
Arracher les ailes des mouches
Oui, on peut appeler ça du sadomasochisme de téléspectateur.
Depuis l'annonce de sa mort, les médias français multiplient les superlatifs. J'ai lu quelque part « Sa Majesté du PAF » (paysage audiovisuel français). On respire un peu…
Lisez l'article sur la mort de Thierry Ardisson
Il est vrai que Thierry Ardisson a marqué son époque et a exploité la télévision de façon remarquable. Pour lui, une émission était d'abord un concept puissant. Le publicitaire qu'il a été en début de carrière l'a amené à créer une manière de faire qui n'appartenait qu'à lui et qui a ensuite fait école.
Ardisson fut un intervieweur plus qu'un animateur. Durant toute sa carrière, il a mis à profit une technique qui reposait sur une seule chose : balancer des questions rédigées comme des slogans qui allaient faire mouche. Il m'épatait moins quand il faisait de longs résumés de la vie d'un invité qui ne faisait qu'acquiescer à ses affirmations.
Celui qui a étendu la pratique des questions-cartons a aussi été un adepte des entrevues-concepts qui passaient par des thématiques : « Si tu étais une perversion ? » « Si tu étais un supplice ? » L'intérêt pour les téléspectateurs était de comparer les réponses d'un invité à celles des autres.
Une entrevue, pour lui, devait comporter une bonne dose de provocation et d'audace ayant trempé dans l'acide. Pour réussir cela, il se faisait un devoir de ne pas cultiver de liens amicaux avec ses invités.
« Un bon intervieweur, c'est quelqu'un qui, quand il était petit, aimait bien arracher les ailes des mouches », a-t-il déclaré au journal 20 Minutes en 2019. Ardisson a dû décapiter beaucoup de mouches, car ses questions impudiques étaient parfois à la limite du supportable.
Combien de fois ai-je éprouvé un malaise à la vue d'un invité d'Ardisson visiblement ciblé pour être le con du dîner ? Il se défendait en parlant de simple provocation. C'est facile. Où s'arrête le désir de provoquer et où commence la méchanceté au service du divertissement ?
D'ailleurs, je n'ai jamais compris comment il faisait pour choisir ses victimes. Il pouvait s'en prendre à quelqu'un de vulnérable ou à un faux-cul. Comme il pouvait être protecteur à l'égard de quelqu'un de fragile ou d'un pourri qui tente de s'offrir une rédemption. Il n'y avait pas de règle.
L'autre ingrédient indispensable de sa recette a été le mélange des genres qu'il créait parmi ses invités. Une vedette qui tente de revenir à l'avant-scène grâce à une autobiographie, un politicien émergeant d'un scandale et une jeune starlette du porno pouvaient partager le même plateau. Il avait compris que ce melting-pot faisait tomber les barrières et contribuait à faire jaillir une forme de vérité.
Ardisson était l'anti-Pivot. Tout opposait les deux hommes. Mais on a eu besoin des émissions littéraires du second autant que des concepts distrayants du premier.
Quand Bernard Pivot présentait ses émissions devant des étagères de livres avec des auteurs intellectuels, Ardisson faisait les siennes au Palace ou aux Bains-Douches avec des invités qui avaient ingurgité une bouteille de champagne et sniffé quelques lignes de coke avant de s'installer devant les micros.
Deux générations, deux approches, deux résultats, mais un éventail dont on a besoin.
Thierry Ardisson a connu une prodigieuse carrière, car il a procuré à la télévision ce qu'il lui fallait, et au bon moment. Mais cet état de grâce n'est pas éternel. Cet homme d'une grande intelligence le savait trop bien. Déjà, en 2017, lors d'une entrevue avec le youtubeur Squeezie, extrêmement populaire en France, il sentait que le monde de l'audiovisuel était en train de lui tirer le tapis sous les pieds.
Visionnez le passage de Squeezie sur le plateau de Thierry Ardisson
Sa réaction fut de ridiculiser son jeune invité. « Vous êtes un génie, car votre boulot consiste à vous filmer en train de jouer à des jeux vidéo et à le diffuser. » Ardisson avait compris que la terrible descente vers la vacuité et le divertissant qui frappe nos sociétés était irrémédiable et qu'elle ne ferait que s'accentuer.
Celui qui se disait encore récemment monarchiste et croyant s'est alors mis à interviewer des morts grâce à son émission Hôtel du temps. Voilà qui dit tout.
Ce qui m'attriste le plus avec ce départ, c'est que la liberté dont a joui Thierry Ardisson, même si elle faisait mal, même si elle créait des malaises, ne sera jamais plus possible à la télévision.
C'est bête à dire, mais il y a une part de lui qui va me manquer. Peut-être le bout où j'aimais le détester.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
24 minutes ago
- La Presse
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-épouse de Bertrand Cantat
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-épouse de Bertrand Cantat (Bordeaux) Un tribunal français a annoncé jeudi la réouverture d'une enquête « sur d'éventuels faits de violences volontaires » commis par le chanteur Bertrand Cantat, avant la mort de son ex-épouse Krisztina Rady, retrouvée pendue chez elle le 10 janvier 2010. Agence France-Presse Cette réouverture est notamment motivée par la sortie du documentaire de Netflix Le cas Cantat, sur le chanteur du groupe Noir Désir condamné en 2003 pour le meurtre de l'actrice Marie Trintignant, précise dans un communiqué le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul. Cette série de trois épisodes, diffusée à partir du 27 mars 2025, contient « plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas » dans les quatre procédures déjà ouvertes sur les circonstances de la mort de Mme Rady, toutes classées sans suite, ajoute le procureur. Outre le dossier en recherches des causes de la mort ouvert à la suite de son décès au domicile conjugal à Bordeaux, « trois autres procédures subséquentes » avaient été ouvertes en 2013, 2014 puis 2018, rappelle-t-il. PHOTO MEHDI FEDOUACH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Bertrand Cantat, en 2014. Les deux dernières en date avaient été ouvertes à la suite de plaintes de la présidente de l'association Femme et libre, Yael Mellul, ancienne avocate du dernier compagnon de Krisztina Rady. Jointe par l'AFP, elle s'est dite « très soulagée » du « changement radical de position du parquet de Bordeaux » sur ce qu'elle qualifie « d'affaire de suicide forcé ». Selon elle, le témoignage anonyme d'un infirmier dans le documentaire de Netflix est un « élément nouveau » qui « corrobore le fait que Krisztina Rady était victime de violence conjugale ». Elle a ajouté avoir elle aussi « de nouveaux témoignages à transmettre au parquet de Bordeaux », sans en préciser la nature. L'avocat de Bertrand Cantat, Antonin Lévy, joint par l'AFP, a déclaré ne pas être au courant de la réouverture d'une enquête sur ce dossier. Condamné à huit ans de prison en Lituanie pour des coups mortels en 2003 à Vilnius sur Marie Trintignant, le chanteur avait été transféré en France. Il a été libéré en 2007 après avoir purgé plus de la moitié de sa peine. Puis il a rapidement été mis hors de cause dans le suicide de Mme Rady. Icône rock française, le chanteur a progressivement repris son activité publique à partir de 2010, avec un album et une tournée, suivis de la sortie en décembre 2017, de son premier album solo Amor Fati. La promotion de cet album a suscité une polémique, tout comme la tournée qui s'en est suivie, émaillée de concerts annulés et de manifestations d'associations féministes. Le 11 juin 2018, le chanteur, accueilli aux cris « d'assassin » à Grenoble en mars, a supprimé ses dernières dates prévues. En 2020, il a annulé un spectacle dans lequel une de ses musiques devait être jouée, après le blocage de l'accès au théâtre à Paris par des militantes féministes.


La Presse
5 hours ago
- La Presse
« Je n'ai pas fait une croix sur mon métier »
Depuis que Télé-Québec a débranché son talk-show 125, Marie-Anne, il y a 10 ans maintenant, Christiane Charette a complètement disparu du petit écran. Même si le public la réclame encore, l'intervieweuse émérite est on ne peut plus claire : jamais on ne la reverra à la télé, il faut s'y faire. C'est qu'avec les années, la dame en noir a développé ce qu'elle appelle une « caméraphobie ». Juste l'idée de se voir à l'écran l'angoisse. Elle refuse aussi d'ailleurs de se faire photographier. Heureusement, dès lors qu'elle se retrouve derrière un micro de radio en direct, ses complexes lui deviennent soudainement moins lourds à porter. On peut d'ailleurs l'entendre à l'occasion les vendredis après-midi cet été à l'émission littéraire de Karyne Lefebvre, Dis-moi ce que tu lis, sur ICI Première. Elle y collabore avec son ancien recherchiste Paul-Maxime Corbin. Une expérience qu'elle adore. Si d'autres occasions à la radio comme celle-là venaient à se présenter à elle dans les prochains mois, Christiane Charette se verrait bien mal dire non. « Je n'ai pas fait une croix sur mon métier. L'idée d'être à la retraite est impossible. La retraite, c'est un tue-monde. Bien sûr qu'il y a des choses que je sais que je ne ferai plus. Je n'animerai plus, par exemple, une quotidienne le matin. Mais si on me propose des projets à la radio qui me tentent, c'est certain que je suis ouverte. C'est important, par contre, que je sente que je suis la bonne personne et que l'équipe a envie de travailler avec moi », précise avec l'intensité qu'on lui connaît celle qui aura 75 ans l'an prochain. Entre l'ombre et la lumière L'ancienne star de la télé n'a rien perdu de sa vivacité d'esprit. Quand elle parle, les idées se bousculent comme avant. Plusieurs fois au cours de cette entrevue, celle qui s'est toujours démarquée des autres animateurs par son style brouillon s'excusera de passer autant « du coq à l'âne ». Or, c'est plus fort qu'elle. Cette verbomotrice dit tout ce qui lui passe par la tête lorsqu'un sujet la passionne. Un entrain qui cohabite aussi avec un immense désarroi face à l'état actuel du monde. « L'époque que l'on vit en ce moment me terrorise. Tout ce qui se passe avec Trump, avec l'intelligence artificielle, qui va finir par nous remplacer, ça me fait très peur. Les gens vont peut-être penser que je suis une crisse de folle, mais qu'est-ce que tu veux, c'est ce que je pense. Je suis très pessimiste. Quand je suis seule chez moi, ça m'arrive d'être envahie par des pensées dystopiques. Je me demande si je veux vivre assez longtemps pour voir ça. J'essaie de ne pas trop aller là, de ranger ça dans une partie de mon cerveau », confie Christiane Charette. Derrière ses grands verres fumés, qu'elle n'enlève jamais même à l'intérieur, on décèle alors une tristesse dans son regard. Sans doute qu'il y a une part de lucidité chez Christiane Charette. De folie aussi ? Probablement. Mais une belle folie, qui n'est pas un repoussoir. Au contraire, on est immédiatement pris d'attachement pour cette femme magnétique, que l'on a envie de suivre dans n'importe quelle de ses élucubrations. Ce ne fut pas le cas, cependant, de tous ses patrons, « les loups », comme on les appelle. Certains ont été refroidis par ses insécurités légendaires, qui ont pu parfois être comprises comme des exigences, voire des caprices. « Oui, je me suis toujours battue pour animer en direct. Le différé, même si ça coûte moins cher, je ne voulais rien savoir. Et oui, je me suis toujours habillée en noir, même si les gens disaient que j'avais besoin d'une styliste. Je sais que je peux avoir l'air compliquée. J'en ai payé le prix aussi. Je n'ai pas toujours travaillé, et je ne m'en plains pas. Car je n'aurais pas pu faire autrement. Si je ne suis pas totalement moi-même, ça ne marche juste pas », se défend-elle. Faire le deuil de la télé Quand elle ne se sentait plus complètement à l'aise dans un projet, Christiane Charette n'a jamais hésité à partir, même quand rien ne s'offrait à elle. En 2011, c'est elle qui a décidé de mettre fin à la quotidienne qu'elle animait à la radio, même si le succès était au rendez-vous. Sept ans plus tôt, alors que s'amorçait Tout le monde en parle, Radio-Canada avait fait le choix d'arrêter son émission de télé Christiane Charette en direct pour ne pas avoir deux talk-shows le dimanche. Le diffuseur public lui avait proposé d'avoir une émission en matinée en semaine. Elle avait décliné l'offre, parce qu'elle ne le sentait pas. Christiane Charette sera restée de longs mois chez elle à se tourner les pouces à l'époque. C'est durant cette période qu'elle s'est mise à photographier avec un polaroïd tout ce qu'elle voyait à la télé. Une démarche artistique qu'elle poursuit aujourd'hui, mais avec son iPhone. Elle en publie les résultats sur sa page Instagram, où on peut admirer ses portraits aussi pixélisés que psychédéliques de Marc Labrèche, Anderson Cooper ou encore Léa Salamé. Consultez le site Instagram de Christiane Charette Je pense que ce projet-là, c'est la manière que j'ai trouvée pour m'accrocher à la télé. Au fond, c'est un hommage à ceux qui sont encore capables d'en faire. Je les admire tellement, parce que moi, je n'y arrive plus à cause de cette phobie qui me paralyse complètement. Christiane Charette, ancienne animatrice « Mais je m'ennuie de ce média, qui m'a tellement donné. Je suis la première à dire qu'il manque de femmes de mon âge à la télé. J'aimerais faire partie des rares que l'on voit. Mais je n'y arrive pas », s'excuse Christiane Charette. Femme libre Faire de la télévision, Christiane Charette en rêvait pourtant depuis qu'elle était toute jeune. La pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre. Son père, Raymond Charette, fut l'un des présentateurs vedettes de Radio-Canada. Entre 1963 et 1966, il a notamment animé la première mouture du mythique jeu-questionnaire Tous pour un. Pendant un temps, Christiane Charette a réprimé ce désir, pourtant bien ancré en elle, de suivre ses traces. À l'université, elle a étudié l'histoire de l'art. Puis, au bout de quelques années à mettre le travail des autres en valeur comme employée du Musée des beaux-arts, elle a eu une espèce de révélation. À partir de cet instant, il n'était plus question de se contenter d'être un faire-valoir. Christiane Charette voulait être elle-même l'artiste, la star, comme ce père qu'elle admirait tellement. « Mon père ne cherchait pas la lumière. Mais j'avais compris, très jeune, que sa célébrité le protégeait. Et moi, comme je suis née en ayant peur de tout, je me suis dit que d'être une vedette, ce serait une protection contre ce monde qui est rempli de dangers et de méchancetés. Ce que j'aurais aimé savoir à cet âge-là, c'est que l'argent protège beaucoup plus », raconte en riant Christiane Charette. L'argent, Christiane Charette aurait pu en gagner plus si elle n'avait pas été aussi intransigeante dans ses choix de carrière. Sa notoriété lui aura tout de même conféré certains privilèges. À commencer par le pouvoir de tenir tête aux « loups » en restant elle-même, en ne se compromettant jamais. Une liberté qui n'a pas de prix.


La Presse
21 hours ago
- La Presse
Le film sur Gilles Villeneuve prendra l'affiche à l'été 2026
Le film sur Gilles Villeneuve prendra l'affiche à l'été 2026 Après avoir été repoussé à Noël 2025, le film sur le célèbre pilote automobile québécois Gilles Villeneuve prendra finalement l'affiche lors de l'été 2026. La Presse Canadienne Le distributeur Entract films en a fait l'annonce mercredi, indiquant simultanément se joindre à la production de Villeneuve : L'ascension d'une légende. Il s'agit d'un nouveau revirement pour la coproduction Canada-France, qui mettra en vedette Rémi Goulet dans le rôle du pilote et Rosalie Bonenfant dans celui de sa femme, Joann Villeneuve. Quelques mois après le début du tournage, il a été annoncé en septembre l'année dernière que le film changeait de réalisateur. Yan Lanouette Turgeon a pris la place de Daniel Roby à la réalisation du long métrage. Le film devait initialement prendre l'affiche dans les cinémas à l'été 2025.