
Donald Trump affirme que sa lettre constitue un « accord » avec le Canada
David Baxter et Kelly Malone
La Presse Canadienne
Donald Trump semblait perdre patience face aux efforts de son administration pour conclure des accords commerciaux avec des nations du monde entier. Le président a envoyé des lettres à ses partenaires commerciaux, dont le Canada, menaçant d'imposer des droits de douane plus élevés le 1er août.
La lettre envoyée à M. Carney la semaine dernière indiquait que le Canada serait frappé de droits de douane de 35 %, mais la Maison-Blanche a ensuite précisé que ces droits ne concerneraient pas les marchandises conformes à l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) sur le commerce.
« J'ai regardé une émission ce matin et ils disaient : 'Quand va-t-il conclure l'accord ?' Les accords sont déjà conclus. Les lettres sont les accords. Les accords sont conclus. Il n'y a pas d'accord à conclure, a déclaré M. Trump lors d'une réunion dans le bureau Ovale avec le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte. Ils aimeraient conclure un autre type d'accord et nous sommes toujours ouverts à la discussion. »
PHOTO MARK SCHIEFELBEIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le premier ministre canadien Mark Carney et le président américain Donald Trump lors du G7 à Kananaskis le 16 juin dernier.
Samedi, Donald Trump a publié sur les réseaux sociaux une lettre adressée à la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, annonçant que le Mexique serait frappé par des droits de douane de 30 %.
Une lettre distincte adressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé des droits de douane de 30 % pour l'Union européenne.
On ne sait pas clairement pourquoi le Canada est confronté à des droits de douane plus élevés que le Mexique ou l'UE.
Christopher Sands, directeur du Centre d'études canadiennes de l'Université Johns Hopkins, a expliqué que le Canada et le Mexique sont les deux principaux partenaires commerciaux des États-Unis, et que le Canada est également un partenaire en matière de sécurité nationale.
« Maintenant, le Canada est frappé d'un droit de douane de 35 %, tandis que le Mexique n'en subit que 30 %, a déclaré M. Sands dans un message texte. M. Carney a fait des efforts supplémentaires pour Trump jusqu'à présent, mais il pourrait ne pas bénéficier du soutien public canadien nécessaire pour poursuivre dans cette voie bien longtemps. »
Dans une récente publication sur Substack, M. Sands a souligné que M. Carney avait été proactif en matière de dépenses de défense et de sécurité frontalière. Il serait difficile pour les États-Unis de prétendre que le Canada n'a pas négocié de bonne foi, a écrit M. Sands. Bien que le Canada ait été « gentil », il a été frappé par des droits de douane presque aussi élevés que les 50 % auxquels le Brésil est actuellement confronté, a-t-il écrit.
MM. Carney et Trump négocient ce qu'ils appellent un nouveau pacte économique et de sécurité depuis leur rencontre à la Maison-Blanche début mai. Lors du Sommet du G7 le mois dernier, Mark Carney a déclaré avoir fixé au 21 juillet la date limite pour conclure cet accord.
Donald Trump a reporté unilatéralement cette date au 1er août la semaine dernière.
Il a augmenté les droits de douane sur l'acier et l'aluminium de 25 à 50 % en juin, et M. Carney a attendu de voir si un accord pouvait se concrétiser avant de faire de même. Le Canada a pris quelques autres mesures pour aider l'industrie de ce côté-ci de la frontière, notamment en imposant de nouvelles limites à la quantité d'acier étranger pouvant entrer avant l'imposition de droits de douane élevés.
Une nouvelle politique sur les marchés publics réciproques
Lundi, le Canada a mis en œuvre une nouvelle politique provisoire sur les marchés publics réciproques afin de restreindre la capacité des entreprises à soumissionner pour des contrats gouvernementaux si leur pays d'origine limite l'accès du Canada à ses contrats gouvernementaux. Le ministre de l'Approvisionnement, Joël Lightbound, a expliqué que cette politique visait à donner la priorité aux entreprises canadiennes et à celles de « partenaires commerciaux fiables ».
Le premier ministre Carney rencontrera son cabinet mardi pour la première fois depuis la dernière offensive de Donald Trump concernant l'accord commercial, et il doit rencontrer les premiers ministres la semaine prochaine.
Fen Hampson, professeur d'affaires internationales à l'Université Carleton, a souligné que Mark Carney devrait faire profil bas, ne pas céder à l'appât d'une réponse directe et publique à la dernière menace de Donald Trump et obtenir le meilleur accord possible à la table des négociations avec les responsables américains.
« Il existe une asymétrie fondamentale dans les relations commerciales canado-américaines. Nous exportons principalement des matières premières et des biens intermédiaires, ce qui donne à Trump un certain pouvoir de négociation, a expliqué M. Hampson. Mais cela expose également les industries et les fabricants américains. Nous en voyons déjà la preuve, vous savez, les droits de douane de 50 % sur l'aluminium. »
Fen Hampson a ajouté que si Donald Trump devait réagir à quoi que ce soit, ce serait à ces pressions intérieures exercées par les consommateurs et les fabricants américains qui se voient facturer davantage de biens et de matériaux.
« Il commence à subir des critiques politiques, et cela se répercute sur le Canada. Il faut simplement être patient, a expliqué Fen Hampson. C'est très difficile quand les gens disent : ' Il faut tenir tête à ce type, il faut brandir le gros bâton '. Non, ce n'est pas comme ça qu'on gagne avec Trump. »
La lettre de Donald Trump concernant les droits de douane cible une fois de plus la question du fentanyl en provenance du Canada et à destination des États-Unis, justification initiale des droits de douane imposés au Canada et au Mexique, ainsi que l'immigration illégale et la sécurité frontalière.
Les données du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis indiquent qu'environ 26 kilogrammes de drogue ont été saisis à la frontière canadienne au cours du présent exercice financier, tandis que 3700 kilogrammes de cette drogue ont été saisis à la frontière mexicaine au cours de la même période.
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Un homme fugue d'une unité fermée
Mélanie Dumas, la fille de Serge Dumas, un résidant qui a fugué de son unité fermée dans un CHSLD à Longueuil, en juin La Presse a révélé jeudi que la moitié des résidences pour aînés (RPA) nouvellement assujetties à un règlement leur imposant d'installer un système de sécurité n'en ont toujours pas. Qu'en est-il des CHSLD ? Même s'ils sont tous, en théorie, munis de tels systèmes, un résidant du Centre d'hébergement du Manoir-Trinité à Longueuil a réussi à les déjouer en juin dernier. Ce qu'il faut savoir Un homme de 77 ans a fugué de son unité fermée le 21 juin dernier dans un CHSLD de Longueuil. Santé Québec affirme que tous les CHSLD et maisons des aînés sont équipés de systèmes de sécurité. Les circonstances de l'évènement demeurent floues comme deux versions différentes ont été transmises à La Presse. Une par le syndicat et l'autre par le CHSLD. À 5 h 11, le 21 juin dernier, Serge Dumas, un homme de 77 ans atteint de démence, a fugué du Manoir-Trinité, où il réside dans une unité fermée. Le centre d'hébergement, comme tous les CHSLD et les Maisons des aînés, est pourtant équipé de systèmes de sécurité. « Si on veut sortir de l'unité de mon père, ça prend un code pour ouvrir la porte. Ensuite, ça prend un code dans l'ascenseur, et pour sortir dehors, c'est quelqu'un qui doit ouvrir la porte », explique Mélanie Dumas, la fille du résidant. À Mme Dumas, la direction du CHSLD a affirmé que le résidant était passé par une sortie non surveillée et s'était retrouvé dans le stationnement de l'établissement, où il a fait une chute. À noter que le centre d'hébergement se situe en bordure du boulevard Jacques-Cartier, une artère passante. Une demi-heure plus tard, une employée arrivant sur son lieu de travail l'aurait trouvé étendu sur le sol du stationnement. Une personne du CHSLD aurait dit à Mme Dumas qu'en raison du petit nombre d'employés la nuit, les portes restent déverrouillées et ouvertes. « Je n'étais pas au courant de ça, on m'en a informée, a affirmé Mme Dumas en entrevue. J'avais la perception que la porte était barrée en tout temps parce que c'est des patients à risque d'errance. » Son père a toujours porté son bracelet de sécurité, a précisé à La Presse le CISSS Montérégie-Est, responsable de l'établissement. C'est en raison d'une défectuosité mécanique de la porte que l'alarme ne s'est pas déclenchée. Le mécanisme a été réparé dans les 24 heures suivant l'incident, a-t-on indiqué à La Presse. Le bracelet en question active une alarme si la personne franchit une porte ou l'ascenseur alors qu'elle n'y est pas autorisée. Une seconde version des faits Le président du Syndicat des travailleurs du CISSS, affilié à la CSN, Luc Michaudville, a offert une version complètement différente des faits après avoir consulté ses membres au sujet de l'incident. Selon lui, l'équipe de soins a retiré le bracelet de sécurité du résidant « parce qu'il n'était plus nécessaire ». PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE Le Manoir-Trinité, à Longueuil M. Dumas aurait quitté l'établissement par une sortie non surveillée sans se faire remarquer. Sans un bracelet de sécurité, aucune porte ne l'empêchait de sortir. Il aurait ensuite poursuivi sa route jusqu'à l'hôpital Pierre-Boucher, situé à environ 200 mètres. À ce moment-là, la sécurité de l'hôpital aurait appelé le CHSLD pour l'informer de la présence de M. Dumas. 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La Fonderie Horne refuse de respecter la limite provinciale
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Des sinistrés ciblés par de faux avis municipaux
Inondés pour la deuxième fois en moins d'un an, des dizaines de résidants d'Ahuntsic ont reçu ces derniers jours de faux « avis de travaux ». La lettre affirmant que la Ville préfère aménager des pistes cyclables plutôt que de réparer leurs égouts a soulevé la colère et l'inquiétude chez les résidants. Or, d'importantes nuances s'imposent. « Nous vous informons que la Ville ne prévoit pas intervenir dans votre rue pour corriger la problématique récurrente de refoulement d'égout que vous subissez », lit-on dans le document distribué aux portes. On précise qu'aucun correctif ne sera mis en place au moins avant 2028. La lettre poursuit en avançant que « cela étant dit, vous serez sans doute ravi d'apprendre que deux nouvelles pistes cyclables seront aménagées dès 2025 » dans le secteur. Cet « avis de travaux » est faux. La lettre imite le style et la couleur des avis de chantiers que Montréal envoie habituellement aux résidants à la veille de travaux majeurs. 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