
Foglia pour les non-initiés
Qui était Pierre Foglia ?
Né en France en 1940, Pierre Foglia s'est établi au Québec dans la vingtaine. Il a d'abord été typographe, avant de travailler pour les journaux La Patrie, le Montréal-Matin et enfin pour La Presse, où il a surtout écrit dans la section des Sports.
Il est ensuite devenu chroniqueur à La Presse en 1978, un poste qu'il a occupé pendant plus de 35 ans. Au fil de ses chroniques, il s'est doté de toute une série d'expressions qui ont fait sa marque, comme les « mon vieux » qu'il insérait dans nombre de ses titres et textes.
PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE
Pierre Foglia à une manifestation du Printemps érable, en 2012, à la place Émilie-Gamelin
Ses chats, le cyclisme, la politique et la religion sont autant de sujets récurrents qui ont habité ses textes. Après avoir écrit sur la vie quotidienne, les Jeux olympiques et huit Tours de France, et après avoir livré maints coups de gueule où il ne ménageait pas les personnalités publiques, Pierre Foglia a pris sa retraite en 2015, deux ans avant que La Presse ne publie sa dernière édition papier.
Le banal magnifié
Avec son regard aiguisé et légèrement décalé, Pierre Foglia faisait briller l'ordinaire, un trait qui a fait de lui un véritable chroniqueur du quotidien.
« Foglia se rendait toujours à destination, mais il ne passait jamais par la porte d'en avant », souligne Jean Brouillard, lecteur assidu du chroniqueur, dont il republie les textes dans un groupe Facebook appelé Merci, Monsieur Foglia.
« On le voit dans les reportages qu'il a faits en tant que journaliste. Il allait rencontrer Muhammad Ali en Afrique, mais il ne parlait presque pas de boxe. Le reste, c'était sa famille, la religion, la société. C'est pour ça qu'on lisait Foglia ! », ajoute-t-il.
À la rencontre de l'autre
Pierre Foglia était avant tout un chroniqueur de terrain qui osait sortir des sentiers battus. Il l'a notamment démontré en 2013, quand il a parcouru Bagdad à vélo afin d'offrir un regard inédit sur la ville à ses lecteurs.
Un reportage qui a marqué Ariane Mukundente, fidèle lectrice du chroniqueur. « Il est en Irak pour nous raconter la guerre, il nous emmène chez l'habitant : sa vie, ses craintes, ses joies, ses fantasmes, ses chèvres, ses femmes. On comprend la guerre et ses origines dans quatre ou cinq paragraphes », se souvient-elle.
PHOTO ARCHIVES LA PRESSE
Pierre Foglia en reportage à Bagdad, en Irak
Cette approche demandait du courage, souligne Isabelle Audet, directrice de l'information à La Presse. « Ça prenait aussi un grand désir d'aller au-delà de l'information contrôlée et d'aller chercher une vérité qui n'était pas accessible autrement », estime-t-elle.
Pierre Foglia osait aller à la rencontre de l'autre, souligne-t-elle. « Ça nous rappelle l'importance d'éclairer nos angles morts et d'aller voir la vie qui grouille en dessous d'une grosse nouvelle. »
La chronique, plus qu'une opinion
Dans ses chroniques, Foglia ne faisait pas que donner son opinion : il montrait sa vision des choses. Une compétence rare qui s'acquiert avec l'expérience, souligne Kathleen Levesque, professeure de journalisme à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
« Aujourd'hui, on est inondés des gens qui donnent leur opinion surtout sur Instagram, TikTok et compagnie, explique-t-elle. Mais ce n'est pas la même chose que de défendre une idée en se basant sur les faits. »
Et Pierre Foglia argumentait avec style. « On ne lisait pas les chroniques de Pierre Foglia, on lisait Foglia. Il y a une nuance là », ajoute Kathleen Levesque, selon qui le chroniqueur a inspiré à des générations de jeunes journalistes le désir de marcher dans ses pas.
Les coudées franches
Pierre Foglia a bénéficié d'une liberté de parole hors norme, selon Kathleen Levesque. « C'était une époque où on prenait moins de gants blancs pour s'exprimer et où les avocats ne faisaient pas encore partie de l'infrastructure médiatique », explique-t-elle.
Résultat : le chroniqueur n'hésitait pas à écorcher les sujets de ses textes. « Il était lui-même, sans censure, souligne Jean Brouillard. Ça se traduisait parfois par un message très doux, et parfois par une savate à la jugulaire. »
Aux yeux de plusieurs stagiaires à La Presse, Pierre Foglia est le symbole d'une période foisonnante du journalisme québécois. « C'est un chroniqueur phare de son époque, souligne Marek Cauchy-Vaillancourt. Je me rappelle l'avoir lu dans la dernière édition papier de La Presse. C'est à ça que je l'associe. »
Même si les plus jeunes ne connaissent que sommairement l'œuvre de Pierre Foglia, la plupart sont bien conscients de la marque qu'il laisse sur le paysage médiatique québécois. « Personne n'a repris le flambeau de cette plume et de cette liberté d'opinion depuis qu'il est parti », estime Thomas Emmanuel Côté.
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Ford avertit que l'ACEUM ne protégera pas le Canada de Trump
Ford avertit que l'ACEUM ne protégera pas le Canada de Trump (Ottawa) Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, prévient que le président américain Donald Trump pourrait soudainement décider de « nous couper l'herbe sous le pied » en rouvrant l'accord commercial que son administration a négocié avec le Canada durant son premier mandat. David Baxter et Kyle Duggan La Presse Canadienne Il a déclaré qu'Ottawa doit se préparer à ce que cela se produise cet automne. M. Ford a fait ces commentaires après que les premiers ministres des deux pays et le premier ministre Mark Carney se soient rencontrés en privé pour la première fois depuis que Donald Trump a intensifié sa guerre commerciale en imposant au Canada un droit de douane de base de 35 % la semaine dernière. Le nouveau droit de douane, entré en vigueur vendredi après que les deux pays n'ont pas respecté l'échéance du 1er août pour conclure un nouvel accord commercial, ne s'applique qu'aux marchandises non couvertes par l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique, mieux connu sous le nom d'ACEUM. M. Ford a expliqué que M. Trump n'attendrait probablement pas la révision prévue de l'accord l'année prochaine. « Il n'attend pas 2026. À tout moment, le président Trump – même s'il ne respecte même pas les règles – peut nous couper l'herbe sous le pied sur l'ACEUM dès demain, d'une seule signature, a indiqué M. Ford aux journalistes à Queen's Park, à Toronto, mercredi après-midi, appelant à une action rapide pour stimuler l'économie. Soyons donc prêts. Je pense que cela arrivera en novembre. 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L'Ontario en désaccord avec la Saskatchewan PHOTO MICHAEL BELL, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe L'Ontario est en désaccord avec la Saskatchewan concernant la réponse du Canada à l'escalade de la guerre commerciale. Doug Ford a appelé à des représailles immédiates, tandis que le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, exhorte Ottawa à réduire ses droits de douane de rétorsion. « Il est peut-être temps pour le Canada de ne pas imposer de droits de douane de rétorsion supplémentaires dans ce secteur, mais plutôt d'envisager de supprimer certains des droits de douane de rétorsion qui nuisent actuellement aux entreprises canadiennes et saskatchewanaises », a expliqué M. Moe lors d'une entrevue radiophonique plus tôt mercredi, ajoutant que le pays est actuellement largement « protégé » par l'ACEUM. Avant sa rencontre avec M. Carney, M. 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3 hours ago
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La discrimination antipalestinienne jette un froid sur la liberté d'expression
« De nombreux Canadiens ont payé un prix injuste », a déclaré Nadia Hasan, professeure à l'Université York, lors d'une conférence de presse mercredi sur la colline du Parlement. (Ottawa) Les écoles et les employeurs associent la culture palestinienne au terrorisme et exercent des représailles contre ceux qui dénoncent la guerre à Gaza, selon un nouveau rapport. Dylan Robertson La Presse Canadienne « De nombreux Canadiens ont payé un prix injuste », a déclaré Nadia Hasan, professeure à l'Université York, lors d'une conférence de presse mercredi sur la colline du Parlement. Mme Hasan dirige le Centre de recherche sur l'islamophobie de l'université, qui a publié un rapport indiquant que les institutions publiques et privées violent le droit à la parole de ceux qui dénoncent la guerre israélienne à Gaza. Le rapport exhorte tous les ordres de gouvernement à reconnaître officiellement le racisme antipalestinien et à poursuivre la formation sur la détection et la prévention de la discrimination envers cette communauté. Le rapport cite des cas d'étudiants en droit, d'enseignants et de professionnels de la santé faisant l'objet d'enquêtes professionnelles ou de réprimandes pour avoir dénoncé la guerre à Gaza. Le rapport indique que bon nombre de ces personnes ont par la suite été blanchies. Il cite la décision de l'Université d'Ottawa de suspendre le Dr Yipeng Ge pour des postes qu'un collègue juif qualifiait de « sabotants » ; l'université l'a ensuite réintégré. « Le silence de plusieurs de nos dirigeants institutionnels a été vraiment préjudiciable, indique t-il. Il a donné le ton. Beaucoup l'ont interprété comme un seuil de tolérance sur leur lieu de travail et dans leurs espaces d'enseignement. » Jesse Robichaud, porte-parole de l'Université d'Ottawa, a expliqué dans un courriel qu'aucune suspension n'avait été prononcée, mais qu'un résident avait été « temporairement retiré » des milieux clinique et universitaire pendant l'examen des plaintes pour manquement au professionnalisme. « Ces mesures provisoires ne constituent pas des mesures disciplinaires, a expliqué M. Robichaud. Tous les efforts ont été déployés pour assurer un traitement rapide du dossier. Notamment, en attendant l'examen du dossier et la décision du sous-comité, le résident a continué de recevoir l'intégralité de son salaire et des avantages sociaux liés à son poste. » Une « exception palestinienne » Le rapport indique que des étudiants ont été victimes d'intimidation ou de sanctions officielles pour avoir porté un keffieh traditionnel ou affiché un drapeau palestinien sur les réseaux sociaux. « Les étudiants se voient refuser la possibilité de faire le deuil de leur famille, de pleurer la mort de leurs proches, simplement parce qu'ils sont Palestiniens, a expliqué Nihad Jasser, de l'Association des Canadiens d'origine arabe palestinienne. Nous voulons que nos enfants grandissent fiers de qui ils sont. 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Le rapport souligne également que la Banque Scotia a fait un don à l'Appel juif unifié et à l'intervention de la Croix-Rouge au Moyen-Orient, mais n'a pas pris en compte la situation des Palestiniens. La Banque Scotia a été sollicitée pour commenter. Les députés conservateurs ont repoussé l'idée de reconnaître officiellement le racisme antipalestinien. Le Comité de la justice de la Chambre des communes avait réclamé une telle mesure en décembre dernier. Les conservateurs ont déclaré que cette recommandation introduirait « de nouvelles catégories complexes qui risquent de compliquer le débat et de favoriser la division plutôt que l'unité ». Les conservateurs ont cité le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), qui a soutenu que le racisme antipalestinien pourrait servir de bouclier à des groupes appelant à la destruction de l'État d'Israël. « L'approbation de l'APR constitue une attaque contre l'identité juive et compromet l'important travail de lutte contre l'antisémitisme », a expliqué le CIJA. Mme Hasan a déclaré que le Canada devrait être en mesure de lutter contre la haine antijuive et antipalestinienne « par un engagement de bonne foi auprès des communautés touchées ».


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3 hours ago
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« L'hôtel était anglais, tout le reste était français »
Quand un médecin afro-américain se fait refuser l'accès à la salle à manger du Château Frontenac, la population de la ville réagit de façon humaine et évoluée, en ce mois d'août 1945 François Charbonneau Essayiste et professeur titulaire à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa Il y a 80 ans, le 6 août 1945, les journaux québécois annonçaient qu'une première bombe atomique avait éclaté au-dessus de la ville japonaise d'Hiroshima. Mais une autre histoire publiée ce jour-là passionnera bientôt le Québec tout entier : un médecin noir new-yorkais, George D. Cannon, et sa femme, Lillian M. Cannon, poursuivaient en justice le célèbre Château Frontenac pour discrimination raciale. Les Cannon avaient décidé cet été-là de passer leurs vacances à Québec. Dès leur arrivée au Château où ils séjourneront deux semaines, le 29 juillet 1945, ils soupent dans la salle à manger du célèbre hôtel où Churchill et Roosevelt s'étaient rencontrés deux fois plutôt qu'une (en 1943, puis en 1944). Les Cannon, qui occupent la chambre 4119, soupent à nouveau dans la salle à manger les 30 et 31 juillet, dans le plus grand bonheur. Or, le soir du 1er août 1945, quelque chose cloche. Le maître d'hôtel fait patienter les Cannon, qui sont pourtant les premiers dans la file depuis un moment. C'est George J. Jessop, directeur adjoint de l'hôtel, qui finira par expliquer au couple que la présence de « Noirs » importune des clients américains. Ils ne pourront plus souper dans la salle à manger, mais dans leur chambre seulement. Si George J. Jessop pensait avoir réglé le « problème », il ne savait pas à qui il avait affaire. L'incident du Château fera les nouvelles jusqu'en Australie ! Une ténacité hors norme C'est que George D. Cannon est un être d'exception. Tous les témoignages concordent : Cannon est non seulement un bon vivant, c'est aussi un être habité d'une force et d'une ténacité hors norme. 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Cannon, premier Afro-Américain embauché dans trois hôpitaux new-yorkais différents Cannon retient les services d'un jeune avocat québécois, Édouard Laliberté, qui lui suggère d'adopter une double stratégie : d'abord, par voie d'injonction interlocutoire (obtenue du juge Oscar Boulanger, de la Cour supérieure), mettre en demeure le Château d'offrir au couple l'ensemble des services auxquels il a droit en vertu de son statut de client. Ensuite, déposer simultanément une poursuite en justice pour compenser l'humiliation subie. La stratégie va fonctionner à merveille. Le gérant du Château se fait servir l'injonction interlocutoire qui l'oblige à servir le couple le 4 août 1945, et les journaux québécois s'intéressent à l'affaire Cannon de manière soutenue à partir du 6 août 1945. Dans son autobiographie, le médecin ne tarira pas d'éloges envers la presse québécoise, qui publie abondamment sur l'affaire. Le couple est tout aussi touché de l'appui qu'il reçoit de la population française de la ville de Québec, outrée de l'injustice subie par le couple. Le Château recevra de nombreux télégrammes de Québécois indignés. Plusieurs ont l'idée d'inviter le couple à souper à la maison et ils accepteront au moins l'une de ces invitations, celle d'un médecin dont l'histoire n'a pas retenu le nom. Ils seront reçus en invités d'honneur à l'Université Laval et sans doute à l'Hôtel-Dieu. Des chauffeurs de taxi comme des passants leur feront découvrir les atours de la ville. Des membres du personnel de l'hôtel les encourageront à mener leur combat jusqu'au bout. Dans une lettre de remerciement envoyée de New York et publiée dans plusieurs journaux québécois le 10 septembre 1945, le Dr Cannon écrira que « vraiment une ville et une province font preuve de grandeur pour avoir tant de citoyens empressés à montrer leurs sentiments sur un tel sujet ». Des archives inaccessibles La poursuite se réglera à l'amiable, en 1946. Si nous connaissons bien les arguments présentés par Édouard Laliberté dans ce dossier, nous ne savons toujours pas précisément quels arguments favorables à la discrimination le Château entendait présenter pour se défendre. Cet argumentaire existe pourtant, puisque pas moins de quatre dossiers, comportant 657 pages, préparés par les avocats du Château dans cette affaire, sont conservés par Bibliothèque et Archives Canada (BAC), à Renfrew, en Ontario. Cette institution, qui prétend promouvoir les meilleurs principes EDI, choisit incompréhensiblement de ne pas donner accès à 87 % des pages qu'il contient, pour protéger le privilège avocat-client d'une entreprise (La Chateau Frontenac Company) qui n'existe plus, 80 ans après les faits. Ce refus est d'autant plus inexplicable que l'actuel Château Frontenac a officiellement autorisé BAC à ouvrir ces archives au complet en 2022. Notons que les hôtels Fairmont ont pour leur part présenté des excuses officielles au couple lors du lancement de mon livre L'affaire Cannon (Boréal, 2025) au Château Frontenac, le 5 avril dernier. IMAGE FOURNIE PAR L'AUTEUR George Dows Cannon conservera longtemps le souvenir de cet évènement. Il insistera, dans son autobiographie inédite, sur le contraste entre le traitement qu'il reçoit de la direction de l'hôtel et l'appui enthousiaste qu'il reçoit de la population de Québec. Il conclura ainsi que « l'hôtel était anglais, tout le reste était français ». Consultez le site de l'affaire Cannon Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue