Maggotts-Becketts-Chapel, l'enchaînement mythique de Silverstone qui teste pilotes et F1
Maggotts, Becketts, Chapel... Murmurez ces mots l'un après l'autre à l'oreille d'un pilote de Formule 1 actuel et vous obtiendrez la même réaction : une sorte de grand sourire accompagné d'un léger frisson. « Avec le premier secteur à Suzuka, ce sont les virages où on ressent toute la force d'une Formule 1 en termes d'aéro notamment. C'est une sensation unique, incroyable », souffle Pierre Gasly à propos de cet enchaînement.
Apparu sous cette forme en 1991
Silverstone fait bien partie du Championnat du monde de Formule 1 depuis la première édition, en 1950, mais l'enchaînement actuel n'est né qu'en 1991 à l'occasion d'un retraçage plus général du circuit. Le premier tracé, très simple, suivait les routes effectuant le lien entre les trois pistes d'atterrissage et de décollage (disposées en triangle) de cet aéroport militaire. Mais entre 1987 et 1997, de nombres évolutions s'enchaînent (avant une dernière grande reconstruction en 2010).
C'est entre 1990 et 1991 que Maggotts-Becketts-Chapel change totalement de visage. Au départ, c'était un enchaînement de trois longs virages comme le montre la vidéo ci-dessous (entre la 18e et la 30e seconde). « Les vitesses étaient élevées et on avait peu de repères, se souvient Jean Alesi qui a connu les deux versions entre 1989 et 2001. La difficulté, c'était d'arriver à se caler par rapport au visuel et au grip élevé à disposition. »
Après cette rénovation, on retrouve cinq virages au total (visibles sur cette vidéo à partir de la 57e seconde) offrant une vitesse très élevée dans l'entrée de l'enchaînement et la plus basse dans l'avant-dernier virage. Quant aux noms, Maggotts est simplement la reprise d'un lieu-dit voisin « Maggotts Moor » alors que Becketts et Chapel font tous les deux références à une chapelle dédiée à « saint Thomas Becket », l'ancien célèbre archevêque de Canterbury, assassiné au 12e siècle par Henri II.
220 km/h de vitesse minimale et jusqu'à 4,8 G encaissés...
En qualification ou en course, l'approche n'est pas la même. Les passages les plus extrêmes ont bien sûr lieu en Q3. L'an dernier, George Russell auteur de la pole position, n'était pas descendu en dessous des 220 km/h sur cet enchaînement. C'est d'ailleurs la vitesse la plus « lente » sur une portion de 2,4 km du circuit (soit 41 % de la longueur totale !) depuis Luffield jusqu'à la dernière chicane puisque les autres courbes dans l'intervalle, Copse et Stowe, se négocient respectivement à 290 et 230 km/h. Décoiffant.
« Aller vite dans une ligne droite, on peut le faire en prenant une Bugatti et en montant à 400 km/h, détaille le pilote Alpine. Mais arriver à 280 dans des virages, mettre autant de rythme et ressentir autant d'intensité, ça n'arrive que dans une Formule 1. »
Pour le pilote, l'accélération latérale ressentie, celle qui use le cou, débute avec le premier virage de Maggotts, et termine, avec Chapel, autour de 2 G (sensation de faire 2 fois son propre poids). C'est au milieu que le plat de résistance se présente : plus de 4 G lors de trois courbes consécutives avec une pointe au-dessus des 4,8 G dans la fin de Becketts. Mais plus que ces valeurs extrêmes de la qualif', c'est la répétition des efforts qui va user les pilotes, comme l'a confié Isack Hadjar.
Niveau pilotage, « il y a différentes approches, dévoile Gasly. Avant Becketts, on peut lâcher l'accélérateur plus tard pour le gauche, mais ce n'est pas idéal parce que ça veut dire qu'il faut lâcher encore plus au virage suivant avant la longue ligne droite. Certains vont faire un léger lift et toucher peu aux freins. D'autres gardent un filet d'accélération en freinant en même temps. Ou alors, on peut totalement relâcher la pédale d'accélérateur. Ça dépend de l'équilibre de ta voiture ! ».
Avec un but : conserver le plus de stabilité possible afin de suivre la meilleure trajectoire, le moindre écart pouvant coûter cher. « 10 cm mal placé au premier virage, ça veut dire 15 cm au suivant et deux ou trois virages plus tard, tu sors de la bonne ligne », prévient Gasly. En course, les vitesses de passage descendent de 10 à 15 km/h avec le plus souvent deux petits coups de freins au milieu de l'enchaînement pour ne pas taper trop fort dans les pneus.
... qui défient le cerveau et la logique
L'autre spécificité de l'endroit, c'est qu'il réclame aux pilotes d'oublier leur instinct. « Ça challenge ton cerveau et ta vision tellement ça va vite », souffle Gasly. Un constat déjà vrai en 1991. « Nos voitures étaient plus légères et on commençait seulement à avoir de l'appui aérodynamique, mais on avait déjà cette difficulté à se « caler » parce qu'on n'imaginait pas qu'on pouvait passer aussi vite, confirme Alesi. Dans les premiers tours de la course, on avait presque envie de vomir avec les changements de direction, le temps de s'habituer. »
Le pilote Alpine a souligné aussi à quel point ces virages paraissaient différents au volant d'une F1 par rapport aux autres catégories, rendant leur approche plus complexe encore. Confirmation d'Hadjar. « Je l'ai compris l'an dernier en essais libres 1 ici, confie le pilote Racing Bulls qui avait alors pris le volant de la Red Bull pendant qu'il disputait le Championnat de Formule 2 le même week-end.
C'était la séance la plus impressionnante que j'ai connue, celle qui m'avait le plus marqué depuis je roule. » Il peut donc parfaitement comparer l'expérience entre F2 (795 kg, 620 chevaux et une aérodynamique limitée) et F1 (800 kg, 1000 chevaux et une aérodynamique très poussée). « En F2, c'est plus dur parce que tu as plus de virages à négocier finalement, car il faut déjà relâcher dans Maggotts pour pouvoir se placer. Tu te bats vraiment avec la voiture. En F1, c'est à fond, tu lâches un peu, tu tombes un rapport dans le gauche, un autre dans le droite et ça y est, c'est fini ! Mais c'est dur d'aller chercher les derniers centièmes parce qu'à de telles vitesses, entre le moment où tout est sous contrôle et celui où la voiture décroche, il n'y a pas grand-chose. »
Hormis la casse mécanique, les accidents sont rares à cet endroit puisqu'il a de grands dégagements de chaque côté de la piste. Ce qui prive d'ailleurs les pilotes de repères visuels pour savoir à quel moment freiner ou relâcher l'accélérateur. Bougeant les mains devant son torse, le rookie fera comprendre qu'il s'agit d'une histoire d'habitude et de mémoire musculaire pour finir par prendre Maggotts-Becketts-Chapel le mieux possible. Mais, selon, Gasly, y parvenir peut avoir des bénéfices de manière générale : « C'est un lieu qui permet de comprendre toute l'aéro d'une F1 et de passer un cap, la capacité à pousser ces voitures à la limite ! » Avec en bonus, une bonne dose de plaisir.
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