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La médiation pour régler l'urgence environnementale

La médiation pour régler l'urgence environnementale

La Presse10 hours ago
Devant un nouvel échec pour conclure un accord sur la lutte contre la pollution plastique à Genève, les autrices militent pour la création d'un programme de médiation mondiale qui permettrait de mettre en place des mesures efficaces pour améliorer l'environnement.
Lyne G. Morissette
Ph. D., biologiste marine, médiatrice environnementale accréditée
Louise Otis
Juge internationale, médiatrice et arbitre
À Genève, du 6 au 15 août 2025, le monde avait rendez-vous avec l'Histoire : signer enfin un traité mondial contre la pollution plastique. Dix jours plus tard, il a récolté le néant. Pas de texte. Pas d'accord. Pas même un calendrier. Ce naufrage diplomatique n'est pas un incident isolé : c'est la démonstration brutale d'un système qui refuse de se donner les moyens de réussir.
Cette session, INC‑5,2 – le Comité intergouvernemental de négociation de l'ONU – était appelée « la réunion de la dernière chance ». Après les échecs d'Ottawa (INC‑4) et de Busan (INC‑5,1), on espérait enfin un accord, même partiel. Résultat : deux projets rejetés, des délégations campées sur leurs positions et des lobbies d'influence.
Le clivage était total. D'un côté, la High Ambition Coalition – Canada, Union européenne, Royaume-Uni, nations insulaires, pays africains – exigeait des plafonds de production plastique, l'interdiction de plastiques toxiques et une gestion du cycle complet, avec financement équitable. En face, le groupe Like-Minded – États producteurs de pétrole (Russie, Arabie saoudite, Iran, etc.), soutenus par d'imposants lobbies – refusait toute contrainte, préférant miser sur le recyclage.
Le Canada était du côté de la coalition environnementale : il a défendu une vision fondée sur la science, la solidarité et la régulation systémique.
Mais ce qui a littéralement miné le processus, c'est ce déséquilibre : 234 lobbyistes de l'industrie pétrochimique étaient présents à Genève – plus que les délégués scientifiques (une soixantaine) et les représentants des peuples autochtones (moins de 40) réunis, soit un ratio de 4:1 par rapport aux scientifiques, et près de 7:1 par rapport aux voix autochtones. Quand ceux qui génèrent le problème portent leur influence à la table des négociations, vous ne pouvez prétendre à un dialogue équitable.
Pendant que ces représentants d'intérêts privés portaient leur influence dans les coulisses (certains étant même intégrés dans des délégations nationales), la planète continuait de suffoquer : plus de 430 millions de tonnes de plastique produites annuellement, moins de 10 % recyclées, et jusqu'à 23 millions de tonnes qui finissent annuellement dans les océans. Le recyclage ne suffira jamais à endiguer ce tsunami ; ce qu'il faut, c'est réduire à la source.
Des atouts concrets
La médiation environnementale, ignorée de la diplomatie, a pourtant des atouts concrets. En Arizona, un accord historique a permis de concilier usages agricoles et sauvegarde d'un écosystème sensible. Au Pérou, une médiation locale a réduit la contamination des rivières de 30 % en un an. Résultat : des avancées tangibles là où les positions binaires avaient échoué.
Pendant que Genève échouait, le calendrier nous conduit déjà vers la prochaine grande messe : la COP30 au Brésil à l'automne. Avec des délégations pléthoriques, des agendas contradictoires et des pressions colossales des industries fossiles, cette COP risque fort de se terminer sans accord significatif. À défaut de médiation professionnelle, on rejouera le théâtre des postures, pendant que les émissions grimpent et que les écosystèmes s'effondrent.
Et ce n'est pas qu'une histoire de plastique ou de climat. La biodiversité s'écroule, les océans se vident de poissons, les forêts brûlent, les terres s'érodent, les villes suffoquent sous les vagues de chaleur.
Partout, les mêmes tensions : communautés locales contre gouvernements, science contre intérêts privés, générations futures contre calculs à court terme. Chaque enjeu est un champ de mines diplomatique. Sans médiation, ces mines explosent les unes après les autres.
Ce dont le monde a besoin, c'est d'une Unité mondiale de médiation environnementale : indépendante, crédible, indispensable. Une structure qui sait parler aux puissants et aux vulnérables, dans les couloirs de Genève comme dans les villages menacés par l'érosion. Sans elle, Genève restera le symbole d'un apparent rendez-vous manqué. Un avertissement. Et si nous continuons comme ça, les prochains sommets seront des copies conformes.
Arrêtons de naviguer à vue. Il nous faut des médiateurs. Maintenant. Tout de suite. Immédiatement.
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Agence France-Presse Ce qu'il faut savoir La Russie a prévenu que tout potentiel accord de paix devrait garantir sa « sécurité » et celles des habitants russophones en Ukraine ; Une trentaine de pays européens formant la « coalition des volontaires » se réunissent mardi pour discuter des garanties de sécurité au centre des discussions pour mettre fin à la guerre en Ukraine ; Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rencontré son homologue américain Donald Trump à la Maison-Blanche lundi après-midi, et une réunion incluant divers dirigeants européens a suivi leur entretien ; Vladimir Poutine s'est dit prêt à rencontrer Volodymyr Zelensky « d'ici deux semaines ». Pour sa part, la Russie a prévenu par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, que tout potentiel accord de paix devrait garantir sa « sécurité » et celles des habitants russophones en Ukraine, prétexte déjà brandi pour lancer son invasion en février 2022. « Ils sont prêts à envoyer des troupes sur le terrain », a assuré le président américain lors d'une interview accordée à Fox News, en faisant référence aux dirigeants européens rencontrés la veille à la Maison-Blanche. Il a par ailleurs ajouté qu'il était « prêt à aider », notamment via un soutien aérien, mais répondu « non » à une question sur l'envoi de soldats américains au sol. Le président américain, qui veut trouver une issue à la guerre au plus vite, a reçu lundi à la Maison-Blanche le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, accompagné par des dirigeants européens, après sa rencontre vendredi en Alaska avec son homologue russe, Vladimir Poutine. Tous ont salué des avancées notables sur le principe d'offrir des garanties de sécurité à l'Ukraine, qui restent cependant à mettre sur papier, et dit que le président russe avait accepté le principe d'un sommet avec M. Zelensky dans les semaines à venir. Le président russe a proposé lors de son appel téléphonique avec M. Trump lundi, de l'organiser à Moscou, selon trois sources proches du dossier. Mais Volodymyr Zelensky a refusé, d'après l'une de ces sources. PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Le premier ministre britannique, Keir Starmer, et le président français, Emmanuel Macron, co-présideront une réunion de la « coalition des volontaires », mardi. Le président français, Emmanuel Macron, a lui estimé qu'elle devrait avoir lieu en Europe, par exemple en Suisse, laquelle a dit être prête à offrir « l'immunité » au président russe, malgré son inculpation devant la Cour pénale internationale, à condition qu'il vienne « pour une conférence de paix ». Donald Trump a précisé que si tout se passait bien elle serait suivie d'une réunion tripartite avec lui-même. Force de réassurance Entretemps, la « coalition des volontaires », une trentaine de pays essentiellement européens soutenant l'Ukraine, s'est réunie mardi par visioconférence sous les auspices du premier ministre britannique, Keir Starmer, et du président français, dans le but de rendre compte des discussions avec MM. Trump et Zelensky. La prochaine étape prévoit « que les équipes de planification rencontrent leurs homologues américains dans les prochains jours » visant notamment « à préparer le déploiement d'une force de réassurance si les hostilités prenaient fin », selon un porte-parole du premier ministre britannique. Pour leur part, les chefs d'état-major des armées de l'OTAN se réuniront en visioconférence mercredi pour évoquer le conflit en Ukraine, a annoncé l'Alliance atlantique. L'Ukraine considère que, même si une issue est trouvée à cette guerre, la Russie tentera encore de l'envahir. Dans un entretien à la chaîne américaine NBC News, M. Macron n'a pas caché qu'il ne partageait pas l'optimisme de Donald Trump sur la possibilité d'arriver à un accord de paix en Ukraine. Vladimir Poutine est « un prédateur, un ogre à nos portes » qui « a besoin de continuer de manger [pour] sa propre survie », a-t-il dit. « C'est une menace pour les Européens ». Concessions territoriales La question des concessions territoriales exigées par la Russie à l'Ukraine pour mettre fin au conflit reste l'autre grande inconnue. Washington, comme les Européens, assure qu'elle doit être réglée directement entre Kyiv et Moscou. Dans l'est de l'Ukraine, qui concentre le pire des combats, les habitants avouaient avoir peu d'espoir. Vladimir Poutine « a violé tous les accords qu'il a signés, donc on ne peut pas lui faire confiance », a déclaré à l'AFP le soldat Vitaly, 45 ans. 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