
Cette voix que Rod Stewart n'a plus
« I just wanna make love to you / For twenty-four hours or more », clame Rod Stewart dans Tonight I'm Yours, la chanson avec laquelle il amorçait son spectacle, jeudi soir, sur les plaines d'Abraham.
Rod Stewart pourrait-il vraiment faire l'amour durant 24 heures ? Compte tenu de ses 80 ans, il est permis d'en douter, bien qu'avec l'aide de la pharmacopée moderne, aucun rêve ne soit interdit.
Mais Rod Stewart pourrait-il chanter durant 24 heures ? Dès la deuxième chanson, il y avait de quoi craindre qu'il n'arrive pas à se rendre jusqu'à la fin de la soirée. Les vidéos de sa performance de dimanche dernier au festival de Glastonbury en Angleterre ne nous avaient pas menti : Rod n'a plus vraiment de voix, ou en tout cas n'a vraiment plus cette voix souple, vigoureuse, féline, la voix même de la luxure, grâce à laquelle il a écrit quelques-unes des pages les plus dévoyées de l'histoire du rock.
Ce que Rod n'a certainement pas perdu, c'est son sens de l'outrance. Veston doré sur gilet doré sur chemise blanche bouffante aussi déboutonnée que celle de Paul Piché ; le premier look de Rod le Mod faisait passer le château de Versailles pour un monument de sobriété.
En mars dernier, Rod Stewart a amorcé au Caesars Palace de Las Vegas une résidence qui se poursuivra à l'automne. Et jeudi soir, sur les Plaines, c'était comme si Vegas était venu à nous, avec ce long podium blanc qui occupait la moitié de la scène, ses musiciens en costard et ses choristes et musiciennes en robe à paillettes.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Nul doute, l'énergie de Rod Stewart était bien au rendez-vous !
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Les choristes et musiciennes ont souvent sauvé ce spectacle.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE On avait par moments l'impression que Vegas était venu à nous.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Les musiciens avaient aussi de l'énergie et bien du talent à revendre.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE
Nul doute, l'énergie de Rod Stewart était bien au rendez-vous !
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Ces musiciennes qui jouaient du violon, du xylophone, de la harpe (!) ont d'ailleurs souvent sauvé ce spectacle de l'inertie qui menaçait de s'y installer.
La voix de Rod s'est un peu replacée durant Tonight's the Night, la sixième chanson au programme, et c'était déjà le temps pendant Forever Young d'un premier changement de costume, une magnifique chemise à motif léopard (encore plus déboutonnée que la précédente) et un pantalon toujours à ce point serré qu'on se demande comment il arrive à s'en extirper.
Plus un jeune loup
Même si Rod n'est plus un jeune loup depuis longtemps, une nouvelle vie semblait commencer à s'emparer de lui durant Young Turks. L'occasion pour l'octogénaire de se trémousser de cette inimitable manière qui est la sienne, à la fois gauche et convulsive, fabuleuse et risible, comme par à-coups, comme un poulet qui ne sait pas sur quel pied danser, comme quelqu'un qui aurait une envie pressante d'aller aux toilettes.
« Maintenant, je vais vous titiller », a annoncé Rod, et on ne s'attendait pas à moins d'un tel séducteur. Nous titiller ? Allez-y, monsieur, vous avez notre consentement. Retour en 1972, une des meilleures années de sa carrière, et à sa costaude version d'I'd Rather Go Blind d'Etta James, un blues éploré, très exigeant vocalement, que Sir Rod a trouvé le moyen de modeler aux limitations de son organe atténué par les années.
Pourquoi pas un autre changement de costume ? Rod Stewart a quitté la scène, puis est revenu après une interprétation que personne n'avait demandée de Lady Marmalade par ses choristes. Si nous avions été dans un casino de la Strip, c'est à ce moment que nous serions allé glisser quelques sous dans une machine. Mais Rod est vite réapparu dans un splendide habit jaune sur chemise bleue.
Après un intermède de quelques ballades, il faudrait se farcir un autre numéro mettant en vedette les choristes (Hot Stuff de Donna Summer), mais heureusement, Rod Stewart s'était gardé de grosses munitions pour la fin (avec, en sus, un ultime changement de fringues).
D'abord Baby Jane (1982), puis Rhythm of My Heart, une chanson turbo pompeuse de 1991, dédiée jeudi soir au people ukrainien, au président Volodymyr Zelensky (dont la photo est apparue sur l'écran géant) et aux soldats ukrainiens, qui ne reçoivent aucune aide de « fuckin' Trump ».
Rod Stewart a même esquissé une sorte de bras d'honneur et marmonné quelque chose au sujet de la menace du président américain de faire du Canada le 51e État. Sous les froufrous et les bijoux, il y a toujours eu cet attendrissant défenseur du peuple, qu'il est difficile de ne pas aimer.
Après Da Ya Think I'm Sexy ?, son tube disco de 1978 que les traditionalistes n'ont pas encore digéré, il fallait bien se refaire une pureté avec Stay With Me des Faces, le meilleur groupe rock anglais à ne pas porter le nom The Rolling Stones. Ce groupe avec lequel Rod Stewart a pulvérisé tant de chambres d'hôtel, fait tant de galipettes avec tant de groupies, reniflé tant de poudre (pas si) magique.
Avec toute cette débauche, Rod Stewart aurait pu mourir il y a longtemps. Mais il était encore là, devant nous, à se taper les foufounes, à se brasser le bonbon, à faire de son mieux pour chanter. La soirée se conclurait sur Having a Party de Sam Cooke, un des grands de la soul américaine à qui Rod a tôt eu envie de ressembler. Il faudrait bien le reconnaître : le monsieur sait encore faire lever un party.

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Festival de Lanaudière : faire du 9 avec du neuf
Festival de Lanaudière : faire du 9 avec du neuf Pour l'ensemble à cordes collectif9, l'année 2025 se déroule plus que bien : un prix Juno, deux prix Opus, des apparitions dans nos grands festivals de musique, dont ce samedi soir à Lanaudière, le 25 juillet à Orford, sans oublier la Virée classique de l'OSM. Tout ça avec un répertoire original, en grande partie fait de créations et d'arrangements. En 2021, l'ensemble osait présenter un disque consacré à Gustav Mahler, No Time for Chamber Music : non seulement il se permettait de sélectionner des extraits dans les immenses symphonies de Mahler, mais il les arrangeait pour 9 cordes avec une palette sonore pleine d'imagination. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:30 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. Text Color White Black Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Text Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Transparent Caption Area Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Transparent Semi-Transparent Opaque Font Size 50% 75% 100% 125% 150% 175% 200% 300% 400% Text Edge Style None Raised Depressed Uniform Drop shadow Font Family Proportional Sans-Serif Monospace Sans-Serif Proportional Serif Monospace Serif Casual Script Small Caps Reset Done Close Modal Dialog End of dialog window. En explorant la production du groupe, je suis frappée par le désir de ce dernier de faire du concert une expérience de communication globale : collectif 9 capte l'attention et la soutient. Comment se construit cette force ? Je pose la question à Thibault Bertin-Maghit, contrebassiste, fondateur et directeur artistique de collectif 9, ce nonette créé en 2011. Le numéro de téléphone qu'on me donne pour le joindre comporte quatre fois le chiffre 9, ça commence bien. « L'inattendu, la découverte, c'est ce que je veux insuffler », me dit d'abord Thibault, fébrile à l'idée d'occuper le magnifique amphithéâtre de Joliette samedi soir, très heureux de l'invitation du directeur artistique Renaud Loranger. « Quand les gens se présentent, on ne veut pas qu'ils sachent le comment, ni la fin de l'histoire. » PHOTO TAM LAN TRUONG, FOURNIE PAR COLLECTIF9 L'ensemble collectif9 a été créé en 2011. Très souvent, les orchestres veulent au contraire attirer le public avec des œuvres dont on connaît bien la fin de l'histoire : la 5e de Beethoven, les Quatre saisons ou Carmina Burana font toujours salle comble. Mais avec un programme comme celui de samedi soir, intitulé Folklore contemporain, on est dans l'inédit. Les œuvres seront présentées au public, on racontera leur lien avec différents types de musique populaire : le compositeur Vijay Iyer s'inspire du légendaire James Brown, Giovanni Sollima propose un folklore jazzy, alors que la compositrice Nicole Lizée reprend certains codes du cinéma. Est-ce à dire que collectif9, en s'éloignant des standards du répertoire, promet plutôt des… expériences ? Thibault Bertin-Maghit trouve comme moi que ce mot est servi à toutes les sauces. Ça passe d'abord par une communication très forte entre les neuf musiciens, à tout moment, et à toutes les échelles du groupe : on ne veut pas que la partition coupe ce contact. Thibault Bertin-Maghit, contrebassiste, fondateur et directeur artistique de collectif9 Le fait que le directeur artistique soit le contrebassiste de l'ensemble participe beaucoup à cette circulation du courant entre les musiciens : ça brise la hiérarchie conventionnelle qui fait généralement partir l'énergie musicale de l'avant-scène, de la baguette d'un chef ou du violon solo. Thibault avoue se nourrir du talent de ses collègues et chercher sans cesse à les faire briller : voilà où le nom du groupe prend tout son sens. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:29 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. Text Color White Black Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Text Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Opaque Semi-Transparent Transparent Caption Area Background Color Black White Red Green Blue Yellow Magenta Cyan Opacity Transparent Semi-Transparent Opaque Font Size 50% 75% 100% 125% 150% 175% 200% 300% 400% Text Edge Style None Raised Depressed Uniform Drop shadow Font Family Proportional Sans-Serif Monospace Sans-Serif Proportional Serif Monospace Serif Casual Script Small Caps Reset Done Close Modal Dialog End of dialog window. « On considère aussi ce qui dépasse la partition : la mise en espace, les éclairages », continue Thibault Bertin-Maghit. « Ça attire un public multigénérationnel et curieux. » Avec certains programmes, comme Rituæls, dont l'enregistrement a gagné un Juno en mars, on pousse la forme plus loin : toutes les œuvres s'enchaînent, sont mises en espace et éclairées pour plonger le spectateur dans une expérience sonore et visuelle presque spirituelle. 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Le Festival d'été de Québec poursuivi pour défaut de paiement de redevances
Parmi les 11 groupes et artistes cités dans la poursuite, on retrouve les groupes Les Trois Accords, Karkwa, Alexandra Streliski et le groupe rock montréalais Half Moon Run (notre photo). Le Festival d'été de Québec poursuivi pour défaut de paiement de redevances (Montréal) Alors que le Festival d'été de Québec (FEQ) tire à sa fin, il fait l'objet d'une poursuite de la SOCAN pour violation de droits d'auteur et défaut de paiement de redevances depuis environ trois ans, révèle The National Post. La Presse Canadienne La poursuite déposée à la Cour fédérale allègue que les organisateurs du festival « n'ont pas payé de redevances ou soumis de formulaires de rapport à la SOCAN depuis juillet 2022 », selon ce qu'a révélé le quotidien vendredi. Le Festival international d'été de Québec Inc. et l'agence BLEUFEU, qui est derrière le FEQ, sont nommés comme étant les défendeurs dans cette affaire. La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est responsable de l'octroi des licences et de la collecte des redevances sur la musique sous licence au Canada. Elle représente plus de 200 000 auteurs, compositeurs et éditeurs canadiens, ainsi que des millions d'ayants droit à travers un réseau de plus de 100 sociétés de gestion dans plus de 200 pays. Parmi les 11 groupes et artistes cités dans la poursuite, on retrouve les groupes Les Trois Accords, Karkwa, Alexandra Streliski et le groupe rock montréalais Half Moon Run. « La SOCAN demandera réparation à l'égard de toutes ces activités », indiquent des documents judiciaires obtenus par The National Post. Dans la poursuite, la SOCAN allègue que « les organisateurs se sont appuyés sur leur statut fiscal en tant qu'organismes de bienfaisance pour les exempter de payer des redevances aux créateurs de musique et à leurs éditeurs lorsque leur musique est jouée sur les lieux du festival », précise le quotidien. Les organisateurs du FEQ n'ont pas répondu à la demande de commentaires du National Post. Le Festival d'été de Québec va se conclure dimanche, après dix jours de programmation. C'est le chanteur Farruko, l'une des figures les plus influentes de la musique latine et du reggaeton, originaire de Porto Rico, qui va clore les festivités sur les Plaines d'Abraham dimanche soir, à compter de 21 h 30. Samedi soir, c'est la vedette de musique pop et country Shania Twain qui va divertir la foule.


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2 hours ago
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Dimanche matin, dans un cimetière de Frelighsburg
Le centre d'art Adélard présente un projet en plein air qui nous fait sortir de notre circuit classique. D'une poignée de terre regroupe des œuvres de cinq artistes dans des cimetières de Frelighsburg, ou tout près de ce village des Cantons-de-l'Est. Voici cinq conseils pour tirer le meilleur d'une visite, en tout ou en partie, de cette exposition-évènement. Comment visiter les cimetières ? Adélard conseille de faire la tournée des cimetières à vélo – il y a un locateur au village. C'est une belle idée si vous êtes un bon cycliste ; autrement, oubliez ça – les habitués connaissent cette route qu'on ne fait pas avec une bicyclette munie d'un panier d'osier. Trois des cimetières sont assez loin du village pour avoir mal aux mollets une fois rendu. La route sera encore plus longue si vous faites tout le chemin et que vous arrivez dans un cimetière où vous ne trouvez pas l'œuvre, c'est assez choquant (cas réel…). Pourtant, les œuvres sont accompagnées d'un panneau explicatif, que je n'ai pas trouvé non plus, dans un des cimetières. Ce qui en a fait une visite de cinq cimetières, mais seulement quatre représentations artistiques. Ça valait amplement l'exercice. Et si vous souhaitez vraiment faire l'exercice (au sens propre !), Adélard offre des visites guidées à vélo les 20 juillet, 16 août et 12 octobre, de 14 h à 16 h, sur inscription. Quand y aller ? Ces endroits sont peu fréquentés, alors tous les moments sont bons pour les visiter. Les cimetières sont accessibles en tout temps, il n'y a pas d'enjeu d'horaire. J'y suis allée tôt un dimanche de juillet. Il n'y avait pas âme qui vive ; que mon chien et moi dans chacun des cimetières. C'était absolument magique. Certains endroits sont tout petits, cachés pratiquement. On peut aisément passer devant rapidement sans les voir si on ne les cherche pas. Ils sont un peu mystiques. 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Le Bishop Stewart Memorial Cemetery se trouve à cinq minutes de marche du cœur du village, derrière une église. On y trouve la très belle Offrandes, l'œuvre de Frédéric Lavoie. PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Dans le fond du cimetière Bishop Stewart Memorial se trouve la pièce de Frédéric Lavoie. Cet artiste-naturaliste a installé un drap au fond du cimetière sur lequel on trouve un vol d'oiseaux, mais aussi des espaces pour que les oiseaux viennent s'y poser. Si vous êtes très chanceux, vous serez témoin durant votre visite d'un moment de grâce où l'art et la nature seront en communion. Plus loin, sur le chemin Pinacle, la pièce prompts for attunement de l'artiste naakita f.k. est belle et percutante. Elle se trouve dans le cimetière Deming qu'on dirait sorti d'un film. PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Vue de prompts for attunement de l'artiste naakita f.k. La commissaire Noémie Fortin a fait un travail de curation exceptionnel. Les œuvres sont très différentes les unes des autres, mais le thème liant est solide. Ce qui permet de se situer face à chacune, qu'on aime ce genre d'exposition in situ ou que l'on ne fréquente pas du tout l'art actuel. Certaines pièces, celle d'Eve Tagny, par exemple, ne peuvent pas laisser indifférent. Aucune, en fait. Quoi mettre dans ses bagages ? On sait que l'art est au-dessus des considérations de ce genre, mais il fallait absolument vous livrer ce conseil : apportez du chasse-moustiques. Les mouches noires et autres bibittes n'avaient absolument pas envie de me laisser tranquille pour faire la lecture des panneaux dans deux des cinq cimetières et, franchement, ça a précipité le départ. C'est embêtant – parce que ces lieux nous donnent envie de rester un peu. Et, oui, de s'y recueillir. Les œuvres choisies par la commissaire y invitent fortement. Si vous vivez une émotion sur place, ça serait bien que vous puissiez avoir le temps de la vivre pleinement. Les moustiques n'avaient pas eu le mémo en ce dimanche matin… Consultez la page de l'exposition