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Renvoyée après 15 ans de travail bénévole

Renvoyée après 15 ans de travail bénévole

La Presse5 days ago
(Cantley) « Ils m'ont séparée de ma deuxième famille. » Atteinte de trisomie 21, Alix Parisien travaillait – bénévolement – depuis 15 ans à la succursale DeSerres de Gatineau. Puis, mardi, on lui a annoncé que c'était la fin.
Son gérant l'a informée qu'elle n'aurait plus de quart en raison d'une nouvelle logistique de livraison.
Une décision que s'expliquent bien mal ses parents, chez qui elle vit toujours, qui trouvent dommage que leur fille de 37 ans perde une occupation stimulante et qu'elle aimait beaucoup. « Quand on est content d'aller à sa job, ça change tout ! », dit son père, Robert Parisien.
« Il faut qu'elle soit accompagnée pendant des semaines pour être formée dans un nouvel emploi. Il faut tout recommencer maintenant », ajoute sa mère, Anne Buisson.
PHOTO THOMAS EMMANUEL CÔTÉ, LA PRESSE
Alix Parisien et ses parents, Robert Parisien et Anne Buisson
« Remercier une personne qui travaille bénévolement, sans l'accompagner dans une transition vers autre chose, ce n'est pas acceptable », commente pour sa part Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle.
Renaud-Bray, qui a racheté DeSerres à l'automne 2024, défend cependant sa décision.
« Je ne sais pas si on peut vraiment parler de licenciement parce qu'elle était bénévole », dit d'emblée Floriane Claveau, directrice des communications et des partenariats chez Renaud-Bray.
Mme Claveau explique que le rachat a amené plusieurs changements opérationnels qui faisaient que Mme Parisien – qui ne travaillait qu'une fois par semaine – se retrouvait parfois à ne rien faire.
Alix Parisien est très loin d'être la seule personne avec une déficience intellectuelle à avoir travaillé longtemps sans être rémunérée ou en étant sous-payée, comme l'a mis en lumière un récent dossier publié dans La Presse⁠1.
Dans son cas, ses parents expliquent que les dédales administratifs, notamment au début de son lien d'emploi, ont fait en sorte qu'il était difficile pour elle d'être rémunérée. Entre ne pas travailler ou travailler sans être payée, Mme Parisien et ses parents ont donc choisi le travail.
« Nous, ce qui nous convenait, c'était qu'elle puisse travailler, se lever le matin et avoir des collègues. »
Un travail qu'elle aime
Peintre née, Alix Parisien voit la vie en couleurs. « Elle fait ses épiceries par couleurs. Elle me dit des fois : 'Maman, on n'a rien de jaune pour la salade !' », raconte sa mère.
En plus des salades, elle se sert des couleurs pour peindre de jolies toiles, et ce, depuis des années.
PHOTO THOMAS EMMANUEL CÔTÉ, LA PRESSE
Alix Parisien dans son atelier
En 2010, Alix Parisien se trouve un emploi – non rémunéré – au magasin d'arts plastiques DeSerres, à Gatineau ; en plein dans sa palette. Elle s'occupe notamment de décharger les camions de livraison et de placer le matériel dans les rayons. Ce qu'elle aimait le mieux ranger ? « La peinture, évidemment ! »
Rapidement, elle prend goût au travail.
Travailler, ça permet de faire comme monsieur et madame Tout-le-Monde et d'être inclus dans la société.
Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle
Mme Parisien travaillait trois jours par semaine avant la pandémie, plus qu'une journée depuis. Elle ne pourrait pas travailler 40 heures par semaine. « Je serais trop fatiguée », avoue-t-elle sans gêne. Après ses quarts de 9 h à 15 h, c'était l'heure de la sieste.
« C'était tellement agréable de travailler avec Alix. Elle ne chialait jamais et c'est très rare qu'elle n'ait pas été souriante », raconte Alain Côté, l'ancien directeur chez DeSerres qui l'avait embauchée, à l'époque, comme stagiaire.
PHOTO THOMAS EMMANUEL CÔTÉ, LA PRESSE
La succursale DeSerres de Gatineau
Elle avait de quoi sourire : l'ambiance était bonne au magasin, ses équipiers venaient voir ses expositions et ses gérants lui donnaient même des conseils pour ses toiles.
Le rachat de DeSerres par Renaud-Bray, en octobre 2024, a cependant tout changé : un gérant a été licencié et d'autres équipiers ont quitté le commerce depuis. « Moi, je vais être la prochaine », avait-elle récemment dit à ses parents.
« Les conditions n'étaient pas réunies »
Pour les parents d'Alix Parisien, les raisons de l'employeur ne sont que des prétextes. « Ceux qui sont là actuellement veulent-ils vraiment avoir quelqu'un comme Alix ? », s'interroge Robert Parisien. « Il y a un effort humain à intégrer quelqu'un comme Alix. »
La diversité, ce n'est pas juste des questions ethniques ou LGBTQ+. La diversité, c'est aussi la différence et la déficience intellectuelle.
Anne Buisson, mère d'Alix Parisien
Renaud-Bray n'a pas de programme pour les personnes avec une déficience intellectuelle.
PHOTO THOMAS EMMANUEL CÔTÉ, LA PRESSE
« C'était tellement agréable de travailler avec Alix », raconte Alain Côté, l'ancien directeur chez DeSerres qui l'avait embauchée, à l'époque, comme stagiaire.
« Les conditions n'étaient pas réunies pour garder convenablement [Alix Parisien], dit Mme Claveau. À défaut, il valait mieux s'abstenir que de causer des problèmes. » Elle ajoute que Mme Parisien doit être suivie par d'autres employés, qui doivent « prendre le temps de lui expliquer de nouvelles tâches, [et] elle n'est pas quelqu'un qu'on peut laisser tout seul. »
Or, ce n'est pas ce que pense Alain Côté, qui l'avait embauchée. « Les dernières années où j'étais là, quand j'engageais des nouveaux, c'est souvent Alix qui les formait ! »
Prochaine étape pour Alix Parisien : aller porter des CV. Elle souhaiterait travailler chez Simons – « parce que c'est vraiment beau » – ou dans une librairie. « Mais pas chez Renaud-Bray ! »
1. Lisez « Programme d'intégration au travail : 'C'est carrément de l'exploitation' »
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L'église de Saint-Ours en proie aux flammes
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