
Un autre guérisseur fribourgeois aurait fait quatorze victimes
L'accusé, qui pratiquait des «massages énergétiques», expliquait à ses victimes que les actes sexuels préconisés étaient exclusivement à but thérapeutique.
Manuel Perrin
En bref:
L'affaire, qui sera jugée ce mercredi par le Tribunal pénal de la Veveyse à Châtel-Saint-Denis, est un nouveau coup dur pour les adeptes des soins énergétiques en Suisse romande. Après les accusations d'attouchements par cinq ex-patientes du célèbre magnétiseur broyard Denis Vipret , révélées récemment par la RTS , un autre guérisseur fribourgeois de 58 ans – que nous nommerons Olivier – est aussi dans le viseur de la justice.
Incarcéré depuis trois ans dans l'attente de son procès, cet agriculteur est poursuivi pour une très longue série de viols et de contraintes sexuelles présumés sur quatorze femmes, identifiés en cours d'enquête, durant une quinzaine d'années. Elles avaient entre 20 et 51 ans. Certaines bénéficient toujours d'un suivi thérapeutique. De nombreux abus sexuels
Toutes les victimes n'ont pas fait appel à la justice. Huit d'entre elles n'ont pas déposé de plainte pénale, notamment celle avec laquelle le Fribourgeois a entretenu une relation de couple pendant deux ans ou encore une trentenaire qui aurait avorté à la suite d'un «soin thérapeutique». Quatre des six plaignantes seront présentes à l'audience. Elles retrouveront celui qui prétendait pouvoir soigner tous leurs maux grâce à ses dons, et ce, gratuitement.
«Deux de mes mandantes ont été dispensées de comparaître: elles n'arrivent tout simplement pas à être confrontées à l'accusé, même en présence d'une paroi de séparation», explique Me Jacy Pillonel. L'avocate ajoute que «l'une d'elles fait des cauchemars avec la voix de l'intéressé depuis l'audition de confrontation au Ministère public .» Pas le premier procès
Les faits en cause dans cette affaire concernent les années 2007 à 2022. Au milieu de cette période, en mai 2016, Olivier a déjà été reconnu coupable d'actes sexuels commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, «pour des faits similaires», selon la justice. Le Tribunal de Romont l'avait alors condamné à une peine pécuniaire avec sursis. Ce qui ne l'aurait pas empêché de récidiver, selon les victimes.
Dix des nouveaux cas présumés d'agressions par le rebouteux ont eu lieu après sa condamnation. Son risque de récidive serait par ailleurs toujours «moyen à élevé», selon une expertise de la psychiatre et psychothérapeute Deborah Castagnoli. La doctoresse se dit favorable au prononcé d'une mesure thérapeutique ambulatoire pour soigner un trouble de la personnalité «non spécifié». Soi-disant rebouteux
L'acte d'accusation de la procureure Catherine Christinaz relève les situations de vulnérabilité dans lesquelles se trouvait chacune de ces quatorze patientes, qui étaient souvent redirigées chez Olivier par des membres de leur famille ou des amis. Comme cette jeune Valaisanne toxicomane victime de deux viols dans son enfance – et dont le père venait de se suicider, qui ressentait fréquemment le besoin de téléphoner au guérisseur fribourgeois. Presque «comme une drogue», selon elle. Ou cette quadragénaire aux idées suicidaires, mobbée à son travail.
«L'accusé a été très malin», reprend Me Pillonel. «Il mettait d'abord ces femmes en confiance, en prétendant qu'il a des dons, et en leur disant qu'elles pouvaient lui parler de leurs problèmes auxquels tout le monde doit faire face un jour ou l'autre dans sa vie.» Certaines ont expliqué que le rebouteux autoproclamé les avait rencontrées fortuitement, et qu'il serait parvenu à les convaincre qu'elles souffraient de blocages internes, de kystes ou de maladies graves, comme un cancer du sein ou de l'utérus – alors qu'il n'en était rien. Victimes fragilisées
De la même manière, Olivier, qui est aussi père de famille, aurait abusé de la crédulité des plus fragiles en allant jusqu'à leur faire croire qu'il était entré en contact avec certains de leurs proches défunts, lesquels lui auraient indiqué que ces prétendus soins étaient la voie à suivre pour leur guérison.
Les séances de soins avaient souvent lieu dans un container attenant au domicile du Fribourgeois, sis sur le domaine agricole familial, et dont la porte aurait été verrouillée dans certains cas. Parfois, le soi-disant guérisseur donnait rendez-vous à ses patientes dans des hôtels. Et certaines acceptaient qu'il se rende chez elles. Soins énergétiques
La plupart du temps, il ne devait être question que de massages «énergétiques». L'accusé aurait expliqué à ces femmes que les actes sexuels qu'il préconisait étaient exclusivement à but thérapeutique. Et que si elles refusaient, de coûteuses opérations s'ensuivraient. Voire «un drame». Avec plusieurs, des documents ou messages de consentement aux soins étaient rédigés et/ou signés.
Des rapports sexuels complets, la plupart du temps non protégés, auraient ainsi été entretenus pour débloquer un dos, une nuque, un ventre, ou déboucher des tubes utérins. D'autres pratiques extrêmes auraient également été consenties pour soigner des maux imaginaires, pour «libérer» d'anciens traumatismes. Selon l'accusation, le guérisseur tentait de les persuader qu'elles avaient aussi un don, et qu'elles devaient absolument lui soigner d'importantes douleurs urinaires en le masturbant. Magie noire
Plusieurs victimes ont indiqué que le quinquagénaire leur parlait de magie noire et qu'il allait jusqu'à affirmer que c'était la cause de leurs maux. Ou à suggérer faussement à une plaignante que des individus jaloux voulaient sa mort et que les soins énergétiques qu'il prodiguait étaient le seul moyen de l'en protéger.
«Encore aujourd'hui, l'une de mes mandantes a peur qu'il parvienne à lui faire du mal, à elle et à ses enfants, lâche Me Pillonel. Il disait en outre à ses patientes de ne parler à personne de ses actes, ou de supprimer les messages qu'ils s'échangeaient.» Pour asseoir son emprise, Olivier a assuré à plusieurs d'entre elles qu'il travaillait pour la police – en qualité de gendarme ou de «détective» –, qu'il était envoyé en mission pour l'ONU , ou qu'il était parvenu à soigner l'épouse de son médecin traitant, prétendument atteinte d'un cancer du sein. Pas de commentaire
Face aux enquêteurs du canton de Fribourg, le rebouteux déclaré aurait répété que les actes sexuels qu'il préconisait à titre de soin thérapeutique lui auraient été enseignés dans le cadre d'un cours suivi en Thaïlande. Contacté, son défenseur Me Guillaume Hess dit réserver ses déclarations pour le procès à venir à Châtel-Saint-Denis.
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Autres newsletters Benjamin Pillard est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2019. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire des cantons romands. Auparavant, il a travaillé durant sept ans au sein de la rédaction du «Matin». Plus d'infos @benjaminpillard
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