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Sanctions contre la Russie: la Suisse sanctionne 26 entreprises ayant contourné l'embargo russe

Sanctions contre la Russie: la Suisse sanctionne 26 entreprises ayant contourné l'embargo russe

24 Heures2 days ago
Malgré près de 700 cas suspects signalés, seules 77 procédures ont été ouvertes par le SECO depuis 2022. Des montres de luxe aux pièces de fusil, les infractions sont nombreuses. Publié aujourd'hui à 19h44
De lourdes sanctions ont été imposées dans le domaine des biens, comme l'interdiction d'exporter des produits de luxe et des biens contribuant à renforcer les capacités industrielles de la Russie.
MICHAEL BUHOLZER/KEYSTONE
En bref:
Les 15 à 20 employés fédéraux chargés de surveiller l'application des sanctions contre la Russie ont du pain sur la planche. Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, près de 700 violations présumées ont été signalées au Secrétariat d'État à l'économie (SECO). Selon ses propres chiffres, l'autorité n'a ouvert que 77 procédures à ce jour, dont 65 sont closes. Dans 26 cas, une amende a été prononcée, tandis que les autres actions judiciaires ont été suspendues.
Nous avons pu consulter les décisions pénales définitives. Il ressort de cette analyse que les infractions découvertes à la douane suisse sont généralement dues à de la négligence. Les fonctionnaires doivent parfois traiter de curieux cas. Dubaï comme résidence au lieu de Moscou
En 2022, quelques semaines après le début de la guerre, la douane de l'aéroport de Genève a confisqué une montre-bracelet d'une valeur de près de 300'000 francs. Un voyageur voulait exporter cette montre de luxe en Russie en franchise de TVA. Le formulaire a éveillé les soupçons des douaniers, qui ont signalé le cas au SECO. Ce dernier a ouvert une procédure. L'exportation de produits de luxe est interdite en raison des sanctions.
Dans la décision pénale, tous les noms ont été supprimés pour protéger la vie privée des personnes concernées. Le document révèle toutefois que la montre a été achetée dans une boutique genevoise. Pendant la procédure, l'avocat de l'acheteur a fait valoir que son client ne vivait pas en Russie, mais à Dubaï . Depuis le début de la guerre, de nombreux Russes fortunés s'y sont installés. Le procès n'a toutefois pas permis de prouver que cette personne habitait bien aux Émirats arabes unis. Sur les documents d'achat de la montre, Moscou figurait comme lieu de résidence.
Le SECO a finalement infligé une amende de 5000 francs au vendeur suisse. Il s'agit de la peine la plus lourde prononcée à ce jour pour une infraction mineure aux sanctions. Dans les cas graves, les sanctions peuvent aller jusqu'à 3 mois de prison ou 100'000 francs d'amende. Confiscation et destruction d'un sauna
En 2023, la douane de Genève a intercepté la livraison d'un sauna d'une valeur de 4000 francs. Il avait été livré par une entreprise dont le siège se trouve en Biélorussie. Le destinataire était une entreprise suisse. L'importation du sauna n'était pas soumise aux sanctions.
Malgré cela, le SECO a ouvert une procédure, car les sanctions ne visent pas seulement l'Ukraine et la Russie, mais également la Biélorussie , l'État allié de Poutine. La Suisse interdit l'importation de produits en bois.
Le SECO a conclu qu'il y avait eu négligence. Il a infligé une amende de 1000 francs. Le sauna n'est jamais arrivé chez l'acheteur. L'office a fait annuler la livraison. Une erreur de recherche sur Google ne protège pas de la sanction
Plusieurs procédures concernent des biens industriels. Des amendes de 100 à 1000 francs ont été infligées pour l'exportation de soupapes, d'interrupteurs électriques ou de pièces destinées aux systèmes de navigation par satellite.
Une «entreprise internationale», selon les termes de la décision pénale, a écopé d'une amende de 5000 francs. Elle tentait d'expédier de la Suisse vers la Russie des pièces de rechange et des accessoires pour machines-outils d'une valeur de plus de 150'000 francs. Les douanes de l'aéroport de Bâle ont empêché l'exportation en février 2024. Les livraisons de biens destinés à renforcer l'industrie russe ne sont pas autorisées. Les pièces de rechange entrent dans cette catégorie.
La firme a imputé l'incident à une recherche Google malencontreuse. Un collaborateur avait trouvé «une version obsolète» de l'ordonnance dans laquelle la marchandise n'était pas encore répertoriée.
Les machines-outils sont particulièrement sensibles. Elles ne peuvent pas être livrées en Russie, car elles pourraient être utilisées par l'industrie de l'armement. Pourtant, une analyse des données douanières russes menée par la SRF révèle que plus de 100 machines de ce type, fabriquées par des entreprises suisses, ont atteint la Russie par des voies détournées depuis le printemps 2022, notamment en transitant par la Turquie.
La décision pénale ne mentionne pas que les pièces de rechange étaient destinées à l' industrie de l'armement . Sinon, le SECO aurait sans doute prononcé une peine plus lourde. Le fait que l'expédition vers la Russie ait été empêchée a constitué un facteur atténuant dans cette affaire. La faute se situe «dans la fourchette basse», écrit le SECO. L'amende dépasse la valeur des pièces de fusil
Un homme a commandé des pièces détachées d'armes sur une boutique en ligne russe: canons et poignées de chargement compatibles avec des fusils d'assaut, notamment des kalachnikovs. En 2021, la douane de l' aéroport de Genève a intercepté l'envoi et signalé l'affaire au SECO, lequel a ouvert une procédure. L'importation d'armes à feu et de leurs composants russes est interdite depuis 2014, année de l'annexion de la Crimée par la Russie. En mars 2024, l'autorité a prononcé une amende de 300 francs, une somme supérieure à la valeur de la livraison, qui s'élevait à environ 200 francs.
Selon la décision pénale, le SECO a jugé l'infraction légère. L'accusé avait déclaré qu'il ignorait les sanctions encourues. Il n'a pas pu éviter l'amende. Selon l'autorité, l'homme aurait dû se renseigner sur les sanctions avant de passer commande. «L'ignorance ne protège pas de la sanction», peut-on lire dans l'instruction. Le SECO se justifie
Interrogé à ce sujet, le Secrétariat d'État à l'économie répond que les personnes et les entreprises sont responsables du respect des sanctions, faute de quoi elles risquent de ne pas se conformer à l'embargo. De telles violations continuent d'exister. Environ deux tiers des cas suspects signalés concernent des importations, un tiers des exportations.
Le SECO reconnaît que les cas mineurs sont surreprésentés dans les statistiques des procédures closes. Ces derniers pourraient être bouclés plus rapidement, dit-on. D'autres enquêtes, en revanche, sont plus coûteuses et prennent plus de temps. Deux procédures ont été transmises au Ministère public de la Confédération.
Traduit de l'allemand par Emmanuelle Stevan
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Du côté de l'UE, le discours a très vite été de répondre œil pour œil dent pour dent. En face, la Suisse s'empressait de rejeter toute escalade . Longtemps, cette approche semblait avoir été la bonne. En mai, le Conseil fédéral déclarait même espérer être le deuxième pays , après le Royaume-Uni, à trouver un accord. Les Européens, eux, étaient toujours dans un bras de fer économique. Autant dire que ce dimanche a eu des allures de douche froide, quand Donald Trump et Ursula von der Leyen ont annoncé avoir conclu. Car la Suisse, elle, continue de ronger son frein. C'est en effet le 1er août que le couperet des 31% pourrait tomber. «Chacun défend son pré carré» La Suisse se serait-elle plantée de stratégie? «Pas du tout, répond Michaël Buffat (UDC/VD). Que l'UE conclue avant nous est une chose, mais l'important, c'est ce qu'il y a dans l'accord; pas le timing. Et pour le moment on ne sait pas ce contiendra notre deal avec Washington.» Pour lui, il aurait été faux de s'allier avec l'UE. «Ce que nous voyons, c'est que chacun défend son pré carré. Et les spécificités de l'industrie d'exportation suisse ne sont pas les mêmes que celles de nos voisins européens.» Sidney Kamerzin (Le Centre/VS). Services du Parlement Du côté du Centre, Sidney Kamerzin (VS) rappelle que la Suisse – qui ne fait pas partie de l'UE – n'avait pas vraiment le choix de faire cavalier seul et qu'il ne sert à rien de jalouser Bruxelles. «Cet accord est même plutôt encourageant pour nous. Ça montre qu'il y a une marge de manœuvre pour négocier avec l'administration américaine. Nous pourrons nous appuyer sur ce résultat.» Et de souligner que les États-Unis n'auraient aucun intérêt à punir la Suisse, «alors que nous sommes des partenaires commerciaux de longue date et que nous investissons énormément sur leur territoire». Carlo Sommaruga (PS/GE). Service du Parlement «Je n'ai pas d'états d'âme à voir le Royaume-Uni, le Japon ou l'UE conclure avec les États-Unis avant nous», commente pour sa part Carlo Sommaruga (PS/GE), qui trouve même cela assez logique. «Ce sont là de grands exportateurs vers les USA. On a beaucoup surjoué le rôle qu'auraient eu Karin Keller-Sutter, Guy Parmelin ou la secrétaire d'État à l'Économie et leurs contacts privilégiés avec l'administration américaine. Au final, il faut se rendre compte que la Suisse et ses 9 millions d'habitants, c'est peanuts comme marché, surtout si l'on exclut les pharmas et l'acier.» Berne n'aurait-elle pas dû faire front commun avec Bruxelles? «On saura à la fin si la stratégie était juste ou pas.» Et d'apporter un autre élément d'analyse: la politique monétaire de la Suisse. «Il y a les droits de douane, mais aussi la force du franc. En jouant sur cette variable, la Banque nationale suisse peut favoriser ou péjorer nos exportations. Je ne serais pas étonné que les États-Unis attendent de voir ce que va faire la BNS ces prochaines semaines avant de conclure.» Les Verts, eux, sont les plus sévères sur la stratégie adoptée par Berne. «Cela fait un mois que le Conseil fédéral attend une lettre de l'administration Trump, après qu'il a de son côté approuvé un projet de déclaration d'intention commune, réagit la présidente du parti, Lisa Mazzone. Le fait que l'UE passe avant démontre ce que nous disons depuis le début: ensemble, on est plus fort.» Cela étant dit, la Genevoise voit l'accord sur les droits de douane conclu entre Bruxelles et Washington d'un œil critique: «Le deal est clairement déséquilibré en faveur de Trump. 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Terroir local: la bière 100% suisse reste une rareté
Terroir local: la bière 100% suisse reste une rareté

24 Heures

time14 hours ago

  • 24 Heures

Terroir local: la bière 100% suisse reste une rareté

Faut que ça brasse! – La bière 100% suisse reste une rareté Pour la fête nationale, deux brasseries romandes ont concocté une bière composée d'ingrédients suisses. Une démarche qui reste relativement rare. Explication. David Genillard Pour la fête nationale, Qrew et son brasseur Chris Treanor (au centre) ont réalisé un triptyque de bières 100% suisses. Jérôme Rebetez et René Bage de BFM ont participé à l'élaboration d'une saison à base de malts jurassiens. Florian Cella/Tamedia Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Qrew propose trois bières 100% suisses pour le 1 er Août. Août. Malgré le succès du terroir régional, les mousses élaborées avec des ingrédients suisses restent rares. Depuis l'ouverture de la malterie de Satigny, Genève a fait un immense pas dans cette direction. Sur Vaud, seules trois brasseries proposent des bières locales, dont la Brasserie du Jorat. Le terroir local a bonne réputation. Pourtant, dans le monde brassicole romand, dénicher une authentique bière locale tient de la gageure. Fête nationale oblige, Qrew a décidé de rendre hommage au terroir helvétique. La brasserie créée par la société QoQa et basée à Bussigny propose pour l'occasion un triptyque élaboré à base de malts et de houblons suisses. Des bières estivales simples et désaltérantes: Au lac, En forêt et À la Montagne sont, respectivement, une landbier, une saison et une pale-ale aux abricots du Valais. Le 8 juillet, le brasseur de Qrew Chris Treanor recevait Jérôme Rebetez, fondateur de la BFM (Brasserie des Franches-Montagnes) et pionnier dans le domaine en Suisse romande, et son maître brasseur, René Bage. Outre sa propre souche de levure, le duo jurassien a notamment amené les malts, issus de Malticulture, malterie basée à Delémont. Jérôme Rebetez ne tarit pas d'éloges sur le travail de cette entreprise et la qualité de sa production. La gamme de BFM compte pourtant majoritairement des céréales allemandes. Une première raison à ce choix: Malticulture touraille en moyenne 50 tonnes d'orge par an. Un volume qui ne suffirait de loin pas à répondre aux besoins de BFM. Loïc Eggenschwiler, de Malticulture en convient: «Les grosses brasseries n'arrivent pas tourner exclusivement avec des grains suisses. Elles se concentrent donc en général sur une bière locale à leur assortiment. Ce sont plutôt les plus petites structures qui peuvent s'approvisionner uniquement chez nous, à l'image de la brasserie Blanche Pierre à Delémont.» L'autre raison est financière: le malt suisse est plus cher que celui des géants industriels, notamment allemands. «Avec du grain suisse, on est presque au double du prix, mais c'est normal: les grands groupes transforment des volumes bien plus importants; ils peuvent réaliser des économies d'échelle. Et les salaires dans l'agriculture ne sont pas les mêmes en Suisse», poursuit Jérôme Rebetez. Jérôme Rebetez salue la qualité du grain fourni par Malticulture. Mais la production annuelle ne suffit pas à répondre aux besoins de BFM. Florian Cella / Tamedia Marges réduites À ce surcoût s'ajoutent ceux liés à l'énergie. «Au final, un fût de bière réalisée avec des ingrédients locaux va coûter entre 15 et 18 fr. de plus et une bouteille entre 30 et 35 centimes. Or, les consommateurs disent vouloir des produits locaux, mais peu sont prêts à payer pour.» En conséquence, peu de producteurs font le choix du local. Sur les quelque 80 brasseries vaudoises inscrites auprès de la Confédération, trois seulement proposent des mousses labellisées Vaud Certifié d'ici: la Brasserie du Jorat à Ropraz, Edamus au Mont-sur-Lausanne et la Talentueuse à Chavornay. Le Jorat est donc le seul poids lourd à avoir pris ce tournant avec sa Vaudoise et sa Bio. Sur les étals, la différence se fait légèrement sentir: «Nous vendons nos bières standards à 3 fr. 80 la bouteille; la Vaudoise et la Bio sont vendues 3 fr. 95 et 4 fr. 05, précise Alexandre Clerc, codirecteur. Nous ne répercutons pas complètement la différence. Si nous le faisions, nous devrions vendre la Bio environ 4 fr. 30.» Changement de panorama à Genève où les bières labellisées GRTA (ndlr: Genève Région – Terre Avenir, label certifiant une provenance genevoise de la matière première) sont de plus en plus nombreuses. À elle seule, la Brasserie du Virage affiche sept bières labellisées sur son site et les autres artisans ne sont pas en reste. La différence? Le canton peut s'appuyer sur la malterie de Satigny, qui transforme en moyenne 100 tonnes d'orge par an, et une seconde a ouvert plus récemment, en France voisine, à Viry. Le malteur de Satigny Thomas Malaquin n'entre pas dans les détails sur l'écart de prix. «Oui, il y a une différence, mais c'est surtout une philosophie différente. Les céréales sont cultivées par les agriculteurs de la région, nous les trions méticuleusement, chaque lot fait l'objet d'une analyse en laboratoire, ce qui était une demande des brasseurs…» La Bio fait partie des deux bières locales à l'assortiment de la Brasserie du Jorat. PATRICK MARTIN/24HEURES Avant même l'ouverture de la malterie, les artisans s'étaient engagés à acheter l'entier de sa production, et les membres de l'ABIG (Association des brasseries indépendantes genevoises) privilégient cette matière première. Fondateur de La Source à Soral, Loïc Pillet en convient: «On pourrait payer notre malt 50 centimes par kilo en l'achetant chez Weyermann (ndlr: principal acteur de la branche). Là, on est plutôt à 1 fr. 80, 2 fr., mais à notre échelle, la question ne se pose même pas. Nous préférons réduire nos marges et travailler avec des produits locaux. Je suis convaincu que c'est un argument que les consommateurs et les revendeurs apprécient.» «On ne fait clairement pas ça par souci d'économie, mais il y a des questions à se poser sur le fonctionnement du commerce international, confirme Stefan Jakob, fondateur du Père Jakob à Soral, qui malte sur place les céréales de ses producteurs. En privilégient le circuit court, on s'assure de garder un certain contrôle sur notre matière première.» Palette limitée Autre raison qui oblige encore les producteurs de bières suisses à s'approvisionner à l'étranger: un assortiment suisse limité. À Satigny comme à Malticulture, celui-ci se concentre sur les classiques – malts blonds ou caramélisés, blé malté… «Cela peut être une limitation, convient Chris Treanor. Mais ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. 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Il a également participé en 2021 au lancement de l'hebdomadaire Riviera-Chablais Votre Région, partenaire de 24 heures. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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