
Lion Électrique racheté pour une bouchée de pain
Gardée secrète devant la Cour supérieure du Québec, qui supervisait la restructuration judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), l'information a récemment été dévoilée dans un document judiciaire.
La somme est inférieure au financement intérimaire de 16 millions obtenu par Lion en se plaçant à l'abri de ses créanciers, le 18 décembre dernier.
Malgré l'équivalent de 70 autobus scolaires électriques déjà achevés et l'équivalent de 215 millions US en stocks en date du 30 septembre dernier, le groupe notamment formé de Vincent Chiara, président et fondateur du promoteur immobiliser Groupe Mach, de l'entrepreneur Pierre Wilkie et du financier Claude Boivin a obtenu l'ex-étoile montante pour une bouchée de pain.
Le prix payé est bien loin de la valeur boursière de Lion au début du mois de juin 2021, quelques semaines après son arrivée à Wall Street et à Bay Street. La valeur boursière du constructeur avait brièvement frôlé les 4,7 milliards.
Comment cela a-t-il pu être possible ?
Deloitte, qui agit à titre de contrôleur dans le dossier, avait offert quelques pistes pour comprendre cette chute de valeur dans le cadre d'une séance de questions-réponses avec d'ex-salariés de Lion, le mois dernier.
Essentiellement, les 6 millions offerts par les repreneurs québécois étaient supérieurs à ce qui aurait été récolté avec une liquidation en pièces détachées — un scénario où pratiquement aucune valeur n'était accordée aux stocks.
« Quand il n'y a pas de service après-vente et personne pour entretenir les autobus […] un acheteur peut se retrouver sans aide, a expliqué Jean-François Nadon, spécialiste en restructuration de la firme. C'est pour cela que les actifs sont aussi dévalorisés. »
Il s'agit aussi de l'analyse de Yan Cimon, professeur titulaire à la faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval.
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
C'est à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, que les activités de Lion Électrique ont été recentrées.
« Dans la situation où elle est, l'entreprise n'est pas encore en mesure de garantir les mêmes niveaux de service d'il y a quelques trimestres, quand les choses allaient mieux, souligne-t-il. Dans ce contexte, c'est très difficile de vendre les stocks à leur valeur comptable. »
Encore des défis
Lion a peut-être de nouveaux propriétaires, mais l'entreprise n'est pas encore sortie de l'auberge. Le trio d'investisseurs québécois n'a pas fini de délier les cordons de la bourse pour renflouer les coffres du constructeur.
Il y a beaucoup de risques liés à Lion 2.0. Il va y avoir un besoin assez exceptionnel de fonds de roulement.
Jean-François Nadon, spécialiste en restructuration chez Deloitte
À cela s'ajoutent les efforts nécessaires pour « rebâtir la crédibilité » du constructeur, ses relations avec les fournisseurs et les autres partenaires, ajoute M. Cimon.
Il n'avait pas été possible de s'entretenir avec M. Chiara, au moment d'écrire ces lignes.
Selon nos informations, environ 120 personnes – des employés d'usine ainsi que du côté administratif – ont été rappelées au cours des dernières semaines à Saint-Jérôme, où les activités ont été recentrées. Il reste à voir à quel moment la production redémarrera officiellement.
Quant au fondateur et ex-président et chef de la direction, Marc Bédard, il est toujours dans l'environnement de l'entreprise, mais à titre de consultant. Tout indique que M. Bédard participera au redémarrage avant de partir pour de bon.
Il y avait l'équivalent de 70 autobus d'écoliers électriques déjà achevés dans les Laurentides lorsque l'entreprise s'est placée à l'abri de ses créanciers. Elle peut donc remettre des véhicules à des clients. Le renouvellement, par le gouvernement Legault, du programme d'électrification du transport scolaire devrait aider l'entreprise à atteindre cet objectif.
De l'argent qui s'envole
La déconfiture financière survenue l'an dernier engendre d'importantes pertes pour l'État québécois, pour plusieurs institutions comme le Fonds de solidarité FTQ, ainsi que pour les banquiers du constructeur. Les petits actionnaires de l'entreprise ont aussi tout perdu.
Québec a englouti 143 millions dans cette affaire. Il en va de même du prêt de 117 millions US consenti par un syndicat bancaire.
Une autre page de la débâcle est sur le point de se tourner. L'encan pour ce qui était le joyau du constructeur, son usine de blocs-batteries à Mirabel, se tiendra ce mardi. Québec et Ottawa avaient conjointement mis 100 millions sur la table pour financer ce complexe.
De l'équipement comme des robots industriels, des systèmes de contrôle des émissions de poussière et des cellules de batteries sera offert au plus offrant. C'est la firme Workingman Capital qui a été mandatée pour superviser ce processus, comme elle l'avait fait pour l'usine américaine de Lion à Joliet, en Illinois.
Toujours dans le noir
Des centaines d'anciens salariés de Lion attendent toujours de savoir s'ils seront admissibles au programme de protection des salariés. Cette mesure fédérale leur permettrait de toucher des indemnités n'ayant pas encore été versées par l'entreprise. La Cour supérieure du Québec doit trancher sur cette question. Devant le tribunal, l'Agence du revenu du Canada avait plaidé que les travailleurs mis à pied ne devraient pas avoir droit à la protection du programme fédéral.
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