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La tarte tropézienne a 70 ans

La tarte tropézienne a 70 ans

La Presse07-07-2025
(Saint-Tropez) Inspirée d'une recette de grand-mère polonaise, popularisée par l'actrice française Brigitte Bardot jusqu'à devenir le dessert des vacances sur la Côte d'Azur, la tarte tropézienne fête ses 70 ans avec pour ambition de conquérir le monde.
Fanny CARRIER
Agence France-Presse
Cette brioche saupoudrée de grains de sucre et fourrée d'une généreuse couche de crème est née dans les années 1950 des souvenirs d'enfance et de la créativité d'Alexandre Micka, pâtissier polonais débarqué en France en 1945.
En juillet 1955, il place ce gâteau à l'honneur à l'ouverture de sa boulangerie-pâtisserie à Saint-Tropez, qui n'est encore qu'un village de pêcheurs apprécié d'une poignée d'artistes.
Mais au printemps suivant, Roger Vadim vient y tourner « Et Dieu créa la femme », et Brigitte Bardot tombe sous le charme de la tarte, qui devient « tropézienne » sur ses conseils.
La notoriété du gâteau décolle en même temps que celle de « BB » et de « Saint-Trop' ».
Pour les dizaines de milliers de personnes qui viennent se presser chaque jour d'été devant les yachts et les boutiques de luxe de l'ancien village, la tarte tropézienne est restée un plaisir à portée de bourse.
Sur la place des Lices, la boutique ne désemplit pas. « On vient régulièrement ici et franchement, on ne saurait pas faire sans passer par la tarte tropézienne. C'est un peu comme une cérémonie », raconte Eddy Gerard, un retraité français.
« Meilleure tarte du monde »
Pour Abhishek Varma, touriste américain, c'est en revanche une découverte : « J'aime beaucoup la douceur de la brioche, et la combinaison avec la crème ». « La meilleure tarte du monde ! », assure son fil Avyn.
« Nos clients ce ne sont pas sur les yachts. Nos clients, ce sont ceux qui viennent voir les yachts », commente Albert Dufresne, qui a racheté l'affaire en 1985. « C'est un gâteau qu'on peut manger en se promenant en ville, ou à la plage. Il a le goût des vacances ».
Alexandre Micka, décrit par d'anciens collaborateurs comme un homme d'une grande inventivité et d'une grande générosité, avait breveté son gâteau et déposé la marque, mais il n'a jamais cherché à s'étendre au-delà de Saint-Tropez.
Il est allé chercher M. Dufresne, un entrepreneur plutôt qu'un pâtissier, pour lui succéder.
En 1985, la société « La tarte tropézienne » comptait une dizaine d'employés et trois boutiques. Aujourd'hui, elle emploie jusqu'à 250 personnes en saison et compte 31 boutiques sur la Côte d'Azur, pour un chiffre d'affaires annuel qui dépasse les 20 millions d'euros.
Les tartes sont produites la nuit dans un laboratoire moderne à Cogolin, à 10 km de Saint-Tropez, puis vendues en boutiques ou expédiées à travers la France.
Et bientôt au-delà : Sacha Dufresne, le fils d'Albert, vient de signer un partenariat pour ouvrir une boutique au Koweït.
Patrimoine français
Pour diversifier l'offre, des tartes spéciales sont proposées hors saison pour Noël, l'épiphanie ou la Saint-Valentin… La crème est déclinée dans des mille-feuilles ou des beignets, tandis que la brioche se retrouve dans des sandwiches salés.
Et à l'occasion du 70e anniversaire, qui sera célébré en grande pompe le 10 juillet à Saint-Tropez, l'entreprise dévoilera une glace : un seul parfum, toujours issu de la fameuse crème de la tropézienne.
Mélange de crème pâtissière et de crème au beurre, « c'est vraiment elle qui fait le charme du produit », explique Bastien Soler, le chef pâtissier, qui garde jalousement le secret de la recette.
Mais la notoriété de la tarte l'a fait entrer au patrimoine français, au même titre que le cannelé bordelais ou le kouign-amann breton. Et nombre de pâtissiers ont développé leur recette.
La marque « tarte tropézienne » étant déposée à peu près partout dans le monde, c'est souvent sous le nom de « tropézienne » qu'on la retrouve.
Comme beaucoup de ses confrères, Romain Corretel, pâtissier à Saint-Raphaël, a remplacé la crème au beurre par de la chantilly : « C'est plus simple à préparer et c'est plus léger ».
Et il confirme que la tropézienne est vraiment un dessert de vacances : « J'en vends beaucoup l'été aux touristes. Le reste de l'année, les locaux en demandent peu, ou alors quand ils ont de la visite ».
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L'empathie, comme je l'ai vécue
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La Presse

time15 hours ago

  • La Presse

L'empathie, comme je l'ai vécue

Notre collaboratrice revient sur la formidable série Empathie, qui l'a épatée le printemps dernier, et qui sera diffusée en France en septembre1. L'œuvre de fiction lui a rappelé certains épisodes marquants de sa carrière de psychologue, quand il lui arrivait de fréquenter prisons et hôpitaux psychiatriques. Dès les premières minutes de la série Empathie, j'ai admiré le courage de l'autrice Florence Longpré. Elle a osé aborder, d'une façon subtile et réfléchie, les douloureux drames liés à la maladie mentale et aux hospitalisations pénitentiaires, et ce tant du côté des patients que de celui des familles et des proches ainsi que des soignants. Un défi énorme qu'elle a relevé avec brio. Pendant que j'exerçais le métier de psychologue, de 1978 à 2006, j'ai fréquenté, pour des expertises psycholégales, des prisons et des hôpitaux psychiatriques. J'y ai rencontré des mères accusées d'avoir tué leur enfant, j'ai écouté des histoires de vie qu'on n'oublie pas. J'ai dû, même si les gestes criminels commis étaient effroyables, afficher une forte dose de ce qu'on nomme, au sens large, l'empathie, c'est-à-dire la tentative de se mettre « dans la peau d'un autre » tout en reconnaissant qu'on ne peut qu'y tendre, sans jamais vraiment y réussir, surtout lorsque l'autre nous semble si étranger. Le but de ces expertises n'est ni d'excuser ni encore moins de justifier les gestes commis, mais cette empathie était essentielle pour tenter de comprendre ce qui avait pu conduire ces femmes à commettre l'irréparable. Ces évaluations psychologiques, nécessaires pour éclairer les processus judiciaires, mettaient évidemment à rude épreuve mes limites à tolérer l'insupportable. J'ai aussi, souvent, été témoin d'une tristesse sans nom. Des mères très dépressives, réclamant pour elles-mêmes une peine sévère. L'une d'elles s'est suicidée quelques années plus tard. Dans la série Empathie, on ne porte pas non plus un jugement sur les gestes posés. On nous présente l'histoire, les fragilités et les souffrances des patients. PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA « En mettant en scène tant la vulnérabilité des intervenants que celle des patients hospitalisés, Florence Longpré nous confronte à notre fragilité commune », écrit Hélène David. Cela permet de mieux comprendre les épisodes psychotiques, les délires, les hallucinations et les obsessions paralysantes qui éloignent ces patients de la réalité et qui les ont amenés à ces hospitalisations. La folie fait peur. Mais, comme l'a écrit récemment Nathalie Collard, « la fiction permet souvent de mieux dire ce que l'essai ne parvient pas à faire passer. […] À travers les mots et la sensibilité des autres, on arrive à se mettre dans leurs souliers. On développe son empathie2 ». La souffrance des épisodes psychotiques, des états anxieux paralysants ou d'une maladie comme la schizophrénie est souvent décrite par les personnes qui en sont atteintes comme insupportable. 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Un auteur québécois récompensé dans un château français
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La Presse

time2 days ago

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Un auteur québécois récompensé dans un château français

En mai dernier, l'auteur montréalais David Dorais a remporté en France le prix Boccace pour son recueil de nouvelles Les réinventions, paru l'automne dernier à L'instant même. C'est la première fois que cette récompense vouée au genre de la nouvelle est remise à un écrivain québécois. Caroline Bertrand Collaboration spéciale Le jury loue en ces termes le recueil Les réinventions : « Intelligence du choix des sujets, cultivé sans ostentation, style remarquable, un vrai travail d'écriture et un visible plaisir à jouer avec les mots. Très bel hommage à la littérature et au mystère de la création littéraire. Le tout narré avec humour et facétie », nous a transmis par courriel l'association Tu Connais la Nouvelle ?, qui organise le prix Boccace. 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Comment Marie-Christine Chartier a appris à échouer
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La Presse

time2 days ago

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Avec Oasis, son huitième roman, l'autrice à succès Marie-Christine Chartier puise dans son propre parcours d'humoriste de la relève et raconte comment le stand-up, la plus périlleuse des formes d'art, l'a aidée à guérir sa peur de l'échec. « You can tell me when it's over, if the high was worth the pain », chante Taylor Swift. À l'approche de ses 30 ans, Emma Thériault en avait assez que ses highs ne compensent jamais la douleur que lui faisaient endurer ses amours. Et c'est ainsi qu'elle s'est engagée sur ce long fleuve tranquille prénommé Louis, un proverbial bon gars lui procurant zéro papillon. « Ça arrive qu'on ait envie d'une pause, d'une personne safe, qui ne nous fera pas vivre des montagnes russes, mais avec qui on ne sera jamais dévasté non plus », pense l'autrice à succès Marie-Christine Chartier (L'allégorie des truites arc-en-ciel), dont les livres se sont écoulés à plus de 100 000 exemplaires. « Mais quand t'as une personnalité qui ne fleurit pas dans le neutre, tu ne peux pas y rester tout le temps. » À l'instar de la narratrice d'Oasis, son huitième roman depuis 2018, l'écrivaine ne fleurit pas, elle non plus, dans le neutre. Ancienne championne de tennis, un sport qu'elle a pratiqué à partir de ses 5 ou 6 ans jusqu'au début de la vingtaine, Marie-Christine Chartier garde de son passé d'athlète un amour de la compétition, avec lequel elle renoue depuis deux ans et demi en tant qu'humoriste. C'est là où se chevauchent son histoire et celle d'Emma, dont le couple duveteux, mais un peu plate, s'enlise de plus en plus à mesure que la fera léviter le stand-up, de même que Rhéaume, un humoriste bien connu avec qui elle nouera une relation – d'abord strictement platonique. Quantité de papillons auprès de lui ? Beaucoup. « L'attachée de presse chez Hurtubise [sa maison d'édition] finit encore ses courriels avec un 'P. S. C'est qui Rhéaume ?'… », s'amuse la drôle de femme de lettres, fière de son coup. Malgré ses sympathiques suppliques, l'auteur de ces lignes se sera heurté au même mutisme. Le sport du rire L'anecdote est véridique et est reprise presque telle quelle dans Oasis : après avoir participé durant la pandémie à un talk-show sur le web, où elle aura fait preuve de plus de répartie que ce qu'on attend d'une romancière, Marie-Christine se voit proposer de tenter sa chance lors d'une soirée d'humour. « La vraie raison pour laquelle j'ai accepté, c'est que lorsque je jouais au tennis, j'avais extrêmement peur de perdre, au point où ça me faisait rater des opportunités », confie celle qui a vécu six ans aux États-Unis après avoir reçu une bourse pour étudier à la Iowa State University. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Les livres de Marie-Christine Chartier ont été vendus à plus de 100 000 exemplaires. Quand j'ai commencé ma deuxième vie, dans l'écriture, j'ai décidé que j'allais dire oui le plus souvent possible, même aux affaires qui me font peur, que j'allais oser me planter. 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