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Panique chez les migrants haïtiens aux États-Unis

Panique chez les migrants haïtiens aux États-Unis

La Presse17-07-2025
À Miami ou à New York, villes américaines comptant les plus importantes diasporas haïtiennes, la peur est omniprésente.
(New York) Ils sont plus de 500 000 à vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Aux États-Unis, les Haïtiens dotés d'un statut de protection temporaire vivent tétanisés à la seule idée de sortir dans la rue et d'être arrêtés pour être expulsés.
Guillaume LAVALLÉE
Agence France-Presse
Clarens (dont le prénom est modifié) avait fui Port-au-Prince en 2024. Destination : les États-Unis, où il a obtenu le TPS, le statut accordé par Washington aux Haïtiens dans la foulée du séisme de 2010 mais révoqué récemment par l'administration Trump.
« J'étais venu ici chercher un refuge et voilà qu'on veut me chasser. Je croyais au rêve américain, et je pensais pouvoir accueillir le reste de ma famille ici. Je croyais que nous allions pouvoir nous épanouir aux États-Unis », dit-il à l'AFP.
À Miami ou à New York, villes américaines comptant les plus importantes diasporas haïtiennes, la peur est omniprésente, racontent à l'AFP une dizaine d'acteurs ou de membres de la communauté.
« C'est la panique totale, c'est toute la communauté qui souffre car même si votre statut temporaire n'est pas encore révoqué, les agents du ICE sont dans les rues et peuvent arrêter n'importe qui », confie Clarens.
Après avoir annulé sa prolongation jusqu'en février 2026, l'administration de Donald Trump a révoqué définitivement fin juin ce statut accordé à 520 000 Haïtiens. Le couperet tombera le 2 septembre.
Un tribunal de New York a bloqué la mesure mais le répit risque d'être bref, explique Stephanie D. Delia, avocate américano-haïtienne spécialiste des questions migratoires.
PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE
Stephanie D. Delia, avocate spécialiste des questions migratoires
Je ne vois pas de scénario dans lequel ce statut sera prolongé […] imaginez ce que cela veut dire pour une personne qui vit avec ce statut depuis 15 ans, qui a bâti sa vie ici, et à qui l'on dit qu'elle a moins de six mois pour faire ses valises et partir.
Stephanie D. Delia, avocate spécialiste des questions migratoires
« Détresse totale »
Dans le quartier « Little Haiti » de Brooklyn, à New York, plusieurs craignent d'aller au marché, à l'église, au travail, voire la clinique, par crainte d'être arrêtés par les agents masqués de l'ICE.
PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE
Dans le quartier « Little Haiti » de Brooklyn, à New York, plusieurs craignent d'aller au marché, à l'église, au travail, voire la clinique, par crainte d'être arrêtés par les agents masqués de l'ICE.
« Les gens regardent la télé, voient des migrants arrêtés même si leurs papiers sont encore en règle. À la clinique, le nombre de personnes avec un statut temporaire qui viennent consulter est passé d'environ 300 à 30 par jour », explique le directeur d'une clinique de santé publique requérant l'anonymat. « Il y a une crise sociale qui bout. Le feu est à 'moyen', mais il sera bientôt à 'vif' ».
Directrice de l'association « Haitian Bridge Alliance », Guerline Jozef a reçu nombre de témoignages en ce sens, notamment celui d'une femme « en détresse totale ». « Elle a deux enfants de moins de dix ans nés aux États-Unis. Qu'est-ce qui va lui arriver ? Elle sera expulsée et séparée de ses enfants ? ».
« Sans statut, les gens n'auront plus la capacité de travailler, de payer leur loyer, et vont donc se retrouver à la rue », renchérit la militante haïtienne Pascale Solages.
Les conditions sont créées pour que les gens décident de rentrer chez eux d'eux-mêmes car ils n'arriveront plus à subvenir à leurs besoins aux États-Unis.
Pascale Solages, militante haïtienne
Le gouvernement Trump propose 1000 dollars aux migrants pour retourner dans leur pays d'origine.
Vers le Nord
Ces dernières semaines, des Haïtiens au statut temporaire ont choisi une autre option : le Canada.
« Nous recevons beaucoup de demandes d'information, de coups de fil. Et nous recevons 10-15 personnes par jour, avec ou sans leur famille », témoigne Marjorie VilleFranche, directrice de la Maison d'Haïti, une association d'accueil à Montréal, où vit une importante communauté haïtienne.
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE
Marjorie VilleFranche, directrice de la Maison d'Haïti
En vertu d'une entente sur les tiers pays sûrs, les Haïtiens aux États-Unis peuvent demander l'asile au Canada s'ils y ont de la famille. Les autres peuvent s'y rendre par la frontière terrestre et demander l'asile dans les 14 premiers jours après leur entrée sur le territoire.
Contactée par l'AFP, l'Agence canadienne des services frontaliers a dit constater un afflux de demandeurs d'asile au poste-frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle, à la lisière du Québec et de l'État de New York.
Du 1er janvier au 6 juillet, 8396 demandes d'asiles ont été reçues à ce point de passage, contre à 4613 pour la même période l'an dernier. Premier pays d'origine des demandeurs ? Haïti.
Dans le viseur des gangs
Clarens, lui, ne voit pas comment il pourrait migrer au Canada et attendre des années sans sa famille, dans l'espoir d'obtenir un statut de réfugié. Et la perspective de rentrer dans le pays le plus pauvre des Amériques, rongé par la violence des bandes criminelles, le fait frémir.
Plus de 3000 personnes ont été tuées en Haïti durant les six premiers mois de l'année, selon l'ONU.
Le département d'État demande, lui, aux citoyens américains « de ne pas voyager » en Haïti en raison des risques d'enlèvements par les gangs.
« Les gangs contrôlent tout, ils ont des informateurs qui surveillent ceux qui entrent et sortent du pays. Dans leur tête, si on vit aux États-Unis, c'est qu'on a de l'argent », craint Clarens. « Nous deviendrons donc des cibles de kidnappings pour les gangs […] Nous renvoyer là-bas, c'est comme nous envoyer à la mort, à la boucherie ».
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