
Le rapport explosif de 2025 sur les prisons suisses aurait été édulcoré avant publication
Le département chargé des prisons vaudoises a rendu public le rapport Brägger sur la surpopulation carcérale lors d'une conférence de presse à Lausanne, le 10 février 2025. Au premier plan, le responsable de l'étude, Benjamin Brägger. Troisième depuis la gauche: le conseiller d'État Vassilis Venizelos.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Au terme d'une procédure judiciaire, les Juristes progressistes vaudois (JPV) révèlent que le département responsable des prisons a tronqué un rapport sur la surpopulation carcérale dans le canton. Selon l'association, le document présenté publiquement en février dernier ne correspond pas à la version originale livrée un an plus tôt par Benjamin Brägger, spécialiste reconnu sur la question pour le bureau Clavem, dans le canton de Fribourg.
«L'administration a coupé des éléments essentiels», dénonce Clémence Demay, coprésidente des JPV. L'exposé final qui a été rendu public est «un résultat amputé d'éléments d'appréciation de l'expert indépendant». Ainsi, «l'État a manqué de transparence et tenté d'étouffer le débat. Ce qui est inacceptable». Surpopulation carcérale
Le but de l'étude commandée par le conseiller d'État Vassilis Venizelos était de comprendre les racines de cette surcharge endémique et de trouver des solutions. Sur la base des chiffres de l'Office fédéral de la statistique, Benjamin Brägger livre ses conclusions. Il écrit noir sur blanc que c'est «l'application stricte et rigoureuse du droit par les autorités pénales (ndlr: le Ministère public et les tribunaux vaudois) » qui est responsable, en tout cas en partie, de cette situation.
Le mandataire détaille que Vaud serait plus sévère que les autres cantons: il recourt plus souvent à la détention préventive et prononce des peines plus longues à infractions égales. Ce constat est partagé par d'autres spécialistes du milieu pénitentiaire, comme le Laboratoire romand sur la décroissance carcérale, qui évoque une culture punitive .
«Les passages relatifs à cette mise en cause spécifique ont été gommés dans le rapport final», poursuit Clémence Demay. Tout comme l'analyse que l'expert fait de ce bilan statistique. Selon lui, cette pratique pénale est conforme au droit, mais il se demande «si cela permet de lutter efficacement contre la criminalité qui est en hausse depuis 2021». Prisons vaudoises
Le rapport rappelle que plus les peines sont nombreuses et longues, plus les capacités des prisons sont «sollicitées, voire sursollicitées». Il faudrait donc réfléchir sur la pertinence de cette répression – par exemple contre le deal de rue – qui «génère plus de cas de détention que le système peut en absorber». La construction de nouvelles places de prison ne serait pas l'unique solution.
Clémence Demay estime que la suppression de ces passages interpelle. Ce d'autant plus que sans la demande des JPV, ces interventions dans le texte n'auraient pas été mises au jour. Entre la première version du rapport et celle rendue publique, un an s'est écoulé. Une attente incomprise qui avait suscité des questions au parlement, le canton peinant à justifier ce délai. C'est dans ce contexte que les Juristes progressistes ont décidé de faire appel en 2024 à la loi sur l'information. Après un premier refus, ils ont obtenu les documents et les annexes. Leur lecture permet de constater les modifications. Et de restituer le contexte.
La prison de détention préventive du Bois-Mermet, à Lausanne. En juin 2025, le taux de surpopulation carcérale était de 165%.
24 heures / Odile Meylan
Tout commence début 2023. La surpopulation carcérale qui sévit depuis trente ans dans le canton et ailleurs en Suisse est à nouveau d'actualité. Le système carcéral souffre. Des députés parlent de conditions de détention proches de la torture et dénoncent la sévérité des autorités. Le Grand conseil demande alors au ministre Vassilis Venizelos d'agir.
Ce dernier, fraîchement élu, répond aux critiques dans «24 heures». Il explique que, en réponse à la crise, «l'objectif prioritaire» reste la construction des 410 places de la nouvelle prison des Grands-Marais. Quant à la politique pénale, il ne peut rien faire, «séparation des pouvoirs oblige». Le magistrat ajoute avoir demandé une expertise externe pour faire le point. Benjamin Brägger rend ses conclusions le 27 février 2024. Rapport Brägger
Selon les JPV, les documents internes dévoilent un premier point important. Durant le processus d'étude, les acteurs de la chaîne pénale ont été consultés. Dont le Ministère public (MP) et le Tribunal cantonal (TC), qui sont dans le viseur du spécialiste universitaire. Ces représentants de l'État ont eu l'occasion de s'exprimer lors de réunions, d'entretiens, d'échanges de courriers. Des prises de position écrites témoignent de la virulence des échanges.
Le MP se détermine le 12 février 2024. Le procureur général Eric Kaltenrieder rejette l'idée que ses services sont trop sévères et jugés responsables de la surpopulation carcérale. L'application de la loi répond aux règles de droit en toute indépendance. Il se dit «frappé par le manque de profondeur de l'étude menée». Et parle de «lacune fondamentale», de «contenu orienté». L'expert aurait utilisé une méthodologie douteuse, s'appuyant sur les seuls chiffres de l'Office fédéral de la statistique, sans se soucier des particularités locales. En l'état, le rendu est incomplet et demanderait une suite. Justice pas responsable
Six jours plus tard, le Tribunal cantonal enfonce le clou. «La justice ne saurait être tenue pour responsable», affirme de son côté la présidente, Marie-Pierre Bernel . Selon elle, la situation dans les prisons est le reflet de la criminalité vaudoise. Les peines répondent au profil de l'auteur, à ce qui lui est reproché. Or, «80% des personnes condamnées dans le canton sont des étrangers sans statut de résident», ce qui explique le nombre important de détention préventive à cause du risque de fuite. De plus, les cas de violence (brigandage, viol, etc.) justifient des sanctions sévères. Tout comme le MP, le TC souligne que ses décisions ne sont pas, ou peu, retoquées en cas de recours.
Ces critiques du Parquet et des tribunaux ne sont pas présentes dans le rapport final. À la suite de ses prises de position, le département mettra une année avant de livrer le rapport de l'expert et de faire une communication publique. Les documents dans les mains des JPV ne permettent pas de connaître les détails de cette dernière étape. Deuxième rapport
Deux certitudes toutefois. D'une part, une nouvelle version de l'étude de Benjamin Brägger, édulcorée, est élaborée. D'autre part, l'administration commande un deuxième rapport quelques mois après celui de l'expert fribourgeois. Il est confié cette fois-ci au professeur des sciences criminelles Christophe Champod, désigné récemment au poste de recteur de l'Université de Lausanne. Cette nouvelle analyse ne contredit pas la première, sans toutefois pouvoir désigner la cause de la surpopulation carcérale, en raison «d'un désert statistique.» L'État occulte?
Au final, le rapport Brägger rendu par l'État occulte les critiques contre les autorités pénales et admet que la typologie de la criminalité vaudoise est déterminante pour comprendre le problème de la surpopulation carcérale. Bien que cela ne soit pas démontré, selon les JPV. Des cantons comme Bâle ou Zurich, qui présentent pourtant des similitudes en termes de criminalité, n'incriminent pas autant que Vaud.
Tous les éléments de ce dossier auraient dû être rendus publics, poursuivent les JPV. Il y aurait une «confusion importante» entre une expertise externe et un document rédigé sur la base de celui-ci. La première version du rapport Brägger n'aurait pas dû être coupée, arguent-ils. Elle aurait dû être publiée in extenso. Quitte à la compléter, par transparence, avec des commentaires et des annexes qui auraient fait apparaître publiquement les prises de position, les entretiens et leur chronologie. Juristes progressistes vaudois
«Les citoyens auraient dû pouvoir se faire leur propre idée sur les causes avancées pour justifier la surpopulation carcérale dans le canton», commente Clémence Demay. La publication des documents obtenus permettrait enfin de dévoiler le débat de fond sur la surcharge dans les pénitenciers. Cette affaire montrerait ainsi que deux camps, avec leurs arguments, s'opposent. D'un côté, la défense d'une politique pénale qui nécessite des places en prison. De l'autre, la redéfinition des grandes lignes de la lutte contre la criminalité qui pourrait soulager le système.
Et de prendre pour exemple Benjamin Brägger, qui appelle justement dans une de ses conclusions non tronquées à la création d'une véritable politique criminelle , toujours absente dans le canton. «Place au débat public», demande la coprésidente. Elle annonce que des associations vont se réunir pour tirer un bilan: «Sans réflexion sur la chaîne pénale et sur ces politiques punitives dépassées, on va dans le mur.» En juin dernier, le taux d'occupation était de 109%, avec un pic de 165% pour l'établissement de Bois-Mermet. «À aucun moment, je n'ai souhaité cacher ces différents points de vue»
Le conseiller d'État Vassilis Venizelos rejette les critiques des Juristes progressistes vaudois. «À aucun moment, je n'ai souhaité cacher ces différents points de vue», nous répond-il par écrit. Il explique que le premier rapport de Benjamin Brägger était un résultat «intermédiaire». Comme le veut la procédure, il a été soumis pour consultation à l'ensemble des partenaires. Ce qui a généré des avis différents. «Sur cette base, l'expert a pu consolider son rapport et nous remettre une version définitive. Les recommandations n'ont pas été modifiées - elles restent inchangées.»
Le magistrat ajoute que l'étude de Benjamin Brägger et celle de Patrick Champod commandée peu après confirment que «le domaine de la surpopulation carcérale est complexe». En raison d'un manque de statistiques. Ces deux analyses «indiquent bien qu'il n'est pas possible d'établir un lien direct entre la politique pénale et la surpopulation carcérale» sans prendre en compte la spécificité de la criminalité vaudoise. Raison pour laquelle il n'est pas possible de l'affirmer en l'état.
Les études Brägger et Champod restent utiles, selon le ministre. Elles ont permis la mise sur pied d'un Observatoire de la criminalité pour mieux comprendre la situation. Ces travaux ont aussi relancé l'idée d'une politique criminelle dans le canton qui n'existe pas encore. Enfin, des décisions ont déjà été prises: renforcement des mesures alternatives à la détention et création immédiate de 40 nouvelles places de prison dans le canton de Fribourg. L'expert Benjamin Brägger, lui, n'a pas voulu faire de nouveaux commentaires. Contacté, il dit que l'affaire est close.
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