
Dénaturaliser, une nouvelle arme politique
« Je pense qu'il s'agit d'une demande très responsable et que le gouvernement devrait l'examiner compte tenu de la nature des propos qu'il tient », a déclaré l'ancien maire de New York lors de l'épisode du Benny Johnson Show diffusé le 27 juin dernier.
PHOTO HAIYUN JIANG, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES
Rudolph Giuliani, maire de New York de 1994 à 2001, en novembre dernier
La dénaturalisation est le processus par lequel un citoyen naturalisé se voit retirer sa nationalité pour divers motifs. Né en Ouganda il y a 33 ans, Zohran Mamdani a été naturalisé américain en 2018. Il est arrivé à New York avec ses parents d'origine indienne à l'âge de 7 ans.
La procédure de dénaturalisation est aussi en passe de devenir une arme politique pour Donald Trump et ses alliés.
Lors de l'émission de Benny Johnson, Rudolph Giuliani avait été invité à commenter une requête formulée par le représentant républicain du Tennessee Andy Ogles. Dans une lettre datée du 26 juin, ce dernier a demandé à la procureure générale des États-Unis, Pam Bondi, d'ouvrir une enquête pour déterminer si Zohran Mamdani devrait faire l'objet d'une procédure de dénaturalisation.
PHOTO KEN CEDENO, ARCHIVES REUTERS
La procureure générale des États-Unis, Pam Bondi, en compagnie du président Donald Trump, le 27 juin dernier
Il a fondé sa requête en citant notamment les paroles d'une chanson écrite et interprétée par le candidat démocrate socialiste à l'époque où il était rappeur. La chanson contient les paroles « Libérez les cinq de la Terre sainte/Mes potes », allusion à cinq anciens dirigeants d'une association caritative musulmane installée au Texas – la Holy Land Foundation.
Ces derniers ont été condamnés en 2009, à l'issue de procédures critiquées, à des peines d'emprisonnement de 15 à 65 ans pour avoir « acheminé 12 millions de dollars au Hamas ».
Donald Trump a également remis en question le statut de Zohran Mamdani, le jour même du commentaire de Rudolph Giuliani, nommé récemment à un comité consultatif du département de la Sécurité intérieure.
« Beaucoup de gens disent qu'il est ici illégalement. Nous allons tout examiner », a-t-il déclaré, tout en promettant d'arrêter celui qu'il qualifie de « communiste » s'il tentait d'empêcher les agents du service de l'immigration (ICE) de faire leur travail à New York.
Nouvelle directive fédérale
Le même jour, un journaliste a demandé au président s'il pourrait expulser Elon Musk, qui pourfendait alors son One Big Beautiful Bill et promettait de créer un nouveau parti advenant son adoption par le Congrès.
« Nous devrons examiner ça », a répondu le locataire de la Maison-Blanche.
Né en Afrique du Sud et naturalisé américain en 2002, Elon Musk n'a pas répondu directement à la menace de Donald Trump, contrairement à Zohran Mamdani.
PHOTO ANGELA WEISS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Zohran Mamdani
Le président des États-Unis vient de menacer de me faire arrêter, de me déchoir de ma citoyenneté, de me placer dans un camp de détention et de m'expulser. Non pas parce que j'ai enfreint une loi, mais parce que je refuse de laisser l'ICE terroriser notre ville.
Zohran Mamdani, dans un communiqué
Ces allusions à la dénaturalisation de Zohran Mamdani ou d'Elon Musk n'auront peut-être pas de suite. Mais, coïncidence ou non, elles interviennent quelques jours à peine après la diffusion d'une nouvelle directive du département de la Justice concernant cette procédure.
« La division civile [du département de la Justice] doit donner la priorité et poursuivre au maximum les procédures de dénaturalisation dans tous les cas autorisés par la loi et étayés par des preuves », peut-on lire dans la directive.
La note précise que la priorité doit être donnée aux cas où « un individu a soit 'obtenu illégalement' la naturalisation, soit obtenu la naturalisation par 'dissimulation d'un fait matériel ou par fausse déclaration délibérée' ».
Elle cible aussi tout citoyen naturalisé qui « représente une menace potentielle à la sécurité nationale ».
« Incompatible avec notre système démocratique »
L'administration Trump n'est évidemment pas la première à lancer des procédures de dénaturalisation contre des individus ayant falsifié leurs documents ou caché leur passé criminel pour obtenir la citoyenneté américaine. L'administration Obama a notamment mis sur pied un programme appelé « Opération Janus » qui exploitait les banques de données, y compris les empreintes digitales, pour identifier les personnes ayant obtenu la citoyenneté par des moyens frauduleux.
Mais certains juristes craignent une politisation de la procédure de dénaturalisation sous l'administration Trump II. Selon eux, les déclarations des Trump, Giuliani et Ogles à propos de Zohran Mamdani envoient un message clair aux quelque 20 millions de citoyens américains naturalisés : les critiques de l'administration sont susceptibles de faire l'objet d'une enquête pouvant mener à une procédure de dénaturalisation.
Selon Cassandra Burke Robertson, professeure de droit à l'Université Case Western, le lien entre la procédure de dénaturalisation et la politique est « beaucoup plus étroit que par le passé ».
« Et pour moi, c'est très inquiétant, déclare-t-elle en entrevue. Parce que s'en prendre à des personnes pour des raisons politiques, c'est vraiment un effort pour étouffer la dissidence. C'est incompatible avec notre système démocratique. Nous voulons que les gens participent au processus politique, nous voulons qu'ils votent, nous voulons qu'ils expriment leur désaccord avec le gouvernement. C'est la raison pour laquelle les États-Unis se sont battus pour leur indépendance. »
L'administration Trump ne serait pas la première à politiser les procédures de dénaturalisation. De 1906 à 1967, celles-ci ont servi d'« outil pour débarrasser la population américaine d''indésirables' », a écrit l'historien Patrick Weil dans un livre publié en 2012 et intitulé The Sovereign Citizen : Denaturalization and the Origins of the American Republic.
Ont figuré parmi ces « indésirables » les fascistes et les communistes, entre autres.
Cependant, un arrêt de la Cour suprême a mis fin à cette pratique en 1967, garantissant de façon absolue la sécurité juridique de toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, sauf dans les cas de fraude ou de crimes contre l'humanité.
Il s'agit peut-être d'une autre garantie à laquelle l'administration Trump pourrait vouloir s'attaquer dans le cadre de son projet de purger les États-Unis de tous ceux et celles qu'elle considère comme « indésirables ».
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
5 hours ago
- La Presse
Trump menace de poursuivre le Wall Street Journal
(Washington) Le président américain Donald Trump a annoncé jeudi son intention de poursuivre le Wall Street Journal pour un article lui attribuant une lettre salace adressée au financier américain Jeffrey Epstein en 2003, le qualifiant de « faux, malveillant et diffamatoire ». Agence France-Presse, Associated Press « Le président Trump va bientôt poursuivre le Wall Street Journal, Newscorp et M. (Rupert) Murdoch », le propriétaire du groupe, écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social, précisant les avoir mis en garde avant la publication de cet article jeudi. Pas d'enquête spéciale PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt Le président Donald Trump ne recommandera pas la nomination d'un procureur spécial dans l'enquête sur Jeffrey Epstein, a annoncé jeudi une porte-parole de la Maison-Blanche, rejetant ainsi les appels à de nouvelles mesures dans cette enquête qui a ébranlé le ministère de la Justice et suscité la colère de nombreux républicains qui s'attendaient à une montagne de documents sur cette affaire. Le rejet de la nomination d'un procureur spécial s'inscrit dans le cadre d'une initiative de la Maison-Blanche visant à tourner la page sur l'indignation persistante de certains membres de l'entourage de Donald Trump face au refus, du ministère de la Justice de divulguer des documents supplémentaires issus de l'enquête sur Epstein, un homme riche et bien connecté qui a été retrouvé mort en prison en 2019 alors qu'il attendait son procès pour trafic sexuel. PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Jeffrey Epstein en 2021 Les responsables ont également répété qu'Epstein ne tenait pas de « liste de clients », tels que propagés par certaines théories du complot qui circulent sur les réseaux sociaux. Ils ont assuré que les preuves étaient claires : il s'est suicidé, même si certains affirment le contraire. Mercredi, Donald Trump a tenté de calmer les critiques de ses propres partisans concernant la gestion par son administration des dossiers liés à Epstein. Il les a qualifiés de « minables » et a suggéré que l'enquête était « canular ». Les dirigeants du FBI et du département de la Justice – qu'il a sélectionné lui-même – alimentaient depuis longtemps les espoirs que des informations importantes seraient révélées. L'agence de presse Just the News a publié mercredi des extraits d'une entrevue de Donald Trump, dans laquelle il se disait ouvert à l'idée qu'un procureur spécial examine « tout élément crédible » lié à Epstein, ainsi que d'autres griefs de longue date que lui et ses partisans soulèvent depuis longtemps. Mais la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a semblé fermer la porte jeudi à la nomination d'un procureur spécial pour l'enquête Epstein, affirmant que « l'idée avait été lancée par un média au président ». « Le président ne recommanderait pas la nomination d'un procureur spécial dans l'affaire Epstein », a-t-elle confirmé. Le règlement du ministère de la Justice autorise le procureur général à nommer et superviser un procureur spécial externe chargé d'enquêter sur des allégations d'infractions pénales lorsque les procureurs pourraient être confrontés à un conflit d'intérêts potentiel ou perçu. Ces dernières années, le ministère a nommé une série de procureurs spéciaux – parfois, mais pas toujours, choisis en dehors de l'agence – pour mener des enquêtes sur des questions politiquement sensibles, notamment sur la conduite des présidents Joe Biden et Trump. L'année dernière, les avocats personnels de M. Trump ont contesté avec acharnement, et avec succès, la nomination de Jack Smith, le procureur spécial qui devait enquêter sur ses tentatives d'annuler l'élection présidentielle de 2020 et sur la conservation de documents classifiés dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.


La Presse
5 hours ago
- La Presse
Donald Trump ne prévoit pas d'enquête spéciale sur l'affaire Epstein
(Washington) Le président Donald Trump ne recommandera pas la nomination d'un procureur spécial dans l'enquête sur Jeffrey Epstein, a annoncé jeudi une porte-parole de la Maison-Blanche, rejetant ainsi les appels à de nouvelles mesures dans cette enquête qui a ébranlé le ministère de la Justice et suscité la colère de nombreux républicains qui s'attendaient à une montagne de documents sur cette affaire. Eric Tucker Associated Press Le rejet de la nomination d'un procureur spécial s'inscrit dans le cadre d'une initiative de la Maison-Blanche visant à tourner la page sur l'indignation persistante de certains membres de l'entourage de Donald Trump face au refus, du ministère de la Justice de divulguer des documents supplémentaires issus de l'enquête sur Epstein, un homme riche et bien connecté qui a été retrouvé mort en prison en 2019 alors qu'il attendait son procès pour trafic sexuel. PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Jeffrey Epstein en 2021 Les responsables ont également répété qu'Epstein ne tenait pas de « liste de clients », tels que propagés par certaines théories du complot qui circulent sur les réseaux sociaux. Ils ont assuré que les preuves étaient claires : il s'est suicidé, même si certains affirment le contraire. Mercredi, Donald Trump a tenté de calmer les critiques de ses propres partisans concernant la gestion par son administration des dossiers liés à Epstein. Il les a qualifiés de « minables » et a suggéré que l'enquête était « canular ». Les dirigeants du FBI et du département de la Justice — qu'il a sélectionné lui-même — alimentaient depuis longtemps les espoirs que des informations importantes seraient révélées. L'agence de presse Just the News a publié mercredi des extraits d'une entrevue de Donald Trump, dans laquelle il se disait ouvert à l'idée qu'un procureur spécial examine « tout élément crédible » lié à Epstein, ainsi que d'autres griefs de longue date que lui et ses partisans soulèvent depuis longtemps. Mais la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a semblé fermer la porte jeudi à la nomination d'un procureur spécial pour l'enquête Epstein, affirmant que « l'idée avait été lancée par un média au président ». « Le président ne recommanderait pas la nomination d'un procureur spécial dans l'affaire Epstein », a-t-elle confirmé. Le règlement du ministère de la Justice autorise le procureur général à nommer et superviser un procureur spécial externe chargé d'enquêter sur des allégations d'infractions pénales lorsque les procureurs pourraient être confrontés à un conflit d'intérêts potentiel ou perçu. Ces dernières années, le ministère a nommé une série de procureurs spéciaux — parfois, mais pas toujours, choisis en dehors de l'agence — pour mener des enquêtes sur des questions politiquement sensibles, notamment sur la conduite des présidents Joe Biden et Trump. L'année dernière, les avocats personnels de M. Trump ont contesté avec acharnement, et avec succès, la nomination de Jack Smith, le procureur spécial qui devait enquêter sur ses tentatives d'annuler l'élection présidentielle de 2020 et sur la conservation de documents classifiés dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.


La Presse
9 hours ago
- La Presse
Des demandeurs d'asile arrêtés après des audiences « pièges »
Un immigrant arrêté par des agents de l'US Immigration and Customs Enforcement (ICE) à l'intérieur du palais de justice Federal Plaza à la suite de sa procédure judiciaire, le 27 juin 2025 à New York. Masqués, armés, ils rôdent en bande dans les tribunaux : des agents américains arrêtent des demandeurs d'asile à l'issue d'audiences « pièges » à New York, signe que la campagne de l'administration Trump contre l'immigration ne connaît aucun répit. Charly TRIBALLEAU Agence France-Presse Le président américain a érigé la lutte contre l'immigration clandestine en priorité absolue, évoquant une « invasion » des États-Unis par des « criminels venus de l'étranger » et communiquant abondamment sur les expulsions d'immigrés. Mais son programme d'expulsions massives a été contrecarré ou freiné par de multiples décisions de justice, notamment au motif que les personnes visées devaient pouvoir faire valoir leurs droits. Au cours des derniers mois, des agents de la Sécurité intérieure ont adopté la tactique consistant à attendre, le visage souvent recouvert d'un masque, devant les salles d'audience des tribunaux d'immigration et à arrêter les migrants dès leur sortie. Un photographe de l'AFP a vu mercredi et jeudi dans un tribunal de New York des agents armés, munis de boucliers, et employés par différentes agences fédérales dont la police des frontières et de l'immigration (ICE), rôder devant les salles d'audience, avec en leur possession des documents sur les migrants ciblés. PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE Des agents fédéraux la police des frontières et de l'immigration (ICE), de la protection des frontières (CBP) et du service de sécurité diplomatique attendent dans un couloir à l'extérieur d'une salle d'audience à New York. Des agents ont arrêté près d'une douzaine de migrants originaires de différents pays en quelques heures seulement au 12e étage d'un bâtiment fédéral dans le sud de Manhattan. Brad Lander, contrôleur financier de la ville et figure de la branche locale du parti démocrate, qui avait d'ailleurs été brièvement arrêté et menotté le mois dernier pour « entrave » à des agents sur place, a qualifié ces audiences de « piège ». « Cela semble être des audiences judiciaires, mais ce sont en fait des pièges pour inciter (les migrants) à se rendre sur les lieux », a-t-il déclaré sur place mercredi, en faisant état de plusieurs arrestations dont celle d'un Paraguayen dont la demande d'asile était, selon lui, en cours d'examen. « Le juge lui a soigneusement expliqué comment présenter son dossier, afin de fournir des informations complémentaires sur ses interactions avec la police paraguayenne et de justifier son droit à l'asile au titre de la Convention internationale contre la torture », a-t-il expliqué. Après son audience, des agents « sans mandats ou badges permettant de les identifier l'ont attrapé », a-t-il affirmé, ajoutant que des agents avaient plaqué au sol la sœur de ce demandeur d'asile, qui l'accompagnait à l'audience, et dénonçant une « érosion » de l'état de droit aux États-Unis. Les migrants arrêtés dans ces opérations sont le plus souvent écroués dans des centres de rétention de l'ICE en attendant leur possible expulsion des États-Unis. Au cours des derniers mois, les autorités ont ouvert de nouveaux centres de ce genre dont « l'Alcatraz des alligators », construit au milieu des marécages de Floride.