
Carney et le « leadership » de Trump
« Le leadership du président Trump et des États-Unis donne l'occasion de mettre fin à la guerre illégale de la Russie en Ukraine. »
Qui a dit ça ? Mark Carney, après la rencontre de Donald Trump avec Vladimir Poutine, qui a laissé les observateurs dubitatifs. Les États-Unis ont déroulé le tapis rouge – littéralement – au leader autocrate, sans rien obtenir.
La citation de M. Carney a pourtant été réfléchie. Elle vient d'une déclaration écrite officielle.
Sa stratégie est évidente : flatter l'ego insatiable de M. Trump. Mais n'est-ce pas un peu too much, comme on dit à Paris ? N'y a-t-il pas un risque à se montrer si complaisant ?
La phrase s'explique par la dégradation des relations canado-américaines, analyse l'ex-diplomate Louise Blais.
« Cette relation est cordiale, mais elle est surtout devenue plus distante. Il y a peu de contacts, parce que Donald Trump n'en veut pas plus, du moins, pas pour le moment. Il est irrité par nous », constate Mme Blais, diplomate en résidence à l'Université Laval, qui a été consule générale à Atlanta (2014-2017), puis ambassadrice du Canada à l'ONU (2017-2021).
Avant d'aller plus loin, deux mises en garde. Une analyse du dossier doit être clémente et prudente.
Clémente, car M. Carney n'a pas provoqué cette confrontation. Il la subit. Aucune solution n'est évidente. Il cherche la meilleure – ou la moins mauvaise – pour traverser la tempête.
Prudente, car on ne saura jamais comment les choses auraient été si M. Carney avait agi différemment. Et parce qu'on ne peut jamais prévoir avec certitude comment ce président impulsif réagira. Cela rend toute stratégie hasardeuse.
Cela étant dit, avec les mois qui passent, un problème devient de plus en plus clair : le Canada n'a pas vraiment renouvelé son approche depuis 2017, et ça ne fonctionne pas très bien.
« Pour rétablir un dialogue productif, nous devons changer notre approche », résume Mme Blais.
Afin de régler les droits douaniers et renégocier l'accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), M. Carney a nommé comme négociatrice en chef Kirsten Hillman, qui est ambassadrice à Washington. Or, elle était en poste lors de la précédente négociation. Certes, elle maîtrise le dossier. Mais elle s'est aussi fait des ennemis, entre autres à cause de déclarations mal reçues à la Maison-Blanche.
En 2018, le Canada tapait déjà sur les nerfs de M. Trump. Il préférait parler avec le Mexique. Heureusement pour nous, notre allié a insisté pour que les pourparlers se continuent à trois.
L'hiver dernier, à Ottawa, on pensait que M. Trump bluffait avec sa menace de droits douaniers. C'est une tactique de négociation, mais il finirait par reculer, croyait-on. Notamment pour empêcher une inflation qui lui nuirait aux prochaines élections.
Quelques mois plus tard, l'espoir diminue. On comprend que le deuxième mandat de Donald Trump ne ressemble pas au premier. Il est peu probable que le Canada évite les droits douaniers. L'objectif est plutôt de les minimiser.
Mme Blais confirme que la patience de notre voisin est limitée. « Nos contacts républicains nous disent : on vous aime, mais soyez prudents, vous avez profité de votre relation avec nous, mais les règles ont changé, les tarifs ne disparaîtront pas, alors montrez-nous que vous voulez encore faire des affaires avec nous dans ce nouveau contexte », rapporte-t-elle.
La question n'est pas de savoir ce qui est vrai ou juste, mais plutôt de trouver la stratégie optimale.
Ottawa a pris un risque en annonçant des contre-mesures avant l'entrée en vigueur des droits douaniers américains, quand on ignorait encore que les produits qui relevaient de l'ACEUM seraient exemptés. Évidemment, ne rien faire aurait aussi été risqué. Pensons aux secteurs de l'acier, de l'aluminium et du bois d'œuvre : ils se faisaient attaquer, écraser, humilier, et exigeaient une riposte.
En février, l'ex-premier ministre conservateur Stephen Harper écrivait d'ailleurs qu'il « ne devrait pas y avoir de débat, par exemple, sur la question de savoir si nous prendrions des mesures de représailles face à des tarifs ». « En cas de guerre commerciale, nous n'avons que de mauvais choix », ajoutait-il. Il concluait ainsi : « La pire réplique possible est l'absence de réplique. »
M. Carney a cherché un équilibre entre la force et l'apaisement. À la fin de juin, il a frustré beaucoup de Canadiens en renonçant à la taxation des revenus des géants du numérique.
On ignore ce qui serait arrivé si le Canada avait été encore plus conciliant. Mais ce qui est certain, c'est que la Maison-Blanche n'a pas oublié les menaces formulées à l'hiver. Outre la Chine, peu de pays ont agi ainsi, se plaint-on à Washington, durant les minutes de la journée où quelqu'un pense au Canada.
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a été applaudi pour ses déclarations pugnaces à CNN et à Fox News, où il attaquait le jugement du président. Cela a aidé à sa réélection. L'impact sur Washington est plus mitigé.
La possibilité de mettre fin au contrat d'avions-chasseurs avec Lockheed Martin pour les acheter plutôt à Saab, en Suède, est également une source d'irritation.
Un autre geste a étonné. M. Carney n'aurait pas prévenu la Maison-Blanche avant d'annoncer le 30 juillet son intention de reconnaître l'État de Palestine. Ottawa n'avait évidemment pas besoin de demander l'approbation de Washington — au contraire, notre politique au Moyen-Orient semble déjà trop dépendante de celle de notre voisin. Mais sur le plan diplomatique, il aurait été prudent d'avertir notre allié en coulisses, en lui expliquant le virage.
Cette analyse ne vise pas à juger M. Carney, mais plutôt à comprendre sa plus récente déclaration sur l'Ukraine.
Face à la communauté internationale, le premier ministre ne se compromet pas trop. Il envoie un vague souhait que ce processus, d'une façon imprévue et inespérée, facilite la fin de la guerre d'agression de Moscou.
Et face à Washington, il tend la main. Le but : rétablir un dialogue qui, sous ses couverts de politesse, est devenu rare et difficile.

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