
Suisse: les jeunes délaissent le vin, bonne nouvelle pour la prévention?
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«Nous sommes aussi inquiets de voir que les jeunes boivent du mauvais mousseux étranger»
Les Suisses en général et les jeunes en particulier boudent le vin, ce qui angoisse les vignerons romands. Mais réjouit les milieux de la prévention? Rien n'est si simple.
Romaric Haddou
Les spécialistes déplorent le marketing agressif des distributeurs pour des boissons présentées comme festives.
Getty Images
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En bref : Les professionnels romands de la viticulture s'alarment de la baisse de consommation de vin et de la concurrence étrangère.
Les pros de la prévention critiquent aussi l'offre industrielle bon marché.
Ils soutiennent l'instauration d'un prix minimum pour le vin.
Les acteurs sanitaires estiment que les vignerons n'ont pas à se plaindre d'un manque de soutien politique.
La consommation de vin a chuté de 8% en Suisse l'an dernier (16% pour les vins suisses) et les jeunes sont les premiers à faire vœu de sobriété. De quoi réjouir les spécialistes de la prévention pendant que les vignerons, eux, appellent à l'aide? Réunis en début de semaine à Gilly (VD), les professionnels romands de la viticulture ont exprimé leur ras-le-bol face à la concurrence étrangère et réclamé des mesures de soutien urgentes, brandissant des risques de faillites.
Présente à leurs côtés, la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD) a prévenu que le combat serait rude, notamment parce que «la perception de la viticulture n'est pas uniforme au niveau suisse. Sa valeur est forte en Suisse romande, mais en Suisse alémanique, l'argument principal sera que l'alcool est une menace pour la santé publique.»
De quoi (re)lancer le débat. Les défenseurs de la consommation modérée oseraient-ils trinquer aux difficultés de la branche? «C'est une question compliquée, sourit Franck Simond, directeur de la Fondation vaudoise contre l'alcoolisme (FVA). Il faut être clair sur un point: nous nous battons contre l'alcoolisme, pas contre l'alcool. Nous sommes contents lorsque la consommation baisse, mais nous sommes aussi inquiets en constatant que les jeunes utilisent trop souvent des mousseux étrangers de mauvaise qualité pour faire des cocktails.»
Chargée de communication à la Croix-Bleue romande, Laetitia Gern enchaîne: «Pour nous comme pour les vignerons, le prix de certains vins étrangers est problématique. C'est un facteur d'accessibilité important et c'est pourquoi nous défendons une hausse du prix minimum.»
«À prix semblable, ou presque, il est plus facile de jouer la carte locale et de promouvoir les vins suisses. Pour nous aussi, l'instauration d'un prix minimum pour le vin est la mesure la plus pragmatique, appuie Franck Simond. Personnellement, je suis persuadé que santé publique et intérêts économiques régionaux peuvent converger dans ce dossier. Certains vignerons sont très au clair sur les enjeux de prévention. Boire moins mais mieux, c'est quelque chose qui parle à tout le monde.»
Les jeunes boivent différemment
Car les modes de consommation continuent d'évoluer «en défaveur des vignerons locaux», constate Camille Robert, cosecrétaire générale du GREA (Groupement romand d'études des addictions). «C'est-à-dire que la consommation quotidienne, avec un verre de vin à chaque repas, c'est terminé chez les jeunes. Aujourd'hui, la consommation globale baisse mais ça ne doit pas masquer que le binge drinking (ndlr: alcoolisation ponctuelle importante) augmente. Et pour ce type de consommation, les jeunes se tournent vers les produits bon marché.»
«En dehors de cette hausse du binge drinking, notre société va vers une forme d'hygiénisme et il faut tenir compte de cette évolution. Pourquoi ne pas l'accompagner en misant sur les vins sans alcool, comme c'est le cas pour les bières? C'est peut-être un effet de mode, mais c'est une piste à garder en tête pour les producteurs qui doivent écouler leur raisin», suggère le directeur de la FVA.
Pour les acteurs sanitaires, il ne faut pas se tromper de coupable(s). Une publication du Centre patronal a d'ailleurs fait bondir certains spécialistes en juin dernier. Signé du secrétaire général de l'Association suisse du commerce des vins, le texte s'en prenait à l'Organisation mondiale de la santé, l'accusant de vouloir imposer une société sans alcool. Il était aussi question d'études mettant en avant les effets bénéfiques d'une consommation modérée sur la santé.
«Ce texte met en cause les milieux de la prévention et nous fait porter la responsabilité des difficultés des viticulteurs locaux avec des propos très graves, réagit Franck Simond. Au passage, l'argument de la consommation modérée a été démonté par l'Inserm et un comité scientifique inattaquable. Les études qui parvenaient à cette conclusion présentaient des biais méthodologiques.»
Pour lui, cette prise de position prouve que les fronts politiques se durcissent. Dans le canton de Vaud, c'est particulièrement le cas autour de la vente d'alcool dans les stations-services, que le Conseil d'État envisage d'autoriser. Une mesure qui, selon la FVA, mettrait en danger la jeunesse tout en bénéficiant principalement aux producteurs étrangers.
Coupe budgétaire dans la prévention
Sur le plan politique, les milieux sanitaires se sentent en position de faiblesse. «Les vignerons réclament davantage de soutien, mais ils ont beaucoup plus de relais que nous à Berne. La viticulture et l'agriculture sont surreprésentées au parlement, observe Camille Robert. N'oublions pas qu'en juin, Guy Parmelin, conseiller fédéral vaudois, a encouragé publiquement la population à boire davantage de vin.» En parallèle, les acteurs de la santé publique rappellent que la Confédération vient de réduire de 25% les fonds alloués à la prévention et au traitement des addictions.
Plutôt que d'imaginer un puissant «lobby antialcool», les pros de la prévention conseillent de s'intéresser aux stratégies marketing des grands distributeurs. Face à la baisse de la consommation, ces derniers sont accusés de durcir leurs méthodes et de cibler les jeunes avec «des produits très sucrés, pétillants et aux tarifs imbattables».
Des boissons présentées comme festives, au même titre que les sodas énergisants, pullulent en soirée. «Je ne pense pas qu'il y a une substitution de l'alcool par les boissons énergisantes et que cela contribue à la baisse de la consommation de vin. Par contre, que ce soit pour les vins pétillants et pour les boissons à base de caféine et de taurine, nous voyons qu'il y a des investissements massifs sur le marketing. Et ça c'est inquiétant, que ce soit pour les viticulteurs romands ou pour nous», termine Franck Simond.
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Romaric Haddou est journaliste à la rubrique Vaud et régions depuis 2016. Il couvre en particulier le domaine de la santé. Plus d'infos
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