
Netanyahou contesté de toute part pour son plan de conquête de Gaza
Son offensive visant à prendre le contrôle de Gaza ville est critiquée autant sur son aile droite que par la société civile, les responsables de sécurité et la communauté internationale.
Cécile Lemoine - correspondante à Jérusalem Publié aujourd'hui à 19h00
Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 10 août 2025, discutant des plans pour Gaza.
AFP/ABIR SULTAN
En bref:
Opération relations publiques pour Benyamin Netanyahou ce dimanche 10 août. Objectif: reprendre la main sur le narratif, alors que son plan de conquête de Gaza ville, accepté par le gouvernement jeudi 7 août, est critiqué de toute part. «Nous ne voulons pas occuper Gaza, mais la libérer», a-t-il insisté devant les journalistes étrangers, puis devant les médias israéliens, dans une inhabituelle double conférence de presse.
Diapositives à l'appui, il a assuré vouloir «terminer la guerre», et listé les différentes étapes censées y mener: l'ouverture de «corridors humanitaires» et l'évacuation des habitants de Gaza ville et des camps du centre de l'enclave, baptisées «fiefs du Hamas», avant l'attaque en tant que telle, qui pourrait donc prendre un certain temps. Pour le «jour d'après», Netanyahou a évoqué la démilitarisation du Hamas, la libération des otages, la création d'une zone tampon et d'une vague administration civile, sans le Hamas ni l'Autorité palestinienne.
«Une fois de plus, Netanyahou temporise et, une fois de plus, il vend l'idée que davantage de guerres mèneront à la fin des guerres, commente Mairav Zonszein, analyste israélienne pour l'International Crisis Group. On se retrouve donc dans une sorte d'impasse où Netanyahou comprend qu'il a échoué. Il n'a pas réussi à atteindre les objectifs qu'il s'était fixés depuis mars avec la dernière opération militaire et il est coincé. Il cherche donc à utiliser cette grande rhétorique sur la réoccupation pour essayer de faire bouger les choses.» Colère de l'extrême droite
Des rumeurs de négociations au Caire laissaient penser lundi que le premier ministre cherche, par l'annonce de cette nouvelle offensive militaire, à conclure un accord plus favorable à Israël. Il a d'ailleurs précisé que l'opération ne débuterait pas avant quelques semaines, le temps de préparer les troupes, ou de parvenir à un accord.
De quoi provoquer la colère de ses alliés d'extrême droite. Si Bezalel Smotrich affirmait jusqu'ici son soutien, il a exprimé sa déception face à un plan selon lui insuffisant: le chef du parti sioniste religieux défend la colonisation de la bande de Gaza et estime que la guerre ne peut se solder qu'avec l'éradication du Hamas, et non avec un accord. «J'ai perdu confiance dans la capacité et la volonté du premier ministre de mener l'armée israélienne vers cette victoire», a-t-il déclaré dans une courte vidéo postée le 9 août, sans pour autant quitter le gouvernement. Opposition de l'armée et des familles d'otages
Contesté sur son aile d'extrême droite, le premier ministre est aussi critiqué par le chef de l'armée et d'autres responsables de sécurité. Avant la réunion du cabinet jeudi, Eyal Zamir, le chef d'état-major, s'est ouvertement opposé à l'idée d'une offensive directe sur Gaza ville, arguant que celle-ci mettrait en danger les otages qui y sont retenus, et mettrait sous pression des troupes exténuées par vingt-deux mois de combat. Le lieutenant général a tenté de défendre l'idée d'un siège et de raids ciblés, sans succès.
Les familles de certains otages et de soldats morts au combat se sont jointes à ces récriminations: «Étendre la guerre à Gaza n'est pas une stratégie, c'est un pari cruel sur la vie de nos soldats et celle des otages», a déploré Eyal Eshel, le père de Roni Eshel, une observatrice tuée par le Hamas à l'avant-poste militaire de Nahal Oz le 7 octobre 2023.
Distribution d'aide humanitaire à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 août 2025.
AFP
Près de 74% des Israéliens se disent en faveur d'un accord visant à mettre fin à la guerre et à libérer tous les otages. Les manifestations, bien que très suivies (60'000 personnes à Tel-Aviv samedi soir), ont peu d'effet sur le gouvernement. Les familles des otages ont donc décidé d'appeler à la grève générale dimanche 17 août. La Histadrout, principale centrale syndicale du pays, ne s'y joindra pas, ce qui en limitera considérablement la portée. «Ce qui pourrait changer les politiques du gouvernement, c'est que de plus en plus de soldats réservistes refusent de servir à Gaza», estime Mairav Zonszein.
L'avocate générale militaire Yifat Tomer-Yerushalmi a fait part aux médias israéliens de son inquiétude: l'occupation de territoires supplémentaires mènerait Israël à devenir responsable de la vie quotidienne des Gazaouis. Cet avertissement fait écho aux propos tenus par le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, avant le vote du cabinet: «Avec l'occupation, nous gouvernerons plus de 2 millions de Palestiniens – en payant leur électricité et leur eau, en construisant des écoles et des hôpitaux avec l'argent des contribuables israéliens», a-t-il fustigé sur X.
La juriste a également averti que le déplacement forcé de centaines de milliers de Palestiniens vers une zone réduite pourrait augmenter la pression internationale sur Israël et porter atteinte à une légitimité bien entamée. Sanctions, annonces de reconnaissance d'un État palestinien et, plus récemment, embargo allemand sur les armes à destination d'Israël… Le soutien international s'effiloche à mesure que la guerre s'enfonce.
Procession funéraire autour du corps d'Anas Al-Sharif, correspondant d'Al Jazeera, à Gaza ville, le 11 août 2025.
AFP/BASHAR TALEB
Lundi soir, la mort de cinq journalistes d'Al Jazeera, dont le célèbre Anas Al-Sharif, a, une nouvelle fois, provoqué l'indignation occidentale. L'armée israélienne a instantanément justifié la frappe en affirmant que le jeune reporter était un «terroriste» membre du Hamas, apportant pour preuve un document à l'authenticité difficilement vérifiable.
La temporalité de cet assassinat ciblé interroge. Tuer des journalistes palestiniens situés à Gaza ville à quelques semaines d'une opération militaire d'ampleur, c'est garantir que moins d'informations circulent vers l'extérieur. Les journalistes étrangers ne peuvent en effet toujours pas entrer de manière indépendante dans l'enclave. Bien que Benyamin Netanyahou ait indiqué dimanche avoir ordonné à l'armée d'emmener plus de journalistes à Gaza, il ne s'agit toujours pas d'un accès indépendant.
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