
Médecine du sport: La natation pourrait devenir un bon médicament
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La natation pourrait devenir votre meilleur médicament
Ce sport complet convient à presque tout le monde et soulage les douleurs articulaires. La spécialiste Sibylle Matter Brügger donne ses conseils pour bien débuter, même après 50 ans.
Kristian Kapp
La natation peut avoir un effet positif en cas de maladies rhumatismales et d'arthrose du genou ou de la hanche.
GETTY IMAGES
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La natation est souvent présentée comme le plus sain des sports. Qu'en est-il vraiment? La médecin du sport Sibylle Matter Brügger, cheffe du service au Centre médical sportif Medbase Berne et médecin-cheffe de Swiss Aquatics et Swiss Triathlon, nous éclaire sur la question. Ancienne triathlète de haut niveau et participante aux Jeux olympiques, elle livre ses réponses et conseils aux nageuses et nageurs amateurs.
Madame Matter Brügger, la natation est-elle vraiment le plus sain des sports?
Elle fait en tout cas partie des disciplines les plus saines. La natation est un entraînement complet du corps, qui permet en outre de développer l'endurance et la coordination. La natation sollicite l'ensemble du corps, tout en améliorant l'endurance et la coordination. Elle convient à presque tout le monde, que l'on ait un poids très léger ou très élevé. En Suisse, il est possible de nager dans la plupart des régions, et ce, toute l'année.
Vous avez été triathlète de haut niveau. Comparée à la course à pied ou au vélo, la natation est-elle, médicalement parlant, plus indiquée?
Je considère plutôt la natation comme un complément idéal à d'autres sports d'endurance. Cela dit, en cas de problèmes articulaires, la natation est particulièrement recommandée, car elle exerce moins de contraintes sur les articulations grâce à la portance de l'eau.
Ce n'est donc pas valable de prétexter des douleurs aux articulations pour ne pas aller à la piscine.
Les douleurs à l'épaule font exception. Mais comme il existe différents styles de nage, il est souvent possible de s'adapter. Pour les nageurs amateurs, la brasse reste généralement praticable même en cas de douleurs à l'épaule, tandis que le crawl peut être plus problématique. L'essentiel, c'est qu'on trouve toujours une variante qui convient.
Quelles recommandations pour les personnes peu sportives ou en difficulté de coordination qui souhaitent se mettre à la natation?
Pour ces personnes, il est judicieux de suivre un cours d'initiation afin de se familiariser avec les styles et techniques de base. La natation est en principe plus agréable lorsqu'on maîtrise les bons gestes. Il est également important d'évaluer correctement ses propres capacités et d'éviter de prendre des risques pour sa santé.
Que recommandez-vous?
Ne pas aller directement dans les eaux profondes. Selon l'âge et les antécédents médicaux, une consultation médicale préalable est recommandée. En cas de problèmes cardiaques, par exemple, la natation peut présenter un risque. Plus généralement, la sécurité doit toujours primer: suis-je en assez bonne forme pour nager seul? Cette question est essentielle, en particulier lorsqu'on nage en milieu naturel, comme dans un lac ou une rivière.
Quel est l'âge idéal pour commencer?
Entre 4 et 10 ans, ce serait l'idéal, car les enfants apprennent beaucoup plus facilement les techniques de base lors des cours de natation. Celles-ci aident non seulement à mieux évaluer ses propres capacités, mais elles sont aussi utiles pour les cours de natation à l'école, ainsi que pour les loisirs, lorsqu'on va nager avec des amis.
Quel est l'intérêt de la natation si je ne la découvre qu'à 50 ou 60 ans?
Beaucoup de gens ne commencent à bien nager qu'à cet âge. La natation peut soulager de nombreux maux. Les personnes souffrant de maladies rhumatismales, ainsi que d'arthrose du genou ou de la hanche, peuvent pratiquer sans problème le crawl et le battement de jambes. En cas de douleurs dorsales, la technique est primordiale: la brasse est alors moins recommandée, tandis que le crawl, bien maîtrisé, convient mieux. Quoi qu'il en soit, je conseille de suivre un cours au début, même à un âge avancé.
Un équipement de pointe est-il uniquement destiné à la compétition?
On peut aller nager même avec un petit budget. L'essentiel, c'est que tout soit confortable. Si on veut vraiment nager et non simplement s'amuser dans l'eau, je recommande un maillot de bain près du corps, qui offre le moins de résistance possible.
Qu'est-ce qui est le plus important pour les débutants: la force ou la technique?
La technique compte bien plus, car elle permet de nager beaucoup plus vite avec moins d'effort. La seule force physique ne suffit pas pour bien nager.
Sibylle Matter Brügger pendant les Jeux olympiques d'été à Paris en 2024.
Patrick B. Kraemer/Keystone
Quelle est l'importance d'une bonne technique de respiration en crawl? Est-ce suffisant de se sentir à l'aise en respirant?
Il est important de ne pas retenir sa respiration ni de pratiquer une respiration forcée. Il faut expirer sous l'eau sans pression excessive, puis inspirer brièvement une fois à la surface. Cette coordination est très difficile au début. Je recommande aussi d'apprendre à respirer des deux côtés en crawl. En général, on a tendance à privilégier un côté où l'on se sent plus à l'aise.
Quels sont les symptômes courants de surmenage en natation?
La pratique régulière du crawl, du dos ou du papillon peut provoquer des douleurs aux épaules. Ces troubles sont souvent dus à un déséquilibre musculaire, autrement dit, à une sollicitation inégale des muscles stabilisateurs. Un renforcement ciblé de ces muscles permet généralement de corriger le problème. Dans de nombreux cas, il est recommandé de consulter un spécialiste, qui pourra prescrire un traitement en physiothérapie.
Une mauvaise technique à laquelle on s'est habitué peut-elle causer des dommages?
Oui, surtout si l'on ignore les signaux de douleur et continue à forcer malgré tout.
À quelle fréquence et pendant combien de temps faut-il nager pour que ce soit bénéfique?
D'un point de vue santé, chaque minute compte. On peut commencer par nager trois fois quinze minutes par semaine, puis augmenter progressivement jusqu'à trois fois quarante-cinq minutes. Il vaut mieux nager plus souvent, mais moins longtemps, que de faire une seule longue séance.
À ceux qui trouvent les éternels allers-retours ennuyeux, quels conseils donnez-vous pour lutter contre la monotonie?
Nager peut aussi être une excellente façon de se vider la tête et de penser à autre chose. On peut entrer en contact avec l'eau, essayer de la ressentir. Il n'est même pas nécessaire de compter les longueurs.
L'échauffement et les étirements sont-ils importants pour les nageurs amateurs?
Il est utile d'échauffer brièvement les articulations. Juste avant de nager, quelques exercices de renforcement, par exemple avec un élastique type TheraBand, permettent de préparer les épaules et de limiter les risques de blessure. En revanche, les étirements sont moins indispensables pour les nageurs amateurs que pour les athlètes de haut niveau.
Il ne faut pas nager après avoir mangé. Vrai ou faux?
Il existe des règles de baignade, qui sont également publiées par la Société suisse de sauvetage. Cela n'a pas de sens de s'entraîner avec l'estomac plein, en train de digérer. Le corps se retrouve face à un dilemme lorsqu'il a besoin à la fois de sang et d'énergie pour les muscles et la digestion. L'inverse est également vrai: il ne faut pas nager le ventre vide, car cela peut entraîner une trop grande fatigue.
Se doucher trop souvent nuit à la peau et à la santé. Est-ce aussi un problème en natation?
Il est important de rincer le chlore de la piscine, idéalement en se douchant avec de l'eau sans chlore. En revanche, il ne faut pas systématiquement utiliser du gel douche à chaque fois.
Un dernier conseil pour la natation?
Il faut faire preuve de respect lorsqu'on nage dans une ligne d'eau. Les nageurs ont souvent des niveaux très différents, ce qui peut entraîner des tensions. Quand les lignes sont divisées selon la vitesse, il est important de bien s'évaluer. Cela profite à tout le monde.
Kristian Kapp est journaliste sportif chez Tamedia. Plus d'infos
@K_Krisztian_
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En Suisse de plus en plus d'enfants désertent l'école et personne ne sait quoi faire
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La relation avec les enseignants est au centre Lorsque l'on interroge des experts, des enseignants et des parents, un mot-clé revient systématiquement: relation. La relation entre les enseignants et leurs élèves, mais aussi entre les enfants et les parents. «On pense toujours immédiatement à l'école et à la pression quand on aborde ce sujet, mais c'est plus nuancé. Il y a tout un éventail de causes», fait remarquer le psychologue pour enfants et adolescents Fabian Grolimund. Les attentes parentales ou le perfectionnisme de nombreux parents diplômés peuvent également générer une pression à la performance. Par ailleurs, une peur de l'école peut aussi masquer une angoisse de séparation, du harcèlement ou révéler une crise familiale. «La surstimulation est un problème», affirme Fabian Grolimund, psychologue pour enfants et adolescents. DR Tous les spécialistes s'accordent sur un point: une relation stable avec le ou la titulaire de classe est déterminante. Sans cette relation de confiance, les difficultés se multiplient. Certains adolescents issus de milieux peu instruits n'établissent ainsi aucun lien avec l'école et n'y trouvent aucun sens. Autre problème pointé par les experts: la surcharge sensorielle. «Beaucoup d'enfants sont totalement épuisés le soir. En plus de l'école, il y a le repas de midi bruyant et donc fatigant, puis les cours de musique, le sport, etc. Certains ont un emploi du temps hebdomadaire complètement surchargé. Pour se reposer, ils vont sur leur téléphone portable, ce qui les épuise encore plus. L'absentéisme scolaire correspond au burn-out dans le monde du travail», note Fabian Grolimund. «Donner un soutien et une direction» L'enseignante primaire Sandra Locher, ancienne conseillère nationale (PS/GR) et membre du comité directeur de la LCH, confirme qu'une bonne relation entre les personnes impliquées est essentielle. Elle va même plus loin et évoque la nécessité d'un réel encadrement: «L'enseignant doit donner un soutien et une direction, c'est sa tâche centrale.» Mais les enseignants croulent eux aussi sous les responsabilités. Les exigences se multiplient: ils doivent jongler avec de multiples contraintes, gérer des classes surchargées et composer avec des parents parfois difficiles. La pénurie d'enseignants et les changements fréquents, qui compliquent l'établissement de liens durables avec les élèves, aggravent encore la situation. «Il est décisif de percevoir les élèves au niveau relationnel», précise Sandra Locher. C'est seulement de cette manière que les signaux d'alerte peuvent être détectés assez tôt. Par exemple, quand un enfant se replie sur lui-même et ne participe plus aux cours, qu'il présente des difficultés de concentration ou une tolérance à la frustration diminuée. Tout cela fait certes partie du quotidien scolaire. 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Pour certains, une simple intervention suffit, comme réduire le temps de présence en classe, un peu comme le télétravail dans le monde professionnel. Les experts s'accordent toutefois à dire qu'il n'existe pas de solution universelle et que le problème ne peut être résolu que par un effort collectif. Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat Absentéisme scolaire en Suisse Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Michèle Binswanger écrit sur les gens, leurs histoires et fait des recherches approfondies. Elle a été élue journaliste de société de l'année en 2016, 2017 et 2018. Aujourd'hui, elle dirige avec Philippe Zweifel la rubrique Culture-Savoirs-Service de la Sonntagszeitung. Plus d'infos @mbinswanger Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
4 hours ago
- 24 Heures
«Plus de la moitié des cancers du foie sont évitables»
Une étude corrobore ce que les spécialistes observent partout: les cas sont en hausse. Interview d'Antonia Digklia du Service d'oncologie médicale du CHUV. Publié aujourd'hui à 08h33 Illustration prétexte. Le surpoids, l'obésité et le diabète de type 2 font partie des facteurs à risque pour développer un cancer du foie. IMAGO/HalfPoint Images En bref: Dans une étude publiée fin juillet, les experts de la commission de «The Lancet», revue scientifique britannique de référence, lancent l'alerte: le nombre de cancers du foie explose. Selon leurs projections, les carcinomes hépatocellulaires pourraient quasiment doubler d'ici à 2050 , passant de 870'000 en 2022 à 1,5 million. Au niveau mondial, ce type de cancers est le sixième le plus fréquent, et le troisième qui tue le plus. Alors que dans 60% des cas il est évitable, rappelle l'étude. Le développement du cancer du foie se caractérisant par une progression allant d'une maladie hépatique chronique à la cirrhose puis au cancer, cette période étendue offre une opportunité d'intervention pour empêcher que la maladie ne se manifeste. Pour freiner la progression du crabe, un effort particulier doit être mis sur la prévention. Les experts de la commission de «The Lancet» proposent un certain nombre de recommandations. Comme renforcer le dépistage et la vaccination contre l'hépatite B (qui peut précéder un cancer du foie), sensibiliser aux dangers de l'alcool ou encore promouvoir une activité régulière et une alimentation saine. La doctoresse Antonia Digklia est médecin associée au Service d'oncologie médicale du CHUV. Elle revient sur les points clés de l'étude. La doctoresse Antonia Digklia est médecin associée au Service d'oncologie médicale du CHUV. DR Qu'avez-vous pensé de l'étude publiée dans «The Lancet»? Elle confirme ce que nous constatons ces dernières années dans notre pratique clinique: le nombre de cancers du foie augmente. Alors que, comme le rappelle aussi l'étude, un certain nombre de facteurs de risque sont bien connus et évitables. Mais que pas grand-chose n'est mis en place en Suisse, notamment en matière de politique de santé publique, pour cibler ce problème. Au CHUV, quels sont les chiffres qui témoignent de cette hausse? Nous ne tenons pas de statistiques spécifiques, mais ce que nous voyons au niveau clinique c'est une augmentation des patients cirrhotiques dont le cancer du foie n'est pas lié à une consommation d'alcool mais se caractérise par une accumulation de graisses dans le foie, associée à des troubles métaboliques comme l'obésité (soit un indice de masse corporel de plus de 30) , le diabète ou une dyslipidémie (une anomalie du bilan lipidique). De quelle manière ces cancers peuvent-ils être évités? Par une politique de santé publique ciblée, comme vous l'évoquez? Une politique de santé publique efficace devrait, à mon sens, se concentrer sur une meilleure sensibilisation de la population à cette problématique. Les hommes, en particulier, sont plus touchés que les femmes et devraient par conséquent être ciblés en priorité. Ils ne se rendent pas compte des effets de leur consommation d'alcool sur leur santé. Ils imaginent que seuls les alcooliques profonds sont touchés. Alors qu'une consommation régulière, quotidienne, est un important facteur de risque. Les personnes en surpoids semblent aussi ignorer que l'obésité et le diabète de type 2 font partie des facteurs de risque pour développer un cancer du foie. On devrait, là encore, mieux sensibiliser ces personnes. Pourquoi les hommes sont plus touchés que les femmes? Les hommes ont tendance à banaliser leur consommation d'alcool, ils font moins attention à leur image, et la société stigmatise moins leur embonpoint. Alors que les femmes sont en général beaucoup plus soucieuses de leur apparence, de ne pas prendre du poids. De manière générale, les hommes prennent moins soin d'eux et vont moins souvent chez le médecin. Le foie a une particularité: il ne fait pas de bruit. Qu'est-ce que ça veut dire? Je dis souvent que c'est un organe «féminin» parce qu'il souffre en silence. Si vous avez un problème de cœur, ou un problème aux poumons, vous allez rapidement voir des signes. Vous allez tousser, par exemple. Mais pour le foie, lorsque les symptômes apparaissent, c'est souvent déjà trop tard. Même une prise de sang ne permet pas toujours d'identifier les problèmes. Des patients nous le disent d'ailleurs souvent: ils ne comprennent pas, ils ont fait régulièrement des contrôles sanguins qui ne montraient rien de spécial. D'où l'importance de la prévention. Et du dépistage. Quels sont les freins qui empêchent les patients de se faire dépister? Ce qu'on voit, de manière générale, c'est que les adultes qui sont en bonne santé vont rarement voir leur médecin. Ils commencent à consulter à la cinquantaine, lorsque des symptômes apparaissent. Or pour une bonne partie de ces patients, si on avait pu les voir avant que la maladie ne se déclare, on aurait eu du temps d'agir en amont et d'éviter le développement de la pathologie. On aurait par exemple pu les vacciner contre l'hépatite B (ce qui réduit les risques de développer un cancer du foie), s'ils ne l'étaient pas déjà. Ou leur rappeler l'importance d'un mode de vie sain pour lutter contre ce type de cancers. C'est à ça que doit servir le dépistage. Mais pour cela il faut encore une fois sensibiliser la population. C'est du reste ce qu'on est parvenu à faire pour les femmes et le cancer du sein. C'est parce qu'on a martelé l'importance de le détecter au plus tôt qu'elles ont pris l'habitude de régulièrement se faire examiner. Quels sont les conseils en matière de prévention à suivre? La prévention du cancer du foie repose principalement sur la vaccination contre l'hépatite B et la réduction des facteurs de risque liés à l'hépatite C et à la consommation d'alcool. Le surpoids et le diabète peuvent augmenter le risque de stéatose hépatique non alcoolique (ndlr: MASLD, connue autrefois sous le nom de «foie gras») , qui est un facteur de risque de cancer du foie. Une hygiène de vie saine, comprenant une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, peut également contribuer à diminuer les risques. De plus, un dépistage régulier – par prise de sang et échographie afin de surveiller l'état du foie – est recommandé pour les personnes à risque, comme les porteurs chroniques de l'hépatite B ou C. Sur le cancer du foie, lire aussi À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Catherine Cochard est journaliste à la rubrique vaudoise et s'intéresse aux sujets de société. Elle produit également des podcasts. Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Temps ainsi qu'en tant que réalisatrice indépendante pour l'Université de Zurich. Plus d'infos @catherincochard Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
19 hours ago
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Comment la peur des hommes hante le quotidien des jeunes Suissesses
Écouteurs sur les oreilles et applications de géolocalisation: bienvenue dans l'arsenal défensif d'une génération dont plus de la moitié vit dans la crainte. Témoignages. Publié aujourd'hui à 18h03 Des personnes manifestent à l'appel des collectifs Grève des femmes Vaud et Jamais sans mon consentement, le 21 août 2021 devant le Palais de justice de Montbenon à Lausanne. MARTIAL TREZZINI/KEYSTONE En bref: Le pouce en l'air, courir vers une voiture qui s'arrête au bord de la route et scruter par la vitre, le cœur battant: qui va bien vous emmener? Bonne ambiance, ou votre instinct vous dit-il de fuir? Dans les années 80, l'auto-stop était encore un moyen de transport courant. Aujourd'hui, cette pratique a presque disparu. Serait-ce par crainte pour notre sécurité? En effet, de nombreuses jeunes femmes ont peur des prédateurs masculins. Selon une étude récente, en Suisse, plus de la moitié d'entre elles éprouvent une «peur accrue» et 14% vont jusqu'à ressentir une «peur extrême» envers les hommes. Moins d'un tiers des personnes interrogées ont choisi l'option «peur légère» ou «pas peur» du tout. «La peur des hommes est toujours là», confie également Morgane S.*, 20 ans. Nous avons modifié les noms des jeunes femmes interrogées pour préserver leur anonymat. Elle étudie à l'Université de Zurich tout en travaillant dans le journalisme. Dès qu'elle fait la connaissance d'une personne digne de confiance, les craintes s'estompent. Application de traçage comme mesure de protection En tant que jeune femme, on est constamment confrontée à des petites agressions au quotidien, comme le catcalling , «des types qui vous appellent ou font des commentaires depuis leurs fenêtres ou les voitures», du harcèlement de rue . Les attouchements sont également fréquents, surtout en ville. Lorsque Morgane S. habitait en centre-ville, ces incidents étaient courants. Maintenant, à la campagne, c'est mieux. Aujourd'hui, elle ressent une tension permanente lorsqu'elle se déplace seule le soir, surtout autour des gares. «Je suis toujours très vigilante, en mode fight or flight , parfois proche de la crise de panique. Par exemple, lorsque j'entends des pas derrière moi, confie-t-elle. C'est alors que les pensées se bousculent dans ma tête: S'agit-il d'un homme? Depuis combien de temps me suit-il? Vais-je réussir à lui échapper?» Elle pratique la musculation depuis des années et s'est mise au kickboxing il y a quelques mois pour gagner en confiance. Ces deux sports l'y aident. De plus, elle fait toujours connaître sa position géographique à sa famille et se sent alors plus en sécurité lors de ses déplacements. De préférence en groupe: «C'est là que mon instinct protecteur se manifeste. Je veille au bien-être des femmes qui m'accompagnent.» «J'aimerais que les hommes comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations» Dagmar Pauli, directrice adjointe du service de psychiatrie et psychothérapie pour enfants et adolescents à la Clinique universitaire de Zurich, n'est «pas si étonnée» par ces taux d'anxiété élevés. Selon elle, la plupart des jeunes femmes craignent avant tout un viol commis par un inconnu dans l'obscurité. Beaucoup ignorent que la plupart des délits sexuels sont commis par des proches. Lena A.*, étudiante de 24 ans, le sait bien. Elle a elle-même été victime d'une agression dans sa colocation. Sans crier gare, un colocataire l'a frappée à plusieurs reprises avec une cravache, malgré ses tentatives de défense et sous les yeux d'autres témoins. Ses colocataires ont certes jugé déplacé le comportement de l'agresseur, mais ils sont restés bienveillants à son égard et ont assuré à Lena A. que c'était quelqu'un de bien qui avait simplement commis un écart. La jeune fille souhaiterait que les femmes puissent évoquer leurs préoccupations liées à l'insécurité et à leurs craintes sans que les hommes se sentent immédiatement visés et adoptent une attitude défensive. «Je ne critique pas tous les hommes, mais j'aimerais qu'ils comprennent mieux nos peurs et nos préoccupations.» La peur en toile de fond Lena A. ne se sent pas vraiment en sécurité lorsqu'elle se déplace seule. Un jour, dans le tram, un inconnu qui semblait juste vouloir discuter a soudain posé sa main sur sa jambe. La drague insistante et le harcèlement sur les applications de rencontre et les réseaux sociaux sont des phénomènes très répandus qui alimentent un climat d'insécurité chez les femmes. Eh non, elle n'a jamais observé un tel comportement de la part d'hommes musulmans, seulement de la part de Suisses. Elle ne confirme pas le cliché de la culture sexiste des jeunes musulmans en Suisse. Par mesure de protection, Lena A. porte des écouteurs pour signaler qu'elle ne veut pas être abordée. Elle fait également preuve de beaucoup de prudence lorsqu'il s'agit de donner ses coordonnées. Il lui arrive aussi de prendre ses clés en main en cours de trajet quand la situation devient préoccupante, par mesure de sécurité. Pour les rendez-vous, elle prévient ses amies à l'avance du lieu et de la personne qu'elle va rencontrer. Quand sortir devient source d'angoisse La peur des agressions sexuelles dans l'espace public a-t-elle augmenté chez les jeunes femmes par rapport au passé? Cette question fait débat. Le chercheur allemand spécialisé dans les études générationnelles Rüdiger Maas observe une nette hausse en Allemagne. Maria Mondaca, directrice d'un centre d'accueil pour les jeunes femmes victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles à Zurich, considère que c'est également très probable en Suisse. Elle souligne que les statistiques criminelles helvétiques révèlent une augmentation des cas de viols et de lésions corporelles graves. Les expériences vécues lors des sorties et les témoignages choquants relayés sur les réseaux sociaux alimentent également ce sentiment de peur. Les filles et les jeunes femmes de son entourage professionnel lui font souvent part de harcèlements, d'insultes ou d' agressions subis de la part d'hommes pendant leurs loisirs. «Je suppose que le nombre de cas non recensés est élevé», ajoute la spécialiste. Se déplacer devient source d'angoisse, notamment l'été au bord du lac. Les jeunes femmes sont «parfois poursuivies, abordées de manière irrespectueuse ou sexualisée, harcelées ou sollicitées pour engager une conversation, même lorsqu'elles manifestent clairement leur refus». Des études démontrent que même des gestes apparemment anodins, comme des blagues grivoises ou des sifflements au quotidien, contribuent à créer un climat dans lequel les femmes se sentent souvent mal à l'aise et perdent confiance en elles. Carla W.*, 23 ans, étudiante en anglais, sort très rarement. Elle ne fréquente pratiquement que des camarades d'études et a elle aussi vécu ce genre d'expérience. Bien qu'il ne se soit concrètement rien passé, une situation l'a profondément déstabilisée. Elle n'a généralement pas peur, mais a pris conscience de sa vulnérabilité quand un jeune homme qui l'accompagnait lui a déclaré soudain, d'un ton triomphant: «J'ai envie, là, maintenant, de tout faire avec toi.» Le harcèlement sous toutes ses formes: en parler aux hommes Sophie M.*, 25 ans, chargée de communication, en a fait l'expérience. À l'âge de 11 ans, elle a subi un traumatisme causé par son grand-père. Il s'est montré violent en franchissant des limites de manière inacceptable. Plus tard, à l'adolescence, une connaissance plus âgée lui a imposé des baisers. Un colocataire lui a donné des coups de pied aux fesses sans son consentement. Aujourd'hui encore, Sophie M. n'aime pas sortir seule et peine à retrouver suffisamment confiance en elle pour accepter un rendez-vous. «J'imagine à chaque fois un scénario qui finit mal.» L'alcoolisation excessive des hommes inquiète les jeunes femmes qui sortent le soir. IMAGO/REICHWEIN En revanche, au travail ou avec ses camarades, Sophie M. se sent en sécurité. Lorsqu'elle sort seule le soir, elle chausse de bonnes baskets pour pouvoir courir, enfile un pull ample par-dessus son haut et met ses écouteurs en guise de protection. Elle scrute en permanence, et automatiquement, les alentours à la recherche de signaux: là, par exemple, un groupe de jeunes hommes, bières à la main – l'alcool désinhibe –, ou ici, une bande de supporters de foot , gorgés d'adrénaline après un match. Bien sûr, le lieu joue un rôle: «Les femmes ne peuvent pas se déplacer partout avec la même liberté, explique Sophie M., mais elles ont le droit de se sentir en sécurité.» La jeune femme constate toutefois un progrès, surtout parmi ses collègues masculins de son âge: «Je peux parler avec eux si je me sens mal à l'aise.» Elle aborde le sujet et évoque ce qu'elle perçoit comme des comportements masculins inadaptés. Elle constate notamment «que les garçons se font des films, complètement différents de ceux des filles». Ils ne sont pas du tout conscients de ce que les femmes peuvent ressentir. Ce que cela représente de se promener la peur au ventre. Ses amis ont réagi avec respect et compréhension. Pour elle, il est essentiel d'éviter de diaboliser l'autre sexe et de privilégier le dialogue. Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan Harcèlement et agressions sexuelles Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Alexandra Kedves travaille comme journaliste culturelle. Elle écrit principalement sur le théâtre et sur des sujets de politique sociale et éducative. Elle a étudié la philologie allemande, la philologie anglaise et la philosophie à Constance, Oxford et Fribourg-en-Brisgau. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.