
À Lausanne, un violeur repenti obtient une seconde chance judiciaire
Le Tribunal criminel de Lausanne avait prononcé l'internement. C'est à lui qu'il appartenait, mercredi, de lever cette sanction.
Florian Cella/Tamedia
En bref:
La justice vaudoise a vécu cette semaine un moment hors norme: une Cour criminelle lausannoise a levé, mercredi, une mesure d'internement prononcée en 2018. Il s'agit de l'un des dispositifs les plus sévères du Code pénal: le maintien en milieu fermé à l'issue de la peine.
Lors de son jugement, un Nigérian de 29 ans, reconnu coupable de viol et tentative de viol, avait été considéré comme trop dangereux pour la société pour sortir un jour de prison. Les juges avaient alors prononcé cette sanction rarissime, car ces dix dernières années, le nombre d'internements prononcés oscille entre un et sept par an en Suisse . Zéro en 2024.
Encore plus inédit: au terme de huit années d'incarcération, la justice a décidé de revenir sur cette sanction. En effet, le condamné a fait montre d'une évolution inattendue. Au point que les intervenants en prison et les autorités amenées à se pencher sur son dossier ont estimé qu'il correspondait désormais davantage aux critères d'une mesure plus souple, visant la thérapie. «Ce n'est plus le même homme que j'ai devant moi», a validé en audience la procureure Carole Deletra, qui avait instruit le dossier il y a dix ans.
S'adressant à ses juges, le trentenaire est revenu sur son cheminement d'une voix timide: «Au début, je refusais l'idée d'une thérapie. Je n'avais pas conscience d'avoir mal agi. Mais quand je suis arrivé à Bochuz, en 2019, j'ai demandé l'aide d'un médecin. J'ai continué le suivi et j'ai pris conscience de ce que j'avais fait à des femmes innocentes.» Prise de conscience essentielle
«Qu'y a-t-il de nouveau qui permettrait de lever l'internement?» a voulu savoir le président Stéphane Coletta. Dans son anglais sommaire traduit par une interprète, l'homme résume: «Maintenant, je sais que je peux avoir le contrôle de moi-même et que je peux changer. Je veux travailler pour cela. Je voudrais aussi présenter mes excuses à mes victimes. Je pense à leur souffrance et je voulais profiter de ce moment pour le dire.»
La prise de conscience, le repentir, le désir de changer, la lucidité sur la lenteur du processus: autant de critères que soupèse la justice pour se montrer clémente. Si sa vocation première reste de sanctionner, son souci permanent est aussi de ramener le plus de condamnés possible dans les rails de la vie en société.
Défenseur, Me Alain Brogli plaide: «Mon client a entrepris, volontairement, un long travail sur lui-même, pendant de nombreuses années. Lever l'internement, ce n'est pas lui donner une chance. C'est quittancer ses efforts et lui offrir le bon cadre pour les poursuivre.»
En général, ce n'est pas le condamné lui-même qui sollicite un changement de mesure, même s'il est en droit de le faire. Ce sont principalement les autorités qui l'ont sous sa garde qui vont relever son évolution, lors du réexamen périodique de la situation du condamné (après deux ans, puis tous les ans) et s'interroger sur la pertinence du maintien de l'internement. Les voyants à l'orange
Dans ce cas précis, alors que le Nigérian était arrivé en fin de peine, le collège des juges d'application des peines (JAP) a reçu de l'Office d'exécution des peines (OEP) un dossier où tous les voyants étaient passés du rouge vif à l'orange. Une nouvelle expertise psychiatrique rendue en octobre 2024 a confirmé l'évolution positive du condamné: sa dangerosité s'est atténuée, il est désormais preneur de soins et le risque de récidive est moins élevé, même s'il reste présent.
Fortes de ces informations, quatre autorités, dont le Ministère public, ont donc rendu des préavis favorables à la levée de l'internement au profit d'un maintien en détention, avec une priorité placée sur la thérapie ( article 59 du Code pénal ).
Cette proposition a été transmise au Tribunal d'arrondissement de Lausanne, puisque seule l'autorité qui a jugé la personne peut modifier sa décision. Ce qu'ont fait les cinq juges mercredi, après avoir sondé le condamné: «La seule question qui se posait était celle de sa sincérité, a relevé le président. Le Tribunal a eu le sentiment que c'était le cas.»
Le condamné, qui a purgé ses huit ans de prison, restera en détention, mais sous mesure thérapeutique. Une façon d'aider cet homme à soigner ses troubles avant de pouvoir recouvrer la liberté.
FLORIAN CELLA/VQH
Mais ce n'est pas encore un feu vert pour ce père de famille. Il va rester en détention pour soigner les troubles mentaux dont il souffre (lire ci-dessous) . Ce n'est qu'une fois que psychiatres et criminologues estimeront qu'il ne représente plus de danger qu'il pourra sortir.
Il devra alors rentrer dans son pays, puisqu'une expulsion est prévue dans son jugement. L'intéressé ne demande rien d'autre: «Ma femme et mes enfants sont en Afrique. À chaque fois que je les ai au téléphone, mes enfants me demandent quand je reviens. Je ne les ai pas vus depuis dix ans. Ma place est auprès d'eux.» Les levées d'internement se comptent sur les doigts d'une main
Encore plus inédites que les internements, les levées d'internement se comptent chaque année sur les doigts d'une main. Selon l'Office fédéral de la statistique, quatre levées d'internement ont été prononcées en Suisse en 2023 (cette donnée n'est pas disponible pour 2024). En 2023, le pays comptait 133 condamnés en internement. Un chiffre qui varie peu.
Dans le canton de Vaud, entre 2021 et 2024, seules cinq levées d'internement au profit d'une mesure de traitement institutionnel ont été prononcées, nous indique le Service pénitentiaire (SPEN). La décision lausannoise de cette semaine est, à ce jour, la seule pour 2025.
Qu'est-ce que cela change pour une personne passant d'un internement à une mesure thérapeutique institutionnelle, sachant que dans le canton de Vaud les détenus sous les deux mesures sont mélangés avec ceux qui exécutent une peine privative de liberté?
Alors que dans le cas de l'internement, le critère sécuritaire est prioritaire et dicte le lieu et les modalités de placement de la personne condamnée, «l'article 59 a une visée thérapeutique ou de soins, cadre Robin Baudraz, porte-parole du SPEN. Il implique la reconnaissance par l'autorité judiciaire que la personne a besoin d'un traitement et que le suivi thérapeutique va permettre de diminuer, sur la durée, le risque de récidive. Cette nouvelle perspective peut conduire, si les conditions sont remplies, à envisager potentiellement plus rapidement des élargissements de régime comme la libération conditionnelle, des conduites, le placement dans des établissements psychosociaux médicalisés, etc.» FWA
De rares audiences avec levée d'internement Newsletter
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Flavienne Wahli Di Matteo est chroniqueuse judiciaire au sein de la rubrique Vaud et régions de 24 heures, qu'elle a intégrée en 2012. Avant cela, elle a travaillé dans les rubriques locales de plusieurs médias en presse écrite, radio et télévision. Plus d'infos
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Cette maison fonctionne sans eau potable… ou presque
Des dizaines de litres d'eau potable pour les toilettes, la douche et le lave-linge? Certains propriétaires s'y refusent. Reportage à Enges (NE). Publié aujourd'hui à 12h51 Michel Vesco devant sa maison, à Enges (NE). L'eau de pluie qui s'écoule de la toiture est dirigée dans une citerne enterrée, qui permet d'alimenter les différentes pièces de la villa tout au long de l'année. Yvain Genevay En bref: «Le robinet de gauche, c'est l'eau de pluie, explique Michel Vesco. Celui de droite, c'est l'eau du réseau communal. C'est celle qu'on boit et avec laquelle on lave la salade.» Voilà la seule particularité qui saute aux yeux quand on rend visite à ce Neuchâtelois domicilié à Enges. Une double arrivée d'eau dans l'évier de la cuisine. Larges baies vitrées offrant une vue spectaculaire sur le lac de Neuchâtel, jolie terrasse, quelques moutons dans le pré en contrebas: rien ne distingue a priori cette villa familiale des autres maisons de ce quartier résidentiel. La différence se cache sous la pelouse du jardin. Une citerne enterrée d'une capacité de 7500 litres permet de collecter l'eau de pluie qui s'écoule de la toiture et d'alimenter ainsi les sanitaires, les salles de bains, le lave-linge et le lave-vaisselle. «En fait, toute l'eau que l'on ne consomme pas directement», résume Christian von Gunten, le spécialiste qui a mis en place cette installation en 2013, durant le chantier de construction. À gauche, le robinet d'eau de pluie. À droite, celui de l'eau potable, fournie par le réseau communal. Yvain Genevay / Tamedia Pourquoi cette décision? Il s'agissait, nous dit Michel Vesco, d'un complément logique au standard Minergie P choisi pour sa villa: pompe à chaleur, panneaux solaires photovoltaïques, système de ventilation à double flux, isolation optimale… «Un voisin récupérait déjà l'eau de pluie depuis des années. Cela nous a semblé pertinent. Utiliser l'eau potable pour les toilettes ne fait aucun sens.» Scepticisme à Berne Les chiffres officiels établis par l'Association pour l'eau, le gaz et la chaleur lui donnent raison. En Suisse, la consommation domestique d'eau potable atteint 142 litres par habitant et par jour . Plus de la moitié de ce volume est utilisée pour la chasse d'eau des toilettes (28,9%), le bain et la douche (25,3%). «Dites ça aux gens qui, ailleurs dans le monde, font tous les jours des kilomètres avec une cruche sur la tête pour aller chercher de l'eau. Ils vous prendront pour un fou», soupire Christian von Gunten. Le surcoût nécessaire (7500 francs il y a douze ans) n'a pas paru excessif à Michel Vesco. Il est pourtant rédhibitoire aux yeux de nombreux propriétaires, qui renoncent pour cette raison à faire installer un collecteur chez eux. Christian von Gunten: «Il faut compter aujourd'hui entre 10'000 et 15'000 francs pour équiper une maison individuelle d'un système offrant une capacité suffisante. Et un peu plus si on le fait lors d'une rénovation. Comme l'eau du réseau ne coûte pas grand-chose dans la plupart des communes, beaucoup de gens se disent que cela n'en vaut pas la peine.» Pour encourager les propriétaires à franchir le pas, des communes offrent des subventions pour l'achat d'un collecteur d'eau de pluie. C'est le cas depuis 2021 de Leytron, en Valais. Avec un succès modeste jusqu'ici, puisque huit ménages en ont bénéficié jusqu'ici. Mais tous sont ravis de leur installation, se félicite Laila Cheseaux Baudat, la présidente de la commune. Elle prévoit donc de relancer l'appel fait à ses administrés. «Notre eau provient de sources, souligne-t-elle. Chaque année, nous devons prendre des mesures de restriction de la consommation, à cause de la turbidité de l'eau due aux orages. Récupérer et utiliser l'eau de pluie devient de plus en plus pertinent.» À Berne, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) se montre plus sceptique: «L'eau de pluie collectée est principalement utilisée pour l'arrosage des jardins ou l'irrigation agricole, nous indique-t-il. Son utilisation dans les ménages, par exemple pour la chasse d'eau des toilettes ou le lave-linge, est plus complexe sur le plan technique. Partout où la qualité de l'eau potable est indispensable, l'eau de pluie collectée n'est pas adaptée ou doit être traitée avant utilisation.» L'OFEV évoque un processus «coûteux, réservé à des cas exceptionnels, comme des cabanes isolées sans autre source d'eau». Ces deux plaques circulaires permettent d'accéder à la citerne de 7500 litres qui permet stocker les eaux pluviales. Christian von Gunten, l'entrepreneur qui a effectué l'installation il y a douze ans, montre ici l'un des deux filtres du système. Yvain Genevay / Tamedia Fort de vingt-cinq ans d'expérience dans l'entreprise fondée par son père, RVG énergies et conseils, Christian von Gunten est d'un tout autre avis. Dans l'arc jurassien, rappelle-t-il, de nombreuses localités situées sur les hauteurs ne sont pas raccordées au réseau d'eau potable. «On récupère l'eau de pluie depuis longtemps, et on la filtre pour pouvoir la consommer. Techniquement, cela ne pose pas de problème.» Adieu au calcaire Si Michel Vesco n'est pas allé jusque-là, il ne regrette pas une seconde son investissement. Surtout après avoir constaté au fil des ans ce qui constitue, selon lui, le principal avantage de l'eau de pluie: l'absence de calcaire. «On la remarque tous les jours en se douchant, en portant nos habits lavés avec cette eau, confie le quinquagénaire. Pour le confort, c'est incomparable.» Idem pour la tuyauterie, protégée des dégâts provoqués par le calcaire. D'ailleurs, la différence ne tarde pas à se faire sentir lorsque la citerne est vide et que le système bascule automatiquement sur l'eau du réseau. «Après un jour ou deux, on a la peau qui gratte, les pantalons sont plus rugueux en sortant du lave-linge. Ce n'est clairement plus pareil», observe Michel Vesco. Cette situation se produit quelques fois par an, «peut-être deux mois au total». Il poursuit: «On sent les effets du changement climatique, il y a moins de précipitations . Si c'était à refaire, on mettrait une citerne un peu plus grande.» Ce filtre cylindrique doit être régulièrement nettoyé pour assurer le bon fonctionnement de la distribution de l'eau dans la maison. Yvain Genevay / Tamedia Sa consommation de l'eau communale se limite ainsi à environ 15 mètres cubes par année, y compris pour le remplissage de la piscine installée dans le jardin. La famille paie en revanche les taxes d'épuration sur l'ensemble des eaux usées, soit dix fois plus. Deux filtres à nettoyer L'entretien nécessaire? Minimal, à en croire ce propriétaire convaincu. Dans le jardin, il suffit de soulever deux plaques circulaires pour accéder aux deux filtres du réservoir et les nettoyer. «Je le fais de temps en temps», dit le Neuchâtelois. L'un de ces filtres, en forme de panier, permet de recueillir les feuilles mortes et autres déchets qui arrivent dans la citerne avec l'écoulement des eaux de la toiture, puis sortent avec le trop-plein protégeant le puits perdu. Michel Vesco les jette dans le bac à compost, à quelques mètres de là, et le tour est joué. Zéro additif, pas le moindre produit adoucissant. Une fois filtrées, les eaux pluviales sont directement distribuées, via une pompe alimentée à l'électricité, dans toute la maison. Dans le local technique, à côté du boiler d'eau sanitaire, un boîtier fixé au mur permet de contrôler le niveau de remplissage de la cuve enterrée et le bon fonctionnement du système. Dans le local technique de la maison, ce dispositif permet de contrôler le niveau de remplissage de la citerne et le fonctionnement de la pompe qui assure la distribution de l'eau. «Non potable», précise l'étiquette verte en haut de l'image. Yvain Genevay / Tamedia À l'aide d'une vanne, on peut aussi actionner manuellement le passage à l'eau du réseau en cas de souci technique. «Ça n'arrive presque jamais, assure Michel Vesco. L'eau de pluie a parfois juste une odeur de fleur.» Quand la citerne est vide, il profite d'y descendre au moyen d'une échelle pour aspirer les particules fines, le sable et les pollens, puis nettoyer les parois et le dôme. Christian von Gunten renchérit en parlant d'un risque de panne très faible. «Je dois parfois aller remplacer une pièce chez un client, ou régler un petit bug électronique.» De retour dans la cuisine, Michel Vesco nous montre de petites traces de calcaire sous le robinet d'eau potable. «C'est le seul endroit où vous en verrez», sourit-il. Au loin, les eaux bleues du lac de Neuchâtel scintillent sous le soleil. Pas de pluie à l'horizon, mais au sous-sol, la jauge de la citerne indique 59%. De quoi être tranquille, quoi qu'il arrive, durant plusieurs semaines. Consommation globale en recul En Suisse, environ 80% de l'eau potable provient des eaux souterraines, dont près de la moitié sont des eaux de sources, relève l'Office fédéral de la statistique (OFS). Le reste est prélevé dans les lacs et les rivières. La consommation d'eau potable a reculé de 20% depuis 1990: elle s'élevait à 925 millions de mètres cubes en 2023, soit 282 litres par jour et par habitant. En 1990, avec une population plus faible qu'aujourd'hui, cette moyenne se situait à 468 litres par habitant et par jour. Ces chiffres concernent la consommation d'eau des ménages et du petit artisanat (55,4%), mais aussi de l'industrie et de l'artisanat (25,7%), des services publics, des fontaines, ainsi que les pertes liées à l'état du réseau public. En revanche, précise l'OFS, ils ne comprennent pas l'eau des captages effectués directement par l'artisanat, l'industrie et l'agriculture. Environnement et consommation d'eau Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Patrick Monay est rédacteur en chef du Matin Dimanche et membre de la rédaction en chef romande de Tamedia. Il a dirigé la rubrique Suisse de 2018 à 2023, après avoir couvert l'actualité des cantons romands dès 2012. Plus d'infos @PatrickMonay Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
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- 24 Heures
Benjamin Roduit: «L'eau est un bien essentiel, la Confédération doit donner le ton»
Récupération des eaux de pluie – «L'eau est un bien essentiel, la Confédération doit donner le ton» Benjamin Roduit (Le Centre/VS) demande au Conseil fédéral de soutenir les particuliers et les communes qui veulent installer des systèmes de collecte. Patrick Monay Benjamin Roduit, conseiller national (Le Centre/VS): «Il n'est plus admissible d'utiliser de l'eau potable pour arroser son jardin et les cultures.» OLIVIER MAIRE Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Les coûts élevés découragent les privés d'installer des systèmes de récupération d'eau pluviale. Une motion demande l'intervention du Conseil fédéral pour soutenir ces installations écologiques. Les subventions pourraient intégrer le Programme Bâtiments menacé par l'austérité. La gestion de l'eau concerne aussi la Confédération, au-delà des communes. «Le Conseil fédéral est chargé de prendre des mesures pour inciter les privés et les communes à installer des équipements permettant la récupération d'eaux pluviales.» La requête exprimée par Benjamin Roduit dans la motion qu'il a déposée fin juin à Berne est simple et directe. Six conseillers nationaux de gauche ont cosigné le texte du centriste valaisan. Interview. C'est votre deuxième tentative visant à encourager la récupération des eaux de pluie, après une première motion avortée en 2022. Pourquoi revenir à la charge? Ma première motion a été classée, car elle n'a pas pu être traitée au parlement dans le délai des deux ans. Comme elle avait suscité de l'intérêt auprès d'élus issus de plusieurs partis, je veux remettre l'ouvrage sur le métier. Dans l'intervalle, les problèmes de sécheresse et d'approvisionnement en eau se sont accentués. Qu'est-ce qui vous amène à aborder ce thème? Il n'est plus admissible d'utiliser de l'eau potable pour arroser son jardin et les cultures. Certains étés, des communes doivent restreindre l'usage de l'eau potable alors que d'autres, parfois voisines, la gaspillent. Avez-vous des connaissances qui se sont lancées dans un projet de collecte de l'eau de pluie ou qui y ont renoncé à cause des coûts importants que cela implique? Oui, souvent des privés. Ce qui coûte cher, c'est l'installation et les travaux civils dus à la nécessité, bien souvent, d'enterrer le réservoir. Un père de famille me disait récemment y avoir renoncé lors de la rénovation de son habitation en raison de l'investissement estimé bien au-delà de 10'000 francs. Et vous, avez-vous installé un tel système à votre domicile? Non, mais malgré le coût dissuasif, j'envisage de le faire lors de prochains travaux. La Confédération est en train de réduire ses subsides, notamment ceux du Programme Bâtiments, dans le cadre de son plan d'austérité. Qu'est-ce qui pourrait la pousser à encourager financièrement la récupération des eaux de pluie? La réduction, voire la suppression du Programme Bâtiments est un non-sens et sera vivement combattue au parlement cet automne. De plus, il serait intelligent d'y intégrer des mesures et des aides pour inciter les collectivités et les privés à récupérer leurs eaux pluviales. Quelles pourraient être ces mesures de soutien, selon vous? Cela peut prendre la forme d'un soutien à l'innovation pour conseiller les meilleurs systèmes à des prix accessibles, de subventions attribuées sur des critères très précis et limitées dans le temps ou encore d'une défiscalisation de l'investissement consenti. Le soutien n'est-il pas plutôt l'affaire des cantons ou des communes, comme l'ont fait Leytron, en Valais, ou Lausanne? Il est clair que les communes sont en première ligne, ainsi que les cantons, dans la gestion de l'eau. C'est cependant le rôle de la Confédération de donner le ton lorsqu'il s'agit d'assurer l'approvisionnement de biens essentiels partout dans le pays. Et l'eau, qu'il s'agit ici de récupérer, en fait partie. Cet article vous a plu? Découvrez davantage de contenus dans l'édition actuelle de l'e-paper «Le Matin Dimanche» et dans nos archives. Chaque dimanche matin, retrouvez également votre journal en caissettes près de chez vous. Vous pouvez aussi vous inscrire à notre newsletter. Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Se connecter Patrick Monay est rédacteur en chef du Matin Dimanche et membre de la rédaction en chef romande de Tamedia. Il a dirigé la rubrique Suisse de 2018 à 2023, après avoir couvert l'actualité des cantons romands dès 2012. Plus d'infos @PatrickMonay Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
9 hours ago
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Les merveilles de l'abbaye, une tradition joyeuse qui se perpétue sur le genou
Tous les trois ans, Pierrette ressort le vieux cassoton à merveilles à la veille de l'abbaye de Suchy, comme sa maman Yvonne avant elle. Sur deux jours, ces délices frites et sucrées se façonnent en famille. Publié aujourd'hui à 11h44 Pierrette (à dr.) au sucre et Sylvaine au cassoton finalisent les merveilles de la famille Collet. Florian Cella / Tamedia Jusque-là, l'autrice de ces lignes avait toujours engouffré les merveilles de sa grand-maman Yvonne sans trop penser à leur fabrication. Leur goût sucré et gras était associé à des fleurs en papier crépon pendues à des sapins poussés soudainement dans les rues du village de Suchy, à une grande tente sous laquelle elle allait apprendre à danser la valse avec son père Jacques, à un cortège étonnant où les jeunes filles en robes blanches tenaient le bras de types un brin moins frais, mais qualifiés de «rois». Les merveilles de l'abbaye de Suchy Pourtant, depuis «toujours», ces délices frites et sucrées se façonnent en famille tous les trois ans à la veille de l' abbaye de tir de Suchy. C'était la première fois qu'on s'y collait (sans mauvais jeu de mots). Et cette année, quatre générations de Collet se pressaient dans la cuisine du Pontet, autour de Pierrette, doyenne de famille assignée au rouleau à pâte et à la direction des opérations. Pierrette tient le vieux calepin dans lequel sa maman Yvonne a collé la recette attribuée à sa belle-sœur Marguerite. Florian Cella / Tamedia La veille, une partie de l'équipe avait préparé la pâte à base d'œufs (22!), de sucre, de farine, de crème, d'un «morceau de beurre», de kirsch et… d'huile de coude. «Il faut taper la pâte cent fois pour qu'elle fasse des bulles, explique Sylvaine, fille de Pierrette. C'est physique!» Cette recette, recopiée à la main par grand-maman Yvonne, est sans doute celle de sa belle-sœur Marguerite. «Parce que les Pittet ont la même, avec le kirsch», conjecture Sylvaine. Quand la tradition était vive, chaque famille du village y allait de sa petite spécialité. Et il semblerait qu'on se mesurait les merveilles. «Surtout les hommes», glisse une observatrice avisée. La pâte est départagée en boudins puis coupée en petites portions qu'on étale d'abord au rouleau, puis sur le genou. Florian Cella / Tamedia Ces gourmandises faisaient partie des victuailles qu'on offrait au cortège le lundi, lorsqu'il passait par les quartiers. «Avant, on disposait tout ça sur des chars, aujourd'hui on sort tout ce qui permet d'y déposer des napperons», témoigne Nathalie, sœur de Sylvaine. Comme les chars, la société de chant et les airs qu'on entonnait à cette occasion ont disparu. Une tradition encore vive Mais l'abbaye reste vivante à Suchy. Pendant que nous nous activons aux merveilles, les hommes du village pendent les bannières et les oriflammes aux couleurs de la commune et du canton aux réverbères et préparent la cantine. «Et les jeunes sont partis aux sapins, avec leurs glacières remplies de chasselas!» sourit Nathalie. La jeunesse y accrochera les fleurs (désormais en PET sprayé) dès que les arbres seront fixés aux clôtures des jardins. Pierrette au rouleau à pâte, Nathalie (à g.), Sylvaine et Cécile au «genou». Et tout le monde à la discussion. Florian Cella / Tamedia Tout cela est raconté durant la matinée de fabrication des merveilles, bien nommées «chiacchiere», bavardage, en Italie, où on les prépare pour le carnaval. «C'est vrai que ce sont des moments suspendus, où on cause en famille», dit Sylvaine. «Et puis, on conserve les traditions», se réjouit Nathalie. «Avant, on en faisait aussi pour les mariages, plus aujourd'hui», rapporte Pierrette. Mère et filles sont le noyau dur de cette entreprise éphémère. Mais l'équipe s'est enrichie de Walti, mari de Pierrette, Caroline, leur cadette, mais aussi Estelle, fille de Sylvaine, et son bébé Colyn. Sans oublier l'équipe du reportage au complet, Cécile, nièce de Pierrette, et Florian, le photographe, ne résistant pas à enfiler un tablier pour tester la célèbre technique du genou. La tactique du genou La tac tac tactique du genou. Florian Cella / Tamedia C'est un coup de main à prendre. Car le but est d'obtenir le disque le plus fin possible, en étalant petit à petit la pâte sur l'arrondi du genou, sans la déchirer. «C'est assez merveilleux que des paysans, avec leurs grosses mains, puissent faire des choses aussi délicates que ça», poétise Walti, alors qu'on s'interroge sur l'origine du nom. «Moi je pense surtout que c'est parce que c'est merveilleusement bon!» avance Estelle. «Mais non, c'est fait avec amour par des gens merveilleux», conclut Nathalie. Le Dictionnaire Suisse romand ne sera pas plus précis. On y apprend que la première mention de merveilles en France date de 1607, alors qu'en Suisse romande il faut attendre 1761 et «La nouvelle Héloïse» de Jean-Jacques Rousseau: «Merveilles, pâtisserie genevoise, rubans de pâte cuits dans le beurre.» «Faire des merveilles» Après leur façonnage, les fragiles galettes – on doit pouvoir lire à travers – sont mises à sécher sur toutes les surfaces planes disponibles, recouvertes de vieux draps: lit, commode, et même les tables de l'institut esthétique de Nathalie se parent de taches jaunes évoquant les montres molles de Dalì. Toutes les surfaces planes de la maison servent de support pour sécher les merveilles avant de les frire. Florian Cella / Tamedia Le bavardage se poursuit durant le repas de midi, qui donne le temps aux merveilles de durcir un peu. Puis on reprend, à la chaîne: l'une va chercher les merveilles, leur donne trois coups de roulette à pâtisserie; la deuxième plonge la galette dans le cassoton où frémit de la graisse de coco puis la dépose sur une grille, où la troisième la saupoudre d'un mélange sucre-cannelle. Un grand panier tapissé de papier absorbant recueille le produit fini. Lorsqu'on croque enfin, tous les souvenirs se bousculent à nouveau. On a vraiment fait des merveilles. La merveille fait des bulles lorsqu'elle est immergée dans la graisse de coco. Florian Cella / Tamedia Voici donc la recette des Collet-Pittet de Suchy, pour environ 150 merveilles. Attention, la pâte se prépare la veille. 22 œufs 2650 g de farine 375 g de sucre 8 dl de crème 1 morceau de beurre 1 petite poignée de sel 1 verre de kirsch un peu de sucre et une pincée de cannelle pour le finissage À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Mélanger le sucre, les œufs et le sel. Mixer pour faire mousser. Ajouter petit à petit la farine puis la crème et enfin le kirsch. Malaxer jusqu'à l'obtention d'une pâte. Taper la pâte 100 fois, en la jetant fort au fond d'une bassine. Laisser reposer une nuit recouvert d'un linge. Sur une planche farinée, rouler des morceaux de pâte en boudins. Découper des petits morceaux, les étaler un peu au rouleau. Puis former les merveilles sur le genou, en les étalant jusqu'à ce qu'elles deviennent translucides. Déposer les merveilles sur une grande surface plane (un lit, un grand meuble…) et laisser sécher une ou deux heures. Faire fondre de la graisse de coco dans une grande poêle. Frire les merveilles l'une après l'autre, après les avoir entaillées avec une roulette (pour favoriser la découpe pour les manger). Déposer sur une grille le temps de saupoudrer de sucre à la cannelle. Déposer dans une corbeille recouverte de papier absorbant. D'autres recettes familiales Newsletter «Gastronomie & Terroirs» «24 heures» suit depuis toujours l'actualité gastronomique et culinaire. Recevez, chaque vendredi, une sélection d'articles sur la restauration, la cuisine, les produits du terroir et le vin. Autres newsletters Cécile Collet est journaliste à la rubrique vaudoise depuis 2010, et au pôle Vibrations des journaux de Tamedia depuis janvier 2025. Diplômée en sommellerie et régulièrement membre de jurys de concours, elle couvre en particulier l'actualité viticole et gastronomique. Plus d'infos @CcileCol Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.