
Quid des dispositifs techniques de protection des victimes de violences domestiques?
Les victimes de violences domestiques sont majoritairement des femmes (image d'illustration).
Getty Images
En bref:
En réaction au nombre élevé de féminicides, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider convoquait, la semaine dernière, une séance extraordinaire pour renforcer la lutte contre les violences domestiques. À l'issue de celle-ci, des mesures urgentes ont été définies et un appel à une action politique forte et concertée a été lancé. Depuis le début de l'année, 18 femmes ont été tuées .
La Confédération et les cantons ont pourtant adopté, en 2021, une feuille de route sur les violences domestiques , couvrant des domaines comme la gestion des menaces, l'aide aux victimes ou la surveillance électronique. Sur ce dernier point, la Faculté de droit de l'Université de Berne relevait, dans un rapport d'octobre 2024, que «plusieurs cantons ont déjà recours à la surveillance électronique ou à des dispositifs d'urgence à titre préventif dans le contexte de la violence domestique , bien que les conditions-cadres diffèrent […] et que les variantes soient nombreuses (système ou technique utilisés, champ d'application, forme de surveillance), reflétant le fédéralisme de la Suisse».
Le «fédéralisme» n'aurait-il pas bon dos pour couvrir le retard pris sur ce dossier? En 2022, le Code civil s'est doté d'un nouvel article, le 28c , qui permet aux victimes de violences domestiques de tous les cantons de demander au juge d'ordonner «le port par l'auteur de l'atteinte d'un appareil électronique non amovible permettant de déterminer et d'enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve». Mais cette surveillance n'est que passive: l'infraction n'étant constatée qu'a posteriori…
Et pour autant que ce dispositif soit utilisé . «Nous qui travaillons sur le terrain et qui accompagnons les victimes, ces bracelets de surveillance passive, on ne les voit pas, affirme Muriel Golay, directrice du Centre LAVI de Genève, qui soutient les personnes ayant subi des violences physiques, psychiques ou sexuelles. Actuellement, les personnes victimes doivent compter sur le respect par l'auteur des interdictions auxquelles il a été condamné, et s'il ne les respecte pas, le signaler à la police, ce qu'elles peuvent avoir de la difficulté à faire. Cette situation ne leur donne pas un sentiment de sécurité adapté à la gravité des faits subis.»
La surveillance active électronique, avec intervention quasi en temps réel et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, a fait ses preuves en Espagne. En 2023 et 2024, elle a été testée à Zurich. Le bilan de l'expérience est attendu entre cette année et la suivante.
La surveillance active électronique est aussi soutenue par une initiative parlementaire, déposée en 2022 déjà, pour que le principe d' une telle surveillance soit introduit dans la législation fédérale. Mais la mise en œuvre de cet outil vient d'être reportée…
Un dispositif de type balise de géolocalisation par GPS, ou bracelet électronique (image d'illustration).
IMAGO/SNA D'autres dispositifs de protection des victimes
Le bracelet électronique passif n'est pas le seul outil technique de protection des victimes. Le rapport de l'Université de Berne évoque également des montres et des boutons d'urgence, ou un système de double géolocalisation auteur et victime. Ces projets pilotes restent rares. Seuls quelques cantons se sont lancés.
En Suisse romande, à la suite du féminicide d'Épagny , Fribourg a promis des mesures contre les violences domestiques. «Les différents systèmes techniques seront évalués», s'engage la Direction de la sécurité, de la justice et du sport. Dans le canton du Jura, pas de dispositif type bouton ou montre d'urgence en vue. En Valais, pareil: aucun projet pilote n'est en cours d'élaboration. À Genève, en revanche, il en existe un, annoncé en février 2024 déjà . Quels en sont les contours, les premiers résultats? «Malheureusement, c'est juste encore un peu trop tôt pour vous répondre», regrette le Département des institutions et du numérique. Un bouton et une balise contre les violences domestiques
Le Canton de Vaud a quant à lui mis en place, depuis avril 2023 à Yverdon, un projet pilote intitulé Adrien. Il consiste en une balise qui peut être géolocalisée et qui permet aux victimes qui y ont accès d'émettre une alerte silencieuse et de se mettre en relation avec une centrale de sécurité privée.
Du côté de Neuchâtel, cela fait dix ans qu'un dispositif d'alarme est testé. «Il consiste en un petit boîtier portable avec GPS, actif en tout temps et discret, équipé d'un bouton permettant d'envoyer discrètement une alarme avec géopositionnement à la Centrale neuchâteloise d'urgence (CNU), explique le commandant de la police Sami Hafsi. Il est remis aux personnes cibles sur base d'une analyse approfondie de la situation et des menaces dont il est question, et fait l'objet d'une décision par un officier de police judiciaire. Il en découle un ordre de mission qui pose la séquence d'actions que déclenchera une alerte.» Quatre boîtiers sont utilisés.
Ce boîtier rassure les victimes, indique Céline Vara, conseillère d'État neuchâteloise. «Le dispositif, seul, ne fait pas tout. Il n'est qu'un outil en plus, qui ne remplace en aucun cas les autres moyens mis en œuvre pour prévenir et lutter contre les violences domestiques.» D'autres solutions que le bracelet électronique
Muriel Golay, du Centre LAVI de Genève, rappelle qu'il n'y a pas que les dispositifs que la justice peut ordonner à l'auteur de porter. «Il existe sur le marché des boutons d'alarme ou des applications sur smartphone – comme The Sorority, par exemple – qui permettent à la personne victime de demander de l'aide. Je suis réservée sur certains aspects, mais ils peuvent indéniablement contribuer à soutenir la personne dans l'organisation de sa protection et renforcer son sentiment de sécurité. Ce qui est un élément trop souvent oublié dans les objectifs de lutte contre les violences.»
Au sein du Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV), Emilie Flamand participe à la coordination de la lutte contre les violences domestiques à Genève. Comme tous les intervenants que nous avons consultés, elle appelle à plus de coopération entre les cantons. «Il faudrait un concordat, ou des accords intercantonaux, illustre la directrice. Sur un territoire aussi petit et morcelé que la Suisse, l'idée que 26 systèmes différents puissent être efficaces semble difficile à croire.»
Pour développer une solution nationale de surveillance électronique, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a créé l'association Electronic Monitoring (EM). Son nouveau président, Vassilis Venizelos, affirme qu'il veut faire avancer les choses ( lire notre interview ) .
Emilie Flamand tient à rappeler que les dispositifs techniques de protection des victimes de violences domestiques ne sont qu'une infime partie d'un système beaucoup plus vaste à mettre en place. «Les féminicides ne surviennent pas d'un coup. C'est en général le point final d'une longue escalade de contrôles, menaces et violences. C'est sur la détection précoce de ces situations qu'il faut travailler.»
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Contre le TDAH, «le médicament est utile, mais il ne fait pas tout»
Prescrit-on trop de Ritaline? Une étude apporte un nouvel éclairage à cette question récurrente. Le point avec le médecin Nader Perroud, spécialiste du TDAH. Publié aujourd'hui à 06h59 Quand il prescrit un psychostimulant à la personne atteinte d'un TDAH, le médecin devrait de toute façon proposer des approches éducatives en parallèle, souligne Nader Perroud. Imago En bref: Prescrit-on trop souvent des médicaments pour soigner le TDAH, ou trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité? Une étude sur 247'420 patients suédois (de 4 à 64 ans) sous traitement entre 2006 et 2020 apporte un nouvel éclairage sur ce débat constant. Publiée dans «Jama Psychiatry», elle montre que, durant cette période, la prise de Ritaline et d'autres psychostimulants est associée à une réduction des comportements d'automutilation, des blessures involontaires, des accidents de la route et des crimes. Cependant, l'ampleur de ces bénéfices semble s'amenuiser au fil du temps, alors que les prescriptions augmentent. Les chercheurs suggèrent que cet affaiblissement des bénéfices pourrait être dû à l'élargissement de l'usage des traitements à des patients présentant des symptômes moins sévères. Ils soulignent aussi que les médicaments contre le TDAH sont associés à des effets indésirables, tels qu'une perte d'appétit, un retard de croissance ou des insomnies. Ils appellent donc à des recherches supplémentaires pour déterminer si certains groupes de patients profiteraient davantage de traitements alternatifs ou complémentaires. Ils recommandent aussi de réévaluer régulièrement les directives thérapeutiques pour le TDAH, afin de refléter l'évolution du profil des patients. Le professeur Nader Perroud, psychiatre et psychothérapeute aux HUG, juge cette étude «solide et intéressante, car elle montre qu'un traitement avec un psychostimulant est bénéfique s'il est bien prescrit». Cet expert suisse du TDAH répond à nos questions. Y a-t-il un risque de surprescription des médicaments pour le TDAH? Ce risque va se produire, c'est inévitable. Du moment où l'intérêt grandit pour une pathologie qui pourrait expliquer des difficultés d'apprentissage ou de performance (pour l'enfant), cela entraîne des demandes d'évaluation. Des médecins pourraient diagnostiquer trop facilement ce trouble et choisir le traitement médicamenteux pour répondre à des difficultés qui sont plus de nature sociétale. Mais ce phénomène s'est déjà produit, par exemple, quand on a formé les généralistes aux antidépresseurs. Ils ont commencé à les donner à la moindre dépression, au moindre trouble anxieux, sans que cela soit justifié par des études. Avec le TDAH, quelle est la situation? Les prescriptions augmentent et cela va continuer, car nous avons une meilleure connaissance de ce trouble, qui n'avait jamais été enseigné dans les facultés jusqu'à présent. Les professionnels commencent à le considérer dans leurs diagnostics. Cette meilleure diffusion permet de mieux détecter les cas, mais on voit les premiers signes d'une surprescription dans certaines régions. À l'inverse, il y a de véritables déserts médicaux en Suisse , où les patients doivent attendre des mois avant d'être pris en charge par un spécialiste. L'étude montre qu'avec la généralisation des prescriptions, l'effet bénéfique des psychostimulants baisse. Est-ce surprenant? Non. Reprenons l'exemple des antidépresseurs. Au départ, ils ont été prescrits à des patients avec des symptômes majeurs. Les effets ont été importants. On les a donnés ensuite à des personnes moins atteintes, et les résultats ont été plus faibles. On a remarqué qu'il était préférable de leur recommander les contacts sociaux ou un peu d'exercice. On peut faire le pari qu'on verra la même chose avec le TDAH. Quels sont les critères essentiels pour diagnostiquer le TDAH et décider du traitement? Sont-ils respectés? Les critères médicaux n'ont pratiquement pas changé depuis plusieurs dizaines d'années et ils me semblent bons. Ils permettent d'évaluer si un patient souffre d'un TDAH suffisamment sévère pour l'affecter dans son fonctionnement quotidien. Un médecin doit suivre ces critères, comme quand il traite par exemple une hypertension. Comment remédier aux manquements? Il faut former les professionnels de la santé, les sensibiliser à l'application de ces critères. Sinon, nous risquons d'essuyer les critiques. Le problème est qu'en psychiatrie, l'enseignement postgradué a été un désastre ces dernières années. Cela ne concerne pas seulement le TDAH. D'autres troubles ont été laissés de côté, comme ceux du spectre autistique, parce qu'on se concentrait sur la dépression, le burn-out et les troubles anxieux. Et tout cela a été alimenté par les boîtes pharmaceutiques qui produisent des antidépresseurs ou des neuroleptiques. Vous craignez que ces erreurs freinent la prise en charge de patients qui ont besoin d'un tel traitement? Oui. De nombreuses personnes ont de la peine à bénéficier d'un traitement adéquat. Certains patients attendent trois ans ne serait-ce que pour être évalués. Entretemps, un psychiatre va donner des médicaments qui ne servent à rien. Des neuroleptiques, notamment, parce qu'ils peuvent être prescrits assez aisément sans que cela gêne les politiques, même si leurs effets secondaires sont bien plus nombreux que ceux de la Ritaline. Des enfants finissent en échec scolaire, des familles explosent, des gens perdent leur travail… Trois ans plus tard, on leur dit qu'on aurait pu l'éviter si on les avait vus plus tôt. Alors, je ne nie pas qu'il y a un risque de surprescription. Mais dans mon quotidien, ce sont ces histoires que je vois. Et c'est triste. Comment évalue-t-on et communique-t-on les effets secondaires des médicaments, en particulier chez les patients moins gravement atteints? Tout médecin est obligé d'annoncer les effets secondaires d'un traitement, quel qu'il soit. Selon les recommandations internationales, nous devons dans un premier temps proposer des aménagements environnementaux si le TDAH n'est pas trop sévère. À partir d'une certaine intensité, nous le faisons en parallèle d'un traitement médicamenteux. Les recommandations de prescription sont-elles à jour, ou doivent-elles être améliorées? Je vois mal en quoi les recommandations internationales devraient être améliorées. Ces prescriptions sont déjà très surveillées et je ne vois pas trop l'intérêt d'ajouter des contraintes. Selon moi, le principal problème est que ces directives sont mal connues. Quelles sont les alternatives aux médicaments , et ont-elles prouvé leur efficacité? Oui, des études démontrent qu'un enseignement de compétences est assez efficace, même si les effets sont plus importants avec un médicament. Ça consiste en quoi? On va apprendre au patient à mettre des alarmes pour ne rien oublier, à repérer les distracteurs dans l'environnement. On peut l'aider à observer son attention, en utilisant notamment la méditation de pleine conscience, ou lui enseigner des stratégies pour aller plus facilement au lit (les personnes atteintes de TDAH ont souvent du mal à se coucher le soir). Il existe d'autres trucs, comme le fait d'alterner les tâches plaisantes et ennuyeuses ou de prévoir une petite récompense lorsqu'on a terminé un travail important. On va aussi aider le patient à communiquer avec les autres, pour éviter qu'il soit trop impulsif. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Prescrire un médicament est-il parfois une solution de facilité? Le médecin devrait de toute façon proposer ces approches éducatives au patient qui commence à prendre un psychostimulant. Au minimum, il devrait l'aider à observer comment son comportement change. En général, les gens sont demandeurs d'un tel suivi, mais certains praticiens n'ont pas forcément le temps. Le problème, c'est que si ce travail psychoéducatif n'est pas effectué, la personne se retrouvera en difficulté. Le médicament est utile, mais il ne fait pas tout. La recherche sur les effets à long terme des médicaments pour le TDAH est-elle suffisante? Nous savons qu'il y a peu d'effets secondaires, hormis d'éventuelles conséquences sur la tension artérielle, qui doit être surveillée. Par contre, nous manquons d'études sur l'efficacité des traitements à très long terme. On constate qu'elle baisse, ce que cette publication semble confirmer. Nous aurions besoin de recherches plus fines pour comprendre ce phénomène. Autres articles sur le TDAH Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre en particulier les sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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Danger d'incendie en Valais: feux en plein air interdits
Danger d'incendie – En Valais, il est désormais interdit d'allumer un feu en plein air Seule une pluie persistante de trois jours pourrait soulager les sols assoiffés, après des semaines de sécheresse. Lea Gloor Les autorités valaisannes interdisent désormais d'allumer un feu en plein air (image d'illustration). KEYSTONE/DPA/NICOLAS ARMER Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk À compter de ce mardi, il est interdit d'allumer du feu en plein air en Valais. Un très fort danger d'incendie explique cette décision communiquée ce jour par le canton. «Après un printemps très sec, une situation de sécheresse importante s'est installée en Valais, aggravée par une forte canicule durant la première moitié du mois d'août 2025, détaillent les autorités. La majorité des régions du canton du Valais a atteint le niveau fort à très fort de danger d'incendie de forêt.» Les cantons de Genève et de Neuchâtel avaient également tiré la sonnette d'alarme la semaine dernière. Malgré la fin de la canicule «La fin de la canicule attendue cette semaine et les quelques précipitations attendues ne permettront pas d'améliorer la situation générale», avertit le communiqué. Et de relever: «La situation ne peut s'améliorer que dans le cas d'une pluie persistante d'au moins trois jours et de plus de 30 mm/m2. Les pluies de courte durée et les orages n'influencent que très peu la situation de danger actuelle.» Malgré la sécheresse, les grillades restent toutefois tolérées «uniquement dans les espaces privés, dans les zones résidentielles ou urbaines et sous la responsabilité de la personne qui allume l'installation», précise le communiqué. Le grill devra être posé «sur une base non inflammable» comme un socle en béton ou un dallage de pierre et à «au moins plus de 10 mètres d'une surface ou de végétation inflammable» comme un champ ou des buissons. Newsletter «La semaine valaisanne» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton du Valais, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Se connecter Lea Gloor est journaliste au sein de la cellule digitale depuis février 2025. Elle est titulaire d'un Master en journalisme de l'Université de Neuchâtel depuis 2014. Plus d'infos @LeaGloor Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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Maladie oubliée: la lutte contre la peste passe par Genève
Maladie oubliée – La lutte contre la peste bubonique passe par Genève Pour la première fois dans l'histoire, un essai clinique concluant a été réalisé. Il a été mené à Madagascar, avec la participation de deux experts suisses. Caroline Zuercher Cette photographie prise en octobre 2016 par l'organisation Médecins sans frontières montre des travailleurs qui nettoient et désinfectent les tentes où dorment les patients du centre de triage et de traitement de la peste à Tamatave, dans l'est de Madagascar. AFP PHOTO / MEDECINS SANS FRONTIERES / RIJASOLO Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Une recherche menée à Madagascar montre que la peste bubonique peut être traitée efficacement avec un antibiotique oral simple. Le traitement par ciprofloxacine évite l'hospitalisation et réduit les coûts médicaux. Des arguments importants dans ce pays. Le consortium international ISARIC valide ainsi la première étude clinique sur la peste. Deux experts suisses ont participé au projet. Bubonique, pulmonaire ou septicémique, la peste afflige l'humanité depuis 5000 ans, mais n'avait jamais fait l'objet d'un essai clinique concluant. Bien que cette maladie évoque des images effrayantes, elle est négligée par la recherche médicale. «Jusqu'à présent, les traitements étaient basés sur des données récoltées sur les animaux ou en laboratoire», confirme le Genevois Piero Olliaro, professeur en maladies infectieuses de la pauvreté à l'Université d'Oxford et directeur scientifique de l'ISARIC, un consortium international sur les maladies émergentes. Le Genevois Piero Olliaro, professeur en maladies infectieuses de la pauvreté à l'Université d'Oxford et directeur scientifique de l'ISARIC, un consortium international sur les maladies émergentes. Il est l'investigateur de l'étude qui vient d'être publiée. DR Une étude menée à Madagascar et financée par des fonds publics britanniques comble cette lacune. Ses résultats viennent d'être publiés dans le «New England Journal of Medicine», avec le soutien de l'Université d'Oxford et de deux experts helvétiques. Deux traitements de dix jours contre la peste bubonique ont été comparés. Le premier combine des injections d'antibiotiques nécessitant trois jours d'hospitalisation et de la ciprofloxacine (un autre antibiotique) administrée par voie orale. Le second repose uniquement sur la ciprofloxacine orale. Résultat? Les taux de mortalité sont similaires, avec quatre décès sur 111 pour le premier et cinq pour le second. L'intérêt est que, jusqu'à présent, la première solution était privilégiée à Madagascar – ce qui compliquait la prise en charge. «Une hospitalisation coûte cher et elle peut être difficile à gérer pour un patient et sa famille, résume Piero Olliaro, qui est aussi l'investigateur principal. En l'évitant, on divise pratiquement par dix les frais médicaux. Pour le personnel soignant aussi, cela simplifie les choses.» La professeure Alexandra Calmy, infectiologue aux HUG, a présidé le conseil scientifique du projet. Steeve Iuncker-Gomez La ciprofloxacine au cœur de l'essai clinique La ciprofloxacine est un médicament bon marché et largement répandu. «C'est un antibiotique à large spectre», précise la professeure Alexandra Calmy, infectiologue aux HUG et présidente du conseil scientifique du projet. «Protéger son efficacité est devenu crucial: il faut éviter de le donner lors d'infections banales pouvant être traitées autrement.» Indépendamment du traitement choisi, le projet devrait améliorer la prise en charge des patients à Madagascar. Piero Olliaro relève que, dans le cadre de l'essai, le taux de mortalité était de 4%, contre environ 20% en dehors. Ce bénéfice pourrait perdurer. 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L'impact reste difficile à évaluer, faute de statistiques fiables. Le contenu qui place des cookies supplémentaires est affiché ici. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Autoriser les cookies Plus d'infos Au-delà des retombées médicales, cette recherche soulève des questions sur la répartition mondiale de la maladie et les moyens alloués à sa lutte. On estime que 80% des cas surviennent à Madagascar, mais il y en a aussi en République démocratique du Congo, au Pérou ou en Bolivie. Des cas sporadiques touchent en outre d'autres régions – notamment en Chine et en Mongolie. Un décès aux États-Unis a récemment défrayé la chronique. 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