
Mon Vermont
À la douane du Pinacle, le douanier américain était un Noir, un des 17 qui vivent au Vermont. J'exagère, bien sûr. Ils doivent être au moins 40. Pour des statistiques plus officielles, allez voir sur le Net, mais je vous avertis qu'elles sont fausses. On va vous dire, par exemple, que le Vermont est tout petit ; or, le Vermont est bien plus grand que le Texas. Au Texas, les distances sont incroyables entre deux points, c'est vrai, mais au Vermont, y a même pas de point. Y a rien. Pas de Noirs, pas de Blancs non plus.
Samedi après-midi, j'ai roulé 200 milles sans rencontrer personne. Du côté de St. Johnsbury, par exemple, j'ai coupé par des chemins de terre pour aller chercher l'autoroute 91. Les chemins de terre étaient déserts – on ne s'en étonnera pas – mais la 91 aussi, dans les deux sens, pas une auto sur des kilomètres. C'est pour cela que le Vermont est le plus beau pays du monde : parce qu'on y est seul au monde.
Le Noir de la douane ne m'a rien demandé ou presque. En échange, je ne lui ai pas demandé s'il allait voter pour Obama. Je ne me suis pas arrêté non plus aux premières fermes avant Richford tenues par des francophones, des Rainville, des McLellan-Meilleur, des Joyce-Coutu. Ils me voient débarquer dans leur cour à chaque élection américaine. Ils doivent être tannés, mais moi aussi. D'ailleurs, je le sais, ils votent républicain. Ce n'est pas pour mal faire, c'est pour faire comme leurs voisins ; c'est bien assez de s'appeler Louise Coutu sans aller, en plus, voter démocrate comme un « flatlander ».
Je ne me suis arrêté nulle part avant Woodstock, si vous voulez savoir. Woodstock est une jolie petite ville au début du sud du Vermont, beaucoup trop jolie, en fait, et même totalement imbuvable l'été mais, à ce moment-ci de l'année, attendrissante comme le sont la plupart des sites touristiques en novembre, laissés aux seuls « locals » qui tètent leur café au Coffee and Tea House.
Trois crèmes brûlées s'étiolaient dans la vitrine de la pâtisserie Alléchante (ça ne s'invente pas !). Elles auraient été perdues si je ne les avais pas achetées pour aller les manger – toutes les trois, oui madame – au Benthley's pub en regardant, d'un œil, les Pacers planter les Celtics et, de l'autre œil, en finissant de lire La Presse, cette section Forum que je lis toujours en dernier, quand je la lis.
Trois articles sur Obama. Deux signés par des confrères avec lesquels je ne partage rien, et le troisième signé Gregory Charles. J'ai applaudi aux trois articles, surtout à celui de Gregory, pourtant des trois signataires celui qui me hérisse le plus parce que lui, en plus, il chante.
C'est quand même troublant, cette communion de gens qui s'hayissent habituellement, non ? Je veux dire, cet Obama, c'est un fakir ou quoi ?
Je veux dire : on applaudit tous ensemble parce qu'il marche sur les eaux, mais dès mercredi on va bien voir que c'était rien qu'un truc, ou bedon…
OU BEDON c'est vrai : il nous rend déjà moins cons les uns et les autres (mais surtout les autres). Ne me répondez pas.
J'ai demandé au garçon s'il pouvait mettre la télé au match des Bruins. Non, il ne pouvait pas. Bon, ben d'abord apporte-moi à lire et un autre porto pour faire glisser ma crème brûlée.
Il m'a apporté le Burlington Free Press, qui a aussi une section Forum. Dans leurs lettres, les Vermontois paraissent plus préoccupés par les enjeux locaux de l'élection de demain, sauf un, qui prévenait qu'« Obama would put Vermont under attack » avec sa politique du contrôle des armes. On ne pourra plus se défendre, déplorait-il. « Old Vermont is gone », notre culture est maintenant dominée par les « collectivistes ».
I drink to that. Au fait, ce n'est pas vrai : Old Vermont est toujours là, dans les vallons, avec ses pancartes McCain plantées dans les parterres des maisons de ferme. Surtout au nord. Plus on descend, plus il y a du Obama. Même que tout à fait au sud, à Brattelboro, par exemple, lors d'une assemblée municipale, en mars dernier, il a été demandé à la police d'arrêter le président Bush si jamais il mettait les pieds au Vermont, le seul État où il n'est pas allé une seule fois en huit ans1.
Le Vermont va voter Obama, c'est sûr, mais pas comme on le croit parce qu'il a la fibre démocrate, que ses « farmers » largement minoritaires sont noyés dans une majorité gauchiste, universitaire, communautaire et quoi encore. Le Vermont a voté Nixon, a voté deux fois Reagan et a voté Bush père (jamais le fils). Son gouverneur républicain devrait être réélu, ses deux sénateurs sont démocrates, même que l'un, Bernie Sanders, s'autoproclame socialiste. Il y a aussi Howard Dean. Vous vous rappelez sûrement ce curieux moineau qui avait lutté contre Kerry en 2004 pour l'investiture démocrate ? Il est toujours dans le décor.
Allons bon, j'avais promis à mes patrons de ne pas parler élection pour ne pas leur faire honte. Que, s'ils le voulaient bien, j'irais trois ou quatre jours au Vermont pour rien, pour, disait Gracq, retourner une autre fois au carrefour de la poésie, de la géographie et de l'histoire parce qu'au fond il n'y a pas d'autre sujet qui importe (Julien Gracq est mort il y a un an, un immense écrivain). Bref, le Vermont est pour moi ce carrefour de la poésie et de la géographie. De l'histoire aussi, mais pas comme Gracq, qui faisait référence à ces paysages européens, les sombres Ardennes par exemple, que l'Histoire a singularisés en en faisant le théâtre d'évènements tragiques.
Mon histoire avec le Vermont est seulement une histoire très intime, une histoire de paysage, oui, mais aussi de mémoire, d'écrit, de silence – de tout, quoi.
Tiens, samedi. Au lieu-dit Belvedere Corners, il y a ce lac magnifique, tout seul, sans rien autour, pas une maison, le lac Long, beau comme le lac de Garde devait être il y a 500 000 ans avant que les Italiens y construisent des villas d'Italiens de Saint-Léonard. Le lac Long, donc, et plus loin, en descendant vers Eden, il y a des prairies et, dans l'une d'elles, des vaches noires. Vous en avez déjà vu ? Pas noires et blanches. Ébène. Noires-noires. Des veuves si noires qu'elles mettent la prairie en deuil. Je me suis arrêté comme, dans un musée, on s'arrête soudain devant une toile parce qu'on vient d'y voir quelque chose que le peintre ne montre pas. La mort, par exemple.
Je dis ça mais je ne vais jamais dans les musées. Je vais au Vermont.

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La Presse
2 hours ago
- La Presse
L'art de vivre
Cette chronique a été publiée le jeudi 7 septembre 1989, en page A5. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque. J'ai mal calculé mon coup. J'aurais dû prendre mes vacances juste après le zoo. M'en aller loin. Éviter tout ça. Les élections, les BPC, le plomb. Je brette depuis deux semaines. Les boss chicanent : « T'es en vacances ou pas ? » … Je sais pas, bon. Disons que je suis dans une espèce de flouxe existentiel. Même que certains jours sont plus flux que flouxe. Anyway… Cette chronique-ci et une autre samedi, et c'est fini, je tombe en vacances pour vrai. Ce ne sera pas un luxe. J'ai passé un été super rushant, merci… Ce n'est pas sur la job que j'ai rushé, non. Il n'y a pas que la job, mon vieux, y'a la vie. Tré-pi-dante, la vie, depuis le printemps, du côté de St-Armand. Plus que trépidante : trépignante, tressaillante, tressautante et même très sautée. Mais le mot juste serait plutôt : trépassante. Pour vous dire à quel point très passante, la vie à Saint-Armand, depuis le mois de mai, il est passé chaque jour, devant chez moi, jusqu'à 48 camions de 28 tonnes. Est-ce assez très passant pour vous ? … Ils refont la route, quatre kilomètres plus bas. Rien de futile donc, c'est entendu, mais c'est la manière… Un beau jour de mai, 48 camions qui passent et qui brassent. Bon, une sale journée. On se dit que ça ne durera pas. Mais le lendemain même chose. Et ça dure la semaine. Et la semaine d'après, et le mois… Pas un mot d'explication ou d'avertissement, ou d'excuse. Rien. Fuck ! Pourquoi pas une circulaire comme le fait l'Hydro pour ses réparations. De telle date à telle date, etc. Mais non, au lieu de cela ils arrivent comme Attila. Otez-vous du chemin on s'en vient, rentrez vos petits et vos chats. On me dira qu'avertis ou non, au bout de la ligne, c'est le même nombre de camions de gravelle. Oui. Sauf que, vous l'avez peut-être déjà remarqué, un bruit qui s'excuse dérange beaucoup moins qu'un bruit qui envahit. Autre chose. Ces camions eussent fait infiniment moins de tapage en passant moins vite. Plus de temps, donc. Plus d'argent. Mais pourquoi pas ? Pourquoi le temps de l'entrepreneur serait de l'or et pourquoi le mien et celui de mes voisins ne vaudrait rien ? Petite parenthèse. Je ne chronique pas ici sous le coup de l'exaspération. Les camions ne passent plus devant chez moi, les travaux sont finis ou presque… Ce qu'il y a cependant d'exaspérant dans ma petite histoire c'est, comment dire ? Le paradoxe de l'usager. Parce que, bien sûr, c'est pour son bien qu'on écœure l'usager. C'est lui qui profitera de la route quand elle sera terminée. En attendant, il est prié de fermer sa gueule quand passent les camions du progrès… De fait, l'usager, mon voisin, est plutôt content de ce qui lui arrive. Cette route qu'on se prépare à asphalter dans deux ou trois ans, ça fait vingt ans qu'il la réclame… Pourquoi l'usager, mon voisin, veut une route asphaltée entre Saint-Armand et Frelighsburg ? Fouille-moi. Pour gagner dix minutes ? Pour ne pas abîmer son pick-up dans les fondrières du printemps ? Pour attirer les touristes ? Personnellement, je le trouve superbe ce chemin de terre qui traverse un des plus beaux paysages d'Amérique. Et parfaitement praticable en toutes saisons. Pour l'asphalter on va devoir couper des centaines d'arbres, déplacer des maisons, araser des collines, redresser des courbes. Et le prix alors ! Cet été on a seulement aménagé un passage difficile, la traversée d'un marécage qu'il a fallu remblayer de copeaux, une travée de moins d'un kilomètre, coût des travaux : 300 000 $ ! Sans l'asphalte. 400 000 $ avec l'asphalte qu'on coulera dans trois ans. Imaginez, il y en a dix kilomètres comme ça… Mais le plus déraisonnable, là-dedans, n'est pas l'argent gaspillé. C'est le choix de société que cela implique. C'est-là la vraie question d'environnement. La première sinon la seule dont sont en train de nous éloigner et de nous distraire nos présents avatars écologiques. Qu'on pense à Saint-Jean. On s'excite beaucoup à la périphérie de l'affaire, sur des merdouilles électorales, sur l'éventuelle incurie du ministère de l'Environnement, sur les conséquences de l'accident lui-même… Ce ne sont pourtant là que des effets presque secondaires. Il y a tout de même bien eu, au départ, des responsables municipaux qui ont permis, que dis-je « permis », qui ont accueilli à bras ouverts, des pollueurs notoires dans un quartier résidentiel. Pourquoi ? Je l'ai entendu dire à la radio par un de ces responsables justement : Parce que ça crée des jobs et que ça rapporte des taxes à la ville, mon vieux. Des jobs et des taxes. Les deux mamelles du commerce que tous les épiciers de la terre ont toujours confondu avec le progrès. Anyway. Des jobs et des taxes, comme religion à la grandeur de la province. Et le développement comme fanatisme. Il n'y a pas un maire de village au Québec qui ne rêve pas de Bromont et de Hyundai. Je n'ai pas juste rushé sur les trucks de gravelle cet été. J'ai rushé aussi sur une scierie qui vient de s'installer pratiquement dans ma cour. Je suis allé voir pour parlementer, pour arranger quelque chose, je ne sais trop comment… J'ai été reçu assez froidement par un petit cadre qui m'a dit : – Écoute y'a des inconvénients, forcément, mais il y aussi des avantages… – Ah oui, lesquels ? – Ben ça crée des jobs… Sauf que ça créerait les mêmes jobs ailleurs. Je ne veux pas dire ailleurs, dans la cour d'un autre voisin. Je veux dire quelque part où il n'y aurait pas de voisins. Et encore là, le pire c'est peut-être la manière. Pas un mot. Personne qui vient frapper à ta porte qui dit : « Je suis votre nouveau voisin. Je suis désolé de faire du bruit, est-ce que vous l'entendez beaucoup ? » Je sais bien, ça ne changerait rien. Et pourtant ça changerait tout. Tout cela se tient. Les camions. Les BPC. Saint-Jean. La scierie. Tout cela trahit le même choix de société. Des jobs, des taxes, du développement, des services. Presque plus d'individus, mais des millions d'usagers. Tout cela participe de la même insensibilité. De la même civilisation sans civilité. De la même société techniquement très évoluée mais d'où est absent tout art de vivre. Quand M. Bourassa (et M. Parizeau) laissent entendre qu'ils vont donner plus de pouvoir et plus de budget au ministère de l'Environnement, je les trouve aussi pathétiques que M. Bush lorsqu'il croit lutter contre la drogue en payant 8 milliards d'heures supplémentaires à ses flics. L'art de vivre ne s'achète pas. Ça s'invente avec beaucoup de guts.


La Presse
2 hours ago
- La Presse
Des vacances pas loin
Les villages de Saint-Armand et de Frelighsburg ont été au cœur de plusieurs chroniques de Pierre Foglia. Il y était tout autant question de sa fiancée que de ses chats, de ses randonnées à vélo sur les routes du coin ou de l'autre côté de la frontière, au Vermont. Nous les republions sans altérer les mots qu'il a utilisés à l'époque. Cette chronique a été publiée le mardi 5 juillet 1988, en page A5. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque. Je parle du Vermont au moins une fois par année. Mon but, je l'ai déjà dit, est d'avoir un jour ma statue sur la Main à Burlington. Et j'espère qu'on gravera dans la pierre du socle : Le peuple vermontais reconnaissant à Pierre Foglia, grand ami de la nature et de la vache. Sans blague, le Vermont est, de loin, le plus bel État d'Amérique et un des plus beaux pays du monde. Cela aussi je le répète souvent, mais bizarrement n'en suis pas si convaincu puisque toujours en train d'aller le vérifier ailleurs, comme en Arizona ce printemps, en Toscane l'automne dernier et ceux d'avant. Cette fois pourtant c'est décidé, plutôt que d'aller me perdre dans les cactus, ou de me faire écœurer dans Sienne et Florence super-crowdées, je prends mes vacances ici. Je ne sais pas encore quand, mais ici. Je sors de chez moi, je tourne à gauche et là j'ai le choix : le chemin d'Enosburg ou celui de Montgomery. Celui de Jeffersonville ou celui de St-Albans. De toute façon c'est toujours le même chemin qui monte, qui descend, qui tourne tout le temps, entre dans le bois, débouche dans une prairie et s'arrête brusquement pour laisser traverser un troupeau de vaches pas pressées que conduit une gamine avec un bâton comme il y en avait dans mon livre de lecture il y a cent ans. J'aime la vache je l'ai dit. On fait au Vermont les plus beaux t-shirts de vache. J'en ai un où il est écrit sous une tête joliment bovine : Vermont : can 339 000 cows be wrong ? Non, 339 000 vaches ne peuvent pas se tromper. La vache est un mammifère très réfléchi, qui rumine longtemps avant de dire des conneries. Contrairement, par exemple, à l'oie. L'oie cacarde. Parfaitement, c'est écrit dans le dictionnaire. Je le précise au cas ou cela ne ferait pas l'affaire de quelques-un(e)s qui prendraient la chose « personnel », qui croiraient que je veux rire d'eux ou d'elles. L'oie cacarde je n'y peux rien. Et toute poursuite devra être adressée à la Société du nouveau Petit Robert, 107 avenue Parmentier, Paris, 11e. Pour les plaintes sur le Vermont, c'est à moi que vous devrez les adresser. Mais je suis bien tranquille allez, je n'en recevrai pas. Si l'on excepte les îles et la rive du lac Champlain gâtées par la pollution balnéaire, je mets au défi le touriste de bonne foi de me rapporter une seule monstruosité dans le reste de l'État. On trouvera en cherchant bien quelques camps de roulottes, parfois aussi quelques « resorts » de style hispano-laurentien aux abords des stations de ski (à Stowe par exemple), mais ce ne sont encore que des boutons, pas la lèpre généralisée des hauts lieux touristiques… Je lisais l'autre jour dans Vermont Life que Manchester, un des plus pittoresques villages du sud, était la proie des développeurs et qu'on ne pouvait plus y circuler tant le trafic y était lourd. Je suis donc allé y faire un tour, prêt, moi aussi, à verser une larme sur la charming sleepy town devenue centre commercial… Tu parles. Les écolos du Vermont devraient aller faire un tour du côté de Bromont pour comprendre toute la portée du mot « développement ». Manchester est certes devenu plus « touristique » avec ses nouvelles boutiques et ses quelques « outlets », mais rien de sauvage, pour l'œil du moins. Pour vous dire, entre l'église catholique et la banque il y a encore une ferme, avec des vaches… Dans Vermont Life on racontait que les yuppies de New York et de Boston débarquaient à l'heure du dîner chez les paysans et annonçaient avant même d'ôter leur chapeau : « 300 000 ! ». Le paysan s'étranglait alors avec son TV dinner et répondait : « OK ! » Sauf que ce n'est plus aussi simple de développer au Vermont. Après avoir perdu 11 pour cent de ses fermes laitières au cours des deux dernières années, le Vermont mène depuis un an un combat d'avant-garde en matière de conservation du territoire. Le mot d'ordre a été donné par la gouverneure elle-même, Madeleine Kunin : pédale douce sur le développement. Et ce grass-root mouvement a été largement repris dans l'Ouest où, par exemple, la mairesse de San Diego, Maureen O'Connor, déclarait récemment que : « Développement est devenu un mot négatif dans notre ville. Le progrès c'est bien, jusqu'à ce que tu vois de quoi il a l'air. Jusqu'à ce que tu le sentes. Jusqu'à ce que tu l'entendes… » (citée par Time, 25 janvier 88). Pour revenir à Manchester, je ne vous conseille quand même pas. Il y a mieux. Moins loin. Il y a Burlington d'abord, une bien agréable petite ville, dont le maire est socialiste, oui monsieur, le seul en Amérique du Nord (à moins qu'on se souvienne que Doré fut aussi socialiste jadis, mais je ne vois pourquoi qu'on s'en souviendrait, quand lui-même fait tout pour l'oublier)… Qu'est-ce que je disais ? Ah oui Burlington, petite ville très bourgeoise finalement, malgré son maire socialiste, avec des bons restaurants, des cafés-terrasses et ses 292 magasins de sport, qui en font une sorte de capitale du vélo, de la voile et de l'escalade. De Burlington tous les itinéraires sont possibles, toutes les idées sont bonnes. On remontera par exemple vers le nord par la 15, Cambridge, Jeffersonville… Personnellement c'est le milieu du Vermont que je préfère. Et le nord. Les routes marquées en noir sur la carte. Les chemins de terre aussi. Comme ceux du côté de Craftsbury. Comme celui entre Montgomery Center et Lowell. En vélo, mais aussi à pied, ou pépère en auto, pas vite. En s'arrêtant pour pique-niquer. Il y a deux semaines, j'étais un peu au nord de la capitale Montpelier, à Kents Corner, j'y allais pour un restaurant (le White House) qui devait se révéler sans intérêt. Et comme les chemins étaient de trop grosse gravelle pour qu'on s'y amuse en vélo, mon week-end semblait mal engagé… Sauf que 25 milles à l'ouest je trouvais la rivière Connecticut, la descendais jusqu'à Hanover, juste de l'autre côté de l'eau, au New Hampshire. Hanover est une superbe ville-campus, avec des parcs immenses où je suis allé lire quelques pages de mon maître Vialatte. Relire en particulier cette chronique de l'émerveillement qui commence ainsi : Où va l'homme ? De plus en plus loin. Mais il n'y va pas d'un seul coup… Parfois, entre les paragraphes, je prenais une grande respiration et me disais : « Mais pour l'amour du Christ qu'est-ce donc que je suis allé foutre en Arizona ? ». Et d'autres fois : « Pourquoi donc devrais-je aller à Venise, quand j'ai ici toute la beauté qu'il me faut ? Et même un peu plus. Et même un peu trop. À mon âge, il ne faut pas trop s'enflammer de beauté, parce que le désespoir qui vient après est glacé, et nous voilà avec une vilaine toux, docteur j'ai un point ici, non là un peu plus bas, arrêtez-donc, vous me chatouillez, grand fou. Qu'est-ce que je disais ?


La Presse
10 hours ago
- La Presse
Les victimes se sentent épuisées et angoissées par les querelles
(Los Angeles) Les femmes qui affirment avoir été agressées par Jeffrey Epstein sont sceptiques et inquiètes quant à la gestion par le département de la Justice des dossiers relatifs à ce délinquant sexuel condamné. Certaines plaident en faveur d'une plus grande divulgation publique, une mesure de transparence attendue depuis longtemps, tandis que d'autres expriment des inquiétudes quant à leur vie privée et aux motivations de l'administration Trump. Jake Offenhartz et Jaimie Ding Associated Press Dans des lettres adressées cette semaine aux juges fédéraux de New York, plusieurs victimes ou leurs avocats ont déclaré qu'ils soutiendraient la publication des témoignages devant le grand jury ayant conduit à l'inculpation d'Epstein et de son ex-compagne, Ghislaine Maxwell, si le gouvernement acceptait de les autoriser à examiner ces documents et à expurger des informations sensibles. PHOTO DÉPOSÉE EN COUR, AGENCE FRANCE-PRESSE Ghislaine Maxwell et Jeffrey Epstein Le département de la Justice a demandé au tribunal de prendre la mesure rare de rendre publiques les transcriptions de ce témoignage secret, notamment pour apaiser ceux qui pensent que le gouvernement a dissimulé certaines informations sur les méfaits d'Epstein. D'autres victimes, quant à elles, ont accusé le président Donald Trump de marginaliser les victimes afin de détourner l'attention d'Epstein, qui s'est suicidé en 2019 alors qu'il attendait son procès pour abus sexuels sur mineures. Certaines craignaient que l'administration, soucieuse d'éteindre le scandale, n'accorde à Maxwell la clémence, l'immunité contre de futures poursuites ou de meilleures conditions de détention dans le cadre d'un accord visant à la contraindre à témoigner devant le Congrès. Je ne suis pas un pion dans votre guerre politique. Ce que vous avez fait et continuez de faire me ronge jour après jour, contribuant ainsi à perpétuer cette histoire. Extrait d'une lettre d'une victime présumée remise au tribunal par son avocat cette semaine Une autre victime a ajouté, dans une lettre anonyme soumise mercredi : « Tout cela est très épuisant. » Maxwell a été reconnu coupable en 2021 d'avoir aidé Epstein à abuser sexuellement de mineures et purge actuellement une peine de 20 ans de prison. Un haut fonctionnaire du département de la Justice, le procureur général adjoint Todd Blanche, a interrogé Maxwell pendant neuf heures à la fin du mois dernier, affirmant vouloir entendre tout ce qu'elle avait à dire sur les méfaits commis par Epstein ou d'autres personnes. Après cet entretien, Maxwell a été transférée d'une prison fédérale de Floride vers un camp de détention de faible sécurité au Texas. Alicia Arden, qui a déclaré avoir été agressée sexuellement par Epstein à la fin des années 1990, a tenu une conférence de presse mercredi à Los Angeles. Elle a indiqué qu'elle soutiendrait la publication de documents supplémentaires liés à l'affaire, notamment une transcription de l'entretien de Maxwell avec Todd Blanche. Elle a également exprimé son indignation face à la possibilité que Maxwell puisse bénéficier d'une grâce ou d'un autre traitement de faveur dans le cadre de cette procédure, ajoutant que l'approche du département de la Justice avait été « très perturbante » jusqu'à présent. Des dossiers au cœur des rumeurs L'administration Trump a dû faire face pendant des semaines à la fureur de certains segments de la base politique du président, qui ont exigé la divulgation publique des dossiers liés à Epstein. Epstein fait depuis longtemps l'objet de théories du complot en raison de ses liens avec des personnalités riches et puissantes, dont Donald Trump lui-même, le prince Andrew et l'ancien président Bill Clinton. Le mois dernier, le département de la Justice a annoncé qu'il ne publierait pas d'autres dossiers liés à l'enquête sur le trafic sexuel impliquant Epstein. Les procureurs ont ensuite demandé la publication des transcriptions du grand jury, bien qu'ils aient indiqué au tribunal qu'elles contenaient peu d'informations qui n'avaient pas déjà été rendues publiques. Deux juges, qui décideront de la publication des transcriptions, ont ensuite demandé aux victimes de donner leur avis sur la question. Dans une lettre remise au tribunal mardi, les avocats Brad Edwards et Paul Cassell, qui représentent de nombreuses victimes d'Epstein, ont écrit : « Pour les survivants qui ont courageusement témoigné, le sentiment que Mme Maxwell est légitimée dans le discours public a déjà entraîné un nouveau traumatisme. » L'avocat de Mme Maxwell, David Oscar Markus, a déclaré cette semaine s'opposer à la publication des transcriptions du grand jury. « Jeffrey Epstein est mort. Ghislaine Maxwell ne l'est pas, a-t-il écrit. Quel que soit l'intérêt du public pour Epstein, cet intérêt ne saurait justifier une atteinte généralisée au secret du grand jury dans une affaire où l'accusé est en vie, ses recours juridiques sont valables et ses droits à une procédure régulière sont préservés. » Le département de la Justice n'a pas répondu à une demande de commentaires sur les déclarations des victimes.