
Ils filmaient leurs agressions pour les réseaux, la justice vaudoise les juge
Une altercation a notamment éclaté devant une boîte de nuit lausannoise en décembre 2023.
Getty Images
En bref:
Un procès a rappelé mardi à Vevey que le hasard fait parfois mal les choses. Il suffit de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Sur le chemin d'une bande de jeunes inconnus, croisés au fond du bus ou à la sortie d'une boîte de nuit lausannoise. Une rencontre anodine, qui vire au règlement de comptes. L'une des victimes a été hospitalisée durant deux jours juste avant Noël 2023, le visage fracassé par les coups de pied reçus au sol, sous les yeux de noctambules impuissants. Remake d'«Orange Mécanique» à l'accent vaudois.
«Cette violence gratuite peut tomber sur n'importe qui, sans raison. C'est préoccupant. Il suffit de réagir à une claque ou une insulte et ça peut dégénérer», explique la procureure Carole Delétra, qui a requis de la prison ferme contre deux des trois prévenus à Vevey . «C'est une affaire qui sort du lot par l'intensité de la violence et des humiliations qu'on peut faire subir à d'autres jeunes. Une des victimes a été frappée pendant plusieurs heures. Heureusement, le Ministère public ne doit pas traiter de tels dossiers tous les jours.» Des agressions filmées pour humilier
Alexandre*, Denis* et Patrick* ont comparu devant le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Le second – incarcéré depuis janvier 2024 – a reconnu la gravité des faits. Il a présenté à plusieurs reprises ses excuses aux victimes, absentes à l'audience. «Ça aurait pu être encore pire, a admis Denis* devant les juges. Ça fait peur de se dire qu'en se bagarrant quelqu'un peut recevoir autant de dégâts.»
Déjà condamné par la justice des mineurs, ce jeune de 19 ans comparaissait les pieds menottés, encadré par deux policiers, aux côtés de deux de ses copains. Le trio devait répondre d'une quinzaine de délits, dont l'attaque de connaissances qui leur devaient soi-disant 2500 francs. L'un des plaignants a été roué de coups, puis ses agresseurs l'ont obligé à retirer son training et lécher leurs chaussures pleines de boues. «Ce n'est pas très glorieux, a reconnu Denis* d'une petite voix, la tête souvent penchée vers ses genoux. C'était de l'humiliation pure et dure. J'aurais dû dire stop. Le fait d'avoir fumé et un peu bu, ça n'aide pas. Même si ce n'est pas une excuse bien sûr.»
Ces faits d'armes étaient immortalisés en vidéo et partagés en ligne. «Ils se mettent en scène pour se faire mousser auprès de leurs copains, poursuit la procureure Carole Delétra. Une partie de la jeunesse est axée sur les réseaux. On se filme beaucoup plus qu'avant, que ce soit lors de bagarres ou de rodéos routiers. C'est un phénomène sociétal.» Le rôle des réseaux sociaux
Patrick*, le troisième prévenu, maniait notamment son smartphone au guidon de son scooter. «Ce n'est parfois qu'en regardant les vidéos que je me suis rendu compte plus tard des risques que je prenais», a-t-il avoué. «Et que vous faisiez courir aux autres», l'a repris la juge.
Les réseaux sociaux ont servi de caisse de résonance, selon Maître Albert Habib, conseil de Denis*. «Malheureusement, il est si facile de visionner même sans le vouloir, des vidéos violentes. Cette banalisation de la violence a pu influencer mon client à filmer des scènes de ce genre.» Prison ferme requise
La procureure a requis des peines de prison. Les trois avocats de la défense se sont ralliés à ce réquisitoire. Le Tribunal devra encore confirmer ces sanctions, dans le verdict rendu dans la semaine par écrit.
Alexandre*, qui a déjà passé six mois à l'ombre, risque 42 mois ferme. Il bénéficiait d'une liberté conditionnelle au moment de l'audience. «C'est une peine équilibrée, qui tient compte des faits reprochés, mais aussi de la réalité d'un jeune en manque de repères structurants», a réagi son avocate, Me Aude Magnien.
De son côté, Denis* pourrait écoper de 36 mois de prison, dont 18 ferme. Peine qu'il a déjà purgée dans sa totalité. «La détention est assez dure, a-t-il expliqué durant le procès. Je n'ai vraiment pas envie d'y retourner. Cela m'a fait comprendre que ce n'est pas ça la vie.» Sa maman est venue témoigner, la gorge souvent nouée par l'émotion. Elle a prié les juges de lui «rendre [son] fils». «Je vous promets que vous n'entendrez plus jamais parler de lui. Même s'il m'a fait mal, je serais prête à aller au bout du monde pour lui. Mais à partir de maintenant, il faut qu'il fasse les choses bien.»
Enfin, Patrick* devrait s'en sortir avec 18 mois de sursis. Il n'a pas participé aux agressions gratuites, se contentant de conduire un SUV volé, qu'il a finalement aidé à brûler. Au lendemain de son procès, l'apprenti de 19 ans a assisté à la cérémonie de remise de son CFC.
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