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Le désir de réussir

Le désir de réussir

La Presse27-07-2025
Théodore Pellerin a eu 28 ans quelques jours avant notre rencontre en juin dans un café du Mile End, un quartier dont il conserve plusieurs souvenirs d'enfance. Il avait 20 ans la première fois que je l'ai interviewé. Il s'apprêtait à s'installer plusieurs semaines à Los Angeles après avoir décroché un rôle dans la populaire série de Netflix The OA. Le premier long métrage de Sophie Dupuis, Chien de garde, qui a pris l'affiche deux mois plus tard, allait lui valoir le prix Écran canadien du meilleur acteur et l'Iris de la révélation de l'année.
Aujourd'hui, on réclame le comédien québécois sur les plateaux de tournage français et américains. Après avoir incarné l'an dernier Jacques de Bascher dans la minisérie française Becoming Karl Lagerfeld, puis Lafayette dans la minisérie américaine Franklin, il voit les propositions affluer plus que jamais. Théodore Pellerin a trois agents aux États-Unis, deux agents en France (dont un seulement pour l'image) et lit jusqu'à quatre scénarios de film ou de série par semaine.
Il a remporté en mai le Prix de la révélation de la Semaine de la critique du Festival de Cannes pour Nino de Pauline Loquès et tient le rôle principal de Lurker d'Alex Russell, qui sera présenté le 1er août au festival Fantasia, après une réception enthousiaste aux plus récents festivals de Sundance et de Berlin. A-t-il l'impression que sa carrière est à la croisée des chemins et qu'il est sur le point d'exploser sur la scène internationale ?
« Je n'ai pas vraiment ce rapport au travail, dans le sens où ça m'est arrivé plusieurs fois de penser que quelque chose allait être très gros et que finalement, non », dit-il, en faisant référence à la série On Becoming a God in Central Florida, produite par George Clooney et Kirsten Dunst, dans laquelle il tenait l'affiche aux côtés de Kirsten Dunst. « C'était énorme, à 21 ans, d'aller faire ce show-là avec eux. Ç'aurait pu être un show énorme aux États-Unis. Ça n'a pas été le cas. C'est sûr que c'était un peu une déception. Je pensais que ça allait être plus gros que ça. »
La comédie satirique, diffusée en 2019 sur Showtime aux États-Unis, avait été renouvelée pour une deuxième saison qui n'a jamais vu le jour en raison de la pandémie de COVID-19. En 2017, Pellerin avait décroché un rôle dans le film Boy Erased de Joel Edgerton… alors qu'à peine deux ans plus tôt, il ne parlait pas vraiment l'anglais.
« Je ne suis pas quelqu'un qui n'est pas ambitieux, dans le sens où je n'aurais pas appris à parler anglais à 18 ans avec l'accent parfait si je n'avais pas un peu d'ambition, admet le comédien. Mais j'ai une relation bizarre avec l'idée de la carrière… »
Il prend son temps avant de poursuivre sa phrase, ce qui ajoute à l'impression que ce jeune homme plus réservé que timide, d'un calme énigmatique, est bien réfléchi. Avec ses grands yeux en amande et sa silhouette élancée, Théodore Pellerin a l'air mélancolique d'un personnage sorti d'un tableau de Pablo Picasso. Il parle doucement. Aussi, nous fuyons la terrasse et ses clients bruyants pour nous réfugier à une table isolée.
« C'est un énorme privilège de pouvoir travailler dans plusieurs endroits, finit-il par ajouter, mais je n'ai pas vraiment en tête de faire carrière dans un lieu ou un autre. J'ai l'ambition de faire des films que j'aime, des films que j'aurais envie de voir, qui m'émeuvent et qui vont m'apporter quelque chose de profond. C'est rare ! Avoir plusieurs agents, travailler dans différents endroits, ça aide à élargir les possibilités de tomber amoureux d'un projet. C'est juste ça, l'intérêt, il n'y en a pas d'autre. »
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE
Théodore Pellerin, en entrevue avec notre chroniqueur
Le mot « amoureux » resurgira à quelques reprises dans la conversation. Ce qui guide manifestement Théodore Pellerin, c'est l'amour qu'il porte à une proposition artistique et l'urgence d'incarner un rôle.
« Aujourd'hui, j'essaie d'être dans un état d'esprit où je me dis que je ne veux plus jouer, que je veux travailler le moins possible, pour me sentir obligé d'aller vers un projet quand c'est une évidence. Avant, j'étais un peu plus dans l'apprentissage et l'évolution, où tout était utile pour moi comme humain et comme acteur. »
Cet état d'esprit, rassure-t-il, n'est pas du tout lié à une forme de lassitude. Théodore n'est pas las. Au contraire. Il cherche la perle rare et compte s'en tenir à un ou deux films par année dans un avenir rapproché.
Quand c'est un projet que j'aime, l'amour est encore plus fort qu'avant. Mais j'apprends à vivre en dehors du travail alors qu'avant, je ne vivais qu'à travers la fiction. Pour pouvoir être acteur, il faut que je sois amoureux d'un texte.
Théodore Pellerin
« Je n'ai pas envie d'être dans la répétition ou l'automatisme, dans le jeu pour le jeu. Je suis plus patient qu'avant. C'est un privilège que tout le monde ne peut pas se permettre, mais je préfère ça à faire des choses qui ne sont pas pour moi… vitales. »
Le parcours de Théodore Pellerin, révélé à 17 ans dans la série quotidienne 30 vies, puis par le film Les démons de Philippe Lesage, est jalonné d'œuvres à la fois populaires et pointues, à la télévision comme au cinéma, au Québec comme à l'étranger. On le retrouve au générique de la comédie québécoise Complètement lycée ainsi que dans tous les longs métrages de son amie Sophie Dupuis, de Chien de garde à Solo, pour lequel il a obtenu l'Iris du meilleur acteur en 2024, en passant par Souterrain, qui lui a valu l'Iris du meilleur acteur de soutien en 2021.
Pellerin précise qu'il ne renie aucun des projets qui ont fait de lui l'acteur qu'il est aujourd'hui. Et il est conscient que le succès qu'il a connu n'est pas étranger au privilège qu'il a désormais de se faire offrir des rôles intéressants. « Pour avoir accès à des choses que j'aime, il faut que j'aie un peu de reconnaissance comme acteur. Tu ne peux pas faire financer un film si ton nom n'est pas un peu connu. C'est une question d'équilibre. »
Il en convient lui-même, il n'est pas très porté sur les révélations ou les confidences. Lorsque je lui ai demandé de m'envoyer des photos qui le décrivent bien, il n'a choisi que des photos tirées de son parcours professionnel…
J'ai envie qu'on réponde à ce que je fais comme acteur, mais je n'ai pas un grand désir d'exposition de moi. J'ai encore un besoin de validation, qui est presque maladif, à travers le travail.
Théodore Pellerin
« Je suis très bon élève. Je veux que le professeur me donne une bonne note. J'ai envie que le réalisateur avec qui je travaille soit heureux, que la production soit contente. Et j'ai envie que les gens aiment ça. Je trouve ça dur quand ce n'est pas regardé, quand on n'en parle pas ou quand je lis quelque chose de négatif. J'ai un désir de réussite, mais je n'ai pas un désir de célébrité. »
Malgré l'appel des sirènes hollywoodiennes et européennes – il a passé beaucoup de temps à Paris depuis trois ans, même si la plupart des scénarios qu'on lui propose sont américains –, Théodore Pellerin a toujours envie de faire sa marque dans le cinéma, la télévision et le théâtre québécois. Comme acteur et, pourquoi pas un jour, à titre de metteur en scène.
« J'habite ici et j'ai quand même un désir très égoïste de jouer dans ma langue, avec mon accent. C'est moi qui ai demandé à jouer dans Complètement lycée et j'étais très heureux qu'on m'ouvre la porte ! J'ai envie de participer à la culture québécoise. Je suis bien chez moi. »
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Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours
Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours

La Presse

time32 minutes ago

  • La Presse

Rej Laplanche, punk un jour, punk toujours

Il y a 25 ans s'amorçait à MusiquePlus l'émission 123Punk, avec pour animateur un jeune passionné de musique rock caché derrière une planche de skate. Celui que l'on appelle encore aujourd'hui « Rej Laplanche » habite aujourd'hui la région de Québec, où on pouvait l'entendre jusqu'à tout récemment sur les ondes de la station BLVD. Il a annoncé la semaine dernière qu'il quittait son micro, ne se reconnaissant plus dans « la version 2025 » de cette antenne. « Depuis que j'ai annoncé que je quittais BLVD, j'ai reçu des propositions. Je ne sais pas si on va me réentendre à un micro de radio bientôt. Peut-être. Mais le web me tente. J'aime beaucoup le podcast. On verra bien », laisse savoir Rej Laplanche, qui continue d'animer plusieurs festivals de musique rock cet été. À 50 ans, il n'a pas envie de faire de compromis. Sa décision de laisser son émission de radio le prouve bien. Un saut dans le vide qui a quelque chose « d'un peu punk ». Quand on lui fait la remarque, Rej Laplanche, qui mène une vie rangée à la campagne avec sa conjointe de longue date et leurs deux ados, rigole. « Qu'est-ce qui est punk ou pas ? C'est la grande question. Au début des années 2000, il y avait presque des bagarres dans les bars pour savoir ce qui était vraiment punk et ce qui ne l'était pas. Quand on est arrivé avec 123Punk, c'était aussi le grand débat. Pour les puristes, une émission de télévision, par définition, ça ne pouvait juste pas être au punk », se rappelle-t-il. Gars de musique Rej Laplanche aura animé 123Punk pendant près de 10 ans sur les ondes de MusiquePlus. Il garde un très bon souvenir de ses débuts derrière une planche à roulettes à présenter les vidéoclips de NOFX ou des Planet Smashers. « Un stunt », qui se voulait un clin d'œil à Ed the Sock, une marionnette en forme de bas qui animait à MuchMusic, le pendant de MusiquePlus au Canada anglais. Mais pas que… « À l'époque, tous les nouveaux visages en ondes devaient être approuvés par Moses Znaimer, le grand patron de MusiquePlus et de MuchMusic, qui était basé à Toronto. Ça pouvait être long avant de recevoir son autorisation. On n'avait pas le temps d'attendre. Il nous fallait une émission sur le punk. Alors on a eu l'idée de me faire animer derrière une planche de skate. C'était assez punk ça aussi quand on y repense », raconte en riant Réjean Claveau, de son vrai nom. PHOTO ANDRÉ TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE Les VJ version 2004 de MusiquePlus, de gauche à droite : Stéphane Gonzalez, Rej Laplanche, Mélanie Cloutier, Mike Gauthier, Rebecca Makonnen, Chéli Sauvé-Castonguay, Izabelle Desjardins, Valérie Simard, Denis Talbot et Nabi-Alexandre Chartier. L'animateur avait repris son nom de baptême durant les années où il a travaillé à Radio-Canada à Moncton, après son départ de MusiquePlus. Lorsqu'il a déménagé à Québec et qu'il a pris la barre de la matinale de BLVD, en janvier 2021, il est redevenu Rej Laplanche. À l'époque, BLVD était une station rock. Depuis, elle a adopté un format plus proche de la radio parlée, avec une orientation politique marquée à droite, à l'image de sa rivale CHOI Radio X. En entrevue avec La Presse, Rej Laplanche a tenu à préciser que sa décision de quitter la station n'a rien à voir avec sa ligne éditoriale. Il assure aussi partir en bons termes avec les patrons. Ce n'est pas une question de gauche ou de droite. C'est vraiment le format de radio parlée, qui est collé sur l'actualité, qui ne correspond pas à ce que je suis. Rej Laplanche « Moi, il y a un nombre maximal de fois où je peux parler du tramway dans une année. En parler tous les matins, je ne peux juste pas », fait valoir Rej Laplanche, qui reste d'abord et avant tout un gars de musique. Fier VJ MusiquePlus a été son terrain de jeu pendant une quinzaine d'années. Cette chaîne était perçue comme une école par beaucoup de jeunes animateurs, venus y faire leurs preuves dans l'espoir d'être repêchés ensuite par TVA ou Radio-Canada. Rej Laplanche n'a jamais vu les choses de cette façon. Il se souvient d'avoir été courtisé à l'époque par plusieurs radios commerciales et par ICI Musique. La réponse a toujours été non, « même pour 20 000 $ de plus ». PHOTO MARIKA VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE Rej Laplanche Rien ailleurs ne me permettait de vivre ce que MusiquePlus me faisait vivre. Si le MusiquePlus que l'on a connu existait encore, j'y serais toujours. Rej Laplanche Or, l'ancienne chaîne de référence des ados québécois n'était plus que l'ombre d'elle-même à la fin. La musique était devenue secondaire. La programmation se composait essentiellement de téléréalités américaines doublées. La fermeture paraissait inexorable depuis l'arrivée de l'internet. Aurait-elle pu être évitée ? Rej Laplanche l'ignore, mais il croit quand même avec le recul que certaines décisions auraient pu être prises différemment. « On a peut-être été trop lents à réagir à l'arrivée du web. Je me souviens d'avoir parlé de YouTube à un patron à l'époque. Il m'avait répondu que ça allait être une mode et qu'on n'avait pas à s'inquiéter », souligne l'animateur, qui doute également que la création de Musimax ait été bénéfique. « Oui, Musimax, c'était bien pour ceux qui voulaient voir un clip de Céline ou de Garou. Mais ça a aussi fait en sorte qu'on a dilué notre contenu musical », regrette celui qui a trouvé difficile son départ de MusiquePlus, il y a 10 ans. Le bon vieux temps Les premières années après son départ, presque personne ne l'abordait pour lui parler de MusiquePlus. « Ça allait tellement mal à la fin. C'est comme si les gens préféraient ne pas y penser », constatait-il alors. Depuis, la fibre nostalgique a repris le dessus. Rej Laplanche dit se faire parler de MusiquePlus presque tous les jours. À croire que la défunte chaîne pourrait renaître de ses cendres. « Si on refait MusiquePlus, ça se passerait sur le web, c'est certain. Mais est-ce que les gens seraient vraiment au rendez-vous ? Oui, ils sont attachés à la marque. La nostalgie est très forte. Mais ont-ils envie de voir une nouvelle mouture de MusiquePlus ? Je ne sais pas », se demande l'ex-VJ.

Un petit périmètre infini
Un petit périmètre infini

La Presse

time2 hours ago

  • La Presse

Un petit périmètre infini

Je désirais partager un inédit issu de mes carnets de Shéhérazade que j'écris depuis longtemps couchée dans ma chambre. J'espérais être arrivée au bout de ma peine comme de mes pages pour en livrer le tout dernier fragment, racontant la joie du bout de mon chemin, manifestant que toute tristesse se traverse. Mais… avec mon corps qui ne collabore pas bien, force est d'admettre que ce dénouement ne s'écrit pas encore. Isabelle Dumais Artiste visuelle, poète et enseignante, collaboration spéciale (Petit corps sans mains aux bras, à petits pas, avance encore. Traverse.) Si j'arrivais à écrire cette sortie du bois de mon corps triste, j'y raconterais la joie de nos égarements et déplacements nécessaires dans l'univers pour y trouver notre place, même si les miens vers ma classe de peinture − qui était, je le croyais, mon vrai lieu − m'ont menée aussi, avant de m'effondrer, jusqu'à cette chambre étroite où maintenant j'écris, un peu. « Il n'y a que ma chambre […] où je suis bien », écrivait Le Clézio dans L'extase matérielle. Cette place « [o]ù les aventures et les voyages commencent et se terminent », ces « quelques mètres carrés, très limités », forment dorénavant vraisemblablement mon lieu. Je n'ai que ma chambre, mais c'est ma chambre à moi (pour citer cette fois Virginia Woolf). Et je suis reconnaissante que ce soit, somme toute, une belle place. Car c'est une chambre avec vue. PHOTO ISABELLE DUMAIS, FOURNIE PAR L'AUTEURE Le fleuve Saint-Laurent Dans leur essai-manifeste Ce qui ne peut être volé, la philosophe Cynthia Fleury et le designer Antoine Fenoglio nomment comme premier élément du bien commun à préserver « la perspective », et l'importance qu'en nos lieux nous puissions toujours « accéder à une vue ». « Voir l'horizon » est une « nécessité journalière » dont beaucoup trop d'êtres sur terre sont scandaleusement privés (et radicalement d'ailleurs, si l'on est aujourd'hui par exemple, mais pas seulement, une femme afghane). Si, pour de longues heures, il n'y a pour moi maintenant que ma chambre, j'aime qu'au troisième étage d'un bloc centenaire, près d'un cimetière, elle m'offre une vue sur des grands cèdres où chantent les oiseaux. Je ne vois pas le fleuve à la fenêtre de ma chambre. Mais par temps gris ouaté de chagrin opaque, je souris d'entendre aussi les cornes de brume des bateaux. Car ma chambre a un fleuve proche. (Petit corps triste, va saluer le fleuve au bout de la rue.) En cinq minutes à peine, mes pieds peinés me rapprochent du bien-aimé ; le Saint-Laurent soudain à mon chevet, la perspective alors s'offre vraiment, change. À deux pas de son torrent calme, je médite, fixe d'abord les vagues dans lesquelles mon corps triste, qui ne l'est alors presque plus, ne plonge pas. C'est qu'en bonne Clarissa Dalloway aimant la vie, je lève ensuite la tête, porte mon attention plutôt sur l'horizon devant. (En fait, j'aime tourner la tête de droite à gauche et constater : le fleuve beaucoup plus étendu que moi.) J'ai un ami qui, lorsque nous allons saluer le fleuve ensemble, aime regarder à droite pour contempler le pont. Il dit rêver avec lui de tout ce qui nous relie au monde. Je prends un moment exemple sur lui, regarde vers l'ouest, rêve de mes liens à prendre soin, bien que cette passerelle me rappelle aussi avec nostalgie tout ce qui me relie à ma vie debout longtemps d'avant. Si je préfère regarder vers l'est, ce n'est toutefois pas que pour regarder ailleurs que dans mon passé au corps encore flamboyant. C'est parce que je sais que par-là, au loin, le fleuve devient mer. Et j'aime en imagination suivre son flot et devenir océan… (Mon fleuve-océan proche ouvre l'espace pleureur de mes bras sans mains.) PHOTO ISABELLE DUMAIS, FOURNIE PAR L'AUTEURE Le fleuve Saint-Laurent En remontant lentement les trois étages vers ma chambre avec vue sur les cèdres seulement, je fais chaque fois une Gatien Lapointe de moi et chante aussi mon Ode au Saint-Laurent, la tête pleine de large. Le Clézio avait compris quelque chose quand il écrivait : « Quelques mètres carrés infinis […] voilà le pays. » Si j'arrivais à écrire ce dernier fragment joyeux de mes carnets, je crois que c'est ce que j'y dirais aussi. Et je savourerais ensuite ma chance de retrouver ma chambre sans papier peint, comme celui-là jaune à motifs de Charlotte Perkins Gilman dans lequel on cherche normalement à se perdre en y plongeant des yeux quand un corps-prison comme le mien est contraint à ne presque plus bouger. Si j'avais une telle tapisserie, je n'y plongerais pas de toute façon, là non plus. Je ne voudrais plus m'évader de ma vie minuscule. Je serais même joyeuse. Puisque j'ai une chambre avec vue et un fleuve-océan proche. Ce petit périmètre infini est mon pays. La beauté est là. C'était jusque-là pour moi inédit. (Et vous ? Comment allez-vous, sur votre tout petit bout de beau pays proche ?) Qui est Isabelle Dumais ? Isabelle Dumais est une artiste visuelle et écrivaine qui vit à Trois-Rivières et a enseigné les arts visuels au cégep de Drummondville. Elle a fait paraître trois livres de poésie aux Éditions du Noroît, dont le plus récent (Les grandes fatigues, 2019) a remporté le prix du Livre de l'année en Mauricie et le prix Gérald-Godin, puis a été finaliste au prix Alain-Grandbois. 1. Lisez la chronique « L'école de la 55 » de Mathieu Bélisle Consultez les autres textes de la série « L'école de la 55 » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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