
Est-ce « ésotérique » de parler de coupes en éducation ? Non, mais…
Est-ce « ésotérique » de parler de coupes en éducation ? Non, mais…
Le gouvernement refuse de dire qu'il fait des coupes dans les écoles. La semaine dernière, le premier ministre François Legault a même affirmé qu'il trouvait « un peu ésotériques » ceux qui parlaient de compressions. Qu'en est-il vraiment ?
La commande passée par Québec aux écoles de réduire leurs dépenses de 570 millions de dollars a suscité une levée de boucliers dans le réseau scolaire. Directions, enseignants et parents font front commun contre ce qu'ils qualifient de « coupes » dévastatrices en éducation.
Mais le gouvernement refuse d'employer ce terme, préférant parler d'« effort budgétaire » ou encore de « mesure d'économie ».
Techniquement, il est vrai qu'il n'a pas diminué le budget du ministère de l'Éducation. Les sommes allouées ont augmenté de 5 % par rapport à l'an dernier.
Pour arriver à ce chiffre, le gouvernement a comparé le budget de mars dernier pour l'année 2025-26, soit 23,5 milliards de dollars, à celui de mars 2024 pour l'année 2024-25, soit 22,4 milliards de dollars.
Mais dans les faits, il s'est dépensé beaucoup plus que prévu en 2024-2025.
Selon un rapport du ministère des Finances publié la semaine dernière, les dépenses réelles en éducation ont atteint 23,4 milliards de dollars l'an dernier.
C'est un milliard de plus que ce qui avait été prévu.
En considérant ce qui a été réellement dépensé en éducation en l'an dernier (23,4 milliards) et le budget prévu cette année (23,5 milliards), on obtiendrait donc une hausse budgétaire bien moins moindre que 5 %.
Certes, les dépenses réelles de l'an dernier incluaient des sommes non récurrentes (par exemple, le programme d'aide aux élèves touchés par les grèves), qui nuisent à la comparaison.
En retranchant ces dépenses non récurrentes, qui représenteraient 400 millions de dollars, selon Québec, la hausse nette avoisinerait 2,5 %.
Quand même, cela donne une idée de la hauteur du défi imposé au réseau.
Depuis 2018, les cibles budgétaires sont « presque systématiquement » dépassées, souligne le cabinet du ministre de l'Éducation, Bernard Drainville. « On ne peut plus accepter ça », fait-il valoir.
C'est précisément le message qu'il a transmis aux centres de services scolaires il y a quelques semaines.
Pour respecter leur budget, ils devront trouver une façon de réduire leurs dépenses. Car si elles continuaient d'augmenter au même rythme, Québec projetait un dépassement des dépenses de 570 millions de dollars en 2025-2026.
Et il a bien prévenu le réseau scolaire : dans le contexte financier difficile, aucun déficit ne sera autorisé.
Choix difficiles
En leur demandant de réduire leurs dépenses, Québec place les centres de services scolaires devant des choix difficiles. Après avoir payé les augmentations salariales, il reste peu de gras puisque les salaires représentent la majorité de l'enveloppe budgétaire.
Conséquence : on mentionne des coupes dans les postes d'éducatrices spécialisées, de psychologues et d'orthophonistes, dans les activités parascolaires, l'aide alimentaire et les cours d'été.
« Il n'y a pas d'autre façon de faire, il faut couper dans les services », affirme Ève-Lyne Couturier, chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), qui analyse les politiques publiques et l'économie du Québec.
Le moment où l'annonce a été faite n'a pas aidé non plus. Les centres de services scolaires ont reçu leurs règles budgétaires quelques jours avant les vacances scolaires.
« Il n'était pas minuit moins une, il était 2 h du matin », illustre Natalie Huchette, directrice de l'école secondaire Ozias-Leduc, à Mont-Saint-Hilaire.
Pris par surprise, des membres de son personnel ont fondu en larmes en apprenant la mauvaise nouvelle.
« Promettre des investissements pour ensuite annoncer des compressions, sans stratégie claire ni dialogue avec les leaders du réseau, témoigne d'un déficit de planification préoccupant », affirme Mme Huchette.
Visions opposées
Alors, est-ce ésotérique de parler de coupes ? Ça dépend de qui parle et de ce qu'on considère.
Le gouvernement se défend en disant avoir augmenté les investissements en éducation chaque année, y compris cette année. Et il affirme que le nombre d'enseignants a augmenté plus vite (+21 %) que le nombre d'élèves (+8 %) depuis 5 ans.
« Une augmentation moyenne du budget de plus de 7 % [annuellement] depuis qu'on est au gouvernement, c'est majeur et c'est surtout factuel », souligne le cabinet de Bernard Drainville.
Mais sur le terrain, ce n'est pas ce qu'on ressent.
Quand des écoles n'ont plus les moyens de leurs engagements financiers, on est « loin de l'ésotérisme », estime Nathalie Huchette.
Avec la collaboration de Francis Vailles, La Presse

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Un patrimoine fragile
Le Centre de services Desjardins de Saint-Henri a été conçu et imaginé en 1965 par l'architecte Henri Brillon. « Immeuble commercial à vendre. 4545, rue Notre-Dame Ouest dans le secteur Saint-Henri. Opportunité d'investissement. » L'annonce diffusée par les Caisses Desjardins ne manque pas de détails. On y apprend que « l'immeuble commercial » en question date de 1966, qu'il fait 9322 pieds carrés, avec un sous-sol aménagé, un accès pour les personnes à mobilité réduite et 22 places de stationnement. On y apprend aussi que le prix de vente est de 3 998 500 $. PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE La caisse populaire Saint-Zothique, du haut des airs PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE L'immeuble est aujourd'hui en vente pour une somme avoisinant les 4 millions de dollars. PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE La caisse populaire Saint-Zothique, du haut des airs 1 /2 Il y manque toutefois une information de taille : cette succursale du Mouvement Desjardins a été conçue et imaginée en 1965 par l'architecte Henri Brillon, et doit être considérée comme un fleuron de l'architecture moderne au Québec. Sa vente peut faire craindre le pire. Qu'en feront ses prochains propriétaires ? PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Le Mouvement Desjardins a choisi de se départir du bâtiment qui jouxte l'église Saint-Zotique, malgré sa grande valeur architecturale. Le bâtiment d'Henri Brillon est loin d'être la seule succursale du Mouvement Desjardins à posséder des formes audacieuses. Du milieu des années 1950 au milieu des années 1970, les caisses pop ont été un acteur important pour l'avènement de l'architecture moderne au Québec. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE La succursale de Desjardins de Plessisville, dans la région du Centre-du-Québec, possède une architecture résolument moderne. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE L'ancienne caisse Saint-Pascal-de-Maizerets, à Québec, est aujourd'hui une résidence privée. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE La succursale de Desjardins de Plessisville, dans la région du Centre-du-Québec, possède une architecture résolument moderne. 1 /2 Une quinzaine de succursales, encore debout, voire toujours en activité, témoignent de ce courant visionnaire qui a permis de faire entrer l'art et la modernité dans notre vie de tous les jours. Outre celle d'Henri Brillon à Saint-Henri, on pense aussi à la succursale Notre-Dame-du-Chemin à Québec, de type « Guggenheim », ou à la succursale Saint-François-d'Assise à Trois-Rivières, avec ses colonnes en forme de X. Ces succursales font aujourd'hui partie d'un patrimoine moderne limité, mais extrêmement précieux dans la province. PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Conçue par l'architecte Jacques Racicot, la succursale Notre-Dame-du-Chemin est surnommée le « Guggenheim de Québec ». Pourquoi autant de bâtiments « flyés » au sein du Mouvement Desjardins, qui célèbre, soit dit en passant, son 125e anniversaire cette année ? Plusieurs raisons. Dans les années 1950, le Québec entre dans une période de prospérité. La Révolution tranquille se prépare, Expo 67 n'est pas loin. On veut casser les vieux moules. La modernité entre comme un rayon de lumière dans une province longtemps obscurcie par le conservatisme. Or, l'institution bancaire québécoise va refléter ce boom social et économique. Avec les nouveaux lotissements, les services de proximité se multiplient. On construit des églises dans les nouveaux quartiers, ainsi que de nouvelles caisses populaires. 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Outre les formes audacieuses, ce choix se reflète dans l'usage régulier des murs-rideaux vitrés, peu communs pour ce genre d'établissements. On montre la transparence, alors qu'on devrait plutôt dissuader les voleurs avec des murs de pierres aux allures de coffre-fort. PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Les murs-rideaux vitrés sont un élément de modernité caractéristique aux caisses. Un vent d'optimisme Ce mouvement moderniste n'a rien de concerté : la Fédération des caisses Desjardins est entièrement décentralisée. Ces nouvelles constructions se décident donc au niveau local. Si on en voit plusieurs pousser aux quatre coins de la province à la même époque, c'est simplement que cette modernité est dans l'air du temps. « Ce sont les années 1960, souligne Conrad Gallant, conseiller en patrimoine pour Brodeur et consultants. À cette époque, la presse se fait quotidiennement l'écho d'Expo 67 qui se prépare. 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PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Caisse populaire de Repentigny, conçue par Henri Brillon, aujourd'hui disparue PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS La Caisse populaire de Repentigny, avec luminaires de Jean-Paul Mousseau, signataire de Refus global PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Caisse populaire de Repentigny, conçue par Henri Brillon, aujourd'hui disparue 1 /2 Pire encore : certaines succursales remarquables seront détruites. C'est le cas de la caisse populaire de Repentigny, dont la démolition sera vivement critiquée par l'Ordre des architectes du Québec, en 1993. Le bâtiment, conçu par Henri Brillon (encore lui !) avec des luminaires signés par l'artiste Jean-Paul Mousseau, ressemble à un mélange de base lunaire et d'abri Tempo. Dans le journal La Presse, un architecte montréalais de l'époque explique que ce bâtiment original témoigne du dynamisme et de l'avant-gardisme des caisses pop. 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Les tueurs d'Odna Daudier demandent un nouveau procès
L'homme et la femme reconnus coupables d'avoir assassiné Odna Daudier avec un poison acquis dans les Caraïbes souhaitent obtenir un nouveau procès. Les deux tueurs font de nombreux reproches à la juge, dont « d'innombrables erreurs » dans ses directives au jury. Au terme d'un procès de trois mois en montagnes russes, Jacques Adonai Charpentier, 41 ans, et Mélissa Estimé, 24 ans, ont été déclarés coupables de meurtre au premier degré, le 2 juin dernier, au palais de justice de Montréal. Ils ont ainsi écopé de la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Trois ans plus tard, et malgré le procès, la mort d'Odna Daudier demeure mystérieuse. Son corps a été retrouvé, intact, dans sa voiture, dans un secteur isolé de l'est de Montréal, le matin du 29 mai 2022. Fait rare : la cause de sa mort n'a jamais été déterminée. PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK D'ODNA DAUDIER Odna Daudier, la victime Le jury a toutefois retenu la thèse de la Couronne : Jacques Adonai Charpentier et Mélissa Estimé ont traqué pendant des mois la victime, l'ex-conjointe de Charpentier. Mélissa Estimé s'est ensuite rendue en République dominicaine pour acquérir un poison « indétectable », vraisemblablement l'arme du crime. Erreurs de traduction ? Cette thèse repose essentiellement sur des échanges de messages textes et de messages vocaux entre les deux accusés. Aucun poison n'a été retrouvé dans le sang de la victime. PHOTO DÉPOSÉE EN PREUVE Mélissa Estimé, coaccusée Or, la traduction de ces messages textes en créole n'est pas fiable, affirment Jacques Adonai Charpentier et Mélissa Estimé dans leur avis d'appel, déposé fin juin. La traductrice a elle-même affirmé ne pas maîtriser le langage « codé » ou utilisé par les « jeunes », soutiennent-ils entre autres. Les appelants reprochent à la juge Éliane B. Perreault de n'avoir fait aucun « appel à la prudence » au jury concernant ces traductions. « Au contraire, elle a rehaussé la crédibilité du témoin », déplorent-ils, en évoquant une « grave » erreur. Dans leur avis d'appel, Jacques Adonai Charpentier et Mélissa Estimé reprochent à la juge d'avoir essentiellement bâclé ses directives finales au jury, une étape particulièrement délicate du procès. Le camp Charpentier relève huit erreurs importantes de la juge à cette étape. « Qui plus est, alors que la juge s'astreignait à rectifier des pans complets de ses directives initiales, elle commettait au passage de nouveaux impairs », écrit l'avocate de Charpentier, Me Marylie Côté, qui a fait équipe avec Me Martin Latour au procès. PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE Me Marylie Côté, avocate de Jacques Adonai Charpentier Dans le camp Estimé, on reproche à la juge d'avoir favorisé « indûment » une partie dans ses directives finales. « La juge a dû revoir des pans complets de ses directives finales au jury qui, au final, s'avéraient toujours inéquitables envers l'appelante », écrit son avocat, Me Maxime Hébert Lafontaine, en appel. Le camp Estimé affirme que la juge a « compromis l'équité du procès » pendant le processus judiciaire, en ordonnant à Me Elfriede Duclervil [l'avocate de Mélissa Estimé au procès] de reporter une intervention chirurgicale annoncée dès le début du procès et en « l'alarmant d'assigner son médecin ». Me Duclervil s'est absentée pendant environ un mois pour des raisons de santé pendant le procès. Dans un geste inédit, la juge Perreault a rendu une ordonnance pour forcer Me Duclervil à lui révéler les détails de son état de santé. En outre, les appelants reprochent à la juge de n'avoir toujours pas rendu de jugement écrit concernant plusieurs requêtes. Pendant le procès, la juge a tranché oralement plusieurs requêtes des parties, sans motiver ses décisions sur le coup. Le dossier sera entendu par la Cour d'appel dans les prochains mois. Généralement, un appel dans une affaire de meurtre prend entre deux et trois ans pour se conclure.


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À la caisse, avec mon char !
Des années 1950 aux années 1970, le Mouvement Desjardins a joué un rôle important dans l'avènement de l'architecture moderne au Québec. Il reste encore des traces de cette folie visionnaire. Mais ce patrimoine demeure fragile. Un dossier de Jean-Christophe Laurence À la caisse, avec mon char ! À la caisse, avec mon char ! Avant les guichets automatiques, il y a eu les guichets… automobiles. C'était une autre époque. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. À partir des années 1960, plusieurs succursales Desjardins se sont en effet munies d'un service à l'auto. Ce système révolutionnaire, inspiré des banques américaines, fonctionnait comme chez McDo. Sauf qu'au lieu de commander un hamburger, on déposait un chèque… Selon David Camirand, historien chez Desjardins, les premières succursales à offrir ce service auraient été les caisses de Hull et de Louiseville, à la fin des années 1960. Au cours de la décennie suivante, elles vont se multiplier dans la province : Belœil, Repentigny, Saint-Romuald, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, Montréal, dans les villes et dans les banlieues… C'était l'époque où les déplacements en voiture explosaient. Les caisses y voyaient une autre façon de rejoindre leurs membres. David Camirand, historien chez Desjardins C'était aussi une façon de réduire l'achalandage à l'intérieur des succursales, ajoute-t-il : « Les files jusqu'à dehors, c'était fréquent à l'époque, ça pouvait être chaotique certaines journées, donc on y voit une façon de diminuer cet achalandage-là. » PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Les succursales de Desjardins offrant le service à l'auto se sont multipliées dans la province dans les années 1970. Pour les caisses, ce nouveau dispositif permet aussi d'élargir les heures de service, sans que tout l'établissement soit ouvert. « On pouvait faire rentrer une seule personne pour gérer le service à l'auto sans avoir à débarrer les portes de la caisse, lance M. Camirand. Par exemple, si la caisse ouvrait à 10 h, on pouvait voir le service à l'auto ouvrir à 8 h. Même chose en fin de journée. » Le système du service à l'auto va évoluer avec les années. Dans leur première version, les guichets seront tenus par de vraies personnes. PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS C'est par l'entremise d'un écran et d'un micro que les clients du service à l'auto communiquaient avec les employés de la caisse. Plus tard, on remplace l'être humain par une petite télé. Les transactions se font par micro et par écran interposés : le client dans sa voiture, le caissier ou la caissière dans la succursale. « Si on avait de l'argent ou des papiers à envoyer, on mettait ça dans des espèces de tubes pneumatiques. L'employé recevait le tube dans la caisse plus loin et pouvait faire la transaction », souligne M. Camirand. Ce système sera éventuellement remplacé par les premiers guichets automatiques. PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS Les transactions s'effectuaient à l'aide d'un système de tubes, ancêtre des guichets automatiques. Le service à l'auto disparaît progressivement dans les années 1980 et 1990, avec la réorganisation du réseau. Les avancées technologiques et l'automatisation des transactions font que les visites en succursale sont moins fréquentes, voire non nécessaires. C'est l'avènement du dépôt automatique et des transactions par internet. Les caisses se spécialisent moins dans la transaction et plus dans le service conseil. Quelques succursales proposeraient encore des guichets automatiques accessibles en voiture, mais alors que le mouvement Desjardins souligne son 125e anniversaire, l'âge d'or du service à l'auto est définitivement révolu.