robin : « Promu ennemi public numéro un, le 'retraité aisé' devra payer cher sa rédemption ! »
«Ça va se terminer au tribunal administratif»
«Si j'avais su, j'aurais tout simplement démissionné et j'aurais attendu ma retraite comme tout le monde», s'émeut-elle aujourd'hui, bouleversée de comprendre que non seulement, elle ne pourra toucher sa pension à taux plein tant qu'elle travaillera, mais également que depuis 2015, elle cotise pour rien et que sa retraite ne sera jamais revalorisée. «À l'heure actuelle, cela fait 31 ans que je suis infirmière et malgré mon burn-out, je n'ai jamais cessé de travailler», pointe la cinquantenaire, qui craint d'être obligée de porter l'affaire en justice. Et de s'inquiéter : «Ça va se terminer au tribunal administratif (...) il faut que je prenne un avocat mais financièrement, ça a un coût».
Sans retour de l'administration, l'équation est simple : soit elle arrête de travailler et ne touchera que 650 euros par mois au titre de sa retraite, soit elle continue de travailler mais cela la privera de sa retraite et elle ne cotisera pas davantage pour le jour où elle s'arrêtera définitivement de travailler. Sans compter la somme qu'elle doit rembourser. Impossible pour elle, avec deux enfants qui poursuivent leurs études, de quitter son emploi qui lui rapporte bien plus que sa retraite d'infirmière hospitalière. «Je continue d'avancer, mais je ne cesse d'y penser, en me levant le matin et en me couchant le soir. C'est très compliqué», lance-t-elle.
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