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Véronique Hivon : « il faut se réapproprier sa vie »

Véronique Hivon : « il faut se réapproprier sa vie »

La Presse03-08-2025
Cet été, nos chroniqueurs tendent la main à des artistes, à des politiciens et à des gens d'affaires qui se trouvent à un tournant de leur carrière. Patrick Lagacé s'est entretenu avec Véronique Hivon, l'ancienne députée péquiste qui a quitté la politique il y a bientôt trois ans… et qui a enfin l'impression d'avoir trouvé un nouveau moyen d'avoir de l'impact.
Une croisée des chemins peut durer le temps d'un éclair. Ou alors, prendre des années. Dans le cas de Véronique Hivon, c'est un peu des deux. Elle a dit adieu à la politique en 2022. Elle estime être encore un peu dans cette croisée des chemins qui est celle de tant d'ex-élus : la vie après la politique.
Quand La Presse a lancé l'idée de cette série d'été sur la croisée des chemins, j'ai pensé à l'ancienne députée péquiste. Je savais qu'elle avait trippé sur la politique, qu'elle avait longuement mûri son départ… Et que l'après-politique, pour beaucoup d'anciens élus – que l'après soit choisi ou imposé –, est une phase difficile.
À quelques mois des élections municipales, à un an et des poussières des élections québécoises, Véronique Hivon a partagé avec moi, le temps d'un café, quelques miettes de sagesse sur la croisée des chemins quand on laisse la politique… ou que la politique nous laisse.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Véronique Hivon
Elle commence par parler longuement de ce que fut la politique, pour elle. De sa première tentative pour se faire élire, en 2007. De son élection dans son patelin d'origine, Joliette, en 2008.
La politique, c'est un vortex, illustre-t-elle.
Les allers-retours sur la 40, dans la neige. La politique est une aventure humaine, politique, parlementaire qui a donné un sens à ma vie. Celle de faire une différence dans le combat, d'apporter des changements. Mais tu es toujours dans un vortex, dans une succession d'évènements. Action, réaction…
Véronique Hivon
Un vortex, c'est un tourbillon, qui peut vous aspirer, qui est plus puissant que vous. Une nouvelle sort à 6 h 45, dit l'ancienne députée, « et à 7 h, il faut avoir une position, une réaction claire, nuancée, informée », penser à court terme en essayant de ne jamais perdre de vue le moyen et le long terme. Un vortex permanent.
Dans le cas de Véronique Hivon, en 2008, elle apprivoisait simultanément deux tourbillons : celui de la politique et celui de la maternité.
« J'ai eu mon investiture en juin 2008. Le gouvernement de Jean Charest était minoritaire, le Parti voulait être prêt. J'ai été élue le 8 décembre 2008… Et quelques jours avant le déclenchement, nous avons eu la réponse du Viêtnam : une petite fille nous attendait… »
Véronique Hivon et son conjoint étaient en processus d'adoption depuis quelques années. Et là, à quelques jours des élections, le signal arrivait du bout du monde : votre petite fille vous attend !
« J'étais en campagne et mon chum m'envoyait des photos de sièges d'auto pour enfant, dit-elle…
— Donc : double vortex ?
— Double vortex ! »
Elle est tombée dans la politique et dans la maternité en même temps, ratant sa prestation de serment avec tous les députés pour cause de voyage d'adoption au Viêtnam. Elle ne regrette rien, la politique et la parentalité ont été des aventures pleines de sens.
La politique, la maternité : ça a commencé de façon intense. Et j'ai eu le sentiment pendant 14 ans que ça ne s'est jamais arrêté.
Véronique Hivon
Rien n'est parfait, mais quand même, le parcours de Mme Hivon comme députée est quelque chose comme un sans-faute : députée pendant 14 ans, ministre péquiste dans le court gouvernement minoritaire, admirée dans toutes les familles politiques pour son approche humaine et consensuelle, marraine (dans l'opposition) d'une loi qui a consacré une grande liberté, celle de choisir le moment de sa mort quand on est condamné par la maladie.
Nous arrivons, justement, à la croisée des chemins : elle annonce en 2022 qu'elle ne se représentera pas dans Joliette.
Après le vortex, le vertige ?
« Tu peux pas t'ancrer en quelques semaines. J'ai pris une année de transition. Juste pour… vivre. Faire des lunchs à ma fille, la déposer à l'école, aller la voir en compétition. Mon Dieu que j'avais du bonheur et de l'émerveillement ! Je me suis remise en forme. J'ai fait quelques conférences. Mais je n'ai pris aucun engagement. »
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Véronique Hivon
Au gré de la conversation, ses souvenirs prennent la forme d'une sorte de mode d'emploi pour l'après-politique.
« C'est beaucoup plus facile quand c'est ton choix. Quand tu décides de ne pas solliciter un autre mandat, comme je l'ai fait. Parce que tu as fait la démarche, la réflexion. C'est plus facile que quand les électeurs te disent 'au revoir'… Ce qui, des fois, peut être violent. »
À ceux qui vont subir la défaite électorale, elle dit : « Il ne faut pas le prendre personnel, même si tu t'es donné. C'est généralement pas toi qui es rejeté. On vit des campagnes électorales basées sur les chefs, il y a des désirs de changement dans la population… Et je le dis : il peut y avoir du beau dans la vie après la politique ! »
Après la politique, observe Véronique Hivon, il ne faut pas être dans l'insécurité de la suite : « Il faut se réapproprier sa vie. Tu trippes. C'est une passion. Et ça devient une partie de ton identité, d'être député. »
Et c'est ça qui est dur : quand tu pars, tu délaisses une partie de ton identité. Alors tu fais face à des questions : qui es-tu, hors de la politique ? De quoi tu as envie ? Moi, j'ai apprécié comme ça se peut pas ces 14 années. Mais je me suis dit : tu verras ce qui s'en vient.
Véronique Hivon
Règle d'or, pour elle : ne rien forcer, ne rien choisir. S'accorder une véritable période de décompression. Je devine en écoutant Véronique Hivon que cet espace entre la fin de la politique et la suite de la vie est plein de brouillard.
« J'ai eu des mains tendues, des offres. C'est un luxe et j'en suis consciente. Mais j'ai résisté. Je ne voulais pas m'engager trop vite. Donc, mon conseil aux élus qui doivent penser à l'après-politique est le suivant : donnez-vous du temps. Surtout quand vous perdez votre élection. À ceux qui vont perdre, il y a un deuil à faire. Votre GPS va inévitablement vous dire : 'Recalcul en cours'… Même quand tu y as réfléchi avant. »
Pour Véronique Hivon, cette période tampon a été « payante », ça lui a permis de rester plusieurs mois à la croisée des chemins, à vivre et à penser à l'après. Avec le recul, elle estime avoir fait les bons choix : « Je me suis construit une après-vie politique avec différents morceaux… »
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Véronique Hivon
Dans la première année, rythme mollo : ici, des présences dans des conseils d'administration. Là, des conférences. Réapprivoiser sa vie, la vie. Et la suite. Réfléchir à la meilleure façon d'être utile et d'avoir de l'impact, deux étoiles polaires qui étaient claires pour elle en politique.
Comment avoir de l'impact, être utile, après la politique ?
Est arrivée cette offre de l'Université de Montréal : « Avez-vous envie d'enseigner, madame Hivon ? »
Le choix universitaire revenait toujours en haut de ma liste quand je pensais à l'après-politique. Parce qu'il y a plein de possibilités à l'intérieur de cette possibilité. Recherche, conférences, enseignement. Et, aussi, la possibilité de toucher à plein de sujets : c'est plus horizontal que vertical.
Véronique Hivon
Un an après avoir quitté la politique, Véronique Hivon est donc devenue professeure invitée à la maîtrise en sciences politiques de l'Université de Montréal, où elle est aussi chercheuse-praticienne à la Maison des affaires publiques et internationales.
En politique, elle se sentait utile et elle avait un impact, dit-elle. Dans la vie universitaire, elle se sent utile à enseigner la pratique du politique, à expliquer comment on passe d'une idée à une politique publique : « J'ai un sentiment d'utilité dans la transmission. »
Et à la Maison des affaires publiques et internationales, Véronique Hivon essaie de corriger une lacune dont elle a souffert en politique : le manque de liens entre la recherche universitaire et la prise de décisions publiques. « Je trouvais que les universitaires n'avaient pas assez le réflexe d'aller vers le politique, vers les décideurs. Alors j'organise des rencontres entre décideurs et chercheurs, c'est un incubateur de politiques publiques… »
Elle se sent utile, dans cette nouvelle vie. Pour l'impact, la politique en offre immédiatement, bien souvent. À l'université, dit Véronique Hivon, il faut intégrer qu'on travaille à moyen et à long terme. Ce qui ne la dérange pas, parce qu'en politique, elle était de celles qui prenaient justement leur temps : « On peut dire que ma croisée des chemins dure longtemps. À l'Université de Montréal, je peux essayer plein de choses. C'est un contrat annuel, renouvelable. C'est comme renouveler ses vœux, chaque année. Et je vis bien avec ça. »
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