« Toujours faim » : 100 victoires et un appétit encore vorace, la machine à gagner Pogacar continue son règne sans partage
« C'est un rêve, c'est le plus beau jour de ma vie sur un vélo. » Sa bouille pas totalement dégrossie irradiait ce 21 février 2019, sur les hauteurs de Foia, à 900 mètres d'altitude, balayées par le vent et la grisaille lors de la 2e étape du Tour d'Algarve, son premier succès professionnel. La mâchoire en tension, Tadej Pogacar venait de passer la ligne sans cacher sa souffrance, ouvrant une ère que personne n'a vu venir, que personne ne pouvait imaginer, hormis peut-être Wout Poels et Enric Mas aux premières loges à l'instant d'être concassés dans le dernier virage par un môme de 19 piges.
Six ans et demi ont passé, le Slovène a atteint la barre des cent victoires professionnelles, la dernière, ce mardi, dans le grand huit rouennais, quand le Néerlandais et l'Espagnol, ses premières victimes, ont pris un petit coup de pelle en ne levant les bras respectivement qu'à huit et quatre reprises depuis 2019. Vainqueur du Tour de l'Avenir, la saison précédente, sous les couleurs de Ljubljana Gusto Xaurum, celui qui n'était pas encore « Pogi » débutait alors sa carrière professionnelle avec l'équipe UAE Emirates et, très vite, il empila les succès, le classement général de l'Algarve, puis celui du Tour de Californie en mai, et en été, trois étapes et la 3e place de la Vuelta remportée par son compatriote Primoz Roglic qu'il martyrisa, un an plus tard, à la Planche des Belles Filles, pour son premier Tour de France victorieux.
Le voilà à cent, « une statistique incroyable », soufflait son équipier Pavel Sivakov, assis sur les marches du car de la formation émirienne. Simone Pedrazzini, l'un des directeurs sportifs, semblait sonné de le voir gagner sa 18e étape sur la Grande Boucle : « c'est incroyable. On dit toujours que c'est incroyable mais cela revient à chaque fois. Il arrive encore à me surprendre. »
« C'est un des meilleurs coureurs de l'histoire, c'est extraordinaire ce qu'il réalise, analyse de son côté le coureur français. Il gagne avec tellement de facilité qu'on n'en prend pas vraiment conscience. Cela devient presque normal. Il est encore jeune, on ne sait pas jusqu'où il peut aller. »
« J'essaie toujours, mais c'est impossible contre toi »
Mathieu Van der Poel s'adressant à Tadej Pogacar
Jusqu'où il veut aller plutôt puisque le champion du monde empile les trophées et les bouquets de fleurs un peu quand il le souhaite, porté par une forme d'hyperactivité qui l'amène à vouloir toucher à tout, le Giro remporté l'an dernier, Paris-Roubaix, en avril, où il buta sur Mathieu Van der Poel, et sur lequel il reviendra tant qu'il ne s'imposera pas au vélodrome.
Battu ce mardi, le Néerlandais n'est pas rancunier et alors qu'il récupérait à côté de son bourreau qui lui demandait s'il avait essayé d'attaquer, il préféra en rire : « j'essaie toujours mais c'est impossible contre toi. » L'aveu d'impuissance d'un des plus grands champions de l'histoire, encore Maillot jaune pour une paille, situe la place du Slovène dans ce sport, tout en haut, fort de ses trois Tour de France, de son Giro, sans oublier ses huit Monuments et tout ce qu'il a pu gratter parce que c'est un glouton maladif, toujours prêt à se goinfrer, même d'un Tour d'Émilie la saison dernière car il ne voulait pas traîner avant d'étrenner son maillot arc-en-ciel enfilé à Zurich, six jours plus tôt.
Un palmarès encore à distance de celui d'Eddy Merckx (279 victoires professionnelles et 158 au même âge) ou de Bernard Hinault (146 mais 5 Tour de France). Pourtant, la marge se rétrécit autant que sa popularité ne cesse de croître dans des proportions absolument folles.
Si Lenny Martinez a remporté le Prix de la combativité, le staff de Pogacar l'aurait mérité aussi pour ses slaloms au milieu d'une foule posée devant le bus d'UAE Emirates- XRG, indélogeable. Les « sorry, sorry » bienveillants laissèrent place à des « move, move » plus autoritaires et nécessaires tant les spectateurs grignotaient l'espace et l'oxygène de l'équipe du Slovène. L'assistant Giuseppe Desiderio tenta bien de glisser aux fans du premier rang que le Slovène ne reviendrait pas au car, ils restèrent, sentant l'entourloupe.
« Il attendait la 100e victoire, il la voulait sur le Tour et il l'a. Ailleurs, elle aurait eu un autre goût »
Mauro Gianetti, le manager général d'UAE Emirates-XRG
Acculés contre les coffres du véhicule d'UAE, ils eurent raison de planter la tente, de risquer de se faire écraser les arpions par les cars d'Israël-Premier Tech et de Lidl-Trek, car le vainqueur du jour finit par ouvrir la marée humaine sans même étendre les bras. Le ressac l'accompagna jusqu'à sa porte, il signa quelques autographes, prêta son sourire carnassier à des photos floues et volées, entretenant sa dimension irrationnelle. Ailleurs, en Slovénie, il est devenu comme un guide et sa maman Marjeta nous confiait, mardi, qu' « on parle beaucoup plus de cyclisme et du Tour à la télévision et à la radio depuis, les émissions sont plus longues et il y a de plus de gens qui se mettent au vélo, même des personnes âgées. »
Ce mardi, perchés sur des poubelles à deux mètres du sol, l'âge n'avait plus d'importance et s'agglutinaient les amoureux de la première heure, les vieux râleurs (« une heure qu'on attend ! »), les ados en direct sur TikTok, un Pikachu juché sur ses ergots, des convertis de la dernière heure, séduits par sa bonhomie sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours. En course, il se transforme en tueur.
Avant de s'imposer dans les rues de la cité normande, il comptait onze victoires depuis le début de saison et il n'est pas interdit de croire que son cerveau débarrassé de toute émotion, clinique, a calculé qu'un succès lors de la dernière étape du Dauphiné, au Plateau du Mont-Cenis, l'aurait privé du prestige de la Grande Boucle, ce que ne chercha pas à nier Mauro Gianetti, le manager général : « Il attendait la 100e victoire, il la voulait sur le Tour et il l'a. Ailleurs, elle aurait eu un autre goût. C'est un accomplissement incroyable pour un si jeune gamin. » Qui n'en a pas fini de traumatiser toute la cour de l'école, anticipe Sivakov, interrogé pour savoir si son leader est encore plus fort que l'an passé : « Il a toujours été exceptionnel. Il est très fort et il y aura d'autres étapes pour s'amuser, pour prendre du plaisir, faire mal aux autres. »
À l'issue d'un protocole qu'il vit comme un fardeau, il a précisé que « toutes les victoires ont quelque chose de spécial mais ma première victoire professionnelle au Tour d'Algarve a été quelque chose d'incroyable pour moi. Je ne l'oublierai jamais. » Quatre-vingt-dix-neuf succès plus tard, la boucle n'est pourtant pas bouclée et comme il le publia sur Instagram, il a « toujours faim » de ce cyclisme qui est un jeu pour lui, une punition pour les autres.
À lire aussi
Pogacar, des dégâts mais un Vingegaard toujours là
Vauquelin et Grégoire à fond mais au plafond
Bryan Coquard sur les freins après son carton jaune
Vingegaard : «Ma meilleure performance sur une minute»
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes

L'Équipe
12 hours ago
- L'Équipe
« Réfléchir à ce qui peut être amélioré » : l'UBB au soleil pour lancer sa préparation
Après une coupure de cinq semaines, les vainqueurs de la Coupe des champions poursuivent leur préparation physique au sud du Portugal, à Faro, pour profiter des bienfaits de la chaleur. Alors que l'Europe cherche désespérément la fraîcheur, de drôles de vacanciers ont choisi de suer au soleil de l'Algarve, en shorts et crampons moulés. Faro, au sud du Portugal, est connu depuis trois décennies pour la qualité de ses installations sportives. C'est d'ailleurs là que le staff anglais, en 1989 - en janvier, sous une température clémente - avait convié Pierre Villepreux à coacher Will Carling et ses coéquipiers, déclenchant une crise politique fédérale et un buzz médiatique, conclus par la victoire du quinze de la Rose à Twickenham sur les Tricolores du coach Fouroux. « Les installations sont tops, reconnaît Christophe Laussucq, co-entraîneur de l'UBB depuis 2023. Il y a deux terrains, une cantine, deux salles de musculation. Les villas sont autour de la piscine. Nous faisons tout à pied et c'est tellement sympa que nous ne sommes toujours pas sortis du centre d'entraînement... » Le staff a écouté et échangé avec les neuf leaders de jeu Un stage de pré-saison à huis clos, donc, pour les vainqueurs de la Coupe des champions, placé sous le signe du mercure. « Il fait 38-39 degrés en ressenti », précise Thibault Giroud, à l'origine du choix de cette station balnéaire. Après les 1 000 m d'altitude de Loudenvielle, Faro et ses plages interpellent. « Les années passées, le stage en altitude dépendait du format de pré-saison. Là, c'est un développement différent. L'année dernière, on savait que la saison allait être longue, que nous allions donner beaucoup de vacances aux joueurs et qu'il faudrait ensuite compresser notre pré-saison », explique le préparateur physique de l'UBB, qui fut aussi celui du quinze de France de 2019 à 2023. La décision de descendre au Portugal plutôt que de rejoindre la station de ski Hautes-Pyrénées participe de cette réflexion en amont. Comment l'UBB compte viser encore plus haut la saison prochaine De 9 h 30 à 15 heures, avec juste de très courtes pauses, les Girondins ont attaqué depuis le 6 août une séquence de deux semaines, avec ce séjour au Portugal en point d'orgue. Tous les valides sont présents, bien enduits de crème solaire protectrice, à l'exception du pilier droit tonguien Ben Tameifuna, appelé en sélection, et du troisième-ligne sud-africain Jean-Luc du Preez (une des recrues du club), sélectionné par le staff technique des Springboks pour disputer le Rugby Championship, qui s'ouvre samedi à Johannesburg. « C'est toujours agréable ces prises de contact. Chacun arrive avec son nouveau cartable... », sourit Christophe Laussucq. Parce qu'ils n'ont qu'un mois de pré-saison, les finalistes malheureux du Top 14 (défaite 39-33, face à Toulouse, le 28 juin) mixent courses et ballon, physique et technique. Sans oublier d'intégrer la nouvelle organisation de jeu mise en place par le staff. « Notre boulot, c'est de réfléchir à ce qui peut être amélioré, sans pour autant révolutionner ce qui a fonctionné, souligne Christophe Laussucq. Et ça passe par un dialogue avec les joueurs. » Responsable du secteur défensif, l'ancien demi de mêlée international a ainsi réuni ses neuf joueurs leaders pour évoquer les changements à apporter dans les différents secteurs concernés. « Ne pas évoluer, c'est régresser », glisse-t-il, philosophe, avant de repartir affronter la canicule.


Le HuffPost France
a day ago
- Le HuffPost France
Après la victoire de Ferrand-Prévot au Tour de France, le débat sur le poids des cyclistes femmes ne ralentit pas
SPORT - Le sujet a beaucoup fait parler depuis son sacre. Si le monde du cyclisme féminin n'a pu que s'incliner face à la performance de Pauline Ferrand-Prévot pour remporter son premier Tour de France, une problématique sous-jacente est venue alimenter les débats : la perte de poids de l'athlète française. La championne olympique de VTT, une discipline requérant davantage de puissance, a ainsi affirmé avoir perdu près de 4 kilos dans sa préparation pour le Tour de France. Un sacrifice afin d'être davantage performante en montagne, où chaque kilo peut représenter une charge en plus pour grimper le plus vite possible. « Il y a des gens qui sont inquiets, ce qui est normal. Je ne le prends pas personnellement », avait-elle rassuré en conférence de presse après son titre. « Je ne veux pas rester comme ça, je sais que ce n'est pas sain à 100 % [...] Mais nous avions aussi un bon plan avec le nutritionniste de l'équipe et tout est sous contrôle », a-t-elle complété dans une interview à Rouleur Magazine. Des éléments qui n'ont pas totalement convaincu auprès du reste du peloton. Il y avait tout d'abord eu l'alerte lancée en plein Tour de France par la Française Cédrine Kerbaol, qui avait dénoncé le « moment dangereux » en cours. Puis à la fin du Tour, la lauréate de l'édition 2023 et deuxième en 2025 Demi Vollering s'était exprimé franchement. « Il ne faut pas être super maigre pour gagner. [...] Je suis fière de mon poids. J'espère qu'à l'avenir, je pourrai à nouveau gagner grâce à mon poids et montrer aux filles qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la peau sur les os pour gagner », avait martelé la leadeuse de l'équipe FDJ-Suez. C'est désormais la Suisse Marlen Reusser, l'une des meilleures rouleuses du monde, qui a pris la parole sur le sujet. « On espérait secrètement qu'elle ne gagne pas. Elle a établi une nouvelle norme et lorsque des coureuses connaissent le succès, ça nous met la pression », a affirmé dans une interview au quotidien suisse Tages-Anzeige r celle qui avait dû abandonner dès la première étape du Tour pour une intoxication alimentaire. Une « attention disproportionnée » par rapport aux hommes Titulaire d'un doctorat en médecine, l'alerte de Marlen Reusser, triple championne d'Europe du contre-la-montre, ne peut être perçue que comme le signe d'une mauvaise perdante. Signe de l'ampleur que ce sujet prend au-delà du cas de Pauline Ferrand-Prévot, c'est le syndicat représentant les coureuses professionnelles, The Cyclists's Alliance (TCA), qui s'est exprimé ce mardi sur le sujet. « Nous sommes déçus que les femmes dans le sport soient soumises à une attention disproportionnée quant à leur corps par rapport à leurs homologues masculins. [...] Nous encourageons toutes les voix du cyclisme à être des leaders plutôt que des suiveuses, et à contribuer à faire évoluer le dialogue dans le sport de haut niveau sur le poids et le corps des femmes », a tout d'abord regretté l'organisation dans un communiqué. Il faut dire que le cyclisme masculin compte également son lot de coureurs au physique au physique plus que longiligne. On peut penser au Danois Jonas Vingegaard ou au néo-retraité français Romain Bardet. Ce dernier culminait à 1m85 pour un poids autour... des 62 kilos. « Protéger la santé des femmes » Mais le poids des cyclistes femmes demeure une vraie problématique, notamment en raison de problèmes de santé spécifiques qui les touchent. En ligne de mire, on retrouve notamment le syndrome Red-S, correspondant au « déficit énergétique relatif dans le sport ». Si cette pathologie liée à un déficit d'apport nutritionnel peut autant concerner les hommes que les femmes, les implications sont davantage importantes pour ces dernières, avec des risques de dérèglements hormonaux plus conséquents, allant jusqu'à des absences de menstruation, ainsi que des risques plus élevés de fractures osseuses. « Le système actuel n'est pas conçu pour protéger la santé des femmes. Je pense donc qu'il est de notre devoir de continuer à sensibiliser et à défendre de meilleures normes qui permettent aux femmes de performer avec un corps bien nourri, fort et épanoui », déplore ainsi l'ancienne coureuse Grace Brown, la présidente du syndicat des coureuses, championne olympique du contre-la-montre aux JO de Paris. The Cyclists's Alliance veut notamment d'inspirer de l'escalade, et appelle l'Union cycliste internationale à soumettre les coureurs et coureuses à des tests de « densité minérale osseuse dans le cadre de leur processus de dépistage annuel », afin de mieux détecter les athlètes atteints de Red-S. Dans l'escalade, la règle est claire : un ou une athlète atteint de ce syndrome est interdit de compétition.


Le Parisien
a day ago
- Le Parisien
PSG-Tottenham : la chaleur peut-elle plomber la rencontre ?
Après la fournaise américaine, place à la chaleur italienne. Alors que le PSG avait été confronté à de fortes températures pendant toute la durée du Mondial des clubs il y a quelques semaines de l'autre côté de l'Atlantique, il a retrouvé des conditions climatiques tout aussi pesantes au moment de lancer sa saison du côté d'Udine, où il dispute la Supercoupe d'Europe ce mercredi soir contre Tottenham (21 heures). La petite ville italienne située dans le Frioul, aux portes de la Slovénie, est touchée depuis quelques jours par une canicule qui se faisait vraiment sentir cet après-midi. Le thermostat affichait 35 degrés et les rares coins d'ombre pour éviter le soleil tapant étaient très prisés des supporters parisiens qui ont fait le déplacement. Une partie d'entre eux se sont retrouvés dans une petite fan-zone du côté du Parc Moretti, mais malgré les arbres et le cadre verdoyant, l'air était difficilement respirable, poussant une partie des fans à s'asperger d'eau et à prendre d'assaut les brumisateurs installés. 30 degrés attendus au coup d'envoi Logiquement, les températures vont baisser au fur et à mesure de la journée, mais il fera encore chaud au moment où les hommes de Luis Enrique rallieront le Bluenergy où se joue la rencontre face aux Spurs. Les prévisions météo annoncent 32 degrés (ressenti 33) vers 20 heures et encore 30 degrés au moment du coup d'envoi. La deuxième période devrait se dérouler sous 28 degrés. À voir aussi