
En Russie, une nouvelle loi anti «extrémisme» ouvre la voie à une répression numérique sans précédent
Depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022, le Kremlin n'a cessé de renforcer son contrôle sur l'espace numérique. L'accès aux sites internet étrangers, aux plateformes de réseaux sociaux, et plus largement à toute source d'information indépendante, s'est vu drastiquement restreint. Une tendance qui s'apprête à s'intensifier. Ce mardi 22 juillet, la chambre basse du Parlement russe, la Douma, a ainsi adopté une nouvelle loi qui renforcera la censure et pourrait avoir de vastes répercussions sur la vie privée numérique. Le texte a été transmis au Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement russe), et n'a plus qu'à être promulgué par Vladimir Poutine pour rentrer en vigueur.
Auparavant, une décision de justice était nécessaire pour qualifier un groupe d'«organisation extrémiste» ; cette loi supprime désormais cette exigence. Désormais, un groupe - même informel - pourra être désigné ainsi si un seul de ses membres a déjà été condamné pour création ou participation à une «association extrémiste» (article 282.1 du Code pénal). Autrement dit, il ne sera plus nécessaire qu'un juge vienne qualifier l'organisation dans son ensemble. Cette extension offre aux autorités un pouvoir quasi discrétionnaire d'interdiction.
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La liste du ministère de la Justice recensant les contenus «extrémistes» s'étend sur plus de 500 pages. Cette notion renvoie à une définition très large dans la législation russe, pouvant désigner à la fois le terrorisme, l'ultranationalisme ou la simple opposition politique. Parmi les interdictions en Russie liées à des «activités extrémistes» : l'adhésion au mouvement LGBT+ et la promotion d'un groupe d'opposition. Le but de cette nouvelle loi étant de couper encore plus efficacement la société russe de toute parole jugée «dangereuse» par le pouvoir.
«Une occasion illimitée de poursuivre toujours plus de personnes»
Autre nouveauté : l'introduction d'un article dans le Code des infractions administratives, instaurant des amendes pouvant aller jusqu'à 5000 roubles (environ 54 euros) à l'encontre des personnes qui «recherchent ou accèdent à des documents sciemment extrémistes», y compris via l'usage d'un VPN. Le texte prévoit également des sanctions pour la promotion de ces outils d'anonymisation. Boris Nadejdine, homme politique de l'opposition russe, interrogé par l'AFP, explique qu'en vertu de cette loi, une personne qui chercherait en ligne «qui était (l'opposant) Alexeï Navalny», déclaré extrémiste et mort en prison en février 2024, pourrait recevoir une amende.
Le projet n'explique cependant pas comment les autorités pourraient détecter ces activités, soulevant d'importantes inquiétudes en matière de vie privée. Le flou juridique pourrait ouvrir la voie à une surveillance intrusive et à un accès non autorisé aux appareils numériques. Marie Struthers, directrice pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale à Amnesty International, alerte sur le site de l'association: «Si ce projet de loi sur l'extrémisme devient loi, n'importe quel groupe de personnes - même un chat privé en ligne ou un cercle d'amis - pourra être désigné et taxé d''extrémiste' si un seul membre a été condamné pour 'extrémisme', comme l'ont été de nombreux détracteurs du gouvernement. Cela donnera aux forces de l'ordre une occasion apparemment illimitée de jeter le filet et de poursuivre toujours plus de personnes pour des associations, même lointaines, avec de soi-disant 'extrémistes'». Et d'ajouter : «Ces changements constituent une violation classique des obligations internationales de la Russie et de sa propre Constitution, qui garantit à chacun le droit à la vie privée, le droit à la liberté d'association et d'expression, y compris l'accès à l'information».
Le texte a été adopté avec 306 voix pour, 67 contre et 22 abstentions. Deux groupes parlementaires se sont opposés à l'amendement. Le vice-président de la Douma d'État, Vladislav Davankov, député du parti centriste Nouveau peuple, s'est insurgé sur Telegram : «C'est la première fois en Russie que quelqu'un peut être condamné à une amende non pas pour avoir distribué du contenu, mais simplement pour y avoir accédé - souvent accidentellement».
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Punir la lecture d'information
Même parmi les partisans du Kremlin, certaines voix se sont élevées. Yekaterina Mizulina, directrice de la Ligue pour un Internet sûr et soutien actif des politiques de censure, a exprimé ses inquiétudes. Selon elle, environ 30% de l'activité de sa structure consiste à surveiller les contenus extrémistes et à les signaler aux forces de l'ordre - une mission qui pourrait devenir illégale en vertu des nouvelles dispositions. Elle a aussi prévenu que même les policiers pourraient se retrouver en infraction en consultant du contenu à des fins d'enquête.
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Officiellement, cette loi vise à lutter contre la fraude et les abus liés à la revente de numéros de téléphone et de comptes. Mais pour les défenseurs des droits numériques, la logique est tout autre : punir non plus l'action de diffuser une information, mais le simple fait de la lire. D'autant que c'est le ministère de la Justice lui-même qui établit, sans réel contrôle indépendant, la liste des contenus dits «extrémistes».
En parallèle, le gouvernement envisage de bannir WhatsApp au profit d'une application nationale placée sous contrôle étatique, baptisée MAX. En effet, Meta, la société mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, relève également de la classification «extrême».
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