
Crise de la viticulture: la révolte gronde chez les vignerons romands
–
Face à la crise, les vignerons en révolte ciblent les importations
Quelque 200 vignerons vaudois, valaisans, genevois et neuchâtelois ont lancé un mouvement de protestation, lundi à Gilly.
Sébastien Galliker
Quelque 200 personnes ont participé à cette table ronde intitulée «Les vendanges du désespoir». Elles disent leur ras-le-bol de la concurrence étrangère à bas coût.
Yvain Genevay / Tamedia
Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk
En bref : Des vignerons romands en t-shirts patriotiques expriment leur détresse à Gilly.
La consommation locale chute tandis que l'importation atteint sept bouteilles sur dix.
Les viticulteurs demandent un doublement des paiements directs pour 2025.
L'unité nationale reste fragile sans le soutien des vignerons alémaniques.
Les panneaux de localité des villages viticoles ne sont pas encore tournés, mais entre agriculteurs et viticulteurs, les revendications sont proches. Concurrence étrangère déloyale ou difficultés financières et risques de faillites sont des mots qui ont été fréquemment prononcés, lundi soir, à Gilly. Dix-huit mois après la révolte agricole, un groupe de viticulteurs romands invitait ses pairs à réagir. T-shirts rouges à croix blanche avec une grappe de raisin sur le torse, ils exprimaient ainsi leur mal-être du moment.
La consommation de vin en chute entraîne manques de liquidités et hausse des stocks. Ajoutez à cela l'importation de sept bouteilles consommées sur dix et les encaveurs craignent de ne pas pouvoir vendre leur production de l'automne. Que ce soit au niveau régional, cantonal ou fédéral, le comité a proposé des idées de mesures à mettre en place. Et a surtout insisté sur la nécessaire solidarité entre exploitants, quand des acheteurs ont déjà annoncé ne pas pouvoir s'engager sur la prise en charge complète de la récolte 2025.
Sans consensus du milieu viticole suisse, lutter contre la concurrence étrangère ne sera pas simple, a rappelé la conseillère nationale Jacqueline de Quattro.
Yvain Genevay / Tamedia
«Seuls les cantons peuvent réagir à court terme. Nous proposons un doublement des paiements directs pour 2025, une mesure rapide et peu bureaucratique pour tenir le cap dans l'urgence», s'est exprimé Richard Pellissier, vigneron et arboriculteur valaisan. La réintroduction de prêts sans intérêts et la réduction ou l'interdiction de la publicité sur les vins étrangers bas de gamme sont aussi au menu. La prime à l'arrachage des vignes n'a pas été retenue (lire ci-dessous).
Cibler la concurrence étrangère
Diverses propositions de soutien à l'agriculture au niveau fédéral ont aussi émané de ces échanges restés courtois. «Face à une branche en péril, nous demandons l'activation de la clause de sauvegarde prévue dans les accords de l'OMC. Il faut aussi repenser les accords de libre-échange. À chaque signature, c'est l'agriculture qui trinque. S'il le faut, nous soutiendrons un référendum», a poursuivi le producteur de Sion.
Le comité de la révolte viticole arborait des t-shirts rouges à croix blanche avec une grappe de raisin sur le torse.
Yvain Genevay / Tamedia
La problématique n'est pas nouvelle. En 2001 déjà, Willy Cretegny, président de l'Association suisse des vignerons-encaveurs indépendants, montait à Berne. En 2019, le mouvement «Les raisins de la colère» faisait de son leader, Alexandre Fischer, le Vaudois de l'année 2020. Tous sont encore de la partie.
Si des instances telles que l'interprofession des vins vaudois ou la Fédération vigneronne vaudoise ont apporté leur soutien, lutter contre la concurrence étrangère ne sera pas simple, a rappelé Jacqueline de Quattro. «La perception de la viticulture n'est pas uniforme au niveau suisse. Sa valeur est forte en Suisse romande, mais en Suisse alémanique, l'argument principal sera que l'alcool est une menace pour la santé publique», expliquait la conseillère nationale.
Fer de lance de révolte agricole romande, Arnaud Rochat est venu apporter son soutien au mouvement viticole.
Yvain Genevay / Tamedia
Députés genevois, Lionel Dugerdil (UDC) et Patricia Bidaux (Le Centre) ont présenté deux futures résolutions fédérales, dont ils espèrent un soutien des autres cantons viticoles. Elles visent à limiter l'importation, en adaptant les contingents à la consommation actuelle ou en la liant à des contre-prestations en faveur de la production suisse. «On vise tous les produits agricoles, car on sait que défendre uniquement la vigne, c'est compliqué», souligne l'élu. «On se doit de défendre notre marché», a renchéri Arnaud Rochat, fer de lance de la révolte agricole, présent parmi les quelque 200 participants.
Le contenu qui place des cookies supplémentaires est affiché ici.
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Autoriser les cookies Plus d'infos
Tirer à la même corde
À Berne, les soucis de la viticulture n'ont pas manqué de toucher l'ancien vigneron Guy Parmelin. Le ministre s'est récemment entretenu avec Olivier Mark, patron de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), sur la question d'une limitation. «On peut atteindre un objectif que nous n'avons jamais atteint, mais il faudra tous tirer à la même corde. Petits et grands ou Valaisans, Genevois et Vaudois», s'est exprimé le directeur.
Fer de lance du référendum contre le Cassis de Dijon, Willy Cretegny est toujours de la partie.
Yvain Genevay / Tamedia
Alors que la lutte commence, l'unité nationale n'est toutefois pas encore là. «J'ai fait une dizaine de téléphones pour mobiliser des collègues alémaniques, sans succès. Il m'a même été répondu que si certains font faillite, c'est la loi du système», conclut Philibert Frick, producteur de Féchy. La lutte débute. La première bataille sera de créer l'unité.
Valérie Dittli: «Nous serons aux côtés des vignerons»
Trois questions à Valérie Dittli, cheffe du Département vaudois de l'agriculture, de la durabilité et du climat et du numérique:
Quel est votre regard sur la crise actuelle de la viticulture romande?
Durant cet été, je lis un hors-série du journal «Le Monde». Il parle d'une «polycrise» viticole. Le mot est juste. Le secteur est confronté à des bouleversements économiques, sociétaux et climatiques. Notre viticulture – si importante pour notre patrimoine, notre économie et nos moments de convivialité – traverse une crise majeure. Le climat dérègle les saisons, avance les vendanges, et expose nos vignobles à des gels tardifs, des canicules ou des sécheresses. Il faut renforcer notre capacité d'adaptation et protéger ce savoir-faire ancien qui fait la richesse de nos terroirs. Mais les défis sont aussi économiques. La consommation de vin baisse, surtout chez les jeunes générations. Le régime des importations soumet le milieu vitivinicole vaudois et suisse à une concurrence intense. Les habitudes changent, les références culturelles évoluent. Nos vignerons doivent imaginer le vin de demain. Nous serons à leurs côtés pour cela.
Quelles solutions rapides le Canton de Vaud peut-il apporter?
Face aux défis actuels, nous devons structurer une réponse globale. Les vins européens nous font aussi de l'ombre. Il est temps que la prise de conscience collective et la solidarité – de la part des consommateurs, des restaurateurs et de la grande distribution – se traduisent concrètement pour permettre à nos vignerons de relever la tête avec dignité et succès.
Dans le contexte actuel de frein à l'endettement, que penser de l'idée du doublement des paiements directs?
C'est une compétence fédérale. Je peux agir au niveau cantonal en intensifiant le plan vaudois de relance de la viticulture mis en place par mon prédécesseur, Philippe Leuba. Le Canton a confié des mandats à la CIVV. Tout d'abord, un programme d'investissement pour moderniser les caves et leur donner accès à plus d'énergie verte. Puis, une promotion renforcée des vins vaudois. Actuellement, une réflexion au niveau des priorisations est en cours, notamment au niveau du prix des vins en vrac.
Pourquoi ne pas arracher des vignes?
Face à des caves abritant encore des stocks de la production 2024, voire 2023, la solution ne serait-elle tout simplement pas d'arracher des vignes? Claude Blanchard a proposé cette solution, déjà en place à Genève, où une prime de 5 francs par mètre carré arraché est payée. «On n'arrive pas à vendre la récolte d'une année 2024 moins productive. Personnellement, je préférerais réduire mes charges et me concentrer sur la vente que travailler dans le vide», explique le viticulteur de Bougy-Villars.
En lieu et place, le Vaudois imagine des oliviers ou des arbres longues tiges. «Voire de la jachère, puisqu'elle est imposée aux agriculteurs», souffle-t-il. Sa proposition n'a toutefois pas obtenu de soutien. «On en a discuté, sans garder cette mesure, car on ne produit que 30% de la consommation nationale. Le problème vient de l'importation», a rétorqué Richard Pellissier.
Courtier en vins, Jean-Luc Kursner s'est aussi attardé sur la thématique. «Si on devait arracher, faudrait-il le faire en plaine pour sauvegarder les coteaux historiques ou alors dans ces coteaux, dont l'entretien coûte plus cher?» a questionné l'ancien vigneron de Féchy.
Newsletter
«La semaine vaudoise»
Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail.
Autres newsletters
Se connecter
Sébastien Galliker est journaliste à la rubrique vaudoise depuis 2017. Au bureau de Payerne, il couvre l'actualité de la Broye vaudoise et fribourgeoise. Journaliste depuis 2000, il a travaillé à La Broye Hebdo, aux sports et en région. Plus d'infos
@sebgalliker
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


24 Heures
14 minutes ago
- 24 Heures
États-Unis: Les nouveaux droits de douane américains entrent en vigueur
Les nouveaux droits de douane américains visant une dizaine de pays sont entrés en vigueur ce jeudi. Publié aujourd'hui à 06h29 Mis à jour il y a 1 minute Le président américain Donald Trump s'exprime après avoir signé un décret pour une task force olympique 2028 à la Maison-Blanche, le 5 août 2025. AFP Les nouveaux droits de douane américains sur les produits en provenance de dizaines d'économies sont devenus effectifs jeudi, esquissant le nouvel ordre commercial mondial voulu par Donald Trump. Ces surtaxes, entrées en vigueur à 04 h 01 GMT (06 h 01 heure de Suisse), une semaine après la signature du décret par le président américain, viennent remplacer, pour les économies concernées, celle de 10% appliquée depuis avril sur quasiment tous les produits entrant aux États-Unis. Il s'agit, selon Donald Trump, de rééquilibrer les échanges entre les États-Unis et ses partenaires, qui «profitent» d'après lui de la première puissance économique. «Des milliards de dollars» «Des milliards de dollars, provenant en grande partie de pays qui ont profité des États-Unis en se frottant les mains, vont commencer à affluer aux États-Unis», a claironné le dirigeant sur son réseau Truth Social quelques minutes avant l'échéance. Le gouvernement fédéral suisse tiendra une séance extraordinaire ce jeudi, après le retour d'une délégation des États-Unis qui a tenté de convaincre l'administration Trump de renoncer à imposer dès jeudi des droits de douane punitifs de 39% sur les produits helvétiques importés aux États-Unis. «Le Conseil fédéral tiendra une séance extraordinaire» «Le Conseil fédéral tiendra une séance extraordinaire en début d'après-midi. Il communiquera dans la foulée», précise le bref message sur le réseau social X, alors qu'aucun détail n'a filtré des entretiens de la délégation menée par la présidente et ministre des Finances, Karin Keller-Sutter. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Ces surtaxes se situent dans une large fourchette, comprise entre 15% et 41%. L'Union européenne (UE), le Japon ou la Corée du Sud, qui comptent parmi les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, sont désormais concernés par un taux d'au moins 15%. Avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles taxes, le taux effectif moyen appliqué aux produits entrant dans le pays était de 18,4%, le plus élevé depuis 1933, selon le centre de recherche Budget Lab de l'Université Yale. De nouvelles annonces devraient suivre Cette hausse supplémentaire devrait porter ce taux à près de 20%, selon les analystes de Pantheon Macroeconomics. Cela en ferait le plus élevé depuis le début des années 1930, selon le Budget Lab. Et de nouvelles annonces devraient suivre, puisque le locataire de la Maison-Blanche souhaite également taxer les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs importés. Ces derniers, ainsi que les puces, devraient se voir appliquer une taxe de 100%, a-t-il précisé mercredi, sans plus de détails. Certains pays, à l'image de la Suisse, ont tenté jusqu'au dernier moment de faire évoluer le taux qui leur a été affecté, la Confédération envoyant à Washington sa présidente, Karin Keller-Sutter, et son ministre de l'Economie, Guy Parmelin. Le Mexique a échappé aux nouvelles hausses Pour l'heure, alors que le gouvernement américain assurait que «des dizaines d'accords» seraient signés ces derniers mois, tout juste sept se sont matérialisés, notamment ceux avec l'Union européenne, le Japon ou le Royaume-Uni. Il s'agit le plus souvent de pré-accords, devant être formalisés, accompagnés de promesses d'investissements massifs aux États-Unis de la part des pays ou blocs concernés. Rare exception, le Mexique a échappé aux nouvelles hausses. Le président Trump a prolongé de 90 jours les conditions douanières dont il bénéficie actuellement, à savoir 25% sur les produits entrant aux États-Unis en dehors de l'accord de libre-échange nord-américain. Plus de 85% des exportations canadiennes vers son voisin n'étaient pas concernées En revanche, l'heure n'est pas à la détente avec le Canada, qui a vu le 1ᵉʳ août augmenter la surtaxe appliquée sur ses produits, à 35%. Le premier ministre canadien, Mark Carney, a cependant relativisé l'impact de cette surtaxe, estimant que plus de 85% des exportations canadiennes vers son voisin n'étaient pas concernées. L'administration Trump se montre particulièrement ferme avec certains pays. Donald Trump a ainsi signé la semaine dernière un décret imposant 50% de surtaxe douanière au Brésil, entré en vigueur mercredi. Là encore, les nombreuses exceptions font que moins de 35% des produits sont concernés, selon Brasilia. Cette surtaxe fait office pour Donald Trump de représailles contre les poursuites visant l'ex-président Jair Bolsonaro, son allié d'extrême droite, accusé d'avoir tenté un coup d'État après sa défaite à l'élection de 2022. Une plainte déposée par le Brésil devant l'OMC L'Inde doit composer avec des droits de douane de 25%, qui passeront dans trois semaines à 50% sur un certain nombre de produits, Donald Trump reprochant à New Delhi le manque d'ouverture de son économie et ses achats de pétrole russe sous sanction. Les pays commencent néanmoins à s'adapter: le Brésil, qui a déposé plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), veut aider ses entreprises à diversifier leurs débouchés. De leur côté, le Canada et le Mexique veulent étendre leur coopération économique afin d'être moins dépendants des États-Unis, a souligné mercredi la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum. Les économistes inquiets Le président Trump a vanté les mérites des accords déjà conclus, qui gonflent les recettes publiques d'une économie largement endettée. L'impact des droits de douane continue cependant d'inquiéter les économistes, qui les voient peser aux États-Unis sur l'inflation, en hausse en juin à 2,6%, avec le risque de voir la croissance ralentir, les analystes s'attendant à ce qu'elle ne dépasse pas 1% en rythme annualisé sur le second semestre. Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters AFP Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
14 minutes ago
- 24 Heures
Aux États-Unis aussi, les droits de douane de Trump inquiètent… et pas qu'un peu
Donald Trump assure que sa politique commerciale est un succès. Entreprises, importateurs et même élus républicains n'en sont pas si sûrs. Alexis Buisson - correspondant à New York Publié aujourd'hui à 06h28 Times Square, New York, le 1ᵉʳ août 2025. Les consommateurs américains pourraient faire les frais de la politique douanière de leur président. KATSANIS En bref: «On tablait sur 10-15%, comme pour l'Union européenne, mais 39%, nous ne l'anticipions pas». Comme d'autres, Neal Rosenthal est tombé des nues quand la Maison-Blanche a dévoilé les surtaxes particulièrement élevées qu'elle compte appliquer aux importations de Suisse à partir du jeudi 7 août. Seuls le Laos, la Syrie et la Birmanie s'en sortent moins bien, à 40 et 41%. PDG de Rosenthal Wine Merchant, un distributeur new-yorkais qui a fait découvrir le vin suisse aux Américains, l'entrepreneur n'a pas encore décidé comment il allait s'adapter à cette nouvelle donne, si elle devient réalité. Heureusement pour lui, les bouteilles françaises et italiennes représentent l'essentiel de son activité. Il n'empêche. «De tels droits de douane seront un obstacle majeur pour agrandir le marché du vin suisse, qui est petit aux États-Unis. D'autant que le dollar a beaucoup baissé, ce qui complique les achats», regrette-t-il. Frustration des importateurs de produits suisses Sa frustration est partagée par de nombreux importateurs de produits suisses outre-Atlantique à l'approche de la date couperet. La présidente Karin Keller-Sutter s'est rendue à Washington mardi 5 août pour trouver un accord de dernière minute. Une chose est sûre: quel que soit le scénario, Donald Trump se déclarera vainqueur. Si les 39% entrent en vigueur, cela générera des recettes pour les États-Unis au moment où le Républicain doit financer les réductions d'impôts pour les ménages les plus riches contenues dans sa «grande et belle loi» adoptée début juillet. S'il conclut un accord, il pourra le mettre en avant auprès de l'électorat pour montrer que sa stratégie de gros bras fonctionne, comme il l'a fait fin juillet au moment d'annoncer un deal avec l'Union européenne largement vu comme défavorable à Bruxelles. «Nous encaissons des milliers de milliards de dollars provenant d'autres pays qui, pendant des années, nous ont exploités comme si nous étions des enfants, et ce n'est plus le cas», s'est-il félicité mardi. Le président Donald Trump signe un décret exécutif à la Maison-Blanche, le 5 août 2025. THEW «Avec ces accords commerciaux, il donne à ses partisans le sentiment qu'il remporte des victoires sur le front intérieur et à l'international», analyse J. Lawrence Broz, professeur spécialisé dans l'économie politique à l'Université de Californie-San Diego. Il a fondé toute sa carrière sur l'idée qu'il est un gourou du business qui parvient à faire des deals à enjeux élevés. Il applique désormais cette approche au niveau commercial.» Les Républicains inquiets des droits de douane Si le milliardaire crie aujourd'hui victoire, il pourrait le regretter plus tard. Pour l'expert, les consommateurs américains pâtiront de sa politique commerciale sur le long terme. «Il y aura des gagnants et des perdants. Comme toujours. Mais, de manière générale, cela entraînera plus de protectionnisme. La hausse des prix qui en résultera et les exportations perdues, redirigées vers d'autres partenaires, affecteront le pays.» Si le poids des surtaxes ne se fait pas encore sentir dans les portefeuilles, les signaux inquiétants se multiplient. Ainsi, les chiffres décevants de l'emploi (+ 73'000 en juillet contre 100'000 créations attendues, et 14'000 en juin et 19'000 en mai selon des statistiques révisées), dévoilés le 1ᵉʳ août, ont été largement attribués à l'incertitude créée par les nouvelles barrières tarifaires. Le président a réagi en limogeant la cheffe du Bureau de statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics, BLS) , l'organe à l'origine du rapport mensuel, l'accusant, sans preuve, d'avoir manipulé les chiffres. Alors que le candidat Trump avait fait de la lutte contre l'inflation l'une de ses promesses phares en 2024, plusieurs élus républicains, inquiets d'une éventuelle défaite lors des «midterms» de novembre 2026, pendant lesquels l'intégralité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat seront renouvelés, partagent ouvertement leurs inquiétudes. «Les entreprises repoussent leurs décisions d'expansion, d'embauche et d'investissement. L'incertitude constitue un défi pour une économie en croissance», a averti le sénateur du Kansas Jerry Moran dans les colonnes du site conservateur «The Hill». Les droits de douane devant les tribunaux Autre obstacle possible à la politique commerciale du locataire de la Maison-Blanche: les tribunaux. En avril, un groupe d'importateurs a entamé des poursuites contre le gouvernement, arguant que ses surtaxes ont été instaurées illégalement au nom d'une loi d'urgence de 1977, la «International Emergency Economic Powers Act» (IEEPA). L'exécutif a invoqué cette loi car les déficits commerciaux, le déclin de la base industrielle et la crise du fentanyl, cet opiacé meurtrier qui traverse les frontières, constituent des urgences à ses yeux. Problème: selon les plaignants, le texte ne fait «nulle part mention de tarifs, de droits, d'impôts ou de taxes, et aucun autre président dans les près de 50 ans d'histoire de la loi n'a prétendu qu'elle autorisait les tarifs douaniers». L'affaire a été couplée avec une plainte semblable émanant de douze États américains. Après un premier revers essuyé par le gouvernement en mai, le dossier est examiné par une Cour d'appel fédérale depuis la fin juillet. D'autres plaintes font également leur chemin dans les arcanes de la justice. «On ne peut pas compter dessus car même si l'administration est battue, ces affaires pourraient monter jusqu'à la Cour suprême», un aréopage à majorité conservatrice, observe toutefois Neal Rosenthal. «Nous devons gérer cette situation par nous-mêmes, sans se reposer sur les tribunaux.» L'homme d'affaires veut continuer à faire connaître le vin suisse autant que possible. Sa clientèle de connaisseurs pourrait être capable d'absorber une éventuelle hausse de prix. «Vendre moins de bouteilles ne ferait pas une grande différence pour nous sur le plan économique. En revanche, cela affectera notre identité. Je suis fier de mettre en avant du vin de haute qualité issu de petites productions familiales du Valais et de Vaud. Nous n'abandonnerons pas facilement.» Droits de douane Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
44 minutes ago
- 24 Heures
Swiss made sous pression à Washington – Et si tout se jouait sur la pharma ?
À Genève, les banques affinent les scénarios sur la taxation du Swiss made par l'Amérique. Et si tout dépendait de la pharma? Publié aujourd'hui à 06h28 C'était il y a trois mois. Ou peut-être une éternité. Le 9 mai , la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter (au centre) et le conseiller fédéral chargé de l'Économie, Guy Parmelin (à g.), tentaient de s'entendre sur un projet d'accord commercial rapide avec les États-Unis, à l'occasion du passage à Genève du secrétaire au Trésor, Scott Bessent (à dr.) AFP En bref: Mardi dans la soirée, alors que la présidente de la Confédération et le ministre de l'Économie atterrissaient à Washington, les économistes et les stratèges au sein des banques continuaient d'affiner les scénarios élaborés depuis le choc du 1er août . Une poursuite des négociations avec l'administration américaine «jusqu'au jeudi 7 août, voire au-delà» est déjà esquissée depuis le début de la semaine au sein de Lombard Odier. En particulier sur le secteur de la pharma – le seul qui semble compter aux yeux du président Trump. Nannette Hechler-Fayd'herbe, responsable de la stratégie d'investissement au sein de la banque genevoise, et l'économiste Filippo Pallotti privilégient un accord sur des surtaxes douanières «plus proche des 15% imposés à l'Union européenne ou au Japon». Que proposer de plus à Washington? Mais moyennant «des concessions potentiellement contraignantes». Que proposer de plus? Responsable de la stratégie d'investissement au sein de la banque Cité Gestion, John Plassard évoque les commandes d'équipements américains par les centres hospitaliers, «une manière concrète d'offrir un retour économique immédiat». Et, évidemment, cette commande pour 8 milliards d'avions de chasse F-35, «qui pourrait être complétée par une coopération plus large dans la maintenance, la formation ou l'équipement». La principale concession devra probablement venir de cette «big pharma», dont Donald Trump a déjà conspué à maintes reprises les prix pratiqués sur leur débouché le plus rentable. Au-delà de sa remarque cruelle sur «cette dame sympathique qu'[il] ne connaissait pas», son interview sur CNBC mardi a surtout marqué sa volonté de surtaxer jusqu'à 250% les importations pharmaceutiques – qui représentent plus de la moitié des ventes de produits suisses en Amérique. La pharma, bien sûr Des traitements qui ne sont pas directement concernés par les discussions sur la surtaxe générale de 39%. Ils dépendent de mesures spécifiques – la «section 232» – qui relèvent de la Maison-Blanche. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. «Le fait que l'Union européenne ait pu obtenir [le 27 juillet] une visibilité sur les tarifs pharmaceutiques dans le cadre de son accord commercial – indépendamment de cette section 232 – pourrait signaler une certaine ouverture des États-Unis à accorder des dérogations», veulent croire les spécialistes de Lombard Odier. Conjoncture pour le commerce suisse revue à la baisse Les économistes commencent à faire les calculs du pire. Sur les produits à forte valeur ajoutée – montres, machines-outils, dispositifs médicaux – «les importateurs américains pourraient, dans de nombreux cas, répercuter la majeure partie des droits de douane sur leurs clients sans baisse significative de la demande», estiment les stratèges de la banque genevoise. Cependant, «pour la grande majorité des exportations, cette logique a ses limites – si les entreprises supportent des droits de douane de 10 à 15% sans érosion majeure de leurs marges, ni perte de demande, une taxe de 39% place la barre beaucoup plus haut», préviennent-ils. De fait ces derniers revoient déjà à la baisse – de 1,1% à 0,9% – leur prévision de croissance économique en Suisse cette année. Déplacement crucial à Washington Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps , ainsi que pour le quotidien La Tribune , à Paris. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.