
Football: Genève a défié les parlementaires des autres cantons
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Genève a défié sur son sol les parlementaires des autres cantons
Le Grand Conseil alignait deux équipes à Plan-les-Ouates. Mais le tournoi a été remporté par le Valais. Reportage biaisé.
Marc Bretton
Stade des Cherpines, Plan-les-Ouates. Tournoi de football des parlements cantonaux de Suisse et du Liechtenstein. Les équipes méritantes de Genève 1 et 2.
FRANK MENTHA
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En bref : Deux cents joueurs de seize cantons se sont affrontés lors d'un tournoi interparlementaire à Plan-les-Ouates.
L'équipe Genève 1 s'est classée neuvième tandis que Genève 2 a terminé avant-dernière.
Les Valaisans ont dominé la compétition avec une finale disputée entre leurs deux équipes.
L'événement a favorisé les échanges informels entre parlementaires de différents partis politiques et différents cantons.
L'essentiel, c'est de participer, n'est-ce pas? C'est ce qu'ont fait samedi, les deux équipes alignées par le Grand Conseil à Plan-les-Ouates, lors du tournoi de football des parlements cantonaux de Suisse et du Liechtenstein. C'était la première fois que la manifestation, qui a rassemblé 200 joueurs de seize cantons, était organisée à Genève. Le prix du Fair-play a été attribué à Schwytz.
Commençons par le commencement. Les équipes genevoises auraient certainement pu remporter le tournoi, mais une stratégie différente a manifestement été privilégiée: soucieuses de ne heurter aucune susceptibilité confédérale en ces temps troublés, elles ont réalisé des résultats moyens. Genève 1 a terminé à la 9e place, tandis que Genève 2 finissait 17e, à l'avant-dernière.
Les exploits de Genève 2
Toute la tension du match dans le regard de Thomas Wenger.
FRANK MENTHA
Pour Genève 2, formée de Nicolas Huber aux buts, Grégoire Carasso, Thomas Wenger, Laurent Seydoux, Lionel Dugerdil, Roger Deneys, Léonard Ferati, Virna Conti et Pierre Eckert, c'est sans doute une déception, car il semble bien que l'équipe visait en fait la dernière place.
On en a eu très vite le pressentiment quand, face à une des équipes valaisanne en lice, une joueuse genevoise a siroté avant d'entrer sur le terrain quelque chose qui ressemblait davantage à une bière qu'à une boisson énergétique. Quoi qu'il en soit la stratégie fonctionnait puisque l'équipe n'avait pas marqué le moindre but avant son dernier match.
Puis, tout s'est effondré. Malgré les vaillants efforts de trois députés socialistes, qui ont tiré à côté des buts lors de la séance des penalties, sous les quolibets du représentant de l'Union populaire Pablo Cruchon et de la droite, Genève 2 a été contrainte de l'emporter face à une équipe de Neuchâtel qui a raté un nombre invraisemblable d'occasions. Qui ne peut, ne peut! On signalera en passant que le député UDC Lionel Dugerdil a marqué son pénalty sans difficulté, lui.
Roger Deneys (PS) et Lionel Dugerdil (UDC), unis comme les doigts de la main.
FRANK MENTHA
Une autre explication a été avancée pour expliquer les performances moyennes des joueurs locaux: les efforts fournis la veille pour animer la soirée des délégations intercantonales. Certains auraient fini très très tard au village du soir… Certes, mais on notera que la soirée n'a pas empêché le Valais de remporter haut la main la compétition, Valais 1 se débarrassant de Valais 2 par 4 buts à 1 en finale, samedi peu après 15 h. L'entraînement valaisan semble nettement supérieur.
L'intérêt de l'occasion
Adrien Genecand (PLR). Tournoi de football des parlements cantonaux de Suisse et du Liechtenstein. Équipe FC Genève 1.
FRANK MENTHA
Pourquoi des parlementaires s'affrontent-ils au football une fois par an? Les réponses de nos interlocuteurs sont claires: «C'est l'occasion de découvrir des élus d'autres cantons, explique le Vert libéral vaudois Jérôme de Benedictis, dont l'équipe avait réalisé une belle performance l'an passé. C'est l'occasion aussi de se souder un peu entre nous». La socialiste neuchâteloise Anne Brumaud du Boucheron ne dit pas autre chose: «C'est ma quatrième participation. Au fil des années, on connaît les gens, on crée des relations et on se détend. C'est ainsi que se construit l'interpartis.»
Le socialiste genevois Diego Esteban ajoute: «La frustration des parlementaires, c'est qu'on se voit toujours en séance, où on s'affronte. On ne négocie pas faute de temps. Ici, on crée des conditions plus favorables pour des discussions futures». Sur le bord d'un terrain, Patrick Chapuis, député du parti chrétien social indépendant à Delémont, confesse: «On aime bien aussi gagner des matchs».
Genève 1 distrait
Marko Bandler et Murat Julian Alder brandissent un drapeau neuchâtelois ou italien, c'est selon.
FRANK MENTHA
Et Genève 1 alors? Truffée de stars (Mathieu Jotterand, Mathias Bushbeck, Xavier Magnin, Sylvain Thévoz, Adrien Genecand, Murat Julian Alder, Marko Bandler, Pablo Cruchon, Diego Esteban), l'équipe, étroitement coachée par le député MCG Jean-Marie Voumard, a en fait raté le match décisif l'empêchant ainsi de monter dans le classement. «On menait un à zéro et on a levé le pied», se lamente Marko Bandler en fin de partie. Impitoyables, les Alémaniques ont fini par l'emporter.
Que tirer de tout cela? Heureux pays que celui ou des représentants de partis et de régions différents jouent les uns avec les autres? Sans doute.
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Marc Bretton est journaliste à la Tribune de Genève. Il a travaillé au sein de la rubrique nationale et suit les questions politiques et économiques pour la rubrique genevoise depuis 2004. Plus d'infos
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Deux géologues racontent les catastrophes qui façonnent la Suisse
Adrian Pfiffner et Walter Wildi publient un ouvrage pour observer et comprendre les traces des événements naturels extrêmes dans le paysage. Interview. Publié aujourd'hui à 10h19 Blatten, enseveli sous les pierres et la glace du Birch. KEYSTONE/Jean-Christophe Bott En bref: Le livre s'intitule «Sur les traces des désastres naturels en Suisse»* et sa version francophone est sortie le 27 mai 2025… Soit la veille de l'effondrement du glacier du Birch sur Blatten ! Adrian Pfiffner et Walter Wildi, les géologues et auteurs de l'ouvrage, n'en reviennent toujours pas. Ces deux spécialistes de la structure et de l'évolution de l'écorce terrestre ont très envie de raconter ce qui s'est passé dans le Lötschental du point de vue géologique. «Apparemment, le livre se vend bien, soulignent les deux experts. On pourra donc ajouter un chapitre sur Blatten dans la prochaine édition!» Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre? Adrian Pfiffner: La Suisse vit régulièrement des événements naturels extrêmes. À chaque fois se pose alors la question de leur importance, en comparaison à d'autres événements du même type qui se sont produits par le passé. Le métier de géologue consiste à en observer et interpréter les traces. C'est pour expliquer nos méthodes de travail au grand public que nous avons imaginé ce livre. Il s'adresse à toutes celles et tous ceux qui s'intéressent à ce qui se passe dans nos paysages: aux géologues, aux curieux de la nature, aux journalistes, aux enseignants, mais aussi aux autorités concernées par la prévention et la gestion des catastrophes naturelles. Quelle est votre définition du métier de géologue? Walter Wildi: Nous sommes des historiens de la Terre. Dans le sens où nous faisons reposer nos conclusions sur ce qui s'est déjà passé et qui peut se reproduire, à l'avenir, si les conditions sont à nouveau remplies. AP: Nous sommes aussi des sortes de criminologues. On essaie de reconstituer ce qui s'est passé, de confirmer des hypothèses, mais sans pouvoir accéder à toutes les données qui concernent l'événement qui s'est produit. Walter Wildi, professeur honoraire de l'Université de Genève. DR Au début du livre, vous rappelez que «la nature ne connaît pas de catastrophes». AP: Ce sont les humains qui font d'un événement naturel une catastrophe. Un événement naturel ne devient catastrophe que s'il nous impacte dans notre vie et notre existence, comme Blatten. Mais pour nous, géologues, des événements comme des éboulements, des chutes de pierres, des laves torrentielles ou des inondations à large échelle représentent le courant normal de la nature, à l'échelle du temps géologique. C'est ainsi que la Terre fonctionne. À l'échelle géologique, ce qui s'est passé à Blatten n'est donc pas une catastrophe? WW: En effet. Si nous considérons que Blatten est une catastrophe, c'est parce qu'un village a été complètement rasé. Et qu'une personne a péri. Mais si l'effondrement du glacier du Birch était arrivé en dessus du hameau, ou ailleurs, à un endroit où il n'y avait aucun chalet, je ne suis pas certain que nous aurions choisi ce terme pour en parler. AP: Par le passé, plusieurs événements semblables en volume à celui de Blatten ont été très vite oubliés parce qu'ils n'ont fait aucun dégât humain. Adrian Pfiffner, professeur émérite de l'Université de Berne. DR Comment le paysage, à Blatten, va-t-il évoluer? WW: À Blatten, on voit aujourd'hui des pierres en surface. Mais en dessous, il y a quasi le double de volume de glace. Cette masse de glace va mettre plusieurs années à fondre. Pendant ce temps, la surface va se tasser, bouger, il y aura des écoulements et toutes sortes d'autres petits phénomènes. C'est une région qui reste instable et dont il ne faut pas s'approcher. AP: Mais il faut se rendre dans le Lötschental pour soutenir touristiquement la région , qui en a bien besoin! Pourquoi est-ce crucial d'étudier les catastrophes anciennes? WW: Quand nous nous promenons dans le paysage, nous observons des phénomènes qui sont dus à des catastrophes naturelles anciennes. Au début du livre, on parle de «sismicité». Et on prend comme exemple les châteaux et forteresses de la région de Bâle qui se sont écroulés lors du tremblement de terre de 1356. Les divers séismes qui se sont produits ici sont à l'origine de la vallée du Rhône entre les Vosges et la Forêt-Noire, le fossé rhénan. C'est par un affaissement dû aux tremblements de terre successifs, petits et grands, que s'est constituée – au fur et à mesure, sur des millions d'années – la morphologie de cette vallée. Et il est important de connaître l'histoire des phénomènes d'une grande brutalité qui ont participé à la genèse de la vallée du Rhin pour pouvoir adapter les constructions, bâtir en conséquence. On a de la peine à imaginer qu'en Suisse, il pourrait se produire un «big one» – un tremblement de terre majeur et dévastateur – comme le redoutent les Californiens. AP: Les Alpes bougent énormément! De manière différente et plus lentement qu'en Californie, mais le soulèvement en Valais et aux Grisons est de 1,5 millimètre par an. En temps géologique d'un million d'années, cela équivaut à une remontée de terrain d'un kilomètre et demi. C'est immense! Des petits et des grands séismes prennent place ici aussi. Comme celui de Bâle en 1356, ou comme celui qui en 1295 a détruit plusieurs villages des Grisons. Il est impossible de prédire quand le prochain va arriver, mais les statistiques montrent qu'en moyenne, il se produit un tremblement de terre important tous les 500 ans. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Dans votre livre, vous expliquez que l'Holocène – l'époque géologique actuelle qui a commencé il y a environ 11'700 ans – a connu de nombreuses fluctuations, y compris des périodes de réchauffement durant lesquelles les glaciers étaient plus petits qu'aujourd'hui. Cet argument est régulièrement utilisé pour minimiser, voire nier l'existence d'un réchauffement climatique. Que répondre aux personnes qui en usent? AP: Le problème, c'est que les personnes qui utilisent cet argument ne comprennent pas ce qui s'est passé. Le réchauffement climatique actuel a commencé il y a environ 150 ans, après le petit âge glaciaire vers 1850. Mais contrairement aux variations anciennes qui ont eu lieu il y a 10'000 ou 100'000 ans, il est cette fois-ci influencé par l'homme. Par ses émissions de gaz à effet de serre, par la déforestation, la retenue des sédiments dans des lacs de barrage, l'assèchement de grandes surfaces ou encore le drainage agricole. Auparavant, il n'y avait pas tout cela! Aujourd'hui, le réchauffement climatique est en grande partie anthropogène et il faut faire en sorte de réduire au maximum ce qui est induit par les activités humaines. WW: Le changement climatique est un fait. Il n'est pas discutable! Depuis 1850, nous sommes effectivement dans une phase de réchauffement, qui se produit par paliers. Mais il faut aussi souligner que la climatologie et la paléoclimatologie sont encore des sciences jeunes, qui laissent énormément de questions ouvertes. Nous ne comprenons pas totalement le climat actuel. D'où l'importance de rester humble face à la nature et ce que nous ne maîtrisons pas? WW: Oui, absolument. Humble et respectueux de la nature et de ses événements extrêmes. En balade sur les traces des désastres naturels passés L'ouvrage d'Adrian Pfiffner et Walter Wildi s'attache à expliquer les événements extrêmes qui ont sévi sur notre territoire. Pour se rendre compte de la manière dont ces désastres naturels ont marqué le paysage, les auteurs proposent également 25 excursions pédestres en Suisse, à la recherche des stigmates de ces événements. Parmi les randonnées romandes suggérées, on retient notamment la boucle d'environ deux heures qui part du télésiège des Rousses à Anzère, chemine jusqu'à l'alpage de Serin, puis mène jusqu'aux décombres de l'éboulement de Six-des-Eaux-Froides, déclenché par le tremblement de terre de Sierre du 25 janvier 1946. À faire (ou refaire), un «classique» des courses d'école, toujours en Valais: l'excursion autour des éboulements de Derborence, qui datent du tremblement de terre du 11 août 1712. Ou encore la randonnée qui commence au centre de Zinal, traverse la rivière et remonte la vallée sur le côté ouest. Chemin faisant, on pourra observer des bassins de retenue des laves torrentielles qui protègent le village, des cônes d'avalanche et de coulée de boue au pied du Garde-de-Bordon, ou encore de grands blocs rocheux qui ont glissé jusqu'ici à la suite d'un événement naturel survenu un demi-siècle plus tôt. O. Adrian Pfiffner, Walter Wildi, «Sur les traces des désastres naturels en Suisse – avec 25 excursions géologiques», Éditions Slatkine, 2025, 136 p. Sur Blatten, lire aussi Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Catherine Cochard est journaliste à la rubrique vaudoise et s'intéresse aux sujets de société. Elle produit également des podcasts. Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Temps ainsi qu'en tant que réalisatrice indépendante pour l'Université de Zurich. Plus d'infos @catherincochard Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
an hour ago
- 24 Heures
Procès à Lausanne: une double intoxication mortelle au camping finit devant la justice
En 2019 puis en 2020, deux résidents sont morts intoxiqués au monoxyde de carbone sur les hauts de Lausanne. L'exploitant et le chauffagiste, présumés innocents, seront jugés dès ce lundi pour homicide par négligence. Publié aujourd'hui à 09h52 Le camping de Pra Collet est situé au Chalet-à-Gobet, sur les hauts de Lausanne. Yvain Genevay / Tamedia En bref: Redonner vie, ou trace, un peu d'existence aux fantômes. C'est à ça que servira d'abord le procès qui s'ouvre au Tribunal d'arrondissement de Lausanne, ce lundi 18 août. Cela parce que le 11 octobre 2019, à 10 h 45, Gilbert P. a été retrouvé mort dans son mobile home de Pra Collet, Vers-chez-les-Blanc, au-dessus de Lausanne. Il avait 61 ans. «Intoxication aiguë au monoxyde de carbone directement liée aux non-conformités présentes sur l'installation de chauffage à gaz», explique l'acte d'accusation. Cela ensuite parce que le 21 novembre 2020, à 6 h 40, Karim T. a été lui aussi constaté décédé, à 39 ans, dans les douches des «sanitaires d'hiver» du même camping. Autopsie et expertises ont conclu de façon similaire à une intoxication au monoxyde de carbone, à la suite d'une «non-conformité des installations». Des fantômes? Depuis leur mort, il y a six et cinq ans, personne ne parle d'eux, Gilbert et Karim. Pas de communiqués, pas d'article de presse, pas de vagues, rien. Comme s'ils ne comptaient pas, ou n'avaient jamais compté, encore davantage asphyxiés là-haut, sur la colline du Jorat, par cette indifférence. Alors ils semblent ressortir de leurs tombes avec ce procès, l'instruction ayant fusionné les deux dossiers. Les deux prévenus Qui sont les accusés, présumés innocents, prévenus par le Ministère public d'homicide par négligence? Le premier, c'est J. L., 69 ans, l'exploitant du camping de Pra Collet, qui appartient à Retraites Populaires. On lui reproche notamment d'avoir fait appel, durant des années, et encore après le premier décès, à un chauffagiste, toujours le même, P., 69 ans également, deuxième accusé. Désormais retraité, mandaté par le gérant, P. installait, réparait, faisait les petits et grands travaux de chauffage à Pra Collet depuis des décennies, alors qu'il ne disposait, selon l'acte d'accusation, «pas des qualifications lui permettant de les réaliser». Il faut en effet pour ce faire une autorisation professionnelle particulière. C'est un point contesté par ses défenseurs: selon d'autres experts, P. avait la qualité de spécialiste adéquate. Il n'y a cependant pas de précisions, y compris dans le dossier d'instruction, que nous avons pu consulter, sur ce qui poussait J. L., le gérant, à faire appel à P., y compris après la première tragédie et le constat par des experts qu'il n'était pas habilité à intervenir. Il habitait certes tout près de Pra Collet. Ses services étaient aussi réputés bon marché. Pas les Flots Bleus Pra Collet, ce n'est certes pas «Camping Paradis» ni les Flots Bleus du ciné. À l'entrée, guère de signes de bienvenue, mais une large barrière, des panneaux d'interdiction aux non-résidents. Plus loin, une piscine vide parce que signalée «en maintenance». Le site internet promet «un camping que nous voulons familial, chaleureux, accueillant, tranquille et vivant à la fois». On y trouve caravanes et mobile homes, vacanciers de passage et quelques dizaines de résidents à l'année. Il y a un panneau «Chemin du bonheur» en face de toilettes qui ne datent pas d'hier. Il est possible de demeurer au camping durant l'hiver pour 400 à 600 francs par mois, ce qui attire une clientèle estudiantine, retraitée, parfois marginale, en ce mélange de tôles plastique, pseudo-chalets, camping-cars essoufflés parfois, installés en de petits coins champêtres, à la fois âpres, bricolés ou poétiques. L'entrée du camping, vue de l'extérieur. Il accueille aussi bien des campeurs que des résidents à l'année. Yvain Genevay / Tamedia L'endroit a fait l'objet de reportages. Guillaume Perret, fameux photographe neuchâtelois, y a réalisé un très beau travail récompensé par le Swiss Press Award entre 2022 et 2024. Le magazine «Temps Présent» de la RTS s'est aussi, l'an dernier, rendu à Pra Collet. Cette fois au cours d'un sujet intitulé «Les logements de la honte» . Une retraitée racontait les rudesses de sa vie au camping et l'eau coupée par le gérant dès le 1er novembre, parce que l'on craignait le gel des conduites. Premier mort, Gilbert, en 2019 La première affaire qui intéresse la justice vaudoise, c'est celle de Gilbert. Sa famille – sa maman est partie civile – et son avocat n'entendent pas raconter quelle aventure de vie particulière l'avait conduit à vivre au camping. C'est en automne 2019 que le chauffagiste P. est mandaté par J. L. pour l'installation de chauffage du mobile home qu'occupe le sexagénaire. L'acte d'accusation, basé sur les rapports d'experts, est aussi technique que précis. P. a «raccordé le tuyau d'évacuation des gaz de combustion de ce chauffage à gaz à un orifice percé dans la paroi nord-est du mobile home, alors qu'il aurait dû le raccorder à une cheminée de toiture». Mode d'emploi et directives n'auraient ainsi pas été respectés. «ll a en outre utilisé un raccord coudé à 90 degrés en plastique inadapté», poursuit l'accusation. Au bout du compte, le «monoxyde de carbone [...] ne pouvait pas s'évacuer correctement». C'est rébarbatif, opaque pour le profane, mais dramatique: quelques semaines après les travaux, le 11 octobre, Gilbert meurt intoxiqué dans son mobile home. Dans le dossier d'instruction, le chauffagiste, interrogé par le procureur, explique que, selon lui, c'est à la suite de la demande d'une amie de Gilbert qu'il avait installé l'évacuation sur une façade plutôt que sur le toit, comme cela aurait été adéquat. Cela parce qu'on lui disait craindre des «infiltrations». Millibars de l'un, méconnaissances de l'autre Dans ce cas mortel, comme dans celui qui suivra un an plus tard, l'instruction montre que le chauffagiste conteste les expertises, exposés graphiques à l'appui dans le dossier. Il souligne plutôt sa propre expertise: il s'étend sur les millibars de pression ad hoc, les habitudes, les spécificités de l'hiver au camping, etc. Ou alors quelqu'un, peut-être une victime, a dû bouger quelque chose. Selon son avocate, Me Véronique Fontana, «P. est de bonne foi et très atteint par ce qui s'est passé. Il était ami avec la première victime, Gilbert. Il avait beaucoup d'expérience, et n'aurait jamais pensé qu'un tel accident pouvait survenir.» Quant au gérant, J. L., il se défend dans le dossier exactement à l'inverse: il met en avant son absence de compétence, il n'y connaissait rien, et tout était, selon lui, dans les mains du chauffagiste qu'il mandatait. Mais pourquoi, après la mort de Gilbert, et le constat, communiqué par les experts, des malfaçons de l'installation, a-t-il continué à faire appel à P.? Contacté, son avocat n'a pas répondu à nos sollicitations. Le second décès, Karim, en 2020 On en arrive au second fantôme, Karim T. Père malien, maman suisse – elle aussi partie civile au procès. Un parcours de vie accidenté, qui le voit au moment de l'adolescence perdre pied et confiance, après un apprentissage jamais terminé dans l'horticulture. «Pourtant, il était si doué, confie sa sœur. Aujourd'hui, ce serait sans doute un garçon considéré à haut potentiel. Il avait une curiosité insatiable, il était beau, les filles l'adoraient.» Mais sa vie dérape peu à peu, et il sera, plus tard, diagnostiqué borderline. Des accès de violence ou de décompensation l'éloignent de sa famille. Dans les dernières années, il est parfois aidé par les services sociaux. Karim T. avait aussi voyagé, notamment en Bolivie, et développé un talent pour la fabrication de petits bijoux, qu'il vendait sur les marchés par ici. À Pra Collet, il passait l'été. Fin novembre 2020, il devait repartir et passer l'hiver à La Paz. Les «sanitaires d'hiver» de Pra Collet avaient été réparés, sur mandat de J. L., par P., à partir de septembre 2018: des chauffe-eau à gaz, un système d'évacuation d'air dans les douches. Mais, là encore, toujours selon l'acte d'accusation, un tuyau n'était «pas raccordé [...] à un conduit vertical sortant en toiture du local comme l'exigeaient pourtant les instructions de montage, la directive et le guide technique». Résultat identique à la première fois, poursuit le texte: «Carence en oxygène, et une production plus importante de monoxyde de carbone.» Après la mort de Gilbert, et malgré la non-qualification du chauffagiste questionnée dans le dossier, les travaux continuent au printemps 2020: par exemple, un changement de «la vanne avec détendeur» est signalé. Le propriétaire, Retraites Populaires (RP), n'est jamais tenu au courant. Son porte-parole précise: «Seuls les travaux dépassant l'entretien courant indispensable à l'exploitation nécessitent un accord préalable du propriétaire. En revanche, la réparation, la maintenance et l'entretien courant des installations existantes ne sont pas soumis à cette obligation. En ce sens, les interventions sur le chauffage ne nous ont pas été remontées.» L'ensemble du terrain de Pra Collet est loué au gérant du camping, depuis 2015, pour 5700 francs mensuels par RP, qui espère depuis des années obtenir un plan d'affectation lui permettant de construire et valoriser l'endroit. À l'automne 2020, c'est le fils du gérant, A., qui est saisi d'un doute dans les sanitaires: selon ce qu'il expliquera ensuite durant l'instruction, il voit un morceau de tuyau brûlé, d'autres pièces qui ont l'air de tenir avec du «scotch». Il s'inquiète et, sans prévenir son père, il cherche à faire contrôler l'installation. Il tombe rapidement sur le Cercle de travail GPL , association agréée par la Confédération, qui contrôle les questions relatives à la sécurité des installations de gaz liquéfié. Deux spécialistes débarquent à Pra Collet le 3 novembre 2020. Ils ne savent pas qu'il y a déjà eu un mort au camping l'année précédente, ont-ils dit ensuite durant l'instruction. Mais ce jour-là, ils sont vite inquiets de ce qu'ils découvrent dans les douches et en font aussitôt part, sur place, au gérant. «Ils ont avisé J. L. que le travail de P. n'était pas conforme, que les installations pouvaient entraîner la mort dans les cas extrêmes, qu'il était tenu de procéder à des travaux de remise en conformité et que la douche en question devait être immédiatement fermée dans l'intervalle», détaille l'acte d'accusation. Selon le dossier d'instruction, les contrôleurs ajoutent qu'avant de s'en aller, ils ont souligné face au gérant que les travaux ne pouvaient en aucun cas être confiés à P., ce dernier n'étant «pas un installateur». Aucun compte du contrôle L'exploitant ne condamne pas les installations, malgré l'injonction qui lui a été faite. Cela l'aurait-il obligé à fermer le camping quelque temps, faute d'eau chaude pour les résidents? Au contraire, ces derniers continuent de prendre tous les jours des douches. L'un des questionnements que le procès devra éclaircir réside dans la façon dont P., le chauffagiste, a été tenu au courant du contrôle officiel. «Il n'était pas présent, assure son avocate. Et il ne savait pas que la fermeture des installations avait été demandée.» J. L. et P. décident cependant d'installer des détecteurs de gaz, et selon eux, tout va bien. Pourtant, les jours suivants, cela est indiqué dans le dossier, ces capteurs sonneront de temps en temps. Mais les témoignages des campeurs face au procureur signalent aussi que les résidents n'avaient pas été informés que les capteurs révélaient des traces de gaz mortel. Supposant le nouveau dispositif destiné à dissuader de prendre des douches trop longues, ou trop chaudes, ils l'arrêtaient eux-mêmes, ou ôtaient la pile… Le camping a été le théâtre de deux décès, en 2019 et 2020. Ils sont au cœur du procès qui s'ouvre ce lundi 18 août au Tribunal d'arrondissement de Lausanne. Yvain Genevay / Tamedia Le 20 novembre 2020, en début de soirée, une femme sort pourtant en courant des douches, apprend-on aussi dans le dossier d'instruction. Elle s'est sentie mal, «confuse», a pensé qu'elle allait tomber dans les pommes. Elle se rue à l'extérieur, puis rejoint son mobile home. Mais elle ne prévient pas non plus le gérant, parce qu'elle ne veut pas d'embêtements. Tôt le lendemain matin, 21 novembre, Karim T. va faire sa toilette aux sanitaires d'hiver. Il fait froid. Vivement la Bolivie. Le trentenaire ne ressortira jamais de la douche. Il y est découvert mort peu après. «On ne voit rien venir, soupire un spécialiste que nous avons consulté. L'air qu'on respire contient 21% d'oxygène. Si vous descendez en dessous de 15%, avec le monoxyde de carbone mal évacué, c'est aussi rapide qu'une flamme sous une cloche. D'une seconde à l'autre, on s'éteint.» Négligence seulement L'exploitant et le chauffagiste, toujours présumés innocents avant leur passage devant le Tribunal, sont poursuivis par la justice vaudoise pour deux homicides par négligence. Ils risquent 3 ans de prison maximum, possible sursis, ou une peine pécuniaire. L'avocat de la famille de Karim T., Filip Banic, résume la situation ainsi: «Un premier mort à cause de malfaçons des installations de chauffage, mises en place sans les compétences requises. Et ensuite, les mêmes prévenus, en pleine connaissance de cela, persistent à travailler sur le chauffage, et ne tiennent pas compte des contrôles. Un deuxième décès, pour les mêmes raisons, survient alors un an plus tard: c'est plus que de la négligence.» Me Banic soulèvera peut-être ainsi la question de la requalification de l'accusation en meurtre par dol éventuel, pour le cas de Karim T. Le dol éventuel, souvent manié avec prudence par la justice, signifie que les auteurs ont, par leurs agissements, accepté le risque de causer la mort, même sans l'avoir directement voulu. La peine possible serait alors considérablement aggravée: elle peut aller de 5 à 20 ans de prison. Quant au camping de Pra Collet, son avenir est incertain. Le propriétaire a dénoncé le bail pour 2026, et, fait-il savoir, «selon ce qui ressort du procès, Retraites Populaires se réserve le droit d'anticiper la fin des relations avec l'exploitant». Voilà désormais l'heure des fantômes. Gilbert et Karim, asphyxiés à Pra Collet pour avoir cherché un peu de chaleur, hanteront dès lundi 18 août le Tribunal d'arrondissement de Lausanne. Intoxications au monoxyde de carbone Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Christophe Passer, né à Fribourg, travaille au Matin Dimanche depuis 2014, après être passé notamment par le Nouveau Quotidien et L'Illustré. Plus d'infos Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
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Une rentrée de cauchemar pour le Conseil fédéral
Opinion La débâcle des F-35 et le fiasco des tarifs douaniers entament sérieusement la crédibilité du gouvernement. Éditorial Arthur Grosjean Correspondant au Palais fédéral Publié aujourd'hui à 08h35 Que ce soit pour l'achat des F-35 ou les négociations avec Trump, le Conseil fédéral a fait preuve de naïveté. Arthur Gamsa (Chancellerie fédérale) Les vacances sont finies, et pour le Conseil fédéral, la rentrée politique s'avère cauchemardesque. Coup sur coup, il se prend des claques, que ce soit sur les droits de douane imposés par les États-Unis ou l'achat des nouveaux avions de combat F-35. La faute à un Donald Trump imprévisible et à la loi du plus fort ? C'est la petite musique qu'on essaie de diffuser du côté de la Berne fédérale. Mais c'est oublier un peu vite la naïveté et l'aveuglement du gouvernement suisse dans les deux affaires. Mercredi dernier, le nouveau ministre de la Défense, Martin Pfister, annonce en termes alambiqués que le Conseil fédéral fait machine arrière. Après avoir encore joué les caïds en juin sur son prix fixe et garanti à 6 milliards de francs pour les F-35 , il lâche l'affaire. Il confesse que les «négociations» n'ont débouché sur rien et que la Suisse paiera le prix voulu par les Américains. Soit 650 millions à 1,3 milliard de plus. Un scandale? Pas selon Martin Pfister, qui n'y voit aucun problème avec les promesses faites au peuple en 2020 lors de la votation sur les avions. Il défend même sa prédécesseure Viola Amherd, qui martelait que la Suisse ne débourserait pas un franc de plus grâce à un contrat en béton… avant d'abandonner précipitamment son département en début d'année. Martin Pfister se réfugie derrière un avis de droit pour continuer à défendre la pertinence du «prix fixe». Mais il fait complètement l'impasse sur le fait que le Contrôle fédéral des finances avait tiré la sonnette d'alarme. Ce qui frappe encore, c'est la nonchalance avec laquelle le ministre centriste se dit prêt à signer de nouveaux contrats avec les Américains, bien qu'il déplore devoir accepter la loi du plus fort en cas de divergence. Et que dire de la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter? Cette conseillère fédérale solide a tellement été portée aux nues dans les médias qu'elle pensait sans doute pouvoir marcher sur l'eau. Résultat? Alors qu'elle se vantait d'avoir un bon contact avec Donald Trump en avril, elle s'est fait rouler dans la farine comme une débutante fin juillet. La Suisse hérite de 39% de droits de douane contrairement à l'Union européenne, au Royaume-Uni ou… au Liechtenstein. Un fiasco politique dû à un attentisme coupable et à une naïveté étonnante. Tout le monde commet des erreurs, certes. Et comme dirait le transparent ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, il est facile depuis le banc de touche de dire ce qu'il aurait fallu faire de mieux. Il n'en reste pas moins que cette rentrée politique cauchemardesque du Conseil fédéral risque de coûter cher à la Suisse, au propre et au figuré. Alors que le pays doit reconstituer ses réserves financières bien entamées après la très coûteuse crise du Covid, les partis auront beau jeu de dire que ce n'est plus le bon moment avec la crise américaine. De plus, un Conseil fédéral affaibli, avec une ministre des Finances dont l'étoile a pâli, pourra difficilement maîtriser le budget fédéral et empêcher l'explosion future des dépenses dans les assurances sociales. F-35 et droits de douane Arthur Grosjean est correspondant politique au Palais fédéral depuis août 2011. Il exerce la profession de journaliste depuis plus de 35 ans. Il a occupé diverses fonctions comme chef de rubrique (Suisse, Genève) et rédacteur en chef adjoint de la Tribune de Genève. Il a commencé sa carrière comme responsable des communes genevoises avant de s'occuper successivement de la politique de la Ville de Genève et celle du canton de Genève. Il écrit pour la Tribune de Genève, 24 Heures et le Matin Dimanche. Plus d'infos @arthurflash Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.