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En ciblant les retraités, François Bayrou brise l'un des plus puissants tabous politiques

En ciblant les retraités, François Bayrou brise l'un des plus puissants tabous politiques

Le HuffPost France13 hours ago
POLITIQUE - La fin de la retraite fiscale, au sens propre. En dévoilant les pistes du budget 2026 ce mardi 15 juillet, le Premier ministre François Bayrou a annoncé une année blanche dans les dépenses de l'État. Avec dans son baluchon deux mesures qui touchent directement les retraités, une tranche de la population jusqu'à présent épargnée par la classe politique.
Dans son plan d'économie de 43,8 milliards d'euros en 2026, François Bayrou a annoncé une année blanche, qui exclut de fait toute revalorisation des pensions de retraite sur l'inflation. La seconde disposition porte sur la révision de l'abattement de 10 % sur le calcul de l'impôt sur les revenus pour « frais professionnels » dont bénéficiaient jusqu'à présent toutes les classes de retraités.
En conférence de presse, François Bayrou a insisté sur la nécessité de « partager » l'effort général, difficilement acceptable sinon. Avant de tenter de minimiser l'annonce, en assurant que l'abattement ne sera pas purement supprimé mais « sera revu et transformé en forfait annuel, ce qui permettra de protéger davantage les petites retraites, de garantir un pouvoir d'achat inchangé aux retraites moyennes et de remettre dans le droit commun les retraites importantes ». Déjà fragilisé à Matignon, le chef du gouvernement a senti le besoin de justifier cette mesure qui, il le sait, va coincer. Car toucher au niveau de vie des retraités était jusqu'alors un tabou, pour tous les camps.
« Toujours les mêmes » qui trinquent
Avant François Bayrou, Michel Barnier avait lui aussi tenté de faire contribuer davantage cette catégorie de population. En octobre 2024, l'éphémère chef du gouvernement envisageait de « demander un effort à tout le monde » en décalant au 1er juillet l'indexation des pensions sur l'inflation. Que n'avait-il pas dit ? De l'extrême droite au Parti socialiste, tous les ténors s'étaient élevés contre une mesure « mesquine » (Marine Le Pen) ou « injuste » pour la gauche.
Le gouvernement Barnier censuré, l'idée resurgit en janvier 2025 par la voix de la ministre chargée du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet. Elle évoque alors une contribution de « peut-être 40 % des retraités » à la protection sociale. Et provoque immédiatement un tollé, sans renoncer pour autant. Trois jours avant la présentation du budget, elle persiste et signe dans une interview au Nouvel Obs: « Il faut arrêter de voir les retraités comme un bloc homogène. L'effort ne sera juste que s'il est partagé par tous. »
Voilà la mesure confirmée. François Bayrou a bien pris soin d'y mettre les formes, en soulignant que tous ne seraient pas concernés. Mais la classe politique reste arc-boutée. « La rigueur promise par François Bayrou franchit toutes les lignes rouges : non-remboursement des médicaments, hausse des impôts, désindexation des retraites », s'insurge sur X l'allié du RN Éric Ciotti, quand le socialiste Arthur Delaporte dénonce « des milliards d'économies, toujours pour les mêmes : demandeurs d'emploi, retraités, fonctionnaires, patients ».
Des élections et des chiffres
Si l'opposition est vent debout, ce n'est pas parce que tous les partis plébiscitent de concert une autre méthode d'économie : la gauche veut taxer les plus aisés, l'extrême droite et la droite ciblent les immigrés et les prestations sociales. En revanche, tous partagent une analyse commune, bien que difficilement avouable : s'attaquer aux portefeuilles des retraités et les mécontenter représente un vrai risque électoral. Surtout à un an des élections municipales, quand cette part de l'électorat ne cesse d'augmenter et qu'ils sont toujours nombreux à se rendre aux urnes. « Sur les 54 millions de Français en âge de voter, à peu près la moitié a plus de 50 ans. Et d'ici à dix ans, le nombre de personnes ayant entre 75 et 85 ans va passer de 4 à 6 millions. C'est en quelque sorte un électorat d'avenir ! », observait en octobre dans La Croix Luc Rouban, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Preuve de la sensibilité du dossier ? Dans les partis du socle gouvernemental, aucun député n'a soutenu spécifiquement les efforts demandés aux retraités. Pas même au sein du MoDem, où on se contente de vanter un discours « de vérité, de crédibilité et de justice » sans faire explicitement mention de ces deux mesures.
Il n'empêche, une fois sorti des considérations politiques (et électoralistes), les chiffres vont dans le sens de François Bayrou. Car selon plusieurs économistes, cette tranche d'âge est loin d'être la plus à plaindre financièrement – même si d'importantes disparités peuvent exister. En parallèle, la seule suppression de l'abattement fiscal pour les « frais professionnels » pourrait faire économiser « 4 milliards et demi d'euros par an », chiffrait en janvier le président du Medef Patrick Martin qui y est favorable. François Bayrou n'a pas repris cette donnée lors de sa conférence de presse et se fixe un objectif global de 9,9 milliards d'économies dans son volet « mesures de justice sociales et fiscales ». Mais s'il venait à rétropédaler, le Premier ministre devrait faire une croix sur près de la moitié des économies voulues. Pour un gain politique dont il n'est pas sûr de profiter, vu l' épée de la censure brandie à peine les pistes présentées.
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Il aura fallu plusieurs heures pour le contenir. Mais dans la nuit de mardi à mercredi, l'incendie qui a ravagé un immeuble en construction dans le XIIe arrondissement de Paris a été éteint, « vers 1h40 du matin », fait savoir ce mercredi matin la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) au Parisien. En fin d'après-midi, les flammes avaient touché cet immeuble, fer de lance du futur quartier des Messageries , entre Bercy et la gare de Lyon. Prévu pour fin 2025, ce bâtiment de 10 000 m2 et haut de huit étages devait accueillir des bureaux qui pouvaient être transformés en logements. Mais le feu a calciné le bâtiment de la rue du Charolais et l'a sérieusement fragilisé, au point de menacer l'immeuble de s'effondrer. Ce mercredi matin, et quand bien même le feu a été éteint, « le risque d'effondrement est moins important mais pas totalement écarté », préviennent les pompiers. « Le bâtiment est bien refroidi mais on n'est pas à l'abri », indiquent-ils. Ainsi, une quinzaine de pompiers sont encore affairés autour de l'immeuble pour opérer une surveillance, qui devrait durer « au moins toute la journée ». Après quoi les architectes de la préfecture de police de Paris devraient prendre le relais, comme ils l'avaient fait lors du précédent incendie marquant du XIIe arrondissement, celui de sa mairie fin janvier. Dans la soirée, et alors que de très nombreux pompiers étaient engagés (environ 180), une riveraine de l'avenue Daumesnil qui rentrait chez elle s'est pris les pieds dans un tuyau des soldats du feu. La seule blessée légère de cet incendie, indirectement. Plus proche du bâtiment, personne n'a été touché physiquement par les flammes, l'immeuble Messagers étant vide. Par ailleurs, les magasins et l'hôtel à proximité avaient été évacués et un périmètre de sécurité avait été installé de la rue Montgallet à celle de Rambouillet.

Budget et PAC: Bruxelles donne le coup d'envoi de deux ans de négociations
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Budget et PAC: Bruxelles donne le coup d'envoi de deux ans de négociations

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