
Gabriel Diallo récolte les fruits de son labeur
Cette citation n'est pas de Gabriel Diallo. Elle vient plutôt de la plume de Frank Ocean, son artiste préféré.
Depuis le début de l'été, le Québécois a abandonné sa tignasse brune et frisée pour un duvet blond, à la manière de son rappeur favori.
« Personne n'avait encore compris la référence, a avoué Diallo, que La Presse a joint chez lui à Montréal. Je l'écoute en boucle. J'aimerais bien dire que c'est grâce à ça que j'ai gagné, mais bon, je ne pense pas », a-t-il poursuivi en rigolant.
Le géant de 6 pi 8 po fait référence ici à son premier titre ATP, remporté quelques jours seulement après son changement capillaire, à Bois-le-Duc, au début du mois de juin.
Longtemps loin des projecteurs, l'athlète de 23 ans a trimé dans les rangs universitaires, au Kentucky, avant de tenter sa chance chez les professionnels, dans l'ombre de ses compatriotes Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov. Aujourd'hui, Diallo pointe au 35e rang du classement mondial. À sept places de Shapovalov (28e) et à huit d'Auger-Aliassime (27e). Il avait pourtant entamé l'année au 87e rang du classement.
Diallo a travaillé fort et en silence. Dorénavant, son succès fait suffisamment de bruit. « Quand tu es dans le moment présent, c'est dur de réaliser toute l'ampleur que les choses prennent, mais je pense que si je pouvais attribuer ça à quelque chose, ce serait aux petits progrès de tous les jours qu'on a faits, notre équipe et moi. »
Pour acquérir son premier titre, Diallo a vaincu trois têtes de série. Selon lui, gagner ne change pas le monde, sauf que « c'est beaucoup de poids en moins sur tes épaules ».
« Tu ne veux pas être celui qui a joué plein de finales et qui tarde à avoir son premier titre. Mais la première sensation, quand tu gagnes, c'est exceptionnel. Jamais de la vie je n'aurais cru que j'allais gagner un tournoi ATP dans ma carrière. Les choses sont allées super vite. »
PHOTO SANDER KONING, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Gabriel Diallo a remporté le tournoi de Bois-le-Duc, son premier titre ATP, le 15 juin.
Entre chaque question, Diallo revient sur l'importance du travail pour expliquer son succès. Plus tôt cette saison, son entraîneur Martin Laurendeau a raconté à La Presse qu'il devait parfois sortir son protégé de force du terrain pendant les séances d'entraînement. Pour gagner des matchs et des titres, « il faut passer par de très bons joueurs », précise le jeune homme.
J'ai affronté des joueurs qui méritaient de gagner le tournoi autant que moi.
Gabriel Diallo
Mais dans les faits, seuls les plus persévérants peuvent franchir la ligne d'arrivée en déchirant le ruban avec leur corps épuisé. « Il faut travailler. Tout le travail doit se faire en amont du tournoi. Quand tu arrives sur place, tu essayes de trouver tes repères sur la surface, sur les conditions de jeu, tu restes en forme physiquement et mentalement et tu compétitionnes. »
Un match réussi
Quelques jours après son triomphe, Diallo a dû faire face à un autre défi de taille. Il devait affronter Taylor Fritz, cinquième joueur au monde, au deuxième tour du tournoi de Wimbledon. Le duel a eu lieu sur le court 1, un stade de plus de 12 000 places, le deuxième terrain en importance de l'All England Club.
Et le Québécois a repoussé l'Américain jusque dans ses derniers retranchements. L'affrontement en cinq manches a duré plus de trois heures et même s'il s'est incliné, Diallo a salué la foule la tête haute en quittant la surface gazonnée. Le grand droitier aurait pu gagner ce match. Alors même s'il a perdu, il considère cette bataille comme un match réussi.
« Pour moi, un match réussi, c'est un match où je me suis donné des chances, où j'ai joué à mon vrai niveau, de la bonne manière, en avançant dans la balle avec mon poids vers l'avant et en allant vers l'avant du terrain. Mais j'ai perdu. C'est la réalité. »
PHOTO ALASTAIR GRANT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Gabriel Diallo et Taylor Fritz
Le constat est brutal, mais la lutte a été formatrice. « C'était une expérience exceptionnelle de jouer sur un terrain comme ça et contre un joueur comme ça. »
Certains athlètes s'écrasent sous la pression. D'autres s'élèvent. Et Diallo fait partie de la seconde catégorie. D'autant qu'à Wimbledon, il avait la chance de briller. « Tu joues devant des dizaines de milliers de personnes. C'est une manière pour moi de m'exprimer et c'est un art de montrer ce dont tu es capable. »
Historiquement, ça m'a toujours réussi, les gros moments, les grandes foules… Je m'entraîne pour ça et j'en rêve depuis que j'ai 9-10 ans.
Gabriel Diallo
Et la nécessité de bien paraître se fait d'autant plus sentir, dit-il, lorsque les adversaires figurent dans le haut du classement. « Je dois sortir à un certain niveau pour me donner une chance de gagner le match. Quand tu dois affronter des joueurs du top 50 chaque semaine, tu n'as pas le choix de jouer à un certain niveau, sinon tu vas perdre. »
La solution ? « Il faut regarder ses matchs et parler à l'entraîneur. C'est super important pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. On n'a jamais craint d'aller en profondeur, d'analyser les matchs et d'apporter des correctifs. »
Comme un athlète qui vient de remporter un marathon et qui rentre chez lui en courant, Diallo n'arrête jamais.
Dans la cour des grands
Comme si l'horizon était un mirage en plein désert, Diallo consulte le classement chaque semaine et se rend bien compte qu'il se rapproche de son objectif ultime d'intégrer le top 10 mondial. Toutefois, lorsqu'il affronte des joueurs faisant déjà partie du groupe, il est assez lucide pour comprendre qu'il doit continuer d'avancer, parce qu'il se trouve encore loin de la vérité.
« Même avec leur niveau de jeu dans leur pire journée, ils vont quand même se donner une chance de gagner. C'est ce qui fait une grosse différence. Ils ont tous des armes aussi. Ils ont tous un bon service ou un coup droit exceptionnel. Ils ont quelque chose qui les a aidés à se rendre à leur niveau. Il y a quelque chose qui les sépare du reste. »
PHOTO HENRY NICHOLLS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Gabriel Diallo au service
Dans cette optique, Diallo devra continuer de s'appuyer sur son service. Comme le marteau de Thor, le service est l'arme principale du tennisman. Le Québécois arrive au 7e rang de l'ATP pour le taux de premier service en jeu (67,2 %) et en 18e place pour le quotient d'efficacité (281,5).
De son propre aveu, Diallo joue mieux en fond de terrain et court mieux les balles. Ses retours s'améliorent. Il progresse aussi à la volée et dans le haut du terrain. Néanmoins, son service « sera toujours [son] gagne-pain », précise-t-il.
Diallo joue plus souvent sur les courts principaux. Ses matchs sont presque toujours télédiffusés. Souvent, on parle de son service. Parfois, il aimerait qu'on mette de l'avant d'autres facettes de son jeu. Mais qu'à cela ne tienne, il sera toujours perçu comme ce grand serveur élancé qui fait trembler ses adversaires dès qu'il lance la balle dans les airs.
« Si je sers bien, je me donne une chance de gagner le match. À 6 pi 8 po, je ne vais pas commencer à servir par en dessous. La réalité des choses, c'est qu'à ma taille, c'est ma première arme. C'est ce qui va me faire monter au classement. C'est ce qui a le plus évolué dans mon jeu aussi. »
Une évolution normale pour un étudiant aussi motivé. Seulement six joueurs ont moins de 23 ans dans le top 40. Alors Diallo a le luxe du temps. Et le temps d'apprendre encore.

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La Presse
2 hours ago
- La Presse
Défaite d'Eugenie Bouchard
Un service au corps de son adversaire. Un revers profond. Et un revers croisé qui a atterri à l'extérieur. Un dernier revers mettant ainsi fin à la carrière d'Eugenie Bouchard. Un ultime revers frappé 22 ans après le début d'un rêve. Un éternel revers qui restera dans les mémoires comme le dernier moment sur le terrain de la joueuse la plus populaire de l'histoire du tennis canadien. Eugenie Bouchard s'est battue au meilleur de ses capacités, mercredi soir, sur le court central du stade IGA. C'est pourquoi elle a marché vers le filet la tête haute et le dos droit pour aller serrer la main de Belinda Bencic. C'est pourquoi les spectateurs se sont tous levés d'un bond pour l'applaudir, et qu'ils ne se sont jamais rassis. La foule scandait son surnom. Celui grâce auquel elle est reconnue sans qu'on ait besoin de prononcer son nom de famille. « Genie ! Genie ! ». Sur son banc, la tête dans sa serviette, Bouchard a craqué. Les larmes ont coulé. On a un peu revu la jeune athlète de 20 ans qui a perdu en finale de Wimbledon en 2014. Épuisée, mais ravie. Peinée, mais heureuse. Triste, mais soulagée. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Le dernier match de sa carrière s'est soldé en trois manches de 6-2, 3-6 et 6-4 en faveur de Bencic. Le dernier match de sa carrière s'est soldé en trois manches de 6-2, 3-6 et 6-4 en faveur de Bencic. Parmi les spectateurs venus l'encourager, probablement que plusieurs d'entre eux doutaient de ses chances de renverser la 17e joueuse tête de série et demi-finaliste à Wimbledon il y a quelques semaines. « Dans les grands moments, Eugenie se lève », a témoigné Sylvain Bruneau dans une vidéo rendant hommage à la carrière de sa protégée diffusée sur les écrans du court central au terme du match. Celui qui l'accompagne depuis l'âge de 9 ans et qui a remis sa casquette d'entraîneur exceptionnellement pour la durée du tournoi ne pouvait dire plus vrai. Un miracle, ou presque Bouchard a eu besoin d'une manche entière avant de trouver son rythme. Elle est montée une seule fois au filet. Une donnée n'ayant rien à voir avec ses standards habituels. Bencic, régulière comme une horloge suisse, la faisait courir de gauche à droite. Des balles longues, profondes, précises et régulières lui ont permis de prendre l'avantage. Mais bien naïf est celui qui croyait que Bouchard allait s'en laisser imposer devant les membres de sa famille, chez elle, sur son terrain. PHOTO DAVID KIROUAC, IMAGN IMAGES Belinda Bencic Au début de la deuxième manche, un partisan a crié « Et c'est pas fini, c'est rien qu'un début. » L'histoire ne dit pas si Bouchard est une amoureuse de la chanteuse Emmanuelle et si c'est ce qui joue dans ses écouteurs lorsqu'elle se présente sur le terrain au début d'un match. Or, ces encouragements l'ont propulsé. Ou était-ce l'énergie du désespoir ? Qu'à cela ne tienne, Bouchard a été fumante en deuxième manche. « Quand je suis arrivée à la deuxième manche, je savais que ça se pouvait, a révélé Bouchard aux membres des médias. Mais je n'y pensais pas trop. Parce que je ne dois pas trop penser à gagner au cours d'un match. Je devais rester concentrée. » Elle a brisé Bencic à la fin d'une manche bien disputée avant de mettre un terme à la manche au service. Par deux fois, la foule lui a réservé une ovation. « La grande extase, on ne l'a pas encore vu… », chantait plus loin Emmanuelle. Dans les faits, on a failli assister à un miracle au stade IGA. Bouchard a brisé Bencic à sa cinquième tentative du jeu en troisième manche pour prendre les devants 2-1. Comme si elle avait ramené tout le monde dans le passé, la Québécoise frappait la balle avec aplomb, tôt dans le rebond, accroupie pour se donner encore plus de puissance, presque au sol après chaque frappe à force d'avoir poussé sa relance. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Eugenie Bouchard Bencic n'a pas été étonné par la réponse de Bouchard. « Je l'avais vue jouer contre [Emiliana] Arango. Si tu la laisses jouer, elle peut être très bonne », a précisé la Suissesse après le match. Néanmoins, Bencic l'a brisé pour faire 4-3. Même chose sur le dernier jeu du match, alors que tous les espoirs étaient encore permis. Bouchard, ancienne cinquième raquette mondiale, finaliste à Wimbledon, demi-finaliste en Australie et à Roland-Garros et gagnante d'un titre à Nuremberg, a utilisé sa raquette pour la dernière fois. Et il est maintenant venu le temps de l'accrocher. « J'ai vraiment absorbé chaque moment. Les hauts et les bas pendant les matchs. Les moments hors du terrain. J'ai passé beaucoup de temps avec les fans à la fin de chaque pratique et de chaque match. Et ce sont ces moments-là qui font que j'adore le tennis et que j'ai ressenti beaucoup d'amour de tout le monde. » Les adieux Après sa victoire, Bencic n'a pas voulu accorder la traditionnelle entrevue d'après-match au centre du terrain. Elle a plutôt cédé toute la place à son adversaire. Je voulais montrer du respect pour sa carrière incroyable. Je n'allais pas quitter le terrain. Je trouve toujours que ce sont des cérémonies hautes en émotions », Belinda Bencic Pendant que des employés du stade organisaient ce qui allait être une courte cérémonie, un long silence s'est imposé. « C'est un moment un peu surréel. C'était comme un choc que ça arrivait vraiment maintenant. Je savais que ce moment allait arriver, mais quand ça arrive, c'est différent. » Il y avait un mélange de nostalgie et de déception dans l'air. Nostalgie, parce que Bouchard a marqué l'histoire du tennis canadien, comme l'ont répété divers intervenants depuis deux semaines. Et déception, parce que tout le monde dans les gradins pensait quelque part en troisième manche assister à une autre victoire improbable de Bouchard. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Il y avait un mélange de nostalgie et de déception dans l'air. Bouchard a pris Bruneau dans ses bras. Elle a regardé la vidéo mettant en lumière les grands moments de sa carrière. Puis elle a pris la parole, la gorge nouée par l'émotion. Elle a passé sa main libre dans ses cheveux, jusque dans sa tresse, alors que l'autre tenait le micro qui augmentait l'écho d'un stade en admiration. Après quelques mots en anglais pour remercier ceux qui ont fait partie du voyage, elle s'est adressée en français aux amateurs de tennis québécois. « Merci, Merci, Merci ! Je vous aime », leur a-t-elle déclaré. N'en fallait pas plus pour que le stade rugisse à nouveau. Dans la vidéo hommage, Bouchard a formulé un seul souhait. « J'espère que les partisans qui m'ont donné tout cet amour savent que je les aime autant en retour. » Elle a reçu quatre ovations pendant un match qu'elle a perdu. Elle en a eu trois autres après la défaite. Le court central était rempli pour la première fois du tournoi. Des centaines de personnes l'attendaient à sa sortie du terrain. Il ne restait presque personne pour le match suivant dans les gradins. Les gens se précipitaient, même sur les balcons du stade IGA, pour l'apercevoir une dernière fois. Avec la qualité de sa performance et la manière avec laquelle elle est sortie, impossible de le nier : les partisans qui lui ont donné tout cet amour savent qu'elle les aime autant en retour. Et ils le lui ont rendu.


La Presse
3 hours ago
- La Presse
La sortie de rêve d'Eugenie Bouchard
Mon fils laçait ses patins pour son dernier match de la saison. Pour une demi-douzaine de ses coéquipiers, c'était un dernier match tout court. À l'automne, ils entreraient à l'université, et manqueraient de temps pour jouer au hockey. Un des coachs, sensible à l'importance du moment, a pris la parole. « Les boys, au hockey, il y a deux façons de terminer sa carrière. Par choix – ou pas. Aux gars dont c'est la décision, je vous demande de profiter de chaque minute, ce soir, pour ceux qui n'ont pas eu cette chance. » Huit mois plus tard, mon gars était à son tour au milieu de sa dernière saison. Un soir, à Blainville, il s'est retrouvé seul contre un défenseur derrière le filet adverse. Il a tenté une mise en échec. Il l'a ratée. Son épaule s'est écrasée contre la bande. Un cri effroyable a déchiré l'air. Déchirure du labrum. Sa deuxième. Mon amoureuse et moi sommes avons couru vers le vestiaire. Il pleurait de douleur. La physio a retiré son chandail pour stabiliser son bras. Un geste symbolique ; il venait de comprendre qu'il tombait dans le groupe de ceux qui ne choisissent pas la date de leur dernier match. Ça s'est passé à un niveau très amateur, dans la ligue collégiale. Puisque mon fils nourrissait d'autres passions, il s'en est très bien remis. Maintenant, imaginez la même situation, appliquée à un athlète professionnel. À une personne qui a commencé l'entraînement à 4 ans. Qui a raté tous les anniversaires de ses amis à cause des compétitions. Qui a quitté la maison à 13 ans. Qui est partie s'entraîner à Canmore, Flin Flon ou Wichita. Qui s'est hissée parmi l'élite de son sport. Qui a atteint les grandes ligues. Qui a participé aux JO. Qui, à 30 ans, a le dos meurtri d'un nonagénaire. Puis un jour, ça craque. Une blessure. Un chrono raté de deux dixièmes. Un rappel qui ne vient plus. Tout s'arrête brusquement. On passe au suivant. Pour ces athlètes, c'est plus qu'une porte qui se ferme. C'est le cœur de leur identité qui cesse de battre. « Être le gardien du Canadien, c'est mon identité », disait Carey Price, dont la carrière a pris fin bien avant l'heure en raison d'une blessure. Pour un Marc-André Fleury, qui a scénarisé sa sortie de scène, combien de Michael Bossy, de Marc Savard ou de Paul Kariya n'ont pas eu cette chance ? Souvenez-vous de la fin malheureuse de Guy Lafleur avec le Canadien. « En 1984, je n'étais pas prêt à prendre ma retraite. J'avais été obligé », dira-t-il le jour de son deuxième départ, planifié celui-là, en 1991. « Aujourd'hui, j'ai le sentiment d'avoir tout fait ce que j'avais à faire sur une patinoire. » Combien de coureurs, de nageurs, de plongeurs ont étiré l'élastique d'un cycle olympique de trop, pour finalement rater le standard et finir leur carrière en pleurs, seuls sous la douche d'un vestiaire lugubre ? Combien de hockeyeurs et de hockeyeuses ont quitté la glace en silence, sans hommage, dans l'indifférence totale ? Même les meilleurs n'ont pas toujours le luxe de choisir leur sortie. Roger Federer a attendu un an et demi avant d'officialiser sa retraite. Russell Martin ? Trois ans ! Eugenie Bouchard a failli filer en douce, elle aussi. Enfin, façon de parler. Elle est quand même suivie par 2,3 millions de personnes sur Instagram. Mais après sa défaite au premier tour à Toronto, l'été dernier, ses publications sur le tennis se sont espacées. Son nom a disparu des tableaux. Plusieurs fois, dans les derniers mois, mes collègues et moi avons demandé à notre collègue Nicholas Richard, expert en tennis : coudonc, elle est où, Eugenie ? PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Eugenie Bouchard, après sa défaite le 30 juillet 2025 Il y a quelques semaines, son agent a appelé la directrice du tournoi à Montréal, Valérie Tétreault. « Il m'a dit qu'Eugenie était en réflexion. Elle pensait peut-être vouloir annoncer sa retraite. » Eugenie n'avait alors pas joué au tennis depuis près d'un an. Son souhait : terminer sa carrière là où elle l'avait commencée, ici, au Québec. Avec le nouveau format du tournoi élargi à 96 joueuses, c'était envisageable. Tennis Canada avait droit à huit laissez-passer pour le tournoi. Ou plutôt, sept. La fédération en avait échangé un avec les Américains, pour permettre à Bianca Andreescu de participer aux Internationaux des États-Unis, l'été dernier. « Notre priorité, m'a confié Valérie Tétreault, c'est le développement de nos athlètes. Mais après ça, il y a d'autres situations qui peuvent survenir. Celle-là en est un bel exemple. C'était assez clair, dès le début du processus, que nous allions lui offrir ce laissez-passer pour la remercier, la célébrer, et lui permettre de terminer sa carrière ici. » Dans la dernière semaine, Eugenie Bouchard a fait ce que le coach de mon gars avait conseillé à ses vétérans : elle a savouré chaque instant. Elle a pris des bains de foule. Elle a signé des autographes. Elle a accepté des centaines de demandes d'égoportraits. Lundi, contre toute attente, Eugenie a remporté son match de premier tour. Mercredi, elle a donné la frousse à Belinda Bencic, 20e raquette mondiale, en lui arrachant une manche. Bien que la victoire lui ait finalement échappé, ce fut au terme d'une âpre bataille, qui lui a valu plusieurs ovations. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Eugenie Bouchard avec la foule « Je vais essayer de ne pas pleurer », a-t-elle lancé sur le terrain après la rencontre. Les yeux rougis par l'émotion, elle a chaleureusement remercié le public montréalais, en français. « Votre passion est incroyable. La façon dont vous soutenez quelqu'un d'ici, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais. Je suis tellement reconnaissante de tout ce que vous m'avez donné pendant toutes ces années. Ce n'est pas un au revoir. Je vais revenir, mais dans une autre version d'Eugenie. Merci, merci, merci, je vous aime ! » Puis elle a quitté le stade la tête haute. Devant ses proches. Dans la lumière. Comme tout athlète en rêve.


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5 hours ago
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Eugenie Bouchard à la retraite
Eugenie Bouchard a puisé jusque dans ses dernières réserves contre Belinda Bencic. Elle s'est battue. Elle a bien paru. Mais l'heure de la retraite a finalement sonné. Bouchard a eu besoin d'une manche pour s'ajuster. Pour le reste, la différence au classement entre les deux joueuses n'a jamais paru. La favorite locale a bien failli revenir de l'arrière d'une manche pour battre la demi-finaliste du dernier tournoi de Wimbledon, mais elle a perdu 6-2, 3-6, 6-4. PHOTO DAVID KIROUAC, IMAGN IMAGES Belinda Bencic Peu de gens donnaient une chance à Bouchard au cours de ce match contre l'une des joueuses les plus talentueuses du circuit. Néanmoins, l'athlète de 31 ans a rivalisé dans tous les aspects du jeu avec Bencic, et ce, même si la majorité des échanges se sont déroulés en fond de terrain. Elle termine donc sa carrière avec une fiche de 158 victoires et 145 défaites. Plus de détails suivront.